COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Quarante-deuxième session
Genève, 27 avril-15 mai 2009Distr.
GÉNÉRALECAT/C/NIC/CO/1
10 juin 2009
FRANÇAIS
Original: ESPAGNOL
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité contre la torture
NICARAGUA
1. Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Nicaragua (CAT/C/NIC/1) à ses 872e et 874e séances (voir CAT/C/SR.872 et 874), le 30 avril et le 1er mai 2009 et a adopté, à ses 890e et 891e séances, le 13 mai 2009 (CAT/C/SR.890 et 891) les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Nicaragua mais regrette le retard avec lequel il a été soumis. Il se félicite du dialogue constructif et fructueux établi avec une délégation compétente, qu’il remercie de ses réponses franches et précises aux questions posées. Le Comité remercie également l’État partie pour les renseignements supplémentaires qu’il a fait parvenir.
B. Aspects positifs
3. Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le
26 août 2008, ce qui confirme sa volonté de lutter contre cette pratique et de l’éliminer.4. Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie, en 2005, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la ratification, en décembre 2007, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
5. Le Comité félicite l’État partie pour la mise en place en 2004 de la Coalition nationale contre la traite des personnes, et pour son adhésion au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, également en 2004.
6. Le Comité apprécie les efforts déployés par l’État partie pour améliorer le fonctionnement du système pénitentiaire, en particulier l’adoption, le 11 septembre 2003, de la loi no 473 relative au régime pénitentiaire et à l’application des peines, qui contient des règles pour l’exécution des peines et l’application des mesures de restriction de la liberté, fondées sur les principes de rééducation et de réinsertion sociale.
7. Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption du Code de procédure pénale, premier pas vers une amélioration de l’administration de la justice.
8. Le Comité accueille avec satisfaction la loi pour la protection des réfugiés, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 4 juin 2008 et a reçu l’appui de tous les partis politiques.
9. Le Comité est également satisfait par la nomination, en 2006, de la Procureur spéciale chargée des prisons, dont le rôle est de surveiller le traitement des détenus dans les différents lieux de détention.
C. Principaux motifs de préoccupation et recommandations
Définition et incrimination de la torture
10. Le Comité relève que le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 9 juillet 2008, contient une qualification ainsi qu’une définition expresse de la torture dans son chapitre II, «Crimes contre l’humanité», à l’article 486. Toutefois, il note avec préoccupation que la définition de la torture figurant dans le Code pénal n’est pas entièrement conforme à celle qui est donnée à l’article premier de la Convention puisqu’elle ne prévoit pas expressément les infractions commises par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Le Comité est également préoccupé par le fait que le Code pénal militaire n’incrimine pas la torture mais prévoit seulement l’abus d’autorité et les coups et blessures, ce qui pourrait faire supposer l’application d’une norme plus favorable à l’inculpé (art. 1er et 4).
L’État partie devrait adopter une définition de la torture pleinement conforme à celle qui est donnée à l’article premier de la Convention et veiller à ce que cette définition couvre tous les éléments constitutifs de la torture. Il devrait également réviser le Code pénal militaire de façon à prévoir le délit de torture et à le rendre conforme aux dispositions de l’article premier et de l’article 4 de la Convention.
Obligation d’enquêter et droit de porter plainte
11. Le Comité relève avec préoccupation la totale absence de poursuites et de sentences pour actes de torture et mauvais traitements, qui peut être assimilée à l’impunité. Il s’inquiète également de ce que, malgré l’augmentation du nombre de plaintes déposées par des citoyens, 68 % des enquêtes ouvertes dans les affaires de violation des droits de l’homme imputées à des agents de l’État ont été déclarées irrecevables et que 4 % seulement ont été renvoyées au ministère public aux fins de la mise en mouvement de l’action pénale, selon les renseignements supplémentaires donnés par l’État partie. À ce sujet, le Comité estime que l’absence presque totale de sanctions pénales peut constituer un obstacle à l’application de la Convention (art. 12 et 13).
L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire procéder sans délai à des enquêtes impartiales sur toute plainte pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et veiller à ce que celles-ci donnent lieu aux poursuites et sanctions qui s’imposent afin de lutter contre l’impunité des auteurs de violations graves de la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements imputés à des agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes qui ont pu être ouvertes, les procès qui ont eu lieu et les peines ou sanctions disciplinaires prononcées dans chaque cas. Des renseignements sur l’indemnisation ou la réparation qui a pu être accordée aux victimes doivent également être apportés.
Surveillance indépendante
12. Le Comité prend note des renseignements figurant aux paragraphes 83 et 86 du rapport, qui indiquent que le bureau du Procureur aux droits de l’homme ainsi que les juges de l’exécution des peines peuvent procéder à des inspections dans les lieux de détention. Toutefois, il est préoccupé par les renseignements qu’il a reçus indiquant que les inspections des lieux de détention sont insuffisantes et que les organisations non gouvernementales rencontrent des difficultés pour accéder à ces lieux (art. 2).
Le Comité engage l’État partie à mettre en place un système effectif de surveillance des conditions de détention et du traitement des prisonniers et, en particulier, à élargir le mandat du bureau du Procureur chargé des prisons pour lui permettre de se rendre dans les centres de rétention des migrants, dans les établissements pénitentiaires militaires et dans les hôpitaux psychiatriques, ainsi qu’à faciliter l’accès des organisations non gouvernementales à tous ces lieux. Le Comité souhaite voir figurer dans le prochain rapport des renseignements sur le nombre de visites, les plaintes reçues des détenus et les suites qui y sont données.
Prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et garanties fondamentales
13. Le Comité s’inquiète de l’exercice dans la pratique du droit de défense étant donné que, d’après le paragraphe 34 du rapport, la majorité des détenus n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour s’assurer les services d’un avocat privé et doivent donc recourir aux services d’un défenseur public, payé par l’État, et que le nombre de ces défenseurs publics semble insuffisant (art. 2 et 16).
L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour garantir l’exercice du droit de défense à toute personne privée de liberté et pour ce faire augmenter le nombre et les qualifications des défenseurs publics ou des défenseurs commis d’office, et établir des mécanismes juridiques permettant de former un recours en cas de défense insuffisante. Le Comité prie en outre instamment l’État partie d’accorder une attention prioritaire aux cas des détenus laissés-pour-compte (les «donados»).
Administration de la justice
14. Le Comité note avec préoccupation que les informations reçues révèlent des faiblesses dans le système d’administration de la justice de l’État partie. Certaines allégations font état d’un manque d’impartialité et d’indépendance des institutions publiques du pouvoir judiciaire, deux qualités indispensables pour garantir l’application effective du principe de légalité. Sont dénoncées en particulier des irrégularités dans la nomination des juges, une utilisation partisane des structures du pouvoir judiciaire et des cas de corruption parmi les juges et les agents de la police. Le Comité est également préoccupé par les retards dans l’administration de la justice, qui conduisent parfois à une prolongation de la détention provisoire au-delà de la durée légale de trois mois et à un retard dans l’examen de la situation des détenus (art. 2 et 13).
L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour corriger les dysfonctionnements dans l’administration de la justice, notamment en veillant à ce que le montant des ressources allouées soit suffisant et en poursuivant ses efforts de lutte contre la corruption. Il devrait également prendre des mesures pour garantir la pleine indépendance de la magistrature, conformément aux normes internationales en la matière, et pour remédier à l’insuffisance du nombre de magistrats. Il devrait en outre veiller à ce que la pratique de la détention soit conforme aux règles d’équité des procès, que la durée légale de la détention préventive soit dûment respectée et que les procédures de jugement n’excèdent pas un délai raisonnable.
Violence à l’égard des femmes
15. Le Comité prend note des différentes mesures prises par l’État partie pour combattre et éliminer la violence à l’égard des femmes mais il continue d’être préoccupé par la prévalence de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles dans le pays et par l’augmentation du phénomène des assassinats de femmes ces dernières années dans le contexte de la violence à l’égard des femmes et en particulier de la violence familiale et sexuelle. Le Comité relève avec préoccupation l’insuffisance de l’accès à la justice pour les victimes, le manque d’informations sur les jugements rendus et les peines prononcées pour violences contre la femme ainsi que l’absence de moyens permettant d’évaluer l’efficacité des mesures adoptées pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles (art. 16).
Le Comité engage instamment l’État partie à s’occuper en priorité d’adopter des mesures complètes pour combattre et éliminer la violence à l’égard de la femme. Il exhorte l’État partie à veiller à ce que les dispositions législatives sur la violence à l’égard des femmes soient appliquées sans réserve et à faire en sorte que les coupables soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées. Le Comité engage l’État partie à veiller à ce que toutes les victimes de violence aient accès à des moyens immédiats de réparation, de protection, d’appui et d’assistance juridique.
Il lui recommande en outre d’organiser des actions de formation permanente sur des questions ayant trait aux violences sexistes et aux violences contre les enfants, à l’intention des agents des forces de l’ordre, en particulier de ceux qui travaillent dans les commissariats pour les femmes. Se référant aux observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sur le rapport du Nicaragua (CEDAW/C/NIC/CO/6) adoptées en février 2007, le Comité exhorte l’État partie à adopter et mettre en œuvre une stratégie nationale unifiée et multiforme en vue d’éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles, qui devrait comporter des volets juridiques, éducatifs, financiers et sociaux. Le Comité demande en outre à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures adoptées et leur incidence, et en particulier de fournir des données sur le nombre et la nature des affaires de violence contre la femme qui ont été dénoncées, les jugements rendus et les peines prononcées, ainsi que sur l’assistance offerte et l’indemnisation accordée aux victimes.
16. Le Comité est vivement préoccupé par l’interdiction générale de l’avortement qui est faite aux articles 143 à 145 du Code pénal, même dans les cas où la grossesse résulte d’une agression sexuelle ou d’un inceste ou lorsqu’elle met en danger la vie de la femme, dans des situations souvent directement liées à la violence sexiste. Cette interdiction ôte aux groupes de femmes concernés toute possibilité d’échapper aux violations commises à leur encontre, ce qui se traduit par un grave stress traumatique pouvant entraîner des séquelles psychologiques à long terme, comme l’anxiété et la dépression. Le Comité note en outre avec préoccupation que les femmes qui demandent un avortement pour les raisons susmentionnées risquent d’être sanctionnées pénalement. Il est également préoccupé par le fait que la loi qui autorisait l’avortement thérapeutique dans de telles circonstances a été abrogée par le Parlement en 2006 et que depuis la mise en place de cette interdiction générale on a enregistré plusieurs décès de femmes enceintes causés par l’absence d’une intervention médicale qui aurait pu leur sauver la vie, ce qui est une violation flagrante de nombreuses règles déontologiques de la profession médicale.
Le Comité note en outre avec préoccupation que le personnel médical peut faire l’objet d’enquêtes et de poursuites s’il pratique l’avortement thérapeutique, en vertu des articles 148 et 149 du Code pénal (art. 16).
Le Comité engage instamment l’État partie à revoir la législation relative à l’avortement, comme le lui ont recommandé le Conseil des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans leurs dernières observations finales, et l’engage à étudier la possibilité de prévoir des exceptions à l’interdiction générale de l’avortement dans les cas d’interruption de grossesse thérapeutique et dans les cas où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste. Conformément aux directives de l’Organisation mondiale de la santé, l’État partie doit assurer un traitement immédiat et sans condition aux personnes qui ont besoin d’une prise en charge médicale d’urgence. L’État partie devrait également faire en sorte que les professionnels de la médecine ne risquent pas d’être sanctionnés pénalement dans l’exercice de leurs responsabilités professionnelles.
Protection des enfants contre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants
17. Le Comité estime positive l’adoption du Plan d’action national pour la prévention de la violence dans la famille et de la violence sexuelle mais il s’inquiète de ce que la violence dans la famille, y compris d’ordre sexuel, et les mauvais traitements des enfants sont un phénomène persistant et très ancré dans l’État partie (art. 16).
Le Comité engage l’État partie à intensifier ses efforts pour lutter contre les mauvais traitements des enfants dans la famille et à renforcer les mécanismes en place pour lutter contre toutes les formes de violence, de préjudice ou d’atteinte, de mauvais traitements ou d’exploitation, en particulier dans la famille, à l’école et dans les établissements ou autres centres de prise en charge sociale, d’enseignement ou de prise en charge judiciaire.
Opposition politique et défenseurs des droits de l’homme
18. Le Comité constate avec préoccupation que, d’après les renseignements reçus, il existe des cas de harcèlement systématique et de menaces de mort contre des défenseurs des droits de l’homme, en particulier contre des femmes qui défendent les droits des femmes. Il note également avec préoccupation que des femmes qui ont milité en faveur des droits de la procréation ont fait l’objet d’enquêtes pénales, et que des restrictions de fait entravent l’exercice du droit à la liberté d’association pour les organisations de défenseurs des droits de l’homme (art. 2, 12 et 16).
Le Comité engage l’État partie à prendre les mesures voulues pour faire cesser les actes présumés de harcèlement systématique et les menaces de mort contre les défenseurs des droits de l’homme en général et contre les femmes qui militent en faveur des droits des femmes en particulier, et pour que des enquêtes impartiales soient ouvertes dans ces affaires et que les coupables soient dûment punis.
19. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la répression violente par certains secteurs de la société, y compris des patrouilles d’autodéfense apparemment soutenues par l’État, des manifestations organisées par l’opposition politique et par les représentants d’organisations non gouvernementales. L’absence de sanctions contre les auteurs de ces actes conduit à leur répétition et semble indiquer un consentement tacite des autorités (art. 2, 12 et 16).
L’État partie devrait adopter des mesures efficaces pour combattre et prévenir les actes de violence contre les membres de l’opposition politique, leurs sympathisants et les représentants d’organisations non gouvernementales commis dans le cadre de manifestations pacifiques et assurer la protection des manifestants. Il devrait également faire en sorte que ces actes fassent l’objet d’enquêtes immédiates et impartiales et que leurs auteurs soient dûment sanctionnés.
Détention arbitraire
20. Le Comité partage les préoccupations exprimées dans le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/4/40/Add.3) en ce qui concerne l’absence, dans les locaux de la police, de registres clairs et systématiques qui permettent de connaître avec précision et certitude la date d’entrée et de sortie des personnes en garde à vue, les services et autorités devant lesquels elles ont été présentées et les responsables qui en ont la charge (art. 2, 11 et 16).
L’État partie devrait prendre des mesures pour améliorer substantiellement le système de registres dans les postes de police. Ces registres devraient permettre de connaître avec précision, entre autres: la situation de chaque détenu, y compris le jour et l’heure de l’arrestation, l’agent responsable de la garde à vue, le jour et l’heure de la notification de la détention au ministère public ainsi qu’aux proches et à l’avocat, le jour et l’heure de la présentation devant un juge, le jour et l’heure de la sortie du poste de police et l’autorité à laquelle le détenu a été confié.
Conditions de détention
21. Le Comité est préoccupé par le grave problème de la surpopulation et des mauvaises conditions de détention dans les lieux de privation de liberté, qui portent atteinte à la santé des détenus. Il a constaté que la situation était particulièrement préoccupante dans les Régions autonomes de l’Atlantique, en particulier en ce qui concerne les conditions dans les centres pénitentiaires de Tipitapa et de Bluefields (art. 16).
L’État partie devrait adopter immédiatement des mesures pour atténuer la surpopulation dans les prisons et pour améliorer les infrastructures et les conditions d’hygiène, et il devrait fournir les équipements, les personnels et les ressources budgétaires nécessaires pour que les conditions carcérales dans tout le pays soient conformes aux normes minimales internationales.
22. Le Comité prend note des renseignements apportés pendant le dialogue avec l’État partie au sujet des conditions de détention des femmes et des mineurs et relève qu’il a été dit que, en raison de la surpopulation carcérale, dans quelques régions il n’existait pas de prison séparée pour les femmes et les mineurs. Il reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour trouver des solutions pratiques à ce problème, par exemple en appliquant des horaires différents ou en utilisant des parties distinctes des installations communes, mais rappelle que, dans le cadre de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les femmes doivent être séparées des hommes et les mineurs doivent être placés dans des installations totalement indépendantes de celles dans lesquelles sont placés les adultes.
Le Comité insiste sur l’importance pour l’application de la Convention de l’existence d’un organe de surveillance indépendant doté de ressources humaines et financières suffisantes (art. 16).
L’État partie devrait faire en sorte que les femmes et les hommes soient incarcérés dans des établissements distincts et en particulier que les mineurs soient séparés des adultes. Il devrait également veiller à ce que les gardiens de prison affectés à la surveillance des femmes et des mineurs reçoivent une formation leur permettant d’agir avec la sensibilité nécessaire et en adaptant leur comportement. Il recommande également à l’État partie de renforcer les procédures indépendantes d’inspection des prisons.
Formation
23. Le Comité relève que la durée et la qualité de la formation des agents pénitentiaires et des agents des forces de police sont toujours insuffisantes pour garantir une préparation adéquate et pluridisciplinaire en matière de droits de l’homme aux personnels de la justice et de la police, en particulier aux agents qui ont affaire aux enfants et aux adolescents ainsi qu’aux femmes victimes de violence dans la famille. Il es préoccupé par l’insuffisance de la formation en ce qui concerne l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants. De plus, il regrette le peu d’informations reçues sur le suivi et l’évaluation des programmes de formation en vigueur, ainsi que l’absence de renseignements sur les résultats de la formation dispensée à tous les agents compétents et sur l’utilité de ces programmes dans la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).
L’État partie devrait adopter les mesures ci-après:
a) Renforcer les mesures visant à assurer une formation adéquate et pluridisciplinaire en matière de droits de l’homme, qui comporte en particulier, dans les programmes de formation professionnelle des membres des forces de police et du personnel pénitentiaire, une information complète sur l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
b) Dispenser à tous les personnels une formation spéciale afin d’apprendre
à détecter les signes de torture et de mauvais traitements. Le Comité recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) fasse partie intégrante de la formation des médecins;c) Élaborer et appliquer une méthode pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement ainsi que leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitements;
d) Concevoir et mettre en œuvre une formation particulière sur les questions des différences hommes-femmes, et assurer la formation des fonctionnaires des centres pour adolescents.
Administration de la justice pour mineurs
24. Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources humaines et financières allouées à la bonne administration de la justice pour mineurs, y compris pour appliquer comme il convient le Code de l’enfance et de l’adolescence. Il est également préoccupé par les lacunes dans le domaine de la défense et des poursuites et en ce qui concerne la mise en place et l’application de mesures ou de peines de substitution à la privation de liberté dans le cas des mineurs de 18 ans. Le Comité note aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas de centres spéciaux de détention pour les mineurs de 18 ans en conflit avec la loi et que les conditions de détention, en particulier dans les locaux de la police, sont précaires (art. 16).
Le Comité recommande à l’État partie de rendre son système de justice pour mineurs entièrement conforme à la Convention et aux autres normes des Nations Unies relatives à la justice pour mineurs, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, ainsi que les recommandations formulées par le Comité des droits de l’enfant (voir CRC/C/15/Add.265) lors de l’examen du dernier rapport de l’État partie. À ce sujet, le Comité recommande en particulier à l’État partie:
a) De veiller à mettre dûment en œuvre le Code de l’enfance et de l’adolescence dans tous les départements, notamment par l’établissement de tribunaux pour mineurs dans l’ensemble du pays, et d’allouer des ressources suffisantes à cet effet;
b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour créer des lieux de détention séparés pour les mineurs de 18 ans;
c) D’améliorer les conditions de détention des mineurs de 18 ans, principalement dans les locaux de détention de la police, en particulier en donnant effet aux normes internationales;
d) D’ordonner une enquête sur tous les cas de mauvais traitements commis par des agents de la force publique, y compris les gardiens de prison, de poursuivre les auteurs et de les sanctionner et de créer un mécanisme indépendant, accessible et
à l’écoute des enfants, chargé de recevoir les plaintes émanant d’enfants et d’y donner suite;
e) De veiller à ce que les enfants privés de liberté dans le cadre de la justice pour mineurs gardent un contact régulier avec leur famille, notamment en informant les parents du lieu où leur enfant se trouve détenu;
f) De dispenser au personnel des établissements pénitentiaires une formation sur les droits de l’enfant et sur les besoins particuliers de l’enfant.
Réparation, y compris le droit à une réadaptation et une indemnisation
25. Le Comité relève avec préoccupation l’absence de renseignements dans le rapport de l’État partie sur l’application concrète du droit des victimes de la torture à une réparation, y compris à des moyens de réadaptation les plus complets possibles et à une indemnisation juste et adéquate à la charge de l’État, en particulier l’absence de données sur les cas concrets, accompagnées des décisions judiciaires et administratives rendues (art. 14).
L’État partie devrait, conformément à l’article 14 de la Convention, veiller à garantir à toutes les victimes d’actes de torture le droit à réparation, indemnisation et réadaptation, dans la loi comme dans la pratique. À ce sujet, le Comité souhaiterait voir figurer dans le prochain rapport périodique de l’État partie des renseignements détaillés sur les aspects ci-après:
a) Les procédures en vigueur pour assurer la réadaptation et l’indemnisation des victimes de la torture et de leur famille, en indiquant si ces procédures sont ouvertes uniquement aux nationaux nicaraguayens ou si elles sont aussi disponibles pour d’autres groupes, comme les réfugiés;
b) Une description détaillée des programmes de réadaptation appliqués au niveau national en faveur des victimes de la torture;
c) Des exemples de cas concrets d’indemnisation et de réadaptation, accompagnés des décisions judiciaires et administratives qui ont été adoptées.
Collecte de données
26. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas été en mesure de fournir des données statistiques concernant certains aspects de la Convention ou que les données apportées ne soient pas correctement ventilées (par exemple par âge, sexe et/ou groupe ethnique). Pendant le dialogue il en a été ainsi pour les données sur la violence à l’égard des femmes, y compris les cas de viol et de harcèlement sexuel, et sur les enquêtes concernant les éventuelles plaintes pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les cas d’indemnisation et de réadaptation, etc.
L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour faire en sorte que les autorités compétentes, ainsi que le Comité, aient connaissance de tous ces éléments pour évaluer dans quelle mesure il s’acquitte des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données détaillées et ventilées, comme demandé aux paragraphes 10, 11, 14, 22 et 24 des présentes observations finales.
27. Le Comité invite l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
28. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures adoptées pour donner effet aux recommandations contenues dans les présentes observations finales. Il recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir l’application de ces recommandations, notamment en les faisant parvenir aux membres du Gouvernement et du Parlement afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet. L’État partie est en outre encouragé à diffuser largement, dans toutes les langues nationales, les rapports qu’il soumet au Comité ainsi que les observations finales correspondantes, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales. Il est également encouragé à distribuer ses rapports périodiques aux organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme qui travaillent dans le pays, avant de les soumettre au Comité.
29. Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, selon les recommandations des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.5).
30. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10, 11, 14, 15 et 17.
31. L’État partie est invité à faire parvenir son deuxième rapport périodique au Comité avant le
15 mai 2013.-----