Huri-Laws c. Nigeria,
Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication 225/98,
28e Session Ordinaire, Cotonou, Bénin, 6 novembre 2000.
225/98 - Huri-Laws c/ Nigeria
Rapporteur :
25ème session : Commissaire Ben Salem
26ème session : Commissaire Ben Salem
27ème session : Commissaire Ben Salem
28ème session : Commissaire Ben Salem
_______________________________________________________
Résumé des faits :
1. La communication est introduite par Huri-Laws, une organisation nongouvernementale
enregistrée au Nigeria, au nom de Civil Liberties Organisation
(CLO), une autre ONG Nigériane des droits de l'homme basée à Lagos.
2. Elle a été reçue par le Secrétariat le 24 octobre 1998, au cours de
la 24ème session
ordinaire.
3. Le requérant allègue que depuis sa création, le 15 octobre 1987, Civil
Liberties
Organisation fait l’objet de harcèlements et de persécutions de toutes
sortes de la part
du gouvernement du Nigeria.
4. Ces harcèlements et persécutions ont toujours été manifestées par des
arrestations et
détentions des membres importants de cette organisation et par des incursions
et des
perquisitions sans mandat dans les bureaux de la même organisation par
l'Agence de
sécurité, Services de sécurité de l'Etat (SSS).
5. L'un de ces actes s'est produit le 7 novembre 1997, lorsque M. Ogaga
Ifowodo, un
avocat de l'organisation, a été arrêté à la frontière entre le Bénin et
le Nigeria à son
retour du Sommet du Commonwealth à Edinburg, Ecosse.
6. Il est allégué que M. Ogaga a été initialement arrêté par des agents
de l'Agence
chargée de la mise en application de la loi nationale sur la drogue.
7. Il a d'abord été détenu à 15, Awolowo Road, Ikoyi, siège de SSS pour
quelques
semaines avant d'être transféré à la prison d' Ikoyi, où il est resté jusqu'en
avril 1998.
8. Le plaignant allègue que la victime a été détenue dans une cellule sordide
et sale dans
des conditions inhumaines et dégradantes. Il n'avait pas droit aux soins
médicaux, ni
aux visites des membres de sa famille et de son avocat. Il n'avait pas
accès aux
journaux et aux livres.
9. Il est en outre allégué qu'il était torturé et interrogé dans des conditions
rigoureuses,
et que tout au long de sa détention, il n'a jamais été informé des charges
retenues
contre lui et il n'a jamais été inculpé.
10. Dans un autre incident que le requérant dénonce comme étant une autre
preuve de la
pratique de la torture de la part du gouvernement visé, il est allégué
que le
Gouvernement fédéral miliaire du Nigeria et ses agents, dans l'exercice
des pouvoirs
que leur confère le Décret no. 2 de 1984 relatif à la Sécurité de l'Etat
(Détention des
personnes) (tel qu'amendé en 1990), ont arrêté et détenu M. Olisa Agbakoba
sans
inculpation entre le 8 mai et le 26 juin 1998.
11. Il est allégué que Agbakoba, fondateur et membre du Conseil d'administration
de
Civil Liberties Organisation, a été arrêté à l'aéroport de Lagos à son
retour d'Europe
et a été détenu au centre pénitentiaire de SSS, Awolo Road, Ikoyi, Lagos,
pendant 5
semaines.
12. Le 10 mai 1998, M. Agbakoba, accompagné d'agents de SSS, se sont rendus
aux
bureaux de CLO pour une perquisition. Comme il y avait quelques employés
présents, parce que c'était un jour férié, ils sont repartis.
13. Le 11 mai 1998, environ 10h30 du matin, M. Agbakoba a encore été amené
par 30
agents de SSS, qui ont attaqué par surprise le siège de CLO à Lagos, apparemment
à
la recherche de documents compromettants sur les activités de la United
Action for
Democracy et l'implication de CLO dans les activités et les manifestations
contre la
dictature militaire du feu Général Sani Abacha et sa tentative de succession
à luimême.
14. Il est allégué en outre que pendant environ 7 heures, les agents de
SSS ont
perquisitionné les bureaux de CLO d'une pièce à l'autre, en forçant les
portes et les
tiroirs à la recherche de documents. Pendant ce temps, tout le personnel
présent était
enfermé à la bibliothèque et on les appelait un par un pour que chacun
assiste à la
perquisition de son bureau.
15. A la fin de la perquisition, 13 ordinateurs, des dossiers officiels
et des disquettes ont
été confisqués par les agents de SSS. La plupart des fichiers et des documents
ont été
copiés et photocopiés.
16. Malgré de multiples protestations du personnel, aucun mandat d'arrestation
n'a été
présenté pour justifier la perquisition.
17. En outre, 5 membres du personnel de CLO ont été arrêtés et détenus
au Poste de SSS
d'Awolowo Road. Trois ont été libérés la même nuit, tandis que MM. Okezie
Ugochukwu et Ibrahim Ismail ont été gardés aux arrêts pendant deux jours
et deux
nuits et ont subi un interrogatoire horrible.
18. Après leur libération, ils étaient obligés de se présenter tous les
jours au bureau de
SSS, où ils continuaient d'être interrogés.
19. Le requérant allègue en outre que tous leurs ordinateurs leur ont été
rendus sauf un.
20. Il est également allégué que M. Agbakoba a été transféré à la prison
d'Enugu, à 600
km à l'Est de Lagos.
21. Le plaignant rapporte aussi que tout au long de la période de son incarcération,
M.
Agbakoba n'a pas été inculpé et qu'il n'a pas eu droit aux visites des
membres de sa
famille, de son médecin ou de son avocat. Il a été libéré le 26 mai 1998.
22. Il est enfin allégué que des plaintes ont été portées contre l'arrestation
et
l'incarcération de M. Agbakoba auprès de la Federal High Court par Huri-Laws,
et par
CLO pour le compte de M. Ifowodo, mais ces plaintes n'ont pas abouti dans
la
mesure où le Décret no. 2 de 1984 relatif à la sécurité de l'Etat (Détention
des
personnes) (tel qu'amendé en 1990) annule la compétence des juridictions
ordinaires.
GRIEFS:
23. Le requérant dénonce la violation des articles 5, 6, 7, 9, 10, 14 et
26 de la Charte.
LA PROCEDURE
24. Au cours de la 25ème session tenue à Bujumbura, Burundi, la Commission
a décidé
de se saisir de la communication et a demandé au Secrétariat de le notifier
au
gouvernement du Nigeria. Elle a en outre demandé au Secrétariat de lui
donner un
avis juridique sur la recevabilité de la plainte, en ce qui concerne particulièrement
l'article 56(7) de la Charte et eu égard à la situation politique prévalant
au Nigeria.
25. Le 19 août 1999, les parties ont été informées de cette décision par
le Secrétariat.
26. Le 21 octobre 1999, le Secrétariat a reçu une lettre du plaignant l'informant
qu'il ne
serait pas en mesure de prendre part à la 26ème session à Kigali, Rwanda,
par manque
de moyens financiers, mais qu'il autorisait Mlle Julia Harrington de l'Institut
pour les
Droits Humains et le Développement de le représenter.
27. Au cours de sa 26ème session à Kigali, Rwanda, le Secrétariat a reçu
une note de Mlle
Julia Harrington sur les informations supplémentaires relatives à la recevabilité
de la
plainte.
28. A sa 26ème session à Kigali, Rwanda, la Commission a déclaré la communication
recevable et a demandé aux parties de présenter par écrit leurs arguments
sur le fond
de l'affaire.
29. Le 17 janvier 2000, le Secrétariat a notifié les parties de cette décision.
30. Le 17 février 2000, le Secrétariat a reçu une note verbale du Haut
Commissariat de la
République fédérale du Nigeria à Banjul, se référant à la correspondance
susmentionnée et demandant à la Commission de transmettre aux autorités
compétentes du Nigeria les documents suivants pour leur permettre de préparer
des
réponses appropriées aux violations alléguées:
a) Projet de l'ordre du jour de la 27ème session et une lettre d'invitation
à la session
venant du Secrétariat;
b) Une copie de la plainte qui était attachée à la lettre du Secrétariat;
c) Une copie du rapport de la 26ème session ordinaire.
31. Le 8 mars 2000, le Secrétariat de la Commission a fait suite à cette
demande et a
envoyé tous les documents, à l'exception du rapport de la 26ème session
ordinaire,
accompagnés d'une copie du résumé et d'une note sur l'état d'avancement
des
communications contre le Nigeria qui ont été examinées par la 26ème session
de la
Commission, d'une copie de chacune des trois communications (nos. 218/98,
224/98
et 225/98) telles que présentées par leurs auteurs.
32. Le 21 mars 2000, le Conseil du plaignant a envoyé une lettre au Secrétariat
l'informant
de son intention de faire une présentation verbale sur le fond de la communication
et
demandant les dates probables de cette présentation.
33. Par lettre datée du 22 mars 2000, le Secrétariat l'a informé des dates
probables et a
attiré son attention sur la nécessité de remettre une copie de sa déclaration
avant la
présentation.
34. A sa 27ème session tenue à Alger, la Commission a reporté à la 28ème
session qui se
tiendra en République du Bénin sa décision sur le fond de l'affaire.
35. Cette décision a été communiquée aux parties le 6 juillet 2000.
LE DROIT
La recevabilité
36. À sa 25ème session ordinaire tenue à Bujumbura, Burundi, la Commission
a
demandé au Secrétariat de lui donner son avis sur l'article 56(7) de la
Charte compte
tenu de la situation politique prévalant au Nigeria. Se basant sur la jurisprudence
de
la Commission, le Secrétariat a fondé son avis sur le principe de droit
international
bien connu qu'un nouveau gouvernement hérite des engagements internationaux
du
gouvernement qui l'a précédé, y compris la responsabilité des forfaits
de ce
gouvernement précédent (voir Krishna Achutan et Amnesty International c/
Malawi, communications 62/92, 68/92 et 78/92).
37. La commission a toujours traité les communications en statuant sur
les faits allégués
au moment de la présentation de la communication (voir communications 27/89,
46/91 et 99/93). Par conséquent, même si la situation s'est améliorée,
de manière à
permettre la libération des détenus, l'abrogation des lois offensantes
et la lutte contre
l'impunité, la position reste inchangée en ce qui concerne la responsabilité
du
gouvernement actuel du Nigeria pour les actes de violation des droits de
l'homme
perpétrés par ses prédécesseurs.
38. En outre, il a été estimé que la Commission ne devrait pas être influencée
par la
situation politique prévalant dans le pays car cela peut affecter le droit
des plaignants
à un procès équitable, spécialement lorsque il peut y avoir une volonté
de remédier
aux violations alléguées. Dans tous les cas, il a été noté que bien que
le Nigeria soit
dirigé par un gouvernement démocratiquement élu, la nouvelle constitution
prévoit
en sa section 6(6)(d) qu'aucune action judiciaire ne peut être intentée
contre 'une loi
existante promulguée le 15 janvier 1966 ou après, pour connaître d'un problème
ou
question relative à la compétence d'une autorité ou d'une personne à édicter
de telles
lois '.
39. Par ces motifs, et aussi compte tenu du fait que, comme allégué, il
n'y avait aucune
possibilité d'épuisement des voies de recours internes, la Commission a
déclaré la
communication recevable.
Le fond
40. Le plaignant allègue la violation de l'article 5 de la Charte Africaine
en ce qui concerne
le cas de M. Ogaga Ifowodo uniquement.
L'article 5 stipule que :
Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne
humaine et à la
reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation
et d'avilissement de
l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique
ou morale, et les peines
ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdites.
Il est allégué que M. Ogaga Ifowodo a été détenu dans une cellule sordide
et sale dans des
conditions inhumaines et dégradantes. Il est ajouté que le fait d'être
détenu arbitrairement
sans connaître ni les raisons ni la durée de sa détention constitue en
soi un traumatisme
mental. De plus, ce refus du droit de contact avec le monde extérieur et
d'accès aux soins
médicaux, constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Le paragraphe 1 de l’ensemble de Principes pour la protection de toute
personne en
détention prévoit ce qui suit :
Toute personne détenue ou emprisonnée doit être traitée d'une manière
humaine, en respectant sa dignité inhérente à la personne humaine.
En outre, le paragraphe 6 dispose que :
Aucune personne détenue ne sera soumise à la torture ou au traitement ou
peine cruels, inhumains ou
dégradants. Aucune circonstance ne saurait être invoquée pour justifier
la torture ou autre traitement cruel
inhumain ou dégradant:
Il importe de noter que l'expression “traitement cruel, inhumain ou dégradant
” doit être largement interprétée de manière à assurer la plus grande
protection possible contre les abus, qu'ils soient physiques ou mentaux
(Ensemble de Principes).
41. L'interdiction de la torture, des peines ou des traitements cruels,
inhumains ou
dégradants, est absolue. Cependant, comme cela a été observé par la Cour
européenne
des droits de l'homme dans le procès Irlande c/Grande Bretagne lorsqu'elle
devait
statuer sur des dispositions similaires de la Convention européenne des
droits de
l'homme “... le traitement interdit aux termes de l'article 3 de la Convention
est celui
qui atteint un niveau minimal de sévérité et ... l'évaluation de ce niveau
minimal est,
dans la nature des choses, relative... Il dépend de toutes les conditions
qui entourent le
cas, tel que la durée du traitement, ses effets physiques et mentaux et,
dans certains cas
du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime etc. ” (Jugement
du 18 janvier 1987,
série A n°25 para. 162 ; voir aussi décision de la Commission européenne
des droits de
l'homme dans José Antonio URRUTIKOETXEA c/France, décision du 5 décembre
1996, page 157). Le traitement infligé à la victime dans ce cas constitue
une violation
des dispositions de l'article 5 de la Charte et des instruments internationaux
des droits
de l'homme pertinents susmentionnés. Le déni de soins médicaux en cas de
mauvaises conditions
de santé et de l'accès au monde extérieur ne rentrent pas dans le cadre
du
respect de la dignité inhérente à la personne humaine et de la reconnaissance
de sa
personnalité juridique. Cela n'est pas non plus conforme aux paragraphes
1 et 6 de
l’ensemble des Principes pour la protection de toutes les personnes en
détention. Il
s'agit donc d'une violation de l'article 5 de la Charte.
42. Le requérant allègue que la détention d'Ogaga Ifowodo et d'Olisa Agbakoba
dans le
cadre du Décret n° 2 de 1984 relatif à la Sécurité de l'Etat (détention
des personnes)
(tel qu'amendé en 1990) est une violation de leur droit de protection contre
la
détention arbitraire énoncée à l'article 6 de la Charte qui dispose que
:
Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul
ne peut être privé de sa liberté sauf
pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la
loi, en particulier nul ne peut être
arrêté ou détenu arbitrairement.
43. Un autre droit étroitement lié aux dispositions de l'article 6 est
le droit à un procès
équitable. Le plaignant affirme que jusqu'au jour où la présente communication
a été
introduite, les victimes n'ont jamais été informées des mobiles de leur
arrestation et de
leur détention et qu'elles n'ont jamais été inculpées.
En interprétant les garanties du droit de recours à un procès équitable
dans le cadre de la
Charte, la Commission a déclaré dans sa Résolution que :
... le droit à un procès équitable comprend, entre autres, ce qui suit
:
b) les personnes arrêtées seront informées, lors de leur arrestation, et
dans une langue
qu'elles comprennent, des motifs de leur arrestation ; elles devront également
être
rapidement informées de toute charge retenue contre elles ;
44. L'incapacité ou la négligence des agents de sécurité du gouvernement
à respecter
scrupuleusement ces conditions constituent donc une violation du droit
à un jugement
équitable énoncé par la Charte africaine.
45. Le plaignant allègue la violation de l'article 7 (1) a) et d) de la
Charte en ce sens que
Messieurs Ifowodo et Agbakoba n'avaient aucune voie de recours interne
à laquelle ils
pouvaient recourir pour contester leur détention. Il dénonce en outre l'annulation
de
la compétence des juridictions ordinaires à juger de la légalité des actes
posés dans le
cadre du Décret, et cela en violation des dispositions susmentionnées et
de l'article 26
de la Charte.
L'article 7 (1) a) prévoit que :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend
:
a) Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte
violant les
droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions,
les
lois, règlements et coutumes en vigueur ;
L'article 7 (1) d) dispose que :
Toute personne a... le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par
une juridiction impartiale.
Cela est renforcé par le paragraphe 2 c) de la Résolution de la Commission
sur le droit de recours à un procès équitable qui prévoit que :
Les personnes arrêtées ou détenues comparaîtront rapidement devant un juge
ou tout
autre responsable légalement investi d'un pouvoir judiciaire ; soit elles
auront droit à un
procès équitable dans un délai raisonnable, soit elles seront relaxées.
46. Le refus et/ou la négligence de la part du gouvernement d'amener
Messieurs Ifowodo et Agbakoba rapidement devant un juge ou tout autre
responsable légalement investi d'un pouvoir judiciaire constitue donc une
violation
de l'article 7 (1) d) de la Charte. Il s'agit aussi d'une violation de
l'article 26 qui
prévoit que :
Les Etats partis à la présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance
des
tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions
nationales chargées de la promotion et de la protection des droits et
libertés
garantis
par la présente Charte.
47. Le plaignant affirme que CLO est une organisation des droits de
l'homme donnant à ses employés l'opportunité d’oeuvrer pour le respect
des droits
humains à travers les programmes organisés. Ces programmes visent à éclairer
les
populations sur leurs droits. La persécution de ses employés et les incursions
dans
ses bureaux, dans le but de compromettre sa capacité de fonctionner, constituent
une violation des articles 9 et 10 de la Charte qui prévoient les droits
à la liberté
d'expression et d'association respectivement.
L'article 9 de la Charte prévoit que :
1) Toute personne a droit à l'information.
2) Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans
le cadre des
lois et règlements.
48. Les faits dénoncés par la présente plainte constituent donc une violation
de ces dispositions. Par ailleurs, l'article 10 stipule que :
1) Toute personne a le droit de constituer librement des associations avec
d'autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi.
Dans sa résolution sur le droit à la liberté d'association, la Commission
a déclaré que :
1) Les autorités législatives ne devraient pas outrepasser les dispositions
constitutionnelles ou faire obstacle à l'exercice des droits fondamentaux
garantis
par la constitution et les normes internationales des droits de l'homme
;
2) En réglementant l'usage de ce droit, les autorités compétentes ne devraient
pas
décréter des mesures susceptibles de restreindre l'exercice de cette liberté
;
3) La restriction de l'exercice du droit à la liberté d'association devrait
être
compatible avec les obligations des Etats découlant de la Charte africaine
des droits
de l'homme et des peuples.
49. Les actes ci-dessus dénoncés constituent une violation de l'article
10 de la Charte.
50. Le requérant se plaint que l'arrestation et la détention Messieurs
Ifowodo et Agbakoba
à leur retour de voyages à l'étranger constituent une violation de l'article
12 (2) de la
Charte. A cet effet, il affirme que lorsque les points d'entrée deviennent
des champs
de harcèlements et d'arrestations fréquents, la liberté de mouvement est
violée. En
outre, il ajoute que la Charte prévoit des
restrictions sur le droit à la liberté de mouvement dans le cadre de la
loi, en vue de
protéger la sécurité nationale, l'ordre, la santé ou la moralité publiques.
L'arrestation et
les détentions des deux hommes ne peuvent être justifiées par aucune de
ces
restrictions prévues.
L'article 12 prévoit que:
1) Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence
à
l'intérieur d'un Etat, sous réserve de se conformer aux règles édictées
par la loi.
2) Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et
de revenir
dans son pays. Ce droit ne peut faire l'objet de restrictions que si celles-ci
sont
prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre
public,
la santé ou la moralité publiques.
51. Cette usurpation du droit, n'étant pas conforme aux restrictions précitées,
constitue
donc une violation du droit des victimes à la liberté de mouvement énoncée
à l'article
12 (1) et (2) de la Charte.
52. Le plaignant allègue que la perquisition sans mandat dans les locaux
de CLO et la
saisie de sa propriété constituent une violation de l'article 14 de la
Charte. Il est
affirmé que l'article 14 suggère que les propriétaires ont le droit de
protection dans
leur propriété, leur usage et leur contrôle.
L'article 14 prévoit que :
Le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être porté atteinte que
par nécessité
publique ou dans l'intérêt général de la collectivité, ce, conformément
aux
dispositions des lois appropriées.
53. Le requérant affirme aussi qu'aucune preuve n'a été fournie sur la
nécessité
publique ou l'intérêt général pouvant justifier la perquisition ou la saisie.
Cet acte
constitue donc une violation de l'article 14 de la Charte.
54. Malheureusement, jusqu'à ce jour, le gouvernement de la République
fédérale du
Nigeria n'a toujours pas répondu à la demande d'informations/observations
supplémentaires de la Commission, ni fourni ses arguments sur le fond
de
la plainte.
Dans ces conditions, la Commission est obligée d'accepter que les faits
rapportés par
le plaignant sont vrais.
Par ces motifs, la Commission
Retient la violation des articles 5, 6, 7 (1) (a) et (d), 9, 10 (1) et
12 (1) (1) et 14 de la
Charte Africaine par le Nigeria.
Fait à la 28è session ordinaire à Cotonou, Bénin, le 6 novembre 2000.