220/98 -Law Office of Ghazi Suleiman / Soudan
Rapporteur :
24ème session : Commissaire Rezag-Bara
25ème session : Commissaire Rezag-Bara
26ème session : Commissaire Rezag-Bara
27ème session : Commissaire Rezag-Bara
28ème session : Commissaire Rezag-Bara
29ème session : Commissaire Rezag-Bara
30ème session : Président Rezag-Bara
31ème Session : Président Rezag Bara
Résumé des faits
1. Le requérant est un cabinet d’avocats agissant dans le domaine des droits
de l’homme au Soudan.
La présente communication est introduite au nom de tous les étudiants et
enseignants des
Universités soudanaises.
2. La communication a été expédiée par la poste et est parvenue au Secrétariat
de la Commission le 14
octobre 1998.
3. Le requérant soutient que le 26 septembre 1998, le ministre soudanais
de l’éducation a annoncé la
fermeture pour une période d’un mois de toutes les Universités soudanaises.
4. Selon le requérant, la fermeture des Universités visait à renforcer
les opérations de mobilisation et
de recrutement dans l’armée en vue de la participation à la guerre civile
qui déchire le Sud du
Soudan.
5. En annexe à sa communication, le requérant a joint une liste de signatures
des enseignants de
l’Université de Khartoum tendant à confirmer la véracité des faits par
lui allégués.
6. Il fait connaître à la Commission que malgré le recours administratif
introduit contre l’annonce du
ministre de l’éducation, il doute fort de sa capacité à faire rapporter
la mesure.
7. Le requérant en appelle à la Commission pour qu’elle décide des mesures
provisoires en application
de l’article 111 de son Règlement Intérieur, en vue d’obtenir du gouvernement
soudanais qu’il
rouvre immédiatement les Universités, mais aussi pour obtenir du même gouvernement
de ne plus
interférer dans les institutions académiques.
Dispositions de la Charte dont la violation est alléguée :
Le requérant allègue la violation des articles 6, 7 al. c et 17 al.1.
Procédure :
8. Lors de la 24ème session tenue à Banjul, Gambie, du 22 au 31 octobre
1998, la Commission a
décidé de se saisir de la communication.
9. Le 26 novembre 1998, le Secrétariat a adressé des lettres aux parties
pour les informer de cette
décision.
10. Le 3 mai 1999, alors que se déroulaient les travaux de la 25ème session
ordinaire de la Commission
qui se tenait à Bujumbura (Burundi), un représentant du gouvernement soudanais
a déposé auprès
du Secrétariat une réponse écrite relative à cette communication.
11. La Commission a par la suite reporté l’examen de la communication à
sa 26ème session.
12. Le 13 mai 1999, les parties ont été informées de la décision de report.
13. Le 21 septembre 1999, le requérant a indiqué au Secrétariat une nouvelle
adresse par laquelle
devraient passer toutes les correspondances relatives à la présente communication.
14. Au cours de la 26ème session ordinaire, la Commission a reçu du Dr
Ahmed El Mufti, Rapporteur du
Conseil consultatif pour les Droits de l’Homme, Ministère de la Justice
du Soudan, une réponse
écrite ainsi qu’un document en arabe de 3 pages concernant la communication.
Le document joint
est censé être la décision de la Division Constitutionnelle de la Haute
Cour.
15. La Commission a examiné la communication à sa 26ème session ordinaire
tenue à Kigali, Rwanda et
a demandé au plaignant de soumettre ses observations écrites sur l’issue
d’un recours administratif
formé contre la décision du Ministre de l’Education et, de manière générale,
sur les processus de
recours administratif en République du Soudan.
16. Le 21 janvier 2000, le Secrétariat de la Commission a écrit aux parties
pour les informer de la
décision de la Commission. Il a demandé spécifiquement au Gouvernement
du Soudan de lui
fournir la traduction, en anglais ou en français, de la décision de la
Division Constitutionnelle de la
Haute Cour.
17. Le 23 février 2000, suite à un e-mail envoyé par le Dr Curtis Doebbler
de l’Entreprise du plaignant,
demandant au Secrétariat de lui faire part de l’état d’avancement de toutes
les communications
introduites, le Secrétariat lui a envoyé par e-mail la lettre du 21 janvier
2000. Il lui a également
demandé d’indiquer un numéro de fax pour lui permettre d’envoyer les observations
reçues du
Gouvernement du Soudan pour sa réponse.
18. Le 1er mars 2000, le secrétariat a reçu du Dr. Curtis Doebbler un e-mail
mentionnant le numéro de
fax pour l’envoi des documents susvisés. Le Secrétariat en a accusé réception
et lui a fait savoir la
nécessité de soumettre à temps et par écrit les réponses requises.
19. Le 8 mars 2000, les observations du gouvernement du Soudan ont été
faxées au plaignant aux
Etats-Unis, tel que requis.
20. Le plaignant a réitéré sa demande d’information sur l’état d’avancement
des communications en
instance auprès de la Commission introduites les 9 et 16 mars 2000.
21. Enfin, le Secrétariat a reçu le 17 mars 2000 un e-mail du Dr Curtis
Doebbler accusant réception
du e-mail mentionnant les faits de toutes les communications en instance
introduites par le
plaignant ; il a également promis de faire parvenir les réponses au Secrétariat
au plus tard le 24 mars
2000.
22. A la 27ème session ordinaire tenue en Algérie, la Commission a entendu
la présentation orale des
parties et a décidé de consolider ces cas. Elle leur a demandé de lui fournir
par écrit les arguments
relatifs à l’épuisement des voies de recours internes.
23. Le 30 juin 2000, ces décisions ont été communiquées aux parties.
24. Le 4 septembre 2000, Dr Curtis Doebbler a écrit du Caire au Secrétariat
de la Commission pour
s’informer de la décision prise à la 27ème session.
25. Le Secrétariat a réagi le 7 septembre 2000 en lui répétant le contenu
du fax qui lui avait été envoyé
et en lui faisant remarquer qu’il avait donné au moins trois adresses e-mail
pour communication
avec le secrétariat en lui demandant d’indiquer celle qui lui convient
le mieux afin d’éviter des
retards et des égarements de courrier dans l’avenir. Les correspondances
étaient envoyées à toutes
les adresses e-mail indiquées par lui, ainsi que par fax.
26. Dr Curtis Doebbler a accusé réception des correspondances le 14 septembre
2000, mais il a
demandé un ajournement pour lui permettre de présenter au préalable une
note exhaustive sur la
question relative à l’épuisement des voies de recours internes ainsi que
pour préparer ses témoins.
27. Le 13 mars 2001, le Secrétariat a reçu les observations du requérant.
A sa 29ème session ordinaire, la
Commission connaîtra des preuves d’épuisement des voies de recours interne
et statuera ensuite sur
la recevabilité de la communication.
28. A la 29ème session ordinaire tenue à Tripoli, le Rapporteur a présenté
les communications, relaté les
faits et la phase de la procédure. La Commission a ensuite entendu les
parties à l’affaire. Suite à des
débats approfondis, la Commission a noté que le plaignant avait soumis
un dossier détaillé de
l’affaire. Il a par conséquent été recommandé que l’examen de cette communication
soit reporté à la
30ème session, en attendant la soumission de réponses détaillées par l’Etat
défendeur.
29. Le 19 juin 2001, le Secrétariat de la Commission africaine a informé
les parties de la décision cidessus
et a demandé à l’Etat défendeur de lui faire parvenir ses observations
écrites dans les deux
(2) mois qui suivent la date de notification de cette décision.
30. Le 14 août 2001, une lettre de rappel a été envoyée à l’Etat défendeur,
lui demandant de transmettre
ses observations dans le délai fixé, afin de permettre au Secrétariat de
poursuivre l’examen de la
communication.
31. Au cours de la 30ème session, les rapporteurs ont présenté les communications
et examiné les faits et
l’état d’avancement de chaque cas. La Commission a ensuite entendu les
présentations orales de
l’Etat défendeur concernant l’affaire. La Commission a aussi entendu les
observations orales du Dr
Curtis Deobbler et a recommandé que l’examen de ces communications soit
reporté à la 31ème
Session en attendant que le gouvernement soudanais réponde aux observations
soumises par la
partie plaignante.
32. Le 15 novembre 2002, le Secrétariat de la Commission a informé les
parties de la décision de la
Commission et a demandé à l’Etat défendeur de soumettre ses observations
écrites dans les deux
mois à partir de la notification de la dite décision
33. Le 7 mars 2002, une lettre de rappel a été envoyée à l’Etat défendeur,
lui demandant de transmettre
ses observations dans le délai fixé, afin de permettre au Secrétariat de
poursuivre l’examen de la
communication.
Du Droit
De la recevabilité
34. L’Article 56(5) de la Charte Africaine stipule :
"
Les communications visées à l’article 55 reçues à la Commission et relatives
aux droits de
l’homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir
les conditions ciaprès:
(5) Etre postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent,
à moins qu’il ne soit manifesté à
la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale
;"
35. Concernant la question de l’épuisement des voies de recours internes,
le plaignant a informé la
Commission qu’aucun recours effectif n’est disponible que même s’il est
utilisé, la cour
constitutionnelle n’est pas compétente à cause de l’État d’urgence et les
limitations politiques qui ne
permettent pas de saisir valablement la justice.
36. Il soutient que les voies de recours internes qui pourraient s’appliquer
sont rendues inefficaces par
le fait qu’au Soudan le système judiciaire n’est ni libre ni indépendant
puisque les tribunaux
soudanais sont, depuis 1998, sous le contrôle de l’exécutif et que du à
cette situation, l’exécutif n’a
pas pu se prononcer dans une action intentée contre le gouvernement soudanais
en se fondant sur
le droit international humanitaire ou même d’appliquer ce droit lorsque
sa pertinence était évidente.
37. Le requérant allègue qu’en pratique les procédures sur place, qui permettent
de demander
réparation des violations des droits humains commises par le Gouvernement
du Soudan, sont
souvent inaccessibles aux individus dont les droits ont été violés, du
fait que les solutions judiciaires
administratives courantes rencontrent des entraves importantes qui en empêchent
l’utilisation. En
conséquence, des plaignants qui demandent la protection de leurs droits
devant les tribunaux
soudanais se butent sur des obstacles qui rendent ces voies de recours
inefficaces.
38. Le gouvernement soudanais allègue que les plaignants n’ont pas utilisé
les recours disponibles au
niveau des tribunaux locaux avant de s’adresser à la Commission. Il insiste
sur le fait que ni l’avocat
ayant déposé la plainte, ni les plaignants, n’ont introduit de recours
contre la décision objet de la
plainte, la preuve étant les registres des tribunaux administratifs.
39. Le gouvernement soutien que malgré son insistance dans les correspondances
précédentes, les
plaignants ne leur ont pas transmis le numéro du recours qu’ils avaient
introduit ce qui prouve qu’ils
n’ont pas fait appel à la justice contrairement aux affirmations des plaignants
qui n’ont donc pas
épuisé toutes les voies de recours internes tel que prévu à l’article 56
de la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples.
40. Il argumente que le droit des plaignants à présenter un recours contre
une décision de justice, est
prévu à l’article 20 (1) du code de justice administrative et constitutionnelle
de 1996 modifié en
2000 et il a soumis une documentation fournie des cas des jugements qui
ont été exécutés dans des
cas similaires.
41. L’article 56 (5) de la Charte Africaine exige que les communications
portées devant la Commission
soient « …postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent,
à moins qu’il ne soit manifesté à la
Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale
». La plainte devant la
Commission a été reçue au Secrétariat le 14 octobre 1998 alors que la décision
de fermeture des
universités n’est intervenue que le 26 septembre 1998, soit un mois d’intervalle
entre la fermeture
des universités et le dépôt de la plainte.
42. La Commission estime que l’intervalle d’un mois est trop court pour
que le plaignant ait pu épuiser
toutes les voies de recours internes disponibles. En outre, le plaignant
ne donne aucune indication
d’une procédure quelconque intentée devant les tribunaux internes.
POUR CES MOTIFS et conformément à l’Article 56(5)de la Charte Africaine,
la Commission déclare
cette communication irrecevable pour non-épuisement des voies de recours
internes.
Fait à la 31ème Session ordinaire tenue à
Pretoria, Afrique du Sud, du 2 au 16 mai 2002.