S.C. (nom supprimé) c. Danemark, Communication No. 143/1999, U.N. Doc. CAT/C/24/D/143/1999 (2000).
Présentée par : S. C. (nom supprimé) [représenté par un conseil]
Au nom de : L'auteur
État partie : Danemark
Date de la communication : 17 août 1999
Le Comité contre la torture
, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réun i le 10 mai 2000,
Ayant achevé l'examen de la communication
No. 143/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22
de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dé ;gradants,
Ayant tenu compte de toutes les
informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication,
son conseil et l'État partie,
Adopte les constatations suivantes
au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.
1.1L'auteur de la communication est Mme
S. C., d'origine é quatorienne, née le 21 août 1965, actuellement demandeuse
d'asile au Danemark, où elle vit avec ses trois enfants mineurs. Elle affirme
qu'elle risquerait d'être soumise à la torture si elle était renvoyée en Équateur,
et que son expulsion vers ce pays constituerait donc une violation par le Danemark
de l'article 3 de la Convention. L'auteur est représentée par l'organisation
non gouvernementale danoise "Let Bosnia Live".
1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article
22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État
partie le 29 septembre 1999, et lui a demandé, en vertu du paragraphe 9 de l'article
108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser l'auteur vers l'É quateur
tant que sa communication serait en cours d'examen. Le 29 novembre 1999, l'État
partie a informé le Comité que l'auteur et ses trois enfants ne seraient pas
renvoyés vers leur pays d'origine tant que sa communication serait pendante
devant le Comité.
Rappel des faits présentés
par l'auteur
2.1L'auteur déclare qu'elle est devenue
membre du parti d'opposition illégal Partido Roldosista Ecuatoriano (PRE) à
Santo Domingo en avril 1995, mais qu'elle en était déjà une sympathisante active
depuis 1985. Elle dit avoir été arrêtée le 28 mai 1994, pour avoir distribué
des documents de propagande politique. Elle a d'abord été incarcérée pendant
trois jours; au cours de cette pé riode, elle aurait été maltraitée, tirée par
les cheveux, battue et menacée toutes les trois heures. L'auteur ajoute qu'elle
a été condamnée à six mois de mise à ; l'épreuve; à cette occasion, on lui a
retiré ses papiers, notamment son passeport, et on l'a privée de ses droits
civils et politiques.
2.2.L'auteur soutient qu'elle a été de
nouveau arrêté ;e le 13 décembre 1995, pour avoir organisé une manifestation
politique non autorisée, qui aurait rassemblé 200 personnes environ, et pour
y avoir participé. Elle aurait été détenue pendant 10 jours, au cours desquels
on l'aurait privée de nourriture, battue et frappée à coups de matraque, avant
de la condamner à 10 jours d'emprisonnement. À l'appui de sa déclaration, l'auteur
fait état de copies de certificats médicaux établis par le médecin qu'elle a
consulté après sa libération.
2.3.Le 26 avril 1996, l'auteur a été
nommée responsable politique d'un groupe de femmes du parti. Ses tâches principales
consistaient à organiser des réunions pour les femmes, en particulier dans des
quartiers pauvres, et à les informer de leurs droits. Elle apportait également
un soutien à des familles dans lesquelles on déplorait la disparition du père
ou de la mère, voire des deux parents.
2.4Le fiancé de l'auteur, qui était également
membre actif du PRE, aurait disparu en 1996, après avoir été enlevé par des
policiers en civil.
2.5L'auteur indique qu'elle a été une
nouvelle fois arrê tée le 27 janvier 1997 pour avoir participé à une manifestation
politique à Santo Domingo, et condamnée à six mois de prison; elle affirme que
pendant son incarcé ration elle a été insuffisamment alimentée, on lui a infligé
des décharges électriques aux doigts, et on l'a violée. Après sa libération,
elle a consulté un médecin, mais ne dispose pas de certificats médicaux. Elle
ajoute qu'alors qu'elle était en prison, son domicile a été cambriolé et vidé
de son contenu; elle a des raisons de croire que la police est à l'origine de
cet incident.
2.6L'auteur précise que lorsqu'elle a
été libé rée, la police lui a dit de quitter le pays. Toutefois, elle a pré
;féré rejoindre sa famille qui s'était ré fugiée dans la montagne pour soustraire
ses enfants aux autorité s. Pendant qu'elle se cachait, sa sœur lui a appris
qu'un mandat d'arrêt avait été décerné contre elle, parce qu'elle n'avait pas
quitté le parti et qu'elle ne s'était pas présentée à la police après sa libération
comme elle en avait reçu l'ordre. L'auteur est restée caché ;e dans la montagne
avec ses enfants pendant six mois, avant de pouvoir quitter le pays, prétendument
avec l'aide du PRE.
2.7L'auteur a quitté l'Équateur avec
ses enfants le 15 aoû t 1998, et s'est rendue en voiture en Colombie. Elle a
voyagé avec un passeport valide, délivré en septembre 1996. Le ;16 août 1998,
elle a quitté la Colombie et elle est arrivée au Danemark le 20 août 1998, aprè
s avoir passé deux jours aux PaysBas. Elle a aussitôt fait une demande d'asile.
2.8Sa demande a été refusée par les Services
danois de l'immigration le 30 octobre 1998. Elle a interjeté appel de cette
décision auprès du Conseil pour les réfugié ;s qui l'a confirmée le 17 février
1999. Le 24 mars 1999, l'organisation non gouvernementale "Let Bosnia Live"
a demandé au Conseil, au nom de l'auteur, de ré examiner sa demande en tenant
compte de nouveaux éléments relatifs aux activités politiques de l'auteur, notamment
une lettre du PRE et une copie d'un mandat d'arrêt délivré à son encontre par
le Ministère de l'intérieur, daté ; du 26 février 1999. Le 28 mai 1999, le Conseil
a rejeté la demande de l'auteur visant à renouveler sa demande d'asile. L'appel
interjeté le 30 juillet 1999 auprès du Ministre de
2.9L'auteur précise en outre que cette
question n'a pas été ; examinée et n'est pas en cours d'examen par une autre
instance internationale d'enquête ou de règlement.
Teneur de la plainte
3.Compte tenu des faits présentés, l'auteur
craint d'être de nouveau torturée si elle est renvoyée en Équateur, et affirme
que son renvoi contre son gré constituerait par consé quent une violation, par
le Danemark, de l'article 3 de la Convention.
Observations de l'État partie
4.1Dans une communication du 29 novembre
1999, l'État partie informe le Comité qu'il ne conteste pas la recevabilité
de la communication de l'auteur quant à la forme. Toutefois, il soutient que
l'auteur n'a pas réussi à établir qu'à première vue sa communication est recevable
au titre de l'article 22 de la Convention, et que le Comité devrait donc la
déclarer irrecevable. Au demeurant, si le Comité décidait de ne pas la rejeter
pour la raison susmentionnée, l'État partie fait valoir qu'il ressort de l'examen
de l'affaire au fond qu'aucune disposition de la Convention n'a été violée.
4.2L'État partie confirme que l'auteur
a suivi la procédure nationale de demande d'asile afin d'épuiser les voies de
recours internes, et ajoute qu'elle a établi sa demande initiale d'asile dans
sa langue maternelle, comme elle en avait le droit. Un interprète é tait constamment
présent pendant l'entretien personnel initial, dé ;taillé et approfondi, que
les Services danois de l'immigration ont eu avec l'auteur. L'État partie ajoute
que la procédure engagé ;e devant le Conseil fait intervenir le demandeur d'asile,
son avocat et un interprète, ainsi qu'un représentant des Services danois de
l'immigration.
4.3Pour ce qui est de l'application de
l'article 3 de la Convention à l'examen de l'affaire au fond, l'État partie
souligne que c'est à l'auteur qu'il incombe de présenter des arguments dé fendables,
conformément au paragraphe 5 de l'Observation gé nérale sur l'application de
l'article 3 adoptée le 21 novembre 1997 par le Comité.
4.4Se référant à l'Observation générale
susmentionnée, l'État partie souligne que le Comité contre la torture n'est
pas un organe d'appel ni un organe juridictionnel ou administratif, mais un
organe de surveillance. Il fait valoir que la communication ne contient pas
d'information qui n'ait pas été déjà examinée en détail par les Services danois
de l'immigration et le Conseil pour les réfugiés. À son avis, l'auteur tente
de se servir du Comité comme d'un organe d'appel afin d'obtenir le réexamen
de la demande sur laquelle les autorités danoises de l'immigration se sont déjà
prononcées.
4.5Dans sa décision du 17 février 1999,
confirmant l'avis des Services de l'immigration en date du 30 octobre 1998,
le Conseil pour les réfugiés a indiqué qu'il n'était pas persuadé que l'auteur
avait été persécutée en raison de ses activités politiques, avant son départ
de l'Équateur, ni qu'elle risquerait d'être persécutée, et notamment torturée,
si elle était renvoyée dans son pays d'origine.
4.6L'État partie souligne que, conformément
à la pratique du Comité, il est essentiel pour apprécier l'affaire au fond de
déterminer si les informations concernant la situation dans le pays d'origine
confirment les dires de l'auteur. À cet égard, l'attention du Comité est appelée
sur le fait que le PRE, au sein duquel l'auteur aurait occupé un poste important,
n'est pas un parti politique illégal comme celleci le soutient, mais l'un des
plus grands partis équatoriens; le chef de ce parti, dont l'auteur a été incapable
d'identifier le nom, a en fait dirigé le Gouvernement en 1996.
4.7L'État partie rappelle les conclusions
du Conseil pour les ré fugiés, selon lequel les déclarations de l'auteur concernant
ses prétendues détentions soulevaient quelques doutes.
4.8En outre, l'État partie souligne qu'au
cours de l'entretien qu'elle a eu avec les Services danois de l'immigration,
l'auteur a présenté ; des lettres adressées au Conseil pour les réfugiés par
le Comité directeur du PRE, une copie de deux certificats mé dicaux, datés du
1er juin 1994 et du 23 décembre 1995, prétendument délivrés par son propre médecin,
ainsi qu'un mandat d'arrêt décerné contre elle, daté du 12 août 1998, et dé
claré que ledit mandat avait été émis à cette date parce qu'elle n'avait pas
démissionné du parti comme elle l'avait dit. Toutefois, devant le Conseil, elle
a dit que c'était parce qu'elle n'avait pas quitté le pays comme elle en avait
reçu l'ordre. Elle n'avait pas reçu directement ledit mandat, mais en avait
reçu une copie que lui avait adressée un ami employé par la police. L'auteur
ne disposait que de copies des certificats mé dicaux, prétendument parce qu'elle
n'avait pas d'adresse permanente et qu'elle craignait d'être en possession de
documents originaux en raison de la censure de la correspondance. Après avoir
comparé la teneur des documents et les déclarations connexes de l'auteur aux
autres informations relatives à l'affaire, le Conseil pour les ré fugiés avait
estimé que ceux-ci n'étaient pas de nature à modifier la décision qui avait
été prise.
4.9Il ne fallait faire que peu de cas
de la déclaration de l'auteur selon laquelle elle aurait été violée durant sa
dernière période de détention, dans la mesure où cette affirmation n'avait été
avancée qu'au cours de la procédure devant le Conseil. Étant donné que la dernière
entrevue entre les Services de l'immigration et l'auteur précédant la procédure
engagée par le Conseil avait été effectuée par une femme, et que l'auteur, selon
ses propres dires, avait milité politiquement en faveur des droits des femmes,
le fait qu'elle n'avait jamais auparavant fait état d'un tel viol, que ce soit
auprès des autorités ou de son avocat, ô tait de sa crédibilité à cette déclaration.
4.10L'État partie précise que dans sa
décision du 28 mai 1999, de ne pas réexaminer l'affaire, le Conseil pour les
réfugiés avait insisté sur le fait que les nouvelles informations présentées
comme argument par l'auteur n'apportaient aucun élément nouveau au regard de
ceux déjà examinés par le Conseil et les Services de l'immigration au cours
de la procédure initiale.
4.11L'État partie appelle également l'attention
du Comité sur le fait que le Conseil avait jugé improbable que l'auteur, privée
de ses papiers d'identité pendant une année environ après sa prétendue libération
en décembre, ait néanmoins réussi à obtenir un passeport valide en septembre
1996. En outre, il convenait d'observer que l'auteur avait donné des informations
contradictoires aux autorités de l'immigration concernant son départ d'Équateur.
Elle avait d'abord affirmé avoir légalement quitté le pays le 15 août 1998,
avec un passeport en bonne et due forme, puis elle a indiqué qu'elle en était
en fait sortie illé galement, sans avoir eu à présenter de passeport parce que
c'était le soir, et qu'elle n'était pas autorisée à quitter l'Équateur puisqu'elle
faisait l'objet d'un mandat d'arrê t.
4.12En conclusion, l'État partie souligne
que le Conseil pour les réfugiés n'avait pas nécessairement contesté que l'auteur
ait pu avoir été détenue pour avoir participé à des manifestations, comme elle
l'avait indiqué , mais que cela ne constituait pas un motif suffisant pour lui
accorder l'asile. À supposer même que l'auteur ait effectivement subi, dans
une certaine mesure, des sévices physiques au cours de ces dé tentions, ce ne
serait pas non plus un motif suffisant. L'État partie fait valoir que, conformément
à la pratique du Comité, le risque d'être détenu ne suffisait pas, en tant que
tel, pour faire jouer le mécanisme de protection prévu à l'article 3 de la Convention,
et qu'il n'existait pas de preuve tangible, notamment médicale, corroborant
l'allégation de l'auteur selon laquelle elle aurait précédemment été soumise
à la torture.
4.13Enfin, l'État partie note que l'Équateur
a non seulement signé la Convention contre la torture, mais également reconnu,
par une déclaration du 6 septembre 1988, la compé tence du Comité pour recevoir
et examiner des communications pré sentées par des particuliers conformément
à l'article ;22. Le Comité a certes indiqué que le fait que l'État concerné
ait adhéré à la Convention et reconnu la compétence du Comité en vertu de l'article
22 n'é tait pas en soi suffisant pour conclure qu'une expulsion n'était pas
contraire à l'article 3; l'État partie en a conscience, mais estime que cet
élément devrait néanmoins être dûment pris en compte.
Observations du représentant
de l'auteur
5.1Dans ses observations au sujet de
la communication de l'État partie, le représentant de l'auteur fait référence
à la position de l'État partie, selon lequel c'est à l'auteur qu'il incombe
de présenter des "arguments défendables", propres à accréditer l'idée qu'elle
pourrait courir le risque d'être torturée si elle était renvoyée dans son pays.
Selon le représentant, l'auteur avait effectivement avancé de tels arguments
lorsqu'elle avait indiqué qu'elle avait déjà été persécutée, et en particulier
torturée, en raison de ses activités politiques en faveur des Indiennes pauvres
d'Équateur. En outre, le repré sentant souligne que, conformément à la pratique
du Comité , il n'est pas nécessaire de montrer que l'intéressée court un risque
grave, c'estàdire hautement probable, d'être soumise à la torture. Ce qu'il
faut prouver, comme l'a clairement indiqué le comité, c'est qu'il y a plus qu'une
" simple possibilité" qu'elle le soit.
5.2S'agissant de l'argumentation de l'État
partie selon laquelle le PRE, contrairement à ce qu'avait affirmé l'auteur,
est un parti légal, dont le chef a été président en 1996, le représentant considère
qu'il s'agit là d'un point sans aucun rapport avec la principale question à
l'examen, qui est de déterminer si l'auteur risque d'être torturée lors de son
retour en Équateur. L'argumentation de l'État partie est fondée sur des divergences
d'opinion et des malentendus.
5.3Le représentant estime qu'il conviendrait
d'accorder davantage de poids aux deux lettres dans lesquelles les responsables
locaux du PRE décrivent les dangers que courrait l'auteur si elle était renvoyée
en Équateur, étant donné qu'elle avait été la principale militante du parti
chargée des questions relatives aux droits des femmes. Il appelle l'attention
du Comité sur la lettre du 20 août 1999, qui indique que la personne qui avait
remplacé l'auteur dans cette fonction avait déjà été arrêtée. Le fait que le
Ministère de l'intérieur ait décerné un mandat d'arrêt contre l'auteur à une
date aussi tardive que le 26 février 1999 tendrait à montrer que l'auteur n'était
pas simplement recherchée pour avoir troublé l'ordre public lors de manifestations
politiques.
5.4Le représentant rappelle également
que l'auteur a é té violée en prison par des agents pénitentiaires qui coopéraient
étroitement avec la police locale; il n'est donc pas étonnant qu'elle n'ait
pu se procurer de certificat médical. Le fait que l'auteur n'ait pas révélé
cette information plus tôt aux autorités danoises pouvait s'expliquer par le
fait que, comme toute autre femme en pareille situation, l'auteur avait cherché
à effacer ce souvenir de sa conscience et que, pour des raisons é videntes,
elle ne faisait guère confiance aux policiers et aux interrogateurs.
5.5Le représentant observe que la position
de l'État partie, qui juge peu crédible l'obtention par l'auteur d'un passeport
valide alors qu'elle était soidisant persécutée par les autorités équatoriennes
et y voit la preuve qu'elle ne risquait pas d'être torturée, est en contradiction
avec la pratique suivie par ce même État partie, qui exige que tous les ressortissants
étrangers, y compris les demandeurs d'asile, souhaitant se rendre au Danemark
fassent une demande de visa auprès du consulat danois le plus proche avant leur
départ.
5.6Enfin, souligne le représentant, le
fait que l'Équateur soit partie à la Convention n'est pas un élément pertinent.
La question qui se pose est celle de savoir si oui ou non l'Équateur respecte
effectivement les droits consacrés par la Convention, en particulier le droit
des responsables politiques de l'opposition de ne pas être torturés.
Délibérations du Comité
6.1Avant d'examiner une plainte soumise
dans une communication, le Comité ; contre la torture doit déterminer si cette
communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité
s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 ;a) de
l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée ou
n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête
ou de règlement.
6.2Le Comité est en outre d'avis que,
tous les recours internes ayant été épuisés, rien ne s'oppose à ce que la communication
soit déclarée recevable. Puisque tant l'État partie que le représentant de l'auteur
ont formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité passe
à son examen au fond.
6.3.Le Comité doit déterminer si le renvoi
de l'auteur en É ;quateur contre son gré violerait l'obligation que l'État partie
a contractée en vertu de l'article 3 de la Convention de ne pas expulser ou
refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire
qu'elle risquerait d'être soumise à la torture.
6.4.Conformément au paragraphe 1 de l'article
3, le Comité doit donc déterminer s'il existe des motifs sérieux de croire que
l'auteur risquerait d'être soumise à la torture à son retour en Équateur. Conformément
au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention, le Comité doit tenir compte,
pour déterminer s'il existe de tels motifs, de toutes les considé rations pertinentes,
y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de
l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse
est de déterminer si l'inté ressée risquerait personnellement d'être soumise
à la torture dans le pays où elle serait renvoyée. Il s'ensuit que l'existence,
dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme,
graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi une raison suffisante
d'établir qu'une personne serait en danger d'être soumise à la torture à son
retour dans ce pays; il doit y avoir des motifs concrets donnant à penser que
l'inté ressée serait personnellement en danger. De la même manière, l'absence
d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme
ne signifie pas que l'intéressée ne risque pas d'être soumise à la torture,
dans son cas précis.
6.5.Sur la base des informations soumises
par l'auteur, le Comité prend note des activités de l'auteur en faveur des droits
des femmes en Équateur. Il note en outre que l'État partie, bien qu'é mettant
des doutes quant à la véracité de l'ensemble du récit de l'auteur, ne conteste
pas nécessairement que celle-ci ait pu avoir des démêlés avec les autorités
é quatoriennes du fait de ses activités politiques, sans qu'on puisse pour autant
les assimiler à des tortures. Le Comité rappelle, notamment, que l'auteur a
exercé ses activités politiques en qualité de membre d'un parti politique, important
et légal, d'un pays qui a non seulement ratifié la Convention contre la torture,
mais également reconnu volontairement la compétence du Comité prévue à l'article
22 de ladite Convention.
6.6.Le Comité note qu'aux termes de l'article
3 de la Convention, l'individu intéressé doit être confronté à un risque de
torture prévisible, réel et personnel dans le pays vers lequel il serait renvoyé.
À la lumière de ces différentes considérations, le Comité estime que l'existence
d'un tel risque n'a pas été établie.
6.7.Compte tenu de ce qui précède, le
Comité considè ;re que les informations qui lui ont été soumises ne constituent
pas de motifs suffisants de croire que l'auteur court personnellement le risque
d'être torturée si elle est renvoyée en Équateur.
7.Le Comité contre la torture, agissant
en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que
la dé cision de l'État partie de renvoyer l'auteur en Équateur ne constitue
pas une violation de l'article 3 de la Convention.