Mohamed Lamine Diakité c.
Gabon, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication
73/92, 27e Session Ordinaire, Alger, 11 mai
2000.
73/92 Mohamed Lamine Diakité c/ Gabon
Rapporteur:
17ème session: Commissaire Nguéma
18ème session: Commissaire Nguéma
19ème session: Commissaire Nguéma
20ème session: Commissaire Nguéma
21ème session: Commissaire Nguéma
22ème session: Commissaire Nguéma
23ème session: Commissaire Nguéma
24ème session : Commissaire Nguéma
25ème session : Commissaire Nguéma
26ème session : Commissaire Nguéma
27ème session : Commissaire Nguéma
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Résumé des faits :
1. Monsieur Mohamed Lamine Diakité est un citoyen malien qui a vécu au
Gabon pendant 17
ans, il en a été expulsé le 4 novembre 1987, laissant derrière lui sa femme
et ses 5 enfants qui
tous sont nés au Gabon. Selon le requérant, la raison de son expulsion
serait que son ami (un
certain Coulibaly Hamidou), a été accusé d’entretenir des relations coupables
avec dame
Victoire Mengué, épouse du sieur Mba Eyoghe, ancien membre du gouvernement
gabonais. A la
suite de quoi, ce dernier se serait servi de certaines autorités gabonaises
pour nuire et humilier le
requérant, sa famille et son ami. Le demandeur soutient par ailleurs que
M. Mba Eyoghe lui
devrait de l’argent. Le requérant et son ami ont été expulsés du Gabon
le 22 août 1989, en
application de l’arrêté n° 182/MATCLI-DGAT-DDF-SF. Un second arrêté portant
n° 126/MAT/CLD/SE/SG/DGAT/DDF/SF pris le 22 juin 1992, ayant déclaré celui
du 22 août 1989
nul et de nul effet, le requérant et son ami ont été autorisés à revenir
au Gabon.
Dispositions de la Charte dont la violation est alléguée :
2. Bien que le requérant n’évoque aucune disposition précise de la Charte
à l’appui de sa
communication, il appert à la lecture des faits allégués que les articles
12 al. 4, 14 et 18 al. 1 et 2
auraient été violés.
La procédure :
3. La communication date du 10 avril 1992. La Commission en a été saisie
à sa 12ème session.
4. Le Secrétariat de la Commission a échangé plusieurs correspondances
avec le requérant au
sujet de l'épuisement des voies de recours internes et du dédommagement
par les autorités
gabonaises du préjudice subi.
5. Le plaignant a indiqué qu'il avait épuisé les voies de recours internes
et que le gouvernement
gabonais n'avait encore rien fait pour le réhabiliter dans ses droits.
6. A la 14ème session tenue à Banjul (Gambie) du 25 octobre au 3 novembre
1994, la
Commission a déclaré la communication recevable.
7. A la 16ème session tenue en octobre 1994, la Commission a ordonné que
le Secrétariat
demande au gouvernement gabonais d’indiquer les mesures qu’il aurait déjà
prises pour traiter ce
cas.
8. A la 17ème session tenue en mars 1995, la Commission a décidé que le
Commissaire Nguéma
suive le cas auprès du Ministère des Affaires Etrangères gabonais.
9. Le 30 mars 1995, une note verbale a été reçue du Ministère des Affaires
Etrangères gabonais
indiquant que le Commissaire Nguéma avait rencontré le Ministre des Affaires
Etrangères, et
que l'affaire Diakité avait fait l'objet de leurs discussions mais, qu'aucune
solution n'avait encore
été trouvée. Cependant, les autorités gabonaises ont promis de trouver
une solution au problème.
10. Le dossier a connu plusieurs remises, pour permettre aux parties de
régler l'affaire à l'amiable
avec l'assistance du Commissaire Isaac Nguéma. Cette tentative n'a malheureusement
pas abouti.
11. Le 11 mai 1999, le Secrétariat a reçu une correspondance du requérant
adressée au Président
de la Commission, sollicitant son intervention ex qualité auprès du chef
de l’Etat gabonais. Le
contenu de cette lettre a été porté à l’attention du Président de la Commission
qui, le 10 juin
1999, a écrit au Président gabonais pour requérir son intervention en vue
de trouver une solution
définitive au différend. A ce jour, sa réponse n’est pas encore parvenue
à la Commission.
12. Le 30 mars 2000, le Secrétariat a reçu une correspondance du requérant
prenant acte du
report à la 27ème session de l'examen de la communication et réitérant
son souhait de voir la
Commission rendre une décision finale sur celle-ci.
13. Le 30 avril 2000, l'Etat défendeur a soumis des éléments nouveaux qui
ont permis de clarifier
les méandres de cette affaire et la manière dont le sieur Diakité et son
ami sont revenus au
Gabon.
Le Droit
La Recevabilité :
14. Aux termes des dispositions de l’article 56 al. 5 et 6 de la Charte
Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, les communications reçues à la Commission et relatives
aux droits de
l’homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir
les conditions ciaprès
:
· Al. 5 : “ être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils
existent, à moins qu’il ne
soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge
de façon
anormale ” ;
· Al. 6 : “ être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement
des recours
internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer
à courir le
délai de sa propre saisine ”.
15. Le sieur Mohamed Lamine Diakité a été expulsé du territoire gabonais
le 22 août 1989 en
application d’un ordre de l’autorité administrative de cet Etat. Bien qu’étant
revenu dans son
pays d’origine, en l’occurrence le Mali, il a entrepris des démarches auprès
des autorités
politiques en vue de l’annulation de l’ordre d’expulsion. il a par la suite
été autorisé à retourner
au Gabon où il réside depuis le 5 décembre 1997.
16. Ce qui cependant retient l’attention de la Commission, est le fait
que la condition relative à
l’épuisement des recours internes avant toute saisine d’une instance internationale
est fondée sur
le principe selon lequel, l’Etat défendeur devrait avoir eu l’opportunité
de réparer les torts causés
à la victime par ses propres moyens, dans le cadre de son propre système
judiciaire. Ce principe
ne signifie cependant pas que le requérant doit impérativement épuiser
les recours qui, en
termes pratiques ne sont pas disponibles.
17. L'Etat défendeur, par correspondance datée du 30 avril 2000, a versé
au dossier des éléments
nouveaux dont il ressort pour l'essentiel que le sieur Mohamed Lamine Diakité
n'a jamais attaqué
en justice l'arrêté d'expulsion n° 182/MATCLI-DGAT-DDF-SF pris contre lui.
Son retour sur le
territoire gabonais résulte d'une décision politique prise par le chef
de l'Etat de ce pays à la suite
des entretiens qu'il a eus avec son homologue malien au cours d'un voyage
officiel au Mali.
Par ces motifs, la Commission :
Déclare la communication introduite par le sieur Mohamed Lamine Diakité
irrecevable pour
non-épuisement des voies de recours internes.
Fait à Alger, le 11 mai 2000