Trente-cinquième session
7 - 25 novembre 2005
Décision du Comité contre la Torture en vertu de l'article 22
de la Convention contre la Torture et Autres Peines
ou Traitements Cruels, Inhumains ou Dégradants
- Trente-cinquième session -
Communication No 250/2004
Au nom de: M. A. H.
État partie: Suède
Date de la requête: 18 juin 2004
Le Comité contre la torture, institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 15 novembre 2005,
Ayant achevé l'examen de la requête no 250/2004, présentée par M. A. H. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, ses conseils et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
1.1 Le requérant est M. A. H., de nationalité iranienne, qui se trouve actuellement sous le coup d'une mesure d'expulsion en Suède. Il affirme que son renvoi forcé en Iran constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par des conseils, MM. Gardezi et Berkhuizen.
1.2 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a transmis la requête à l'État partie le 16 juin 2004. En application du paragraphe 1 de l'article 108 de son règlement intérieur, il a prié l'État partie de ne pas renvoyer le requérant en Iran tant que sa requête serait à l'examen.
1.3 Le 16 mars 2005, l'État partie a demandé que la recevabilité de la requête soit examinée séparément du fond. Le 29 mars 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a répondu favorablement à cette demande, conformément au paragraphe 3 de l'article 109 du règlement intérieur du Comité.
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Le requérant est arrivé en Suède en qualité d'étudiant à la fin des années 70. Par la suite, il a demandé l'asile et s'est vu accorder le statut de réfugié, sur la base d'une déclaration dans laquelle il affirmait, entre autres, qu'il était un ancien combattant de la guérilla kurde et qu'il avait été blessé par balle aux jambes.
2.2 En 1981, le requérant a commencé à faire entrer clandestinement des Iraniens dans des pays démocratiques, notamment en Suède. Il a créé à cette fin une organisation appelée Solh (paix). Au cours de sa première année d'activité, cette organisation a aidé 50 Iraniens à sortir clandestinement de leur pays; début 1987, elle avait fait entrer clandestinement quelque 20 000 Iraniens en Suède. Il s'agissait principalement d'opposants à la guerre entre l'Iran et l'Iraq, c'est-à-dire des soldats qui avaient déserté la ligne de front ou refusé la conscription, ainsi que de juifs et de musulmans convertis au christianisme.
2.3 Depuis son arrivée en Suède, le requérant n'a cessé de critiquer le régime iranien dans des médias suédois et européens. Il a publié dans la presse nationale des articles dénonçant l'utilisation par le Gouvernement iranien de certains types d'armes pendant la guerre irano-iraquienne.
2.4 Le 29 juin 1982, le requérant s'est vu accorder le statut de réfugié, un permis de séjour permanent en Suède et un permis de travail. En 1984, les tribunaux suédois l'ont condamné à une peine d'un an d'emprisonnement pour plusieurs falsifications de documents. En 1988, alors que le requérant était recherché par la police suédoise, son frère a déclaré aux autorités qu'il avait quitté le pays en 1987. L'Office suédois de la population a conclu qu'il ne résidait plus en Suède. En 1993, le tribunal de district d'Uppsala a condamné le requérant à une peine d'un an d'emprisonnement pour fraude aggravée, faux et usage de faux et violation de la loi sur les étrangers. Cette décision a été accompagnée d'une ordonnance d'expulsion, au motif que le requérant se serait rendu en Iran, perdant de ce fait son droit à la protection. En deuxième instance, la Cour d'appel de Svea a infirmé la décision d'expulsion, mais a porté la peine d'emprisonnement à quatre ans.
2.5 Le 10 mai 1995, le Conseil suédois des migrations a révoqué le permis de séjour du requérant, ce dernier n'étant plus considéré comme domicilié en Suède. Le Conseil a fondé sa décision sur le fait que le requérant avait quitté le pays et ne s'était pas fait réenregistrer à son retour. Il a indiqué que le requérant était revenu en Suède en août 1996 mais n'avait pas demandé un nouveau permis de séjour depuis cette date. Le requérant estime que cette décision est arbitraire du fait qu'elle a été prise sans enquête préalable et qu'elle n'est en outre pas susceptible d'appel.
2.6 Le 7 janvier 1997, le tribunal de district d'Uppsala a condamné le requérant à une peine d'un an d'emprisonnement pour complicité dans la falsification de documents officiels. Il a également ordonné son expulsion, en soulignant que l'accusé avait déjà été reconnu coupable à plusieurs reprises de faux et usage de faux, en Suède et au Danemark. Le requérant n'a pas interjeté appel de cette décision.
2.7 Le 25 avril 1997, le requérant a introduit une requête auprès du Gouvernement suédois en vue de faire annuler l'ordonnance d'expulsion, en faisant valoir qu'il risquait d'être soumis à la torture ou exécuté s'il rentrait en Iran, parce qu'il avait, entre autres, aidé des dissidents iraniens à sortir clandestinement du pays et exprimé dans les médias des opinions négatives sur le régime iranien; un autre argument invoqué était le fait qu'aucune enquête n'avait été conduite depuis le début des années 80 sur les motivations de sa demande d'asile. En outre, l'ambassade de Suède à Téhéran a indiqué que, selon une enquête menée en Iran, le requérant risquait d'être puni pour activités contraires à la sécurité nationale de la République islamique d'Iran, et que «si ses relations en Iran ne [pouvaient] le protéger, il [encourrait] probablement une peine d'emprisonnement, un châtiment plus sévère n'étant pas à exclure».
2.8 Le 3 juillet 1997, le Gouvernement suédois a rejeté la requête sans explications. Le même jour, l'affaire a été portée devant la Commission européenne des droits de l'homme, qui a déclaré la requête irrecevable au motif que le requérant n'avait pas contesté la décision du tribunal de district en date du 7 janvier 1997. Par la suite, le requérant a publié un passage d'un de ses ouvrages dans lequel il affirme que les religions sont la cause des conflits. Selon lui, on peut y voir une critique contre le Gouvernement iranien. Sur la base de cet argument, une nouvelle requête a été introduite auprès du Gouvernement suédois le 7 juillet 1997 en vue de faire annuler l'ordonnance d'expulsion, mais elle a également été rejetée.
2.9 Le 7 janvier 2002, le requérant a été reconnu coupable de différents chefs d'accusation, dont le recel, par la Cour d'appel de la région de Suède occidentale. Libérable le 19 juin 2004, il devait ensuite être expulsé vers l'Iran.
Teneur de la plainte
3.1 Le requérant affirme que, s'il est renvoyé en Iran, il sera soumis à la torture, à des châtiments corporels ou à la peine de mort, pour avoir aidé de nombreux dissidents iraniens à émigrer clandestinement en Suède et dans d'autres pays européens, et pour avoir critiqué le régime iranien dans les médias.
3.2 Le requérant affirme que son statut de réfugié n'a jamais été révoqué et qu'il ne pouvait en aucun cas être considéré comme révoqué du fait de l'annulation de son permis de séjour permanent en 1995, puisque les conditions requises pour la révocation du statut de réfugié, définies dans la législation suédoise relative à l'immigration sur le modèle de celles qui sont énoncées dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, n'étaient pas remplies à l'époque et ne l'ont pas non plus été par la suite.
3.3 Le requérant affirme qu'il existe en Iran un ensemble de violations systématiques et flagrantes des droits de l'homme, et que la répression s'y est durcie. Il a fourni des documents d'Amnesty International et d'une organisation appelée FARR qui confirment qu'il risque d'être torturé, voire condamné à mort, s'il est renvoyé en Iran.
Observations de l'État partie sur la recevabilité de la requête
4.1 Dans ses observations en date du 24 septembre 2004, l'État partie fait valoir que la requête concerne essentiellement une expulsion motivée par des infractions pénales. La loi suédoise sur les étrangers dispose que les décisions d'expulsion faisant suite à une infraction pénale sont prises par le tribunal qui connaît de l'infraction en question. À la demande du tribunal, le Conseil suédois des migrations peut émettre un avis non contraignant, mais cet avis a force obligatoire dès lors que l'étranger concerné invoque des obstacles à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion. Un étranger ne peut être expulsé que si certaines conditions sont réunies: il doit avoir été reconnu coupable d'une infraction passible d'emprisonnement, il doit exister des raisons de penser qu'il poursuivra ses activités criminelles en Suède, ou il doit avoir commis une infraction si grave qu'il ne saurait être autorisé à rester dans le pays.
4.2 Selon la législation suédoise relative à l'immigration, un étranger qui est titulaire d'un permis de séjour permanent depuis au moins quatre ans au moment où une procédure judiciaire est engagée contre lui ne peut être expulsé que dans des cas exceptionnels, par exemple s'il a commis un crime particulièrement grave ou s'il a été mêlé au crime organisé. Un réfugié peut être expulsé uniquement s'il a commis une grave atteinte à l'ordre public, si sa présence dans le pays compromet gravement la sécurité, ou s'il a participé à des activités mettant en danger la sécurité nationale. Il est formellement interdit d'expulser un étranger vers un pays où l'on peut raisonnablement penser qu'il risque la peine capitale, des châtiments corporels, des actes de torture ou d'autres traitements inhumains ou dégradants. Toute décision ou ordonnance d'expulsion rendue au vu d'une infraction pénale est susceptible de recours devant une cour d'appel, dont la décision peut à son tour être contestée devant la Cour suprême. Le Gouvernement peut en outre annuler une décision ou une ordonnance d'expulsion s'il estime que celle-ci ne peut être exécutée. Cette faculté du Gouvernement n'est applicable qu'aux décisions ou ordonnances d'expulsion qui sont devenues exécutoires.
4.3 L'État partie dément que le requérant ait obtenu, ainsi qu'il l'affirme, le statut de réfugié en 1982. Selon l'État partie, en mars 1982, le requérant a demandé un permis de séjour permanent et des documents de voyage, qui lui ont été accordés le 29 juin 1982. Même si, à cette époque, il était considéré comme ayant besoin de protection au même titre qu'un réfugié, il n'a pas fait l'objet d'une déclaration officielle sur le statut de réfugié parce qu'il ne l'a pas demandé. Dans un avis émis le 21 mars 1984, le Conseil suédois des migrations a déclaré que le requérant devait être considéré comme un réfugié au sens de l'article 3 de la loi de 1980 sur les étrangers et qu'il ne pouvait donc être expulsé.
4.4 L'État partie relève que, le 25 janvier 1988, alors que le requérant était recherché par la police suédoise, son frère a déclaré aux autorités qu'il avait quitté le pays en octobre 1987. Le requérant est revenu en Suède au début de l'année 1989. Lors de la procédure pénale devant le tribunal de district d'Uppsala, en 1993, il a déclaré qu'il avait déménagé de Suède le 24 août 1987. Le 10 mai 1995, le Conseil suédois des migrations a révoqué son permis de séjour au motif que, depuis janvier 1988, les informations disponibles indiquaient qu'il avait quitté la Suède. Le requérant est resté en Suède pour purger sa peine d'emprisonnement de 1993, il a bénéficié d'une libération conditionnelle le 12 octobre 1995 et a quitté le pays peu après. Il est revenu le 2 août 1996 sans déclarer son entrée dans le pays et sans demander un nouveau permis de séjour. Le 7 janvier 1997, le tribunal de district d'Uppsala l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement et a ordonné son expulsion assortie d'une interdiction du territoire. Le requérant n'a pas interjeté appel de cette décision.
4.5 L'État partie affirme que le requérant a été reconnu coupable à plusieurs reprises, en Suède et dans d'autres pays d'Europe, de différents chefs d'accusation en rapport avec l'entrée clandestine d'Iraniens dans des pays d'Europe occidentale. Il a fait l'objet de décisions judiciaires au Danemark en 1992 et en Suède en 1984, 1990, 1992, 1997 et 2002. Il a fini de purger sa dernière peine le 20 juin 2004. Le Ministre de la justice a toutefois décidé, le 18 juin 2004, qu'il devait rester en détention.
4.6 L'État partie fait observer que, le 12 février 1993, le tribunal de district d'Uppsala a condamné le requérant et ordonné son expulsion au motif qu'après avoir quitté la Suède en 1987 il s'était rendu en Iran, où les autorités lui avaient délivré de nouveaux documents d'identité au nom de H. S. Le tribunal a estimé que le requérant s'était replacé de son propre gré sous la protection de son pays d'origine. En deuxième instance, cependant, la Cour d'appel de Svea a annulé l'ordonnance d'expulsion, le requérant étant revenu sur les déclarations qu'il aurait faites antérieurement. Le 7 janvier 1997, le même tribunal a de nouveau ordonné son expulsion, en se fondant sur deux avis du Conseil suédois des migrations qui a estimé que le requérant ne satisfaisait pas aux critères requis pour le statut de réfugié, ainsi que sur le fait que le requérant avait été reconnu coupable d'infractions passibles d'emprisonnement et qu'il y avait des raisons de penser qu'il continuerait d'en commettre. Le tribunal a conclu que le requérant n'était plus un réfugié puisqu'il n'avait plus besoin de protection; les restrictions particulières à l'expulsion des réfugiés ne s'appliquaient pas à son cas.
4.7 Le 29 avril 1997, le requérant a saisi pour la première fois le Gouvernement en vue d'obtenir l'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Le 16 juin 1997, l'ambassade de Suède en Iran a communiqué un avis qui remettait en cause ses affirmations. Le 3 juillet 1997, le Gouvernement a rejeté sa requête. Le même jour, le requérant a saisi la Commission européenne des droits de l'homme. Le 7 juillet 1997, il a introduit une nouvelle requête en vue de faire annuler l'ordonnance d'expulsion, en faisant valoir qu'il avait écrit un ouvrage sur les conflits religieux ainsi qu'une brochure d'information à l'usage des demandeurs d'asile, trois ans auparavant. Le même jour, le Ministre de la justice a suspendu l'exécution de l'ordonnance d'expulsion jusqu'à ce que le Gouvernement se prononce sur la nouvelle requête. Le 18 septembre 1997, l'ambassade de Suède à Téhéran a émis un second avis sur le cas du requérant. Le 12 novembre 1997, celui-ci a retiré sa seconde requête au Gouvernement, lequel l'a donc supprimée des dossiers en cours. Le 22 janvier 1998, la Commission européenne des droits de l'homme a déclaré la requête du requérant irrecevable, au motif qu'il n'avait pas épuisé les recours internes.
4.8 Le 28 janvier 1998, le requérant a demandé une nouvelle fois l'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Le 27 mars 1998, le Conseil suédois des migrations a fait savoir que l'existence d'obstacles à l'exécution de cette ordonnance ne pouvait être totalement exclue au regard de la loi sur les étrangers. Le 5 novembre 1998, le Gouvernement a accordé au requérant un permis de séjour temporaire de six mois au vu des circonstances particulières qui étaient considérées comme applicables à l'époque. Par la suite, il a rejeté deux nouvelles requêtes demandant l'annulation de l'ordonnance d'expulsion, le 13 janvier 2000 et le 4 juillet 2002. Dans les deux cas, le Conseil suédois des migrations avait également estimé que l'existence d'obstacles à l'expulsion du requérant ne pouvait être totalement exclue. Le 17 juin 2004, le Gouvernement a rejeté la dernière requête du requérant visant à obtenir l'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Le Conseil suédois des migrations lui avait fait savoir le 11 juin 2004 qu'il n'existait pas d'obstacles à cette expulsion.
4.9 L'État partie considère que la requête n'est pas recevable du fait qu'elle concerne une question qui a déjà été examinée par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement (par. 5 a) de l'article 22 de la Convention). La Commission européenne des droits de l'homme a en effet déjà examiné la «même question» et déclaré la requête irrecevable. L'affaire dont était saisie la Commission concernait le même requérant, les mêmes faits et les mêmes droits fondamentaux que l'affaire soumise au Comité.
4.10 L'État partie affirme en outre que la requête est irrecevable du fait que le requérant n'a pas épuisé les recours internes disponibles (al. b du paragraphe 5 de l'article 22), puisqu'il n'a pas interjeté appel de la décision du tribunal de district d'Uppsala en date du 7 janvier 1997. L'État partie ajoute qu'un recours devant la cour d'appel compétente et, le cas échéant, un autre recours devant la Cour suprême constituent des recours internes et que le requérant doit donc les épuiser. Il n'y a aucune raison de considérer que ces procédures de recours «excèdent des délais raisonnables» ou qu'il soit «peu probable qu'elles donneraient satisfaction». Un recours ouvert au requérant dans le cadre de la procédure d'appel ordinaire ne saurait être remplacé par une requête présentée au Gouvernement en vue d'obtenir l'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Une telle requête est un recours extraordinaire comparable à un recours en grâce. En outre, il n'existe pas de circonstances particulières susceptibles de dispenser le requérant de l'obligation d'épuiser les recours internes.
4.11 L'État partie ajoute que la requête est irrecevable au motif qu'elle est manifestement dénuée de fondement (art. 22 de la Convention et art. 107 b) du règlement intérieur), le requérant ne l'ayant pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.
Nouvelle requête présentée au nom du requérant et commentaires de ce dernier sur la recevabilité
5.1 Le 14 décembre 2004, l'avocat récemment engagé par le requérant a présenté au nom de ce dernier une nouvelle requête, dans laquelle il avance que l'État partie a omis d'éclaircir les points suivants:
a) En neuf occasions distinctes, les autorités suédoises ont officiellement déclaré qu'il existait des obstacles à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion;
b) Le tribunal de district d'Uppsala et la Cour d'appel de Svea ont estimé que le requérant était un réfugié politique en Suède et qu'il existait des obstacles à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion;
c) En novembre 1998, après la décision rendue par la Commission européenne des droits de l'homme, l'État partie a accordé au requérant un permis de séjour temporaire et un permis de travail pour une durée de six mois;
d) D'autres textes juridiques que ceux invoqués par l'État partie sont applicables au cas du requérant;
e) Ni le tribunal de district d'Uppsala ni le Conseil suédois des migrations n'ont évoqué le statut de réfugié du requérant et son besoin de protection;
f) Le Conseil suédois des migrations n'a pas motivé la révocation arbitraire du permis de séjour permanent du requérant;
g) Le Conseil suédois des migrations n'a pas enquêté sur l'existence d'obstacles à l'exécution des ordonnances d'expulsion;
h) L'avis rendu par le Conseil suédois des migrations le 27 mars 1998, dans lequel il affirme que «l'existence d'obstacles [au retour du requérant] ne peut être totalement exclue», contredit l'avis contraire qu'il a émis le 21 juillet 2004;
i) En 1997, le tribunal de district d'Uppsala n'a pas enquêté sur l'argument du requérant, qui affirmait que son expulsion l'exposerait à la torture;
j) Selon la législation suédoise relative à l'immigration, la décision du 7 janvier 1997 par laquelle le Gouvernement a confirmé l'ordonnance d'expulsion est prescrite depuis le 7 janvier 2000, le délai officiel de quatre ans pour son exécution étant écoulé;
k) Le requérant n'a jamais renoncé à son statut de résident permanent ni autorisé quiconque à dire qu'il avait quitté la Suède dans l'intention de s'installer ailleurs de manière permanente.
5.2 Le requérant conteste la version des faits donnée par l'État partie, qui vise selon lui à le discréditer. Il met en évidence un certain nombre de points qu'il juge contradictoires entre sa propre version et celle de l'État partie, à savoir: le requérant a activement participé à la rébellion kurde contre Khomeini en 1979; il a occupé des fonctions importantes au sein de la guérilla kurde; il a été blessé par balle aux deux jambes; il avait des activités politiques depuis 1974. En outre, à son arrivée en Suède le 4 mai 1981, le requérant a été reconnu comme réfugié «de facto» en vertu de la loi de 1980 sur les étrangers. Le 29 juin 1982, on lui a accordé «la protection indéfinie et le statut de réfugié», des documents de voyage de réfugié, un permis de séjour permanent et un permis de travail. On lui a également confirmé par écrit son statut de réfugié. Le rapport officiel établi par l'ambassade de Suède à Téhéran le 16 juin 1997 a confirmé qu'il était un réfugié politique nécessitant une protection.
5.3 Le requérant indique qu'en 1981 les partis politiques kurdes en Iran lui ont demandé de fonder une organisation indépendante pour aider les membres de la guérilla kurde à chercher refuge en Europe occidentale. C'est ainsi qu'il a créé l'organisation Sohl, qui a commencé à aider les Iraniens victimes de persécutions à demander l'asile en Suède et dans d'autres pays européens. Le requérant affirme qu'en 1984, pour contrecarrer ses activités, la Suède a adopté une loi instaurant des peines plus lourdes pour toute personne qui aiderait des étrangers à entrer dans le pays sans visa valable. Le 22 février 1984, le Procureur de district d'Uppsala a demandé l'expulsion du requérant, mais cette demande a été rejetée le 30 mars 1984 par le tribunal de district d'Uppsala, au motif que le requérant était un réfugié politique.
5.4 Le requérant fait valoir qu'au cours des années 80, en raison de l'aggravation de la situation politique en Iran, l'afflux de demandeurs d'asile s'est accru, ce qui a provoqué une montée de xénophobie et de discrimination à l'égard des immigrés, encouragée par les partis politiques d'extrême droite de Suède. Nombre de réfugiés ont commencé à être victimes de harcèlement. En 1987, le requérant, qui avait publiquement affirmé avoir aidé au moins 20 000 Iraniens à s'installer en Suède, a commencé à recevoir des menaces de mort et a été agressé physiquement à plusieurs reprises. Lors d'une interview diffusée par une station de radio locale, il a déclaré métaphoriquement que son «âme» s'était rendue en Iran pour y rencontrer H. S., son nom de guerre lorsqu'il appartenait à la guérilla kurde. Cependant, un responsable du Conseil suédois des migrations a pris note de cette déclaration comme si le requérant s'était réellement rendu en Iran. En janvier 1998, les autorités ont interrogé son frère pour savoir où il se trouvait; son frère a répondu qu'il voyageait, mais sans laisser nullement entendre qu'il se trouvait en Iran. Un employé des services de l'état civil de Vaksala a fait une note demandant au requérant d'indiquer au Registre national de la population où il se trouvait, le 4 février 1988 au plus tard. Le requérant affirme que cette note ne lui a jamais été communiquée. Le 25 janvier 1988, le Registre national de la population a rayé le nom du requérant de la liste des résidents. Lorsque l'on supprime une personne du Registre national de la population, c'est pour éviter qu'elle ne continue de bénéficier des prestations sociales destinées aux résidents en règle. Or la décision du Registre n'ayant jamais été communiquée à d'autres instances suédoises, le requérant a continué de bénéficier de ces prestations sociales.
5.5 Le 17 mars 1989, le requérant a demandé le renouvellement de ses documents de voyage de réfugié, ce qui lui a été accordé. Il a alors ouvert deux comptes bancaires et a demandé un nouveau permis de conduire. Du 22 mai 1991 au 30 décembre 1992, il a purgé des peines d'emprisonnement en Allemagne et au Danemark. Le 30 décembre 1992, le Danemark l'a extradé à la demande de la Suède. Entre-temps, le tribunal de district d'Uppsala préparait sa mise en accusation. Le 14 janvier 1993, en réponse à une demande du Procureur de district d'Uppsala, le Conseil suédois des migrations a déclaré que le requérant avait obtenu le statut de réfugié le 29 juin 1982 et qu'il avait été domicilié en Suède depuis cette date. Il était indiqué dans cet avis que rien ne donnait à penser que le requérant eût cessé d'être un réfugié, que son séjour temporaire hors de Suède n'avait pas eu d'incidence sur son statut de réfugié, et qu'il existait donc des obstacles à son expulsion. Il était toutefois précisé que le requérant avait apparemment admis, lors d'une interview à la radio, s'être rendu en Iran.
5.6 Peu après, le tribunal de district d'Uppsala a condamné le requérant à une peine d'un an d'emprisonnement et ordonné son expulsion assortie d'une interdiction du territoire, en se fondant sur les informations du Conseil suédois des migrations, qualifiées de fausses par le requérant. Ce dernier estime que le tribunal de district d'Uppsala aurait dû mener une enquête pour vérifier s'il existait des raisons susceptibles de l'empêcher d'ordonner son expulsion. La question de la radiation présumée du requérant des listes du Registre national de la population a été longuement débattue à l'audience. En deuxième instance, la Cour d'appel de Svea a accepté les arguments du requérant et a annulé l'ordonnance d'expulsion, mais a décidé de porter sa peine d'emprisonnement d'un à quatre ans. Le requérant a alors compris que l'ordonnance d'expulsion était essentiellement un «piège» pour prolonger la peine d'emprisonnement au-delà d'une durée raisonnable.
5.7 Le 7 janvier 1997, le Procureur de district d'Uppsala a demandé l'expulsion du requérant en se fondant sur de fausses allégations, à savoir que le requérant aurait lui-même volontairement indiqué aux autorités, le 25 janvier 1988, qu'il avait émigré dans un autre pays. Le tribunal n'a pas cherché à vérifier s'il existait des obstacles à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion. Le tribunal avait à l'esprit sa propre décision de 1993, qui avait été infirmée par la Cour d'appel de Svea. Le requérant fait valoir qu'il est improbable que les juges du tribunal de district aient oublié que les arguments avancés à l'époque, à savoir son voyage présumé en Iran et sa radiation du Registre national de la population, avaient été démentis. Le tribunal n'avait pas le droit de fonder une nouvelle ordonnance d'expulsion sur ces mêmes arguments non valables. Le requérant explique que, au vu de ce qui s'était passé auparavant, il avait supposé que l'ordonnance d'expulsion de 1997 n'était qu'un autre «cruel vice de forme» qui le piégerait en appel, puisque la Cour d'appel de Svea annulerait l'ordonnance d'expulsion mais alourdirait la peine d'emprisonnement. C'est pourquoi il avait décidé de ne pas faire appel de sa condamnation et de contester uniquement l'ordonnance d'expulsion par le biais d'une requête auprès du Gouvernement. Le 11 juin 1997, le Gouvernement a décidé qu'il n'existait pas d'obstacle à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion. Le même jour, le requérant a sollicité l'aide juridictionnelle pour demander l'annulation de l'ordonnance d'expulsion, mais le Gouvernement a rejeté sa demande. Le requérant a alors déposé une plainte auprès de l'Ombudsman (Médiateur), le 7 mars 1997, et a de nouveau saisi le Gouvernement, le 25 avril 1997, en vue de faire annuler l'ordonnance d'expulsion; il a été débouté dans les deux cas.
5.8 Le requérant affirme que la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté sa requête pour des motifs de procédure, sans l'examiner au fond. Il en conclut que sa requête devant le Comité ne peut pas être considérée comme ayant déjà été examinée par une autre instance internationale d'enquête et qu'elle est donc recevable. Le requérant fait valoir en outre que, le 5 novembre 1998, après que la Cour européenne des droits de l'homme eut rendu sa décision, le Gouvernement suédois lui a accordé un permis de séjour temporaire, ce qui, à son sens, revenait à reconnaître implicitement qu'il existait des obstacles à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion.
5.9 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le requérant affirme que sa radiation du Registre national de la population le 25 janvier 1988, ainsi que la prétendue révocation de son permis de séjour permanent le 10 mai 1995 et la décision d'ordonner une nouvelle fois son expulsion sont des mesures qui participent d'un complot visant à le priver injustement et illégalement de son statut de réfugié. Selon lui, la décision rendue en 1997 par le tribunal de district d'Uppsala visait à l'obliger à former un recours devant la juridiction supérieure, qui alourdirait illégalement sa peine. Il fait observer qu'il avait déjà contesté la décision d'expulsion du tribunal de district d'Uppsala au début de 1993, et que la Cour d'appel de Svea avait infirmé cette décision. Il estime que le tribunal de district d'Uppsala n'était pas en droit de rendre une seconde ordonnance d'expulsion alors que la première avait été annulée par une juridiction supérieure conformément à la loi. Le requérant était convaincu qu'il serait vain et inutile de former un recours devant la même autorité. La Cour d'appel de Svea aurait certainement infirmé la décision du tribunal de district d'Uppsala mais, en même temps, elle aurait aussi illégalement alourdi sa peine d'emprisonnement. Le requérant affirme avoir épuisé les recours judiciaires qui lui étaient ouverts devant les juridictions suédoises et immédiatement entrepris d'épuiser aussi tous les autres recours internes disponibles. Il a saisi à plusieurs reprises le Gouvernement suédois et l'Ombusdman (Médiateur) du Parlement suédois en vue de faire annuler l'ordonnance d'expulsion. Il explique également que, s'il a décidé de ne pas former un recours devant la Cour d'appel de Svea, c'était à cause du stress extrême, du traumatisme et du choc qu'il endurait à l'époque.
5.10 Le requérant affirme que sa requête soulève des questions de fait et de droit tellement complexes qu'il est nécessaire de les examiner au fond pour statuer à leur sujet.
Observations complémentaires de l'État partie sur la recevabilité
6.1 Dans une note du 18 mars 2005, l'État partie insiste sur le fait que la requête devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il conteste l'argument de l'auteur, qui affirme que les demandes soumises au Gouvernement et à l'Ombusdman (Médiateur) du Parlement suédois peuvent se substituer à un recours devant les juridictions ordinaires aux fins de l'épuisement des recours internes. Une requête devant le Gouvernement est un recours extraordinaire qui ne saurait remplacer un appel formé auprès des juridictions ordinaires. L'État partie rappelle que la Commission européenne des droits de l'homme a conclu que le requérant aurait pu formuler l'essentiel de ses griefs au stade des procédures judiciaires dont il a fait l'objet, ainsi qu'en dernier ressort dans le cadre d'un recours devant la Cour suprême. L'État partie fait valoir que si la Commission européenne des droits de l'homme a jugé que la requête du requérant auprès du Gouvernement ne pouvait pas être considérée comme un recours aux fins de la recevabilité, le Comité devrait faire de même.
6.2 Les demandes présentées à l'Ombusdman (Médiateur) du Parlement ne peuvent compenser le fait que le requérant a omis d'interjeter appel de la décision d'expulsion. L'Ombusdman n'est pas compétent pour annuler une décision judiciaire; par conséquent, on peut difficilement considérer qu'une plainte devant cette instance constitue un recours utile.
6.3 En ce qui concerne les autres circonstances invoquées par le requérant, l'État partie rappelle qu'aux termes de l'alinéa b du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention et de l'article 107 du règlement intérieur, seuls deux motifs sont susceptibles de justifier une dérogation à l'obligation d'épuiser les recours internes: si les procédures de recours disponibles excèdent des délais raisonnables ou s'il est peu probable qu'elles donneront satisfaction. L'État partie maintient qu'il n'y a aucune raison de conclure que l'un ou l'autre de ces motifs s'applique en l'espèce. Il rappelle que le Comité a fait observer qu'en principe il ne lui appartenait pas d'évaluer les perspectives de succès des recours internes mais uniquement d'examiner si ces recours étaient appropriés aux fins recherchées par un requérant. L'État partie rappelle également qu'en 1993 la Cour d'appel de Svea avait rendu une décision en faveur du requérant et a annulé la première ordonnance d'expulsion dont il avait fait l'objet.
6.4 En ce qui concerne l'argument du requérant selon lequel il aurait préféré ne pas contester la décision d'expulsion par crainte de voir sa peine d'emprisonnement alourdie arbitrairement si l'ordonnance était annulée, l'État partie considère qu'il ne s'agit pas là d'un critère permettant d'apprécier si le recours en appel était susceptible de donner ou non satisfaction. Dans la mesure où la contestation de l'ordonnance d'expulsion est directement fondée sur l'existence d'un risque présumé de torture, la présente requête deviendrait sans objet si l'ordonnance était annulée. L'État partie fait observer en outre qu'en vertu du Code pénal suédois une ordonnance d'expulsion constitue un facteur de réduction de la peine imposable. Si l'ordonnance d'expulsion avait été annulée, la peine imposée aurait été alourdie. En tout état de cause, une peine est fixée en fonction de la gravité de l'infraction commise et ne peut être qualifiée d'«arbitraire» ou de «disproportionnée».
6.5 En ce qui concerne l'état psychologique du requérant au moment où le tribunal de district d'Uppsala a rendu sa décision, qui l'aurait selon lui empêché de faire appel, l'État partie relève qu'il ne s'agit pas là d'une circonstance susceptible de dispenser le requérant de l'obligation d'épuiser les recours internes.
6.6 L'État partie réaffirme que la requête devrait être déclarée irrecevable du fait que la «même question» a été examinée par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement et qu'elle est en outre manifestement dénuée de fondement. [Il conteste l'argument du requérant, selon lequel l'ordonnance d'expulsion est prescrite au titre de la loi sur les étrangers parce qu'elle n'a pas été exécutée dans un délai de quatre ans. Selon l'État partie, le délai de quatre ans n'est pas applicable aux décisions des juridictions ordinaires.]
Délibérations du Comité
7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si cette requête est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention.
7.2 Le Comité a pris note de l'argument du requérant, qui affirme avoir préféré ne pas interjeter appel de la décision rendue en 1997 par le tribunal de district d'Uppsala parce qu'il risquait une peine plus lourde en cas d'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Le Comité relève également que, selon le requérant, cette crainte n'était pas simplement subjective mais inspirée au contraire par l'expérience qu'il avait vécue en 1993, lorsque la durée de sa peine d'emprisonnement avait été augmentée. Cependant, puisque la Cour d'appel a annulé l'ordonnance d'expulsion en 1993, le Comité estime que le requérant n'a pas suffisamment démontré, aux fins de la recevabilité, qu'un recours en appel pour faire annuler l'ordonnance d'expulsion de 1997 aurait été inutile. Le Comité ne considère pas davantage que le fait de former des recours tels que des requêtes devant le Gouvernement ou du Parlement ait dispensé le requérant de l'obligation d'utiliser tous les recours judiciaires qui lui étaient ouverts devant les juridictions ordinaires pour contester la décision relative à son expulsion. De même, les problèmes psychologiques et émotionnels dont il aurait souffert lorsque le tribunal de district d'Uppsala a décidé pour la seconde fois de l'expulser (en 1997) ne le dispensaient pas de l'obligation d'épuiser les recours internes. Le Comité conclut que, dans ces conditions, la requête est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, conformément à l'alinéa b du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention.
7.3 Ayant conclu que la requête est irrecevable pour la raison susmentionnée, le Comité considère qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les autres motifs d'irrecevabilité invoqués par l'État partie.
8. Le Comité décide:
a) Que la requête est irrecevable au titre de l'alinéa b du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et au requérant.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]