Considérant que, dans la Charte des Nations Unies, les peuples dumonde se sont déclarés résolus notamment à créer les conditionsnécessaires au maintien de la justice et ont proclamé qu'un deleurs buts était de réaliser la coopération internationale endéveloppant et en encourageant le respect des droits de l'homme etdes libertés fondamentales, sans aucune distinction de race, desexe, de langue ou de religion,
Considérant que la Déclaration universelle des droits de l'hommeénonce les principes de l'égalité devant la loi, de la présomptiond'innocence et du droit qu'a toute personne à ce que sa cause soitentendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent etimpartial,
Considérant le décalage qui existe fréquemment entre la vision quisous-tend ces principes et la situation réelle,
Considérant que l'organisation et l'administration de la justicedevraient, dans tous les pays, s'inspirer de ces principes et quedes efforts devraient être faits pour traduire pleinement cesderniers dans la réalité,
Considérant que les magistrats du parquet jouent un rôlefondamental dans l'administration de la justice et que les règlesqui leur sont applicables dans l'exercice de leurs importantesfonctions doivent les encourager à respecter et à appliquer lesprincipes susmentionnés, garantissant ainsi un système de justicepénale impartial et équitable et la protection effective descitoyens contre le crime,
Considérant qu'il est essentiel de veiller à ce que les magistratsdu parquet possèdent les qualifications professionnellesnécessaires à l'exercice de leurs fonctions en améliorant lesméthodes de recrutement et de formation juridique etprofessionnelle et en leur fournissant tous les moyens nécessairespour leur permettre de remplir convenablement leur mission dans lalutte contre la criminalité, en particulier dans ses formes etdimensions nouvelles,
Considérant que l'Assemblée générale, par sa résolution 34/169 du17 décembre 1979, a adopté le Code de conduite pour lesresponsables de l'application des lois, conformément à larecommandation du cinquième Congrès des Nations Unies pour laprévention du crime et le traitement des délinquants,
Considérant que, dans sa résolution 16, le sixième Congrès desNations Unies pour la prévention du crime et le traitement desdélinquants a demandé au Comité pour la prévention du crime et lalutte contre la délinquance de faire figurer parmi ses tâchesprioritaires l'élaboration de principes directeurs en ce quiconcerne l'indépendance des juges et la sélection, la formationprofessionnelle et le statut des magistrats du siège et du parquet,
Considérant que le septième Congrès des Nations Unies pour laprévention du crime et le traitement des délinquants a adopté lesPrincipes fondamentaux relatifs à l'indépendance de lamagistrature, approuvés ultérieurement par l'Assemblée généraledans ses résolutions 40/32 du 29 novembre 1985 et 40/146 du 13décembre 1985,
Considérant que dans la Déclaration des Principes fondamentaux dejustice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimesd'abus de pouvoir sont recommandées les mesures à prendre auxéchelons international et national pour que les victimes de lacriminalité puissent plus facilement avoir accès à la justice,bénéficier d'un traitement équitable et obtenir restitution etréparation, une indemnisation et une assistance,
Considérant que, dans sa résolution 7, le septième Congrès ademandé au Comité de voir s'il était nécessaire d'élaborer desprincipes directeurs concernant notamment le recrutement, laformation professionnelle et le statut des magistrats du parquet,les fonctions qu'ils étaient appelés à remplir et le comportementque l'on attendait d'eux, les moyens de les amener à contribuerdavantage au bon fonctionnement du système de justice pénale et àcoopérer plus étroitement avec la police, l'étendue de leurspouvoirs discrétionnaires et leur rôle dans la procédure pénale, etde faire rapport à ce sujet aux futurs congrès des Nations Unies,
Les Principes directeurs énoncés ci-après, qui ont été élaboréspour aider les Etats Membres à assurer et à promouvoirl'efficacité, l'impartialité et l'équité du parquet dans lespoursuites pénales, devraient être respectés et pris enconsidération par les gouvernements dans le cadre de la législationet de la pratique nationales et être portés à l'attention desmagistrats du parquet ainsi qu'à celle d'autres personnes tellesque les juges, les avocats, les membres de l'exécutif et du corpslégislatif et de l'ensemble du public. Ces Principes directeurs ontété formulés à l'intention des magistrats du parquet, maiss'appliquent également, le cas échéant, aux procureurs désignéspour des circonstances spéciales.
Qualifications, sélections et formation
1. Les personnes sélectionnées pour remplir les fonctions demagistrat du parquet doivent être intègres et compétentes etjustifier d'une formation et de qualifications juridiquessuffisantes.
2. Les Etats veillent à ce que:
a) Les critères de sélection des magistrats du parquet comportentdes garanties contre des nominations partiales ou entachées depréjugés et excluent toute discrimination contre une personnefondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion,les opinions politiques ou autres, l'origine nationale, sociale ouethnique, la situation de fortune, la naissance, la situationéconomique ou tout autre statut. Il n'est cependant pas jugédiscriminatoire de demander qu'un candidat à un poste de magistratdu parquet soit ressortissant du pays concerné;
b) Les magistrats du parquet aient une instruction et uneformation adéquates et soient conscients des idéaux et des devoirséthiques de leur fonction, des dispositions constitutionnelles etjuridiques garantissant les droits des suspects, ainsi que lesdroits de la personne humaine et les libertés fondamentalesreconnues par le droit national et le droit international.
Situation et conditions de service
3. Les magistrats du parquet, en tant qu'agents essentiels del'administration de la justice, doivent toujours préserver ladignité et l'honneur de leur charge.
4. Les Etats veillent à ce que les magistrats du parquet puissents'acquitter de leurs fonctions professionnelles en toute liberté,sans faire l'objet d'intimidations, sans être harcelés, sans subird'ingérence non fondée et sans devoir assumer de façon injustifiéeune responsabilité civile, pénale ou autre.
5. Les magistrats du parquet et leur famille sont protégésphysiquement par les autorités lorsque leur sécurité personnelleest menacée en raison de l'exercice de leurs fonctions.
6. Des conditions de service satisfaisantes, une rémunérationappropriée et, s'il y a lieu, la durée du mandat, la pension etl'âge de la retraite des magistrats du parquet sont définis par laloi ou des règles ou règlements rendus publics.
7. La promotion des magistrats du parquet, lorsqu'un tel systèmeexiste, doit être fondée sur des facteurs objectifs, en particuliersur les qualifications professionnelles, la compétence, l'intégritéet l'expérience et faire l'objet d'une procédure juste etimpartiale.
Liberté d'expression et d'association
8. Les magistrats du parquet jouissent, comme les autrescitoyens, de la liberté d'expression, de croyance, d'association etd'assemblée. Ils ont notamment le droit de prendre part à desdébats publics concernant la loi, l'administration de la justice etla promotion et la protection des droits de l'homme. De même, ilspeuvent adhérer à des organisations locales, nationales ouinternationales et participer à leurs réunions, ou créer de tellesorganisations, sans subir de préjudice sur le plan professionnel dufait des activités légales qu'ils exercent dans le cadre d'uneorganisation légale, ou de leur appartenance à une telleorganisation. Dans l'exercice de ces droits, les magistrats duparquet se doivent toujours de respecter la loi, et la déontologieet les normes reconnues de leur profession.
9. Les magistrats du parquet son libres de former desassociations professionnelles ou autres organisations destinées àreprésenter leurs intérêts, promouvoir leur formationprofessionnelle et protéger leur statut et à en devenir membres.
Rôle dans la procédure pénale
10. Les fonctions de magistrat du parquet sont strictementséparées des fonctions de juge.
11. Les magistrats du parquet jouent un rôle actif dans laprocédure pénale, y compris l'engagement de poursuites, et, lorsquela loi ou la pratique nationale les y autorise, ils participent auxenquêtes criminelles, supervisent la légalité de ces enquêtes,supervisent l'exécution des décisions des tribunaux et exercentd'autres fonctions en qualité de représentants de l'intérêt public.
12. Les magistrats du parquet exercent leurs fonctionsconformément à la loi, en toute équité, de manière cohérente etdiligente, respectent et protègent la dignité humaine et défendentles droits de la personne humaine, contribuant ainsi à garantir uneprocédure régulière et le bon fonctionnement du système de justicepénale.
13. Dans l'exercice de leurs fonctions, les magistrats duparquet:
a) Font preuve d'impartialité et évitent toute discriminationd'ordre politique, social, religieux, racial, culturel, sexuel ouautre;
b) Protègent l'intérêt public, agissent avec objectivité,prennent dûment en considération la position du suspect et de lavictime et tiennent compte de toutes les circonstances pertinentes,qu'elles soient favorables ou défavorables au suspect;
c) Ne divulguent rien de ce qui leur est communiqué, sauf sil'exercice de leurs fonctions ou les besoins de la justicel'exigent;
d) Tiennent compte des points de vue et des préoccupations desvictimes lorsque celles-ci sont lésées dans leur intérêt personnel,et veillent à ce que ces victimes soient informées de leurs droitsconformément à la Déclaration des principes fondamentaux de justicerelatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus depouvoir.
14. Les magistrats du parquet n'engagent ni ne continuent despoursuites ou font tout leur possible pour suspendre la procédurelorsqu'une enquête impartiale révèle que l'accusation n'est pasfondée.
15. Les magistrats du parquet s'attachent dûment à engagerdes poursuites dans le cas de délits commis par des agents del'Etat, notamment des actes de corruption, des abus de pouvoir, desviolations graves des droits de l'homme et autres délits reconnuspar le droit international et, lorsque la loi ou la pratiquenationale les y autorise, à ouvrir une enquête sur de tellesinfractions.
16. Lorsque les magistrats du parquet reçoivent contre dessuspects des preuves dont ils savent ou ont des motifs raisonnablesde penser qu'elles ont été obtenues par des méthodes illicites, quiconstituent une grave violation des droits de la personne humaineet impliquent en particulier la torture ou un traitement ou unchâtiment cruel, inhumain ou dégradant, ou ayant entraîné d'autresviolations graves des droits de l'homme, ils refusent d'utiliserces preuves contre toute personne autre que celles qui ont recouruà ces méthodes, ou informent le tribunal en conséquence, etprennent toutes les mesures nécessaires pour les faire traduire enjustice.
Pouvoirs discrétionnaires
17. Dans les pays où les magistrats du parquet sont investisde pouvoirs discrétionnaires, la loi ou les règles ou règlementspubliés énoncent des principes directeurs visant à renforcerl'équité et favoriser des prises de décisions cohérentes pendant laprocédure, notamment lors du déclenchement de poursuitesjudiciaires ou de la renonciation aux poursuites.
Solutions de rechange aux poursuites judiciaires
18. Conformément à la législation nationale, les magistratsdu parquet examinent avec toute l'attention voulue la possibilitéde renoncer aux poursuites judiciaires, d'arrêter la procédure demanière conditionnelle ou inconditionnelle ou de transfert desaffaires pénales en dehors du système judiciaire officiel, enrespectant pleinement les droits du ou des suspects et de la ou desvictimes. Les Etats doivent, à cet effet, examiner avec soin lapossibilité d'adopter des méthodes de transférer des affaires nonseulement pour alléger la charge trop lourde des tribunaux maisaussi pour éviter les stigmates que laissent la détention avantjugement, l'inculpation et la condamnation ainsi que les effetspernicieux que peut entraîner une détention.
19. Dans les pays où les magistrats du parquet son investisde pouvoirs discrétionnaires pour décider s'il convient ou nond'engager une procédure contre un mineur, une attentionparticulière doit être accordée à la nature et à la gravité del'infraction, à la protection de la société et à la personnalité etaux antécédents du mineur. Lorsqu'ils prennent leur décision, lesmagistrats du parquet accordent une attention particulière auxautres solutions que permettent la législation et les procéduresjuridiques applicables aux mineurs. Ils font de leur mieux pourn'engager des poursuites judiciaires contre les mineurs que dans lamesure où cela est absolument nécessaire.
Relations avec d'autres organismes ou institutions publics
20. Pour assurer l'équité et l'efficacité des poursuitesjudiciaires, les magistrats du parquet s'emploient à coopérer avecla police, les tribunaux, les membres de professions judiciaires,la défense ainsi qu'avec les autres organismes ou institutionspublics.
Procédures disciplinaires
21. Les manquements à la discipline dont peuvent se rendrecoupables les magistrats du parquet sont définis par la loi ou desrèglements en vigueur. Les plaintes alléguant qu'un magistrat duparquet a agi d'une manière qui sort clairement des limites fixéespar la déontologie professionnelle doivent être entenduesrapidement et équitablement selon la procédure appropriée. Lemagistrat du parquet a le droit de faire entendre sa causeéquitablement. La décision peut faire l'objet d'une révision de lapart d'une autorité indépendante.
22. Les procédures disciplinaires contre les magistrats duparquet doivent garantir une évaluation et une décision objectives.Elles doivent être conformes à la loi ainsi qu'au code de conduiteprofessionnelle et autres normes et règles d'éthique établies ettenir compte des présents Principes directeurs.
Application des Principes directeurs
23. Les magistrats du parquet doivent respecter les présentsPrincipes directeurs. Ils doivent aussi faire tout ce qui est enleur pouvoir pour prévenir toutes violations de ces Principes ets'y opposer activement.
24. Les magistrats du parquet qui ont des raisons de penserque les présents Principes directeurs ont été violés ou sont sur lepoint de l'être doivent en informer leurs autorités supérieures et,le cas échéant, d'autres autorités ou organes compétents ayant unpouvoir d'examen et de réformation.