Legal Defence Centre
c.
Gambie,
Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication 219/98,
27e Session Ordinaire, Alger, 11 mai
2000.
219/98 Legal defence Centre c/ Gambie
Rapporteur :
24ème session : Commissaire Badawi
25ème session : Commissaire Badawi
26ème session : Commissaire Pityana
27ème session : Commissaire Chigovera
Résumé des faits :
1. Le requérant est une ONG basée au Nigeria et jouissant du statut d’observateur
auprès de la
Commission Africaine.
2. Il allègue la déportation illégale d’un ressortissant nigérian du territoire
gambien.
3. Le déporté, M. Sule Musa, serait un journaliste qui aurait travaillé
pour un quotidien
gambien “Daily Observer”.
4. La communication allègue que M. Sule a été arrêté par le Caporal Nyang,
alors qu’il était
dans son bureau. Après son arrestation, il a été conduit au poste de police
de Bakau où il lui
a été ordonné de remettre son passeport. Il a ensuite été ramené à la maison
pour le prendre,
après quoi il a été amené au poste central de la police de Banjul. De là
il a été conduit au
Département de l’Immigration pour s’entendre dire qu’il était extradé pour
aller être jugé au
sujet des infractions qu’il aurait commises au Nigeria auparavant.
5. Il est allégué qu’à son arrivée à l’aéroport le 9 juin 1998, M. Sule
Musa n’a eu droit ni à la
nourriture, ni à l’eau ni à une douche, jusqu’au 10 juin lorsqu’il a reçu
l’ordre de déportation
en tant qu’étranger indésirable”.
6. Le requérant ajoute que M. Sule Musa a été déporté en raison de ses
publications dans le
Daily Observer sur certaines questions concernant le Nigeria, sous le régime
militaire du
Général Sani Abacha.
7. Il est allégué qu’à son arrivée à l’aéroport au Nigeria, il n’y avait
aucun officier
d’immigration ou de police pour l’arrêter pour les prétendues infractions
qu’il aurait
commises au Nigeria.
8. La plainte ajoute que M. Sule Musa n’a pas eu le droit de prendre ses
effets personnels au
moment de sa déportation. Ses affaires sont donc en Gambie alors qu’il
se trouve au Nigeria
d’où ne peut revenir dans la mesure où l’ordre de déportation reste en
vigueur.
Dispositions de la Charte dont la violation est alléguée :
9. Le requérant allègue la violation des articles 7, 9, 12 (4), 2, 4, 5
et 15 de la Charte Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples.
Procédure :
10. La communication est datée du 27 juillet 1998, et a été reçue au Secrétariat
de la
Commission le 9 septembre 1998.
11. Lors de la 24ème session tenue à Banjul, Gambie, du 22 au 31 octobre
1998, la
Commission a rendu une décision de saisine sur la plainte et les parties
ont été dûment
informées de cette décision.
12. Au cours de sa 25ème session tenue à Bujumbura (Burundi), la Commission
a renvoyé
l’examen de la communication à sa prochaine session (26ème session), tout
en demandant au
Secrétariat de vérifier que le plaignant aurait pu recourir aux tribunaux
gambiens pour faire
entendre sa cause.
13. Des correspondances ont été adressées aux parties par le Secrétariat
sollicitant des
informations supplémentaires sur la disponibilité des recours internes,
mais aucune réponse
n'a été reçue.
14. A la suite de cette demande, le Secrétariat est entré en contact avec
le Ministre gambien de
la Justice pour solliciter son assistance. Ceci a abouti à une réunion
tenue le 10 mars 2000,
entre le Secrétariat de la Commission et le Conseiller du Ministère de
la Justice. Ce dernier
a promis d’envoyer les conclusions concernant toutes les communications
pour lesquelles
l'Etat n'avait pas encore réagi. Mais les conclusions promises n'ont pas
été soumises.
Le Droit :
La Recevabilité :
15. L'article 56 al. 5 de la Charte dispose que :
"
Les communications… pour être examinées, doivent être postérieures à l'épuisement
des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit manifeste à
la Commission que
la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale".
16. Le requérant a soutenu qu'aucun recours interne n'était à la disposition
de M. Musa en
Gambie, puisque l'ordre de déportation demeurait en vigueur ; et que par
conséquent, M.
Musa serait handicapé en recourant à la justice ou à une réparation administrative.
17. La Commission relève que la victime n'a nullement besoin d'être physiquement
présente
dans un pays pour avoir accès aux recours internes ; elle peut y recourir
par le biais de son
avocat. Dans le cas sous examen, la Commission note que la communication
a été
présentée par une ONG des droits de l'homme basée au Nigeria. Au lieu de
saisir la
Commission, le requérant aurait dû s'assurer de l'épuisement des voies
de recours internes
disponibles en Gambie. La Commission est par conséquent d'avis que le requérant
ne s'est
conformé aux dispositions de l'article 56(5) de la Charte.
Par ces Motifs, la Commission :
Déclare la communication irrecevable.
Fait à Alger, le 11 mai 2000.