Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement, réunis à
Addis-Abéba, du 6 au 10 septembre 1969,
1. Notant avec inquiétude l'existence d'un nombre sans cesse croissant de réfugiés en Afrique, et désireux de trouver les moyens d'alléger leur misère et leurs souffrances et de leur assurer une vie et un avenir meilleurs;
2. Reconnaissant que les problèmes des réfugiés doivent être abordés d'une manière essentiellement humanitaire pour leur trouver une solution;
3. Conscients, néanmoins, de ce que les problèmes des réfugiés constituent une source de friction entre de nombreux Etats membres, et désireux d'enrayer à la source de telles discordes;
4. Désireux d'établir une distinction entre un réfugié qui cherche à se faire une vie normale et paisible et une personne qui fuit son pays à seule fin d'y fomenter la subversion à partir de l'extérieur;
5. Décidés à faire en sorte que les activités de tels éléments subversifs soient découragés, conformément à la déclaration sur le problème de la subversion et à la résolution sur le problème des réfugiés, adoptées à Accra, en 1965;
6. Conscients que la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ont affirmé le principe que les êtres humains doivent jouir sans discrimination des libertés et droits
fondamentaux;
7. Rappelant la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies 2612 (XXII) du 14 décembre 1967 relative à la Déclaration sur l'asile territorial;
8. Convaincus que tous les problèmes de notre continent doivent être résolus dans l'esprit de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine et dans le cadre de l'Afrique;
9. Reconnaissant que la Convention des Nations Unies du 28 juillet 1951 modifiée par le Protocole du 31 janvier 1967, constitue l'instrument fondamental et universel relatif au statut des réfugiés et traduit la profonde sollicitude des Etats envers les réfugiés, ainsi que leur désir d'établir des normes communes de traitement des réfugiés;
10. Rappelant les résolutions 26 et 104 des conférences des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA dans lesquelles il est demandé aux Etats membres de l'Organisation qui ne l'ont pas encore fait, d'adhérer à la Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 et, en attendant, d'en appliquer les dispositions aux réfugiés en Afrique.
11. Convaincus que l'efficacité des mesures préconisées par la présente Convention en vue de résoudre le problème des réfugiés en Afrique exige une collaboration étroite et continue entre l'Organisation de l'Unité Africaine et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés;
Sommes convenus des dispositions ci-après:
Article 1
Définition du terme "Réfugié"
1. Aux fins de la présente Convention, le terme "réfugié" s'applique à toute personne qui, craignant avec raison, d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social et de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut, ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
2. Le terme "réfugié" s'applique également à toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité.
3. Dans le cas d'une personne qui a plusieurs nationalités, l'expression "du pays dont elle a la nationalité" vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité; on ne considère pas qu'une personne ne jouit pas de la protection du pays dont elle a la nationalité si, sans raisons valables, fondées sur une crainte justifiée, elle ne se réclame pas de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité.
4. La présente Convention cesse de s'appliquer dans les cas suivants à toute personne jouissant du statut de réfugié:
a) si cette personne s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité; ou
b) si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée; ou
c) si elle a acquis une nouvelle nationalité et si elle jouit de la protection du pays dont elle a la nationalité; ou
d) si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée;
e) si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité;
f) si elle a commis un crime grave de caractère non politique en dehors du pays d'accueil après y avoir été admise comme réfugiée;
g) si elle a enfreint gravement les buts poursuivis par la présente Convention.5. Les dispositions de la présente Convention ne sont pas applicables à toute personne dont l'Etat d'asile a des raisons sérieuses de penser:
a) qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
b) qu'elle a commis un crime grave de caractère non politique en dehors du pays d'accueil avant d'être admise comme réfugiée;
c) qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux objectifs et aux principes de l'Organisation de l'Unité Africaine;
d) qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.6. Aux termes de la présente Convention, il appartient à l'Etat contractant d'asile de déterminer le statut de réfugié du postulant.
Article 2
Asile
1. Les Etats membres de l'OUA s'engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir, dans le cadre de leurs législations respectives, pour accueillir les réfugiés, et assurer l'établissement de ceux d'entre eux qui, pour des raisons sérieuses, ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leurs pays d'origine ou dans celui dont ils ont la nationalité.
2. L'octroi du droit d'asile aux réfugiés constitue un acte pacifique et humanitaire et ne peut être considéré par aucun Etat comme un acte de nature inamicale.
3. Nul ne peut être soumis par un Etat membre à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière, le refoulement ou l'expulsion qui l'obligeraient à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées pour les raisons énumérées à l'article 1, paragraphes 1 et 2.
4. Lorsqu'un Etat membre éprouve des difficultés à continuer d'accorder le droit d'asile aux réfugiés, cet Etat membre pourra lancer un appel aux autres Etats membres, tant directement que par l'intermédiaire de l'OUA; et les autres Etats membres, dans un esprit de solidarité africaine et de coopération internationale, prendront les mesures appropriées pour alléger le fardeau dudit Etat membre accordant le droit d'asile.
5. Tout réfugié qui n'a pas reçu le droit de résider dans un quelconque pays d'asile pourra être admis temporairement dans le premier pays d'asile où il s'est présenté comme réfugié en attendant que les dispositions soient prises pour sa réinstallation conformément à l'alinéa précédent.
6. Pour des raisons de sécurité, les Etats d'asile devront, dans toute la mesure du possible, installer les réfugiés à une distance raisonnable de la frontière de leur pays d'origine.
Article 3
Interdiction de toute activité subversive
1. Tout réfugié a, à l'égard du pays où il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se conformer aux lois et règlements en vigueur et aux mesures visant au maintien de l'ordre public. Il doit en outre s'abstenir de tous agissements subversifs dirigés contre un Etat membre de l'OUA.
2. Les Etats signataires s'engagent à interdire aux réfugiés établis sur leur territoire respectif d'attaquer un quelconque Etat membre de l'OUA par toutes activités qui soient de nature à faire naître une tension entre les Etats membres, et notamment par les armes, la voie de la presse écrite et radiodiffusée.
Article 4
Non discrimination
Les Etats membres s'engagent à appliquer les dispositions de la présente Convention à tous les réfugiés, sans distinction de race, de religion, de nationalité, d'appartenance à un certain groupe social ou d'opinions politiques.
Article 5
Rapatriement volontaire
1. Le caractère essentiellement volontaire du rapatriement doit être respecté dans tous les cas et aucun réfugié ne peut être rapatrié contre son gré.
2. En collaboration avec le pays d'origine, le pays d'asile doit prendre les mesures appropriées pour le retour sain et sauf des réfugiés qui demandent leur rapatriement.
3. Le pays d'origine qui accueille les réfugiés qui y retournent doit faciliter leur réinstallation, leur accorder tous les droits et privilèges accordés à ses nationaux et les assujettir aux mêmes obligations.
4. Les réfugiés qui rentrent volontairement dans leur pays ne doivent encourir aucune sanction pour l'avoir quitté pour l'une quelconque des raisons donnant naissance à la situation de réfugié. Toutes les fois que cela sera nécessaire, des appels devront être lancés par l'entremise des moyens nationaux d'information ou du Secrétaire général de l'OUA, pour inviter les réfugiés à rentrer dans leur pays et leur donner des assurances que les nouvelles situations qui règnent dans leur pays d'origine leur permettent d'y retourner sans aucun risque et d'y reprendre une vie normale et paisible, sans crainte d'être inquiétés ou punis. Le pays d'asile devra remettre aux réfugiés le texte de ces appels et les leur expliquer clairement.
5. Les réfugiés qui décident librement de rentrer dans leur patrie à la suite de ces assurances ou de leur propre initiative, doivent recevoir de la part du pays d'asile, du pays d'origine ainsi que des institutions bénévoles, des organisations internationales et intergouvernementales, toute l'assistance possible susceptible de faciliter leur retour.
Article 6
Titre de voyage
1. Sous réserve des dispositions de l'article III, les Etats membres délivreront aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire des titres de voyage conformes à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et à ses annexes en vue de leur permettre de voyager hors de ces territoires, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent. Les Etats membres pourront délivrer un tel titre de voyage à tout autre réfugié se trouvant sur leur territoire.
2. Lorsqu'un pays africain de deuxième asile accepte un réfugié provenant d'un pays de premier asile, le pays de premier asile pourra être dispensé de délivrer un titre de voyage avec clause de retour.
3. Les documents de voyage délivrés à des réfugiés aux termes d'accords internationaux antérieurs par les Etats parties à ces accords sont reconnus par les Etats membres, et traités comme s'ils avaient été délivrés aux réfugiés en vertu du présent article.
Article 7
Collaboration des pouvoirs publics nationaux avec l'Organisation
de l'Unité Africaine
Afin de permettre au Secrétaire général administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine de présenter des rapports aux organes compétents de l'Organisation de l'Unité Africaine, les Etats membres s'engagent à fournir au Secrétariat, dans la forme appropriée, les informations et les données statistiques demandées, relatives:
a) au statut des réfugiés;
b) à l'application de la présente Convention; et
c) aux lois, règlements et décrets qui sont ou entreront en vigueur et qui concernent les réfugiés.
Article 8
Collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour
les Réfugiés
1. Les Etats membres collaboreront avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.
2. La présente Convention constituera pour l'Afrique, le complément régional efficace de la Convention de 1951 des Nations Unies sur le statut des réfugiés.
Article 9
Règlement des différends
Tout différend entre Etats signataires de la présente Convention qui porte sur l'interprétation ou l'application de cette Convention et qui ne peut être réglé par d'autres moyens doit être soumis à la Commission de médiation, de conciliation et d'arbitrage de l'Organisation de l'Unité Africaine à la demande de l'une quelconque des parties au différend.
Article 10
Signature et ratification
1. La présente Convention est ouverte à la signature et à l'adhésion de tous les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, et sera ratifiée par les Etats signataires conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification sont déposés auprès du Secrétaire général administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine.
2. L'instrument original, rédigé, si possible, dans des langues africaines ainsi qu'en français et en anglais, tous les textes faisant également foi, est déposé auprès du Secrétaire général administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine.
3. Tout Etat africain indépendant, membre de l'Organisation de l'Unité Africaine, peut à tout moment notifier son accession à la Convention au Secrétaire général administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Article 11
Entrée en vigueur
La présente Convention entrera en vigueur dès qu'un tiers des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine aura déposé ses instruments de ratification.
Article 12
Amendement
La présente Convention peut être modifiée ou révisée si un Etat membre adresse au Secrétaire général administratif une demande écrite à cet effet, sous réserve, toutefois, que l'amendement proposé ne sera présenté à l'examen de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement que lorsque tous les Etats membres en auront été dûment avisés et qu'une année se sera écoulée. Les amendements n'entrent en vigueur qu'après leur approbation par les deux tiers au moins des Etats membres parties à la présente Convention.
Article 13
Dénonciation
1. Tout Etat membre partie à cette Convention pourra en dénoncer les dispositions par notification écrite adressée au Secrétaire général administratif.
2. Un an après la date de cette notification, si celle-ci n'est pas retirée, la Convention cessera de s'appliquer à l'Etat en question.
Article 14
Dès l'entrée en vigueur de la présente Convention, le Secrétaire général administratif de l'OUA la déposera auprès du Secrétaire général des Nations Unies, aux termes de l'article 102 de la Charte des Nations Unies.
Article 15
Notification par le Secrétaire général administratif
de l'Organisation de l'Unité Africaine
Le Secrétaire général administratif de l'Organisation de l'Unité Africaine notifie à tous les membres de l'Organisation:
a) les signatures, ratifications et adhésions conformément à l'article X;
b) l'entrée en vigueur telle que prévue à l'article XI;
c) les demandes d'amendement présentées aux termes de l'article XII;
d) les dénonciations conformément à l'article XIII.
EN FOI DE QUOI, NOUS, Chefs d'Etat et de Gouvernement africains,
avons
signé la présente Convention.
Algérie, Botswana, Burundi, Cameroun, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Côte d'Ivoire, Haute Volta, Ile Maurice, Kenya, Lesotho, Libéria, Libye, Madagascar, Malawi, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigéria, République Centrafricaine, Dahomey, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Equatoriale, Guinée, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Swaziland, Tchad, Togo, Tunisie, Ouganda, République Arabe Unie, République Unie de Tanzanie, Zambie.
Fait en la ville d'Addis-Abéba, ce dixième jour de septembre 1969.