CAT/C/BEL/CO/2
19 January 2009
Original : FRANCAIS
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Quarante et unième session
Genève, 3-21 novembre 2008
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité contre la torture : Belgique
1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Belgique (CAT/C/BEL/2) à ses 850e et 853e séances, les 12 et 13 novembre 2008
(CAT/C/SR. 850 et 853), et adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 860e séance, le 19 novembre 2008 (CAT/C/SR. 860).
A. Introduction
2. Le Comité se félicite du deuxième rapport périodique de la Belgique, mais regrette qu’il ait été présenté avec quatre ans de retard. Le Comité accueille avec satisfaction les réponses écrites exhaustives apportées à la liste des points à traiter (CAT/C/BEL/Q/2 et Add.1), ainsi que les renseignements complémentaires forts détaillés fournis oralement lors de l’examen du rapport. Enfin, le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie et la remercie de ses réponses franches et précises aux questions posées.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite des progrès réalisés par l’État partie en matière de protection et de promotion des droits de l’homme depuis l’examen du rapport initial en 2003 (CAT/C/52/Add.2). Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport initial, l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 17 juin 2004, et signé la Convention relative aux droits de personnes handicapées et son Protocol facultatif, le 13 décembre 2006, et la Convention internationale pour la protection de toutes
les personnes contre les disparitions forcées, le 20 décembre 2006. Le Comité encourage l’État partie à y adhérer pleinement.
4. Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption ou de l’entrée en vigueur des lois suivantes :
a) La loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration des établissements pénitentiaires et le statut juridique des détenus;
b) La loi du 18 mai 2006, qui consacre l’impossibilité d’invoquer la théorie de l’état de nécessité pour justifier la torture;
c) La loi du 15 septembre 2006, modifiant la loi du 15 décembre 1980, sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, qui intègre le mécanisme de la protection subsidiaire à l’égard de certains demandeurs d’asile ne remplissant pas les critères pour l’octroi du statut de refugiés, mais à l'égard desquels il y a de sérieux motifs de croire que, s'ils étaient renvoyés dans leurs pays d'origine, ils encourraient un risque réel de subir des « atteintes graves », telles que la peine de mort ou l'exécution, la torture et les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants;
d) La loi du 15 mai 2007, modifiant la loi du 1er octobre 1833 et la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions, qui renforce la protection des droits fondamentaux à l’occasion de toute procédure d’extradition et qui prévoit expressément que l’extradition devra être refusée lorsqu’il existe des motifs sérieux de penser qu’un déni flagrant de justice pourrait être ou a été commis, ou qu’un danger de torture ou de traitements inhumains et dégradants menace l’intéressé.
5. Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures suivantes :
a) L’adoption de normes minimales relatives aux lieux de détention utilisés par la police ainsi que l’obligation de tenir un registre chronologique des privations de liberté;
b) Les mesures prises suite au décès tragique de Semira Adamu, en particulier la création d’une Commission chargée de l’évaluation des instructions relatives à l’éloignement et la formation spécifique destinée aux fonctionnaires de police en charge de ces éloignements;
c) La réforme du Conseil d’État et la création du Conseil du contentieux des étrangers, suite à la loi du 15 septembre de 2006;
d) La réouverture de toute procédure pénale condamnant une personne lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a ultérieurement constaté que cette procédure avait violé les droits fondamentaux du condamné;e) L’incorporation des limitations spécifiques aux expulsions des étrangers, en particulier celle contenues dans une directive ministérielle du 7 juillet 2005, concernant des hypothèses dans lesquelles les ressortissants étrangers ne seront pas expulsés de Belgique lorsqu’ils présentent des attaches durables avec ce pays;
f) Le Plan d’action national contre la violence conjugale;
C. Sujets de préoccupation et recommandations Expulsions des étrangers
6. Le Comité note avec préoccupation l’insuffisance dans l’État partie des contrôles externes des éloignements de la part du Comité P et de l’Inspection générale, et l’absence du contrôle des éloignements des étrangers de la part des organisations non gouvernementales (ONG) qui n’ont pas l’accès aux cellules et à la zone d’expulsion (articles 3 et 11).
L’État partie devrait assurer la mise en place de contrôles plus fréquents, indépendants et efficaces qui seraient à l’avantage de tous dès lors qu’ils permettraient de lutter contre l’impunité. En particulier, le Comité recommande aux autorités belges de prendre des mesures alternatives visant à renforcer les contrôles, telle que l’usage de la vidéo et le contrôle de la part de la société civile, en particulier des ONG.
Enfants non accompagnés
7. Le Comité accueille avec satisfaction la création, au sein de l’Office des étrangers, d’un bureau spécial pour les mineurs non accompagnés, chargé de traiter leurs demandes de séjour. Il prend également note d’un certain nombre d’autres activités, parmi lesquelles la création de centres spécialisés dans l’accueil des enfants non accompagnés et un projet instaurant le service de tutelle administrative (article 11).
Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer les efforts déployés en vue de fournir l’assistance, l’accueil et le suivi spécialisés aux enfants non accompagnés.
Recours effectif dans les centres fermés
8. Le Comité est préoccupé par la mise en œuvre déficiente du recours dans les centres fermés, même s’il note qu’il existe des possibilités théoriques de porter plainte. Le Comité est également préoccupé par :
a) le fait que le dépôt de plainte sera quasiment impossible pour les personnes effectivement expulsées;
b) la difficulté de prouver les allégations, puisque les conditions entourant l’expulsion impliquent souvent l’absence de tiers et, donc, de témoins non concernés par le dossier, mais aussi la difficulté d’établir les faits car il est fréquent que les procès-verbaux rédigés par l’escorte mentionnent la « rébellion » de la personne expulsée, ce qui est difficile à vérifier car un étranger plaignant, en raison de son expulsion du territoire, n'est pas présent pendant le déroulement de l'enquête;
c) le fait que les critères de recevabilité actuellement en vigueur et notamment le délai de cinq jours, à partir de la violation alléguée des droits, pour porter plainte par écrit, sont trop restrictifs et n’ont pas d’effet suspensif sur la mesure d’éloignement ou d’expulsion. (article 13)
L’État partie devrait mettre en place un système efficace et transparent pour assurer la mise en œuvre de la Convention au plan national, et présenter des garanties d’indépendance et d’impartialité de sorte que les victimes puissent faire valoir leur droit de déposer une plainte. Le Comité recommande à l’État partie :
a) d’offrir une information optimale aux personnes concernées et d’envisager des possibilités de porter plainte à partir du pays d’origine;
b) de revoir les critères de recevabilité, en particulier en ce qui concerne le délai actuel de cinq jours;
c) d’assurer l’établissement systématique de certificats médicaux de qualité avant et après la tentative d’expulsion.
9. Tout en notant que l’arrêt de la Cour constitutionnelle annule partiellement l’article 39/82 de la loi du 15 décembre 1980 relatif au recours en extrême urgence et la possibilité d’exécution forcée en cas d’absence de décision par le Conseil du contentieux des étrangers, le Comité demeure préoccupé par le fait que les effets de l’article 39/82, en ce qu’il prévoit un délai de 24 heures pour l’introduction d’un recours en extrême urgence, seront maintenus jusqu’au 30 juin 2009 (article 13).
Le Comité recommande à l’État partie de prendre rapidement des mesures visant à conférer un caractère suspensif non seulement aux recours en extrême urgence, mais aussi aux recours en annulation introduits par tout étranger qui, faisant l’objet d’une décision d’éloignement du territoire, invoque qu’il risque d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il doit être renvoyé. Le Comité recommande, par ailleurs, d’étendre la période de 24 heures disponibles pour le recours en extrême urgence en suivant l’observation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui requiert que ces délais soient raisonnables, ce qui n’est pas le cas d’un délai de 24 heures.
Suivi des personnes expulsées
10. Le Comité est préoccupé par l’information reçue de sources non gouvernementales concernant la situation de certaines personnes expulsées après leur retour dans le pays d’origine. Il note avec préoccupation que les renseignements fournis par l’État partie concernant, d’une part, le contrôle et le suivi de ces personnes et, d’autre part, les garanties d’une procédure équitable sont insuffisants et ne sauraient donc faire l’objet d’une évaluation quant à leur compatibilité avec l’article 3 de la Convention. Le Comité prend toutefois note que l’État partie a assuré le suivi de certains cas par le truchement de ses représentants diplomatiques à l’étranger (article 3).
Le Comité recommande à l’État partie de développer le suivi des personnes renvoyées afin de s’assurer que nul ne pourra être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Traitement des plaintes
11. Tout en prenant note des explications fournies par la délégation belge au sujet de l’indépendance du Comité P et en saluant l’important travail d’investigation accompli, le Comité regrette la présence, dans la composition dudit Comité, d’un grand nombre de policiers et de personnes détachées d’un service de police, élément qui suscite l’inquiétude quant aux garanties d’indépendance qui sont attendues d’un organe de contrôle externe, en particulier en ce qui concerne la gestion de plaintes relatives au comportement des policiers et les sanctions prises à leur encontre. Ce phénomène a pris de telles proportions que le Comité P lui-même, dans son rapport annuel de 2006, indiquait que « les fonctionnaires de police semblent bel et bien bénéficier d’un régime pénal extrêmement favorable ». Le Comité est également préoccupé par la persistance des contradictions entre la version des faits des plaignants et celle des forces de l’ordre, en particulier par le risque que les invocations des policiers à charge des plaignants pourraient servir à couvrir un comportement répréhensible des policiers (article 13).
L’État partie devrait prendre les mesures adéquates pour garantir l’indépendance du Comité P au moyen de sa recomposition. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer une jonction systématique des dossiers dans les cas où une personne portant plainte contre les forces de l’ordre est elle-même poursuivie par les forces de l’ordre pour rébellion ou faits similaires.
Institution nationale
12. Le Comité regrette que, malgré la recommandation figurant dans les observations finales de plusieurs organes conventionnels, il n’ait pas encore été créé d’institution nationale indépendante pour les droits fondamentaux, dotée d’un large mandat dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales (voir la résolution 48/134 de l’Assemblée générale) (article 2).
Le Comité recommande à l’État partie de créer, selon un calendrier promptement établi, une institution nationale indépendante pour les droits fondamentaux conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales (voir la résolution 48/134 de l’Assemblée générale), appelés aussi « Principes de Paris ».
Allégations de mauvais traitements
13. Le Comité note avec préoccupation que les organisations non gouvernementales continuent à fournir des informations alléguant de mauvais traitements policiers, tels que l’arrestation arbitraire, les insultes à connotation raciste, le refus de donner suite à une plainte, les violences physiques et autres traitements inhumains ou dégradants, particulièrement persistants dans les zones de police Bruxelles/Ixelles (5339) et Bruxelles Midi (5341). Le Comité s’inquiète également de l’augmentation de plaintes pour comportement discriminatoire des forces de l’ordre (article 16).
L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre les mauvais traitements, y compris ceux fondés sur une quelconque forme de discrimination et en sanctionner les auteurs de manière appropriée. L’État partie devrait également renforcer les efforts visant à faire cesser ces mauvais traitements dans les zones de police Bruxelles/Ixelles (5339) et Bruxelles Midi (5341) et fournir au Comité des renseignements détaillés à ce sujet dans son prochain rapport périodique en 2012.
Définition de la torture
14. Tout en prenant note des explications de la délégation de l’État partie selon lesquelles la définition de la torture contenue à l’article 417bis du Code pénal est plus large que celle contenue dans la Convention, le Comité reste préoccupé par le fait que la définition du Code pénal belge n’inclut pas explicitement les comportements infligés par un « agent de la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite », telle que définie à l’article premier de la Convention (article 1er).
L’État partie devrait envisager de prendre les mesures législatives nécessaires pour amender l’article 417 bis du Code pénal de manière à s’assurer que l’ensemble des éléments de la définition de l’article premier de la Convention se trouve englobé dans la définition générale contenue à l'article 417 bis du Code pénal belge, comme recommandé par le Comité au paragraphe 6 de ses précédentes observations finales (CAT/C/CR/30/6).
Prévention de la torture
15. Le Comité accueille avec satisfaction l’entrée en vigueur, le 30 mai 2006, du Code de déontologie des services de police centré sur l’obligation de respect et de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui pèse sur les services de police et prévoyant des conditions strictes pour le recours à la contrainte et à la force. Néanmoins, le Comité regrette que ce code n’intègre pas de manière explicite la prohibition de la torture. Le Comité note que ledit Code contient plusieurs articles relatifs au comportement que doivent adopter les autorités policières lorsqu’elles sont en présence d’individus privés de leur liberté, mais il demeure néanmoins préoccupé par le fait que les sanctions auxquelles s’exposeraient les agents de police en cas de manquement à leurs obligations ne sont pas mentionnées (article 11).
L’État partie devrait prendre les mesures idoines pour intégrer la prohibition explicite de la torture dans le Code de déontologie des services de police et veiller à ce que les agents de police opèrent en connaissance de l’interdiction absolue de la torture sur tout territoire sous la juridiction de l’État partie. Le Comité recommande par ailleurs d’intégrer l’information sur les sanctions auxquelles s’exposeraient les agents de police en cas de manquement à leurs obligations.
Protection des mineurs
16. Tout en prenant note de la modification introduite par l’article 15 de la loi du 13 juin 2006 qui prévoit que, lors de la comparution devant le juge d’instruction, le mineur a droit à l’assistance d’un avocat, le Comité se déclare vivement préoccupé du fait que la présence obligatoire de l'avocat ou d'une personne de confiance lors des interrogatoires des mineurs reste marginale (article 11).
Le Comité encourage l’État partie à mettre en œuvre le projet pilote qui prévoit l’enregistrement audio-filmé des interrogatoires des mineurs, mais il souligne que cette initiative ne saurait remplacer la présence d'un tiers responsable lors des auditions des mineurs, y compris les mineurs témoins ou victimes de certaines infractions. L’État partie devrait poursuivre les efforts entrepris pour assurer aux mineurs la présence d’un avocat et d’un tiers responsable, à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’audition par un fonctionnaire de police, que le mineur soit ou non privé de liberté.
Administration de la justice pour mineurs
17. Le Comité reste préoccupé par le fait que, en vertu de l’article 38 de la loi de 1965, les personnes de moins de 18 ans peuvent être jugées comme des adultes. D’une manière générale et se faisant l’écho des observations finales adoptées par le Comité des droits de l’enfant en 2002 (CRC/C/15/Add.178), le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas suffisamment pris en compte l’approche globale du problème de la délinquance des mineurs, y compris en ce qui concerne la prévention, les procédures et les sanctions (article 11).
Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système de justice pour mineurs qui soit entièrement conforme, en droit et en pratique, aux dispositions de la Convention des droits de l’enfant et de veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne soient pas jugées comme des adultes.
Surpopulation carcérale
18. Tout en prenant acte des mesures prises par l’État partie pour répondre au problème crucial de la surpopulation carcérale, notamment par la construction de nouveaux établissements et l’étude de solutions alternatives à la détention, le Comité reste préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’insuffisance des inspections internes, l’inadaptation et la vétusté des bâtiments, ainsi que par les conditions d’hygiène défaillantes. Il est également préoccupé par l’augmentation des incidents violents entre détenus (articles 11 et 16).
Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif à la Convention et instituer un mécanisme national chargé de conduire des visites régulières sur les lieux de détention, afin de prévenir la torture ou tous autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il recommande par ailleurs que l’État partie envisage de mettre en place des mesures alternatives à l’augmentation de la capacité carcérale.
Le régime de sécurité particulier individuel
19. Le Comité note avec satisfaction qu’en vertu de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus, seuls les détenus présentant une menace constante pour la sécurité peuvent, sous certaines conditions légalement encadrées, être soumis à un régime d’exception et se félicite qu’il existe donc maintenant un cadre légal pour ce régime, prévoyant des conditions d’application cumulatives, une procédure particulière et une durée limitée. Cependant, le Comité est préoccupé qu’un droit de recours du détenu ne soit pas encore en vigueur. Par ailleurs, le Comité demeure préoccupé par les allégations reçues selon lesquelles il apparaît que la procédure n’est pas respectée, que les détenus ne sont pas auditionnés sur l’opportunité des mesures et que les auditions ont lieu sans interprète et sans avocat (articles 11 et 13).
Le Comité recommande à l’Etat partie une prompte entrée en vigueur du paragraphe 10 de l’article 118 de la loi de principes du 12 janvier 2005 car, sans un droit de recours du détenu concerné par ce type de mesures, les abus peuvent avoir lieu. En outre, le Comité recommande que l’État partie permette un contrôle indépendant et impartial de ces mesures, par exemple au moyen d’un contrôle extérieur à la prison et d’un contrôle exercé par la société civile.
Registre des privations de liberté
20. Le Comité note avec satisfaction qu’en vertu de la loi du 25 avril 2007 « toute privation de liberté est inscrite dans le registre des privations de liberté », mais s’interroge sur sa mise en œuvre effective. Par ailleurs, le Comité s’inquiète du fait qu’aucune mention relative à l’état physique (et particulièrement aux marques de blessures) de la personne arrêtée ne figure dans ce registre (article 11).
L’Etat partie devrait prendre les mesures adéquates pour s’assurer de la mise en œuvre effective de la loi du 25 avril 2007, procéder à une vérification systématique du respect de l’obligation de tenir un registre des privations de liberté au moyen d’enquêtes, de contrôles et d’inspections et indiquer les résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Par ailleurs, le Comité recommande à l’État partie de prévoir dans ce registre la mention de marques de blessures dès l’arrivée au commissariat.
21. Tout en se félicitant du fait que la loi du 25 avril 2007 comporte des avancées dans le domaine de la détention administrative, le Comité regrette toutefois que le droit à l’assistance juridique du détenu n’ait pas été reconnu et qu’en matière de détention judiciaire, un projet de loi n'accorde le droit à l’assistance juridique qu’après un délai de huit heures. Or, la période qui suit immédiatement la privation de liberté est celle où le risque d’intimidation et de mauvais traitements est le plus important (articles 2 et 11).
L’État partie devrait assurer que l’accès à un avocat dès la privation de liberté (administrative ou judiciaire) est reconnu, comme l’a déjà fait valoir le Comité dans ses précédentes recommandations (CAT/C/CR/30/6).
La libération conditionnelle
22. Le Comité se déclare préoccupé par la diminution importante de l’octroi des libérations conditionnelles. Par ailleurs, les permissions de sortie ou les congés pénitentiaires, nécessaires pour effectuer les démarches en vue de la libération conditionnelle, semblent également plus difficiles à obtenir que par le passé (article 11).
L’Etat partie devrait prendre des mesures efficaces pour que l’octroi d’une libération conditionnelle soit davantage accessible.
Internement de délinquants malades mentaux
23. Le Comité se déclare préoccupé par les conditions de détention des internés psychiatriques dans le système carcéral belge, déjà déplorées dans ses précédentes recommandations (CAT/C/CR/30/6, par. 7 g), en particulier en ce qui concerne l’insuffisance de personnel qualifié, la vétusté des installations, une qualité insuffisante de soins, l’absence de continuité des traitements, des examens médicaux, et la problématique sensiblement aggravée lors des grèves des agents pénitentiaires. Par ailleurs, le Comité s’inquiète de la longue période d’attente subie par de nombreux détenus figurant dans les annexes psychiatriques en vue d’un transfert vers un établissement de défense sociale (EDS). En raison de la surpopulation dans les EDS, l’attente peut durer de 8 à 15 mois (articles 11 et 16).
Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes afin de contrer les problèmes découlant du manque de qualité des soins de santé des internés, de la surpopulation des annexes, du placement de certains internés dans les ailes de la prison en raison du manque de place dans les annexes, de la vétusté des locaux, du manque d’activité et de prise en charge spécifiques des internés se trouvant dans les ailes de la prison. En outre, le Comité recommande à l’État partie d’assurer un encadrement thérapeutique spécialisé suffisant.
Violence contre les femmes et les filles
24. Tout en se félicitant des diverses mesures prises par l’État partie en vue de combattre et d’éliminer la violence contre les femmes, comme l’adoption du Plan d’action national contre la violence conjugale, le Comité note avec préoccupation l’absence au plan national de stratégie et de programme coordonnés pour lutter contre toutes les formes de violence contre les femmes et les filles. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par la persistance de châtiments corporels administrés à des enfants au sein de la famille et par l’absence d’interdiction légale de cette pratique (articles 2 et 16).
Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer une stratégie nationale unifiée et polyvalente pour éliminer la violence contre les femmes et les filles, comprenant des volets juridique, éducatif, financier et social. Il demande également à l’État partie de renforcer sa coopération avec les ONG œuvrant dans le domaine de la violence contre les femmes. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour interdire dans sa législation les châtiments corporels administrés à des enfants au sein de la famille. L’État partie devrait garantir l’accès des femmes et des enfants victimes de violence à des mécanismes habilités à recevoir des plaintes, sanctionner les auteurs de ces actes de manière appropriée et faciliter la réadaptation physique et psychologique des victimes.
Traite des personnes
25. Tout en félicitant l’État partie d’avoir ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le Comité est préoccupé par :
a) le fait que l’État partie ne s’attaque pas suffisamment aux causes fondamentales de la traite des femmes;
b) le fait que les ressources allouées dans ce domaine demeurent insuffisantes et qu’il n’existe pas de plan d’ensemble coordonné au niveau national;c) les lacunes de la coopération internationale afin de traduire en justice les auteurs des infractions;
d) le fait que la Belgique accorde des permis de résidence spécifiques uniquement aux victimes du trafic d’êtres humains qui collaborent avec les autorités judiciaires (articles 2 et 16).
Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains signée en 2005 et de continuer à prendre toutes les mesures appropriées pour lutter contre toutes les formes de traite des femmes et des enfants. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à :
a) mettre l’accent non seulement sur les mesures de justice pénale et la poursuite des trafiquants, mais aussi sur la protection et le relèvement des victimes;
b) accroître ses efforts pour lutter contre les causes fondamentales de la traite d’êtres humains;
c) renforcer la coopération internationale, en particulier avec les pays d’origine, de trafic et de transit, afin d’assurer des poursuites effectives;
d) aider les victimes grâce à des conseils et des mesures de réintégration;
e) veiller à ce que des ressources suffisantes (humaines et financières) soient allouées aux politiques et aux programmes dans ce domaine;
f) veiller à ce que des services d’appui suffisants soient fournis aux victimes, y compris à celles qui ne coopèrent pas avec les autorités;
g) envisager d’accorder aux victimes du trafic d’êtres humains l’autorisation temporaire de rester dans le pays.Formation
26. Le Comité relève que l’augmentation par l’État partie de la durée de formation des agents pénitentiaires et de police ainsi que du personnel chargé des éloignements reste insuffisante pour assurer une préparation qualifiante et multidisciplinaire sur les droits de l’homme. En outre, il regrette le peu de renseignements donnés sur le suivi et l’évaluation des programmes de formation assurés et l’absence d’informations sur les résultats de la formation dispensée à tous les agents compétents et sur l’utilité de ces programmes pour réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitement (art. 10). Par ailleurs, le Comité est préoccupé par l’insuffisance de la formation en ce qui concerne l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, comme déjà a été relevé par le Comité dans ses précédentes observations finales (article 10).
L’État partie devrait prendre des mesures suivantes :
a) intensifier les mesures en vue de l’octroi d’une formation qualifiante et multidisciplinaire en matière des droits de l’homme en incluant, en particulier, des informations complètes sur l’interdiction de la torture dans les programmes de formation professionnelle des membres des forces de police et du personnel pénitentiaire, comme recommandé au paragraphe 7 des précédentes observations finales du Comité (CAT/C/CR/30/6).
b) dispenser à tous les personnels une formation spéciale et adéquate en vue d’apprendre à détecter les signes de torture et de mauvais traitement. Le Comité recommande que le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) fasse partie intégrante de la formation des médecins.
c) élaborer et appliquer une méthode pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement et leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitement.
27. L’État partie est encouragé à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.
28. Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auquel il n’est pas encore partie, notamment la Convention relative aux droits de personnes handicapées, ainsi que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Comité invite également l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
29. L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par la Belgique au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, en langues nationales, au moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales. L’État partie est également encouragé à faire circuler ses rapports aux ONG de défense des droits de l’homme œuvrant au plan national avant de les soumettre au Comité.
30. Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun conformément aux exigences contenues dans les Directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ( HRI/GEN/2/Rev.5).
31. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité, telles qu’exprimées dans les paragraphes 6, 7, 11, 16, 20 et 27 ci-dessus.
32. Le Comité a décidé de demander à l’État partie de lui soumettre son troisième rapport périodique au plus tard le 21 novembre 2012.
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