Mme Helle Jensen c. Danemark, Communication No. 202/2002, U.N. Doc. CAT/C/32/D/202/2002 (2004).
Présentée par : Mme Helle Jensen (représentée par un conseil, M. Tyge Trier, et M. Brent Sørensen)
Au nom de : Mme Helle Jensen
État partie : Danemark
Date de la requête : 15 janvier
2002
Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 5 mai 2004,
Ayant achevé l'examen de la requête no 202/2002 présentée par Mme Helle Jensen en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants, leur conseil et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
DÉCISION CONCERNANT
LA RECEVABILITÉ
1. La requérante est Mme
Helle Jensen, de nationalité danoise, qui réside actuellement dans le nord-ouest
du Sealand. Elle affirme être victime d'une violation du paragraphe 1 de l'article
premier et des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée
par un conseil.
Rappel des faits
2.1 Le 29 avril 1998, la requérante a été arrêtée à son domicile dans le nord-ouest
du Sealand et accusée de contrebande de cigarettes au titre de l'article 289
du Code pénal danois et du paragraphe 2 de l'article 73 3) du Code danois de
la douane. Elle a été ultérieurement inculpée, en application du paragraphe
1 de l'article 191 2) et de l'article 21 du Code pénal, de «tentative de participation»
pour avoir accepté de «recevoir et distribuer» du haschich.
2.2 Le 30 avril 1998, la requérante a été présentée à un juge du tribunal de
district de Kalundborg. À la demande du Directeur de la police, le tribunal
a ordonné la détention et l'isolement cellulaire de la requérante en application
des articles 762 1) iii) et 770 a) de la loi sur l'administration de la justice
(ci-après dénommée «la loi»). Le tribunal a prescrit l'isolement cellulaire
parce qu'il y avait de sérieux motifs de croire que la requérante était coupable
des infractions dont elle était accusée et tenterait d'entraver l'enquête en
prenant contact avec d'autres personnes impliquées dans l'affaire. La période
de détention provisoire devait, selon la décision du juge, prendre fin le 26
mai 1998 et l'isolement cellulaire le 12 mai 1998. Le 4 mai 1998, la Haute Cour
de la région est du Danemark a confirmé la décision du tribunal de district
en se fondant sur les motifs invoqués par le tribunal.
2.3 Le 11 mai 1998, le tribunal de district a examiné la question de savoir
s'il fallait prolonger l'isolement cellulaire de la requérante. Le conseil a
fait valoir que la mesure était excessivement sévère étant donné que la requérante
avait trois enfants - des jumeaux de 3 ans et un enfant de 7 ans. Le tribunal
a décidé de proroger la mesure jusqu'au 26 mai 1998 car les craintes à la base
de la décision persistaient. Le 13 mai 1998, se fondant sur les mêmes motifs,
la Haute Cour a confirmé la décision du tribunal de district.
2.4 Le 26 mai 1998, le tribunal de district a examiné la question de savoir
s'il fallait prolonger la détention provisoire et l'isolement cellulaire. Le
conseil a contesté la prorogation de la mesure au motif que "la santé de
la détenue s'était nettement détériorée au cours de sa détention avant jugement
depuis le 30 avril 1998, ce que [confirmaient] son état général et deux rapports
médicaux". Le tribunal de district a ordonné la prorogation de la mesure
jusqu'au 23 juin 1998 "au regard de la complexité de l'affaire et au motif
que certaines personnes impliquées étaient encore en fuite". Le 28 mai
1998, la Haute Cour a confirmé la décision du tribunal de district.
2.5 Le 28 mai 1998, à la demande du conseil de la requérante, le médecin de
la prison a présenté un rapport sur l'état de santé de la détenue. La requérante
avait été soignée entre le 15 et le 28 mai 1998 par ce médecin et examinée le
22 mai 1998 par un thérapeute du service d'urgence. Il ressort du rapport que
la requérante était dans un état proche de la dépression psychotique à On peut
aussi y lire ce qui suit: "L'état de santé de la détenue peut être entièrement
attribué à son incarcération et à son isolement cellulaire. Je recommande instamment
de mettre rapidement fin à l'isolement cellulaire et d'étudier si un autre type
de placement peut être trouvé afin de permettre à la détenue d'avoir plus de
contacts avec ses enfants. La santé de la détenue est selon moi en danger et
je la surveillerai de près". Ce rapport a été présenté à la Haute Cour
lorsqu'elle a examiné le recours de la requérante contre l'ordonnance du tribunal
de district en date du 26 mai 1998. Le 29 mai 1998, la requérante a été admise
à l'hôpital régional de Nyk°bing (Sealand). Le lendemain, elle a quitté l'établissement
parce qu'elle voulait être avec ses enfants.
2.6 Le 18 juin 1998, il a été mis fin à l'isolement cellulaire de la requérante.
Le 19 juin, le médecin de la prison a adressé un autre rapport au Directeur
de la police de Kalundborg. Il y est noté ce qui suit: " il importe au
plus haut point de mettre fin à l'isolement cellulaire de Mme Jensen; pour des
raisons de santé, cela aurait dû être déjà fait et je crois comprendre que la
mesure n'a été levée qu'hier soir". Le médecin se réfère enfin à un rapport
de la même date émanant d'un psychothérapeute qui faisait observer ce qui suit:
«… je tiens à dire clairement que Mme Jensen a besoin non seulement de sortir
de son isolement cellulaire mais aussi d'être libérée en attendant le jugement
final même si l'enquête doit se poursuivre. Faute de cela, il faut s'attendre
à ce qu'elle sombre spontanément dans un état psychotique, actuellement encore
évitable, dont elle souffrirait le restant de sa vie.». Ces rapports ont été
présentés au cours d'une audience qui a eu lieu devant le tribunal de district
le 22 juin 1998. Le tribunal s'est assuré que la requérante n'était plus en
isolement cellulaire mais a ordonné la prorogation de la détention avant jugement
jusqu'au 20 juillet 1998. Il a également ordonné, avec l'assentiment de la requérante,
qu'elle soit examinée à l'extérieur de la prison par un psychiatre légiste pendant
le reste de son incarcération.
2.7 Le 9 juillet 1998, le consultant du département de psychiatrie légale de
l'hôpital régional de Nykøbing (Sealand) a communiqué son évaluation de l'état
de santé mentale de la requérante concluant que «le seul traitement efficace
consisterait à ce que [la requérante] retrouve ses enfants le plus tôt possible
chez ses parents ou dans un des établissements du service des prisons et de
la probation et à lui assurer une psychothérapie convenable dans cet environnement».
Le 14 juillet 1998, le rapport a été présenté au tribunal de district qui a
décidé de prolonger la détention avant jugement de la requérante et de la placer,
si elle y consentait, avec ses trois enfants à la Lyng Halfway House du service
des prisons et de la probation. La requérante a été effectivement transférée
dans ce lieu le 17 juillet 1998 et y est restée jusqu'à son jugement le 29 octobre
1998.
2.8 Le 30 avril 2001, le représentant de la requérante, M. Brent Sørensen, expert
spécialisé dans la reconnaissance des signes de torture et la recherche sur
cette pratique, a écrit au Directeur du parquet pour demander d'enquêter sur
la possibilité que la requérante ait subi des tortures psychologiques du fait
de son placement en isolement cellulaire. Le 14 août 2001, le Directeur du parquet
a répondu qu'il n'y avait selon lui aucune raison d'ouvrir une telle enquête
dès lors que «rien ne [permettait] de penser que le recours à l'isolement cellulaire
dans le cadre de la détention avant jugement visait à obtenir des informations
ou des aveux de l'accusée ou d'une tierce partie, ce qui en aurait fait un acte
de torture au sens de la définition figurant dans la Convention contre la torture».
En dépit de deux autres demandes d'ouverture d'enquête, le Directeur du parquet
a refusé de reconsidérer sa décision.
Teneur de la plainte
3.1 Mme Jensen affirme que l'État partie a violé le paragraphe 1 de l'article
premier et l'article 16 de la Convention en lui faisant subir des tortures psychologiques
et des actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
du fait de l'avoir placée en isolement cellulaire entre le 29 avril et le 18
juin 1998, en dépit de rapports médicaux attestant les effets néfastes d'une
telle mesure sur sa santé mentale.
3.2 La requérante affirme également que l'État partie a violé l'article 12 de
la Convention dans la mesure où le Directeur du parquet n'a pas enquêté de manière
rapide et impartiale sur les allégations de torture psychologique comme le lui
demandait son représentant.
3.3 La requérante déclare qu'elle a épuisé les recours internes puisque, dans
la dernière lettre qu'il avait adressée au Directeur du parquet, son représentant
avait indiqué que, si ce dernier ne répondait pas à sa missive, il en déduirait
que les recours internes ont été épuisés. Le représentant de la requérante n'a
reçu aucune réponse.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond
4.1 Dans sa lettre du 26 avril 2002, l'État partie conteste la recevabilité
et le fond de la plainte. Il se réfère à l'article 762 du Code de procédure
pénale qui, pendant la période durant laquelle la requérante était détenue,
fixait les modalités de la détention avant jugement. En application des dispositions
pertinentes du Code, les tribunaux décident, à la demande de la police, s'il
y a lieu de placer l'inculpé en détention avant jugement. La décision du juge
doit fixer la durée de la détention qui doit être aussi courte que possible
et en tout cas de quatre semaines au maximum. Cette période peut être prolongée
mais de quatre semaines seulement à la fois. Une ordonnance de mise en détention
peut faire l'objet d'un appel devant une juridiction supérieure. Enfin, l'ordonnance
doit préciser qu'il est mis fin à la détention avant jugement, si nécessaire
sur décision du tribunal, lorsque les poursuites sont abandonnées ou que les
circonstances qui avaient rendu la détention nécessaire n'existent plus. Si
le tribunal constate que l'enquête n'est pas menée avec la diligence requise
ou que le maintien en détention avant jugement n'est pas raisonnable, il doit
y mettre fin.
4.2 L'État partie joint le texte de l'article 770 de la loi sur l'administration
de la justice qui fixe les modalités de l'isolement cellulaire. En application
de cet article, il est nécessaire qu'il y ait des raisons sérieuses de penser
que l'accusé a commis une infraction passible de poursuites et qui peut, en
vertu de la loi, emporter une peine d'emprisonnement d'au moins 18 mois. Le
principe de proportionnalité doit être pris en compte dans toute décision d'isolement
cellulaire pendant la détention avant jugement et pour la prorogation d'une
telle mesure. L'État partie note que les dispositions relatives à l'isolement
cellulaire pendant la détention avant jugement ont été profondément modifiées
par la loi no 428 du 31 mai 2000. Les nouvelles dispositions sont entrées en
vigueur le 1er juillet 2000. L'amendement avait pour but de restreindre le recours
à l'isolement cellulaire pendant la détention avant jugement et à en limiter
la durée; il soumet à des critères plus précis le recours à l'isolement cellulaire
ou la prolongation d'une telle mesure et prévoit des périodes d'isolement plus
courtes. (1)
4.3 L'État partie conteste la recevabilité de la requête au motif que les recours
internes n'ont pas été épuisés. Premièrement, la requérante aurait dû demander
à la Commission des recours l'autorisation de faire appel des ordonnances de
la Haute Cour et de la Cour suprême. En application de l'article 973 de la loi
susmentionnée, la Commission peut accorder l'autorisation de faire appel «si
le recours se rapporte à des questions fondamentales ou si des motifs précis
le rendent opportun». À l'appui de sa demande, la requérante aurait pu faire
valoir que sa détention avant jugement sous le régime de l'isolement cellulaire
était contraire à la Convention. L'État partie note que la Cour européenne des
droits de l'homme a statué qu'une demande d'autorisation de faire appel adressée
à la Commission des recours est un moyen de droit qui doit être épuisé aux fins
de la recevabilité d'une requête au titre de la Convention européenne. (2)
4.4 Deuxièmement, bien que la requérante ait été déclarée coupable, elle aurait
pu présenter une demande d'indemnisation au titre de l'article 1018 a) 2) ou
h) de la même loi. En vertu de l'article 1018 a) 2), une personne arrêtée ou
placée en détention avant jugement dans le cadre d'une procédure pénale a droit
à une indemnisation pour préjudice occasionné pendant la détention si «la privation
de liberté imposée dans le cadre de l'affaire est sans commune mesure avec le
résultat de la procédure ou si elle est jugée non raisonnable pour d'autres
motifs précis». L'allégation selon laquelle le recours à l'isolement cellulaire
pendant la détention avant jugement a porté préjudice à la requérante aurait
été particulièrement pertinente dans le cadre d'une telle demande d'indemnisation.
En vertu de l'article 1018 h), chacun peut demander une indemnisation dans le
cadre d'une procédure pénale en se fondant sur les règles générales du droit
des délits civils.
4.5 Les demandes d'indemnisation au titre de l'article 1018 a) 2) sont examinées
par le Procureur public régional et peuvent faire l'objet d'un recours auprès
du Directeur du parquet; les demandes au titre de l'article 1018 h) sont examinées
par le Directeur du parquet et peuvent faire l'objet d'un recours auprès du
Ministère de la justice. Dans les deux cas, la requérante aurait eu la possibilité,
en cas de rejet de son recours, de déposer une requête devant les tribunaux
en application de l'article 1018 f) 1). Afin de démontrer qu'un tel recours
est disponible et utile dans les circonstances de la cause, l'État partie cite
l'exemple suivant qui se rapporte à une affaire similaire; il ressort d'un jugement
prononcé par la Cour suprême le 5 septembre 2000 qu'une personne acquittée dans
le cadre d'une procédure pénale avait déposé une demande d'indemnisation pour
perte d'emploi et incapacité permanente résultant d'un isolement cellulaire
pendant sa détention avant jugement qui lui avait causé une maladie mentale.
(3) À l'appui de sa demande, le requérant avait, entre autres, fait valoir qu'il
avait été torturé en violation de l'article 3 de la Convention européenne des
droits de l'homme. La Cour suprême a estimé que l'isolement cellulaire pendant
la détention avant jugement était la principale cause de la maladie mentale
dont souffrait le requérant et lui a octroyé une indemnisation.
4.6 Sur le fond, l'État partie affirme que, pour qu'un acte soit qualifié de
torture, il doit remplir toutes les conditions énoncées au paragraphe 1 de l'article
premier de la Convention. Il fait valoir que l'on ne peut pas déduire du libellé
de l'article premier que la définition de la «torture» figurant dans cet article
s'applique à l'isolement cellulaire pendant la détention avant jugement. Bien
que le Comité ait noté, dans les observations finales qu'il a adoptées à l'issue
de l'examen du troisième rapport périodique du Danemark, sa préoccupation au
sujet de «l'institution du régime cellulaire utilisé à titre de mesure préventive
pendant la détention provisoire», il n'a pas estimé que l'isolement cellulaire
pendant la détention avant jugement était couvert par la définition susmentionnée
de la torture. (4) Cela ne peut pas non plus être déduit de la jurisprudence
du Comité.
4.7 L'État partie affirme que l'isolement cellulaire ne vise pas en général
et ne visait pas dans le cas d'espèce à obtenir de la requérante des renseignements
ou des aveux, à la punir d'un acte qu'elle avait commis ou était soupçonnée
d'avoir commis, à l'intimider ou à faire pression sur elle ou à intimider ou
à faire pression sur une tierce personne, ou tout autre but fondé sur une forme
de discrimination quelle qu'elle soit. Selon les règles en vigueur, l'isolement
cellulaire pendant la détention avant jugement présuppose qu'il existe «des
raisons précises de penser que le suspect va chercher à entraver le cours de
l'enquête, notamment en faisant disparaître des indices ou en prévenant d'autres
individus ou en faisant pression sur eux» et qu'il «existe des raisons concrètes
de penser que la détention avant jugement ne suffit pas en elle-même pour empêcher
le détenu de faire pression sur d'autres accusés par l'intermédiaire d'autres
détenus ou de faire pression sur d'autres personnes par des menaces ou de toute
autre manière» Art. 762 1) iii) et 770 a) 1) ii) de la loi, respectivement..
(5)Si l'isolement cellulaire pendant la détention avant jugement était décidé
dans un autre but, quel qu'il soit, il serait contraire aux dispositions de
la loi et, partant, illégal.
4.8 L'État partie nie que l'isolement cellulaire pendant la détention avant
jugement soit, en principe, contraire à l'article 16 de la Convention. L'article
16 complète l'article premier, et les deux articles correspondent à la première
phrase de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
qui stipule ce qui suit: «Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.». Selon l'État partie, il est possible
de déduire de l'Observation générale no 20 du Comité des droits de l'homme que
l'isolement cellulaire pendant la détention avant jugement n'est pas en principe
contraire à l'article 7 du Pacte dans la mesure où, selon les termes de l'Observation
générale, l'emprisonnement cellulaire prolongé d'une personne détenue ou incarcérée
peut être assimilé (non souligné dans le texte) aux actes prohibés par l'article
7, c'est-à-dire dans des cas précis, en fonction des circonstances.
4.9 L'État partie reconnaît qu'il peut y avoir des cas où l'isolement cellulaire
pendant la détention avant jugement constitue «une peine ou un traitement cruel,
inhumain ou dégradant». Il se réfère à cet égard au principe adopté par la Cour
européenne des droits de l'homme lors de l'examen d'une violation présumée de
l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme («Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.»).
Dans l'affaire Rasch c. Danemark, la Cour avait statué ce qui suit: «Toutefois,
lorsqu'on examine une mesure d'isolement cellulaire, il faut mettre en balance
les exigences de l'instruction et l'effet que l'isolement aura sur le détenu.
S'il y a isolement, les autorités doivent s'assurer que la durée de la mesure
ne devient pas excessive.». (6) En vertu de la Convention européenne, l'isolement
cellulaire pendant la détention avant jugement peut, dans certaines circonstances,
constituer un «traitement inhumain». (7)
4.10 En réponse aux allégations de violation du paragraphe 1 de l'article premier
et de l'article 16, l'État partie décrit les conditions de détention de la requérante
sous le régime de l'internement cellulaire. Les cellules de la prison mesurent
environ 8 m2 et sont équipées de la télévision et de la radio. Il est possible
d'emprunter des journaux, et des livres peuvent être commandés à la bibliothèque
publique de Kalundborg. Les détenus peuvent faire de l'exercice pendant une
demi-heure deux fois par jour, le matin et l'après-midi. Il est possible d'utiliser
les installations d'une salle de fitness.
4.11 L'État partie affirme que la requérante n'était pas totalement coupée de
l'extérieur pendant les 50 jours d'isolement cellulaire. Elle avait quotidiennement
des contacts avec le personnel de la prison; elle a vu ses parents et ses enfants
neuf fois, un travailleur social deux fois, le médecin de la prison six fois,
le médecin du service d'urgence deux fois, et un psychothérapeute trois fois.
Elle avait la possibilité de contacter son conseil, un ministre de sa religion
ou un des membres du service des prisons et de la probation. Du 29 au 30 mai
1998, elle a été soignée à l'hôpital régional de Nykøbing (Sealand); elle a
comparu à trois reprises devant le tribunal de district lors de l'examen de
la décision de prolonger l'isolement cellulaire.
4.12 Selon l'État partie, les charges de contrebande qui pesaient sur la requérante
étaient particulièrement graves. À l'audience du 30 avril 1998, l'acte d'accusation
portait sur la contrebande d'environ 1,1 million de cigarettes. Cette quantité
a été par la suite revue à la hausse et la Haute Cour l'a déclarée coupable
de complicité dans l'importation en contrebande de 6,6 millions de cigarettes.
L'enquête était de vaste portée et complexe. Plusieurs personnes étaient impliquées,
dont certaines étaient encore en fuite. Pour cette raison, on craignait que
la requérante ne les prévienne ou ne les contacte, ce qui aurait entravé l'enquête.
En outre, il a été mis fin à l'isolement cellulaire de la requérante dès que
l'enquête s'est terminée, c'est-à-dire le 18 juin 1998, alors que la mesure
pouvait être appliquée jusqu'au 23 juin 1998. Pendant les 50 jours qu'a duré
l'isolement cellulaire, le tribunal de district et la Haute Cour ont examiné
six fois - le 30 avril et les 4, 11, 13, 26 et 28 mai 1998 - la question de
savoir si les circonstances qui avaient justifié cette mesure existaient encore.
En conséquence, l'Etat partie affirme que les tribunaux ont continuellement
mis en balance les impératifs de l'enquête et les besoins de la requérante.
4.13 Pour ce qui est de la santé mentale de la requérante, l'Etat partie souligne
que le tribunal de district n'avait reçu que des informations orales sur son
état psychologique lorsqu'il a prononcé son ordonnance du 26 mai 1998. Auparavant,
aucun renseignement oral ni écrit n'avait été présenté sur son état de santé
mentale. Le rapport du 28 mai 1998 a été soumis à la Haute Cour à l'audience
où elle a prononcé son ordonnance du même jour, mais la Cour n'a pas jugé que
les renseignements qu'il contenait faisaient de la prolongation de l'isolement
cellulaire de la requérante une mesure disproportionnée. Le rapport suivant,
qui est daté du 19 juin 1998, a été soumis à l'audience du 22 juin 1998 alors
qu'il avait déjà été mis fin à l'isolement cellulaire de la requérante. Toutefois,
la Cour a prescrit un examen par un psychiatre légiste dont le rapport a été
présenté à l'audience du 14 juillet 1998. La Cour s'est conformée à la recommandation
contenue dans le rapport et a ordonné que la requérante soit placée à la Lyng
Halfway House où elle serait avec ses enfants.
4.14 Pour ce qui est de la violation présumée de l'article 12, l'État partie
a noté qu'il était significatif que, dans les requêtes examinées auparavant
par le Comité au titre de cette disposition, les autorités concernées étaient
des organes exécutifs qui s'étaient livrés à des actes qui pouvaient être qualifiés
de torture ou de mauvais traitements lors d'une arrestation ou durant une détention.
(8) En revanche, l'État partie ne se rappelle d'aucune affaire dans laquelle
l'article 12 a été invoqué à propos de décisions prises par des autorités judiciaires.
Il affirme que la décision relative à l'isolement cellulaire pendant la détention
avant jugement a été prise par un tribunal indépendant et impartial dans le
cadre d'une procédure au cours de laquelle le droit de la requérante à une procédure
équitable a été pleinement protégé. Selon l'État partie, rien n'autorise à interpréter
l'article 12 comme faisant obligation à une autorité administrative, en l'occurrence
le Directeur du parquet, de mener une enquête dans une affaire dans laquelle
une détenue n'est pas satisfaite des décisions prises par les tribunaux à son
encontre. Une telle enquête serait manifestement contraire au principe de l'indépendance
des tribunaux. Au cas où l'article 12 serait interprété comme s'appliquant à
la présente requérante, l'État partie tient à réaffirmer les observations qu'il
a faites plus haut sur le critère de la proportionnalité utilisé par les tribunaux
pour décider du bien-fondé d'une mesure d'isolement cellulaire.
Commentaires de la requérante
5.1 Dans une lettre datée du 13 octobre 2003, la requérante fait valoir que
la possibilité d'adresser une demande d'autorisation de faire appel à la Commission
des recours est illusoire. Il ressort des dossiers de la Commission qu'aucune
des demandes d'autorisation de faire appel d'une mesure d'isolement cellulaire
pendant la détention avant jugement présentées en 1996 (date de création de
la Commission) et en 1999 n'a été satisfaite; pour qu'il soit fait droit à une
demande de ce type, il est nécessaire de prouver l'existence de circonstances
exceptionnelles, telles que la jeunesse du détenu ou des troubles mentaux antérieurs.
Qui plus est, dans les rares cas où une demande d'autorisation de faire appel
d'une mesure d'isolement cellulaire auprès de la Cour suprême est satisfaite,
il y a peu de chances que la décision soit infirmée. En conséquence, la requérante
affirme que l'épuisement des recours internes n'est pas nécessaire «si des procédures
de recours … devaient excéder des délais raisonnables ou s'il est peu probable
qu'elles donnent satisfaction à la victime présumée». (9)
5.2 La requérante affirme que dans sa réponse sur le fond présentée plus loin
il est démontré que la violation de ses droits n'est pas seulement attribuable
aux autorités judiciaires danoises, mais aussi aux autorités pénitentiaires
et aux services de police de Kalundborg qui n'ont pas mis fin à l'isolement
cellulaire alors que, dès le 15 mai 1998, des experts médicaux avaient attesté
les effets psychologiques dévastateurs de cette mesure sur elle. En outre, il
appartient au Directeur du parquet de contrôler l'action des services de police
locaux comme celui de Kalundborg.
5.3 Pour ce qui est de l'argument selon lequel elle aurait dû demander une indemnisation,
la requérante fait valoir que le but de sa requête au Comité n'est pas d'être
indemnisée mais d'établir que l'État partie a violé des droits qui lui sont
reconnus par la Convention. Le Danemark est un État «dualiste» qui a décidé
de ne pas incorporer la Convention dans sa législation. En conséquence, les
tribunaux danois ne sont pas habilités à connaître de plaintes présentées par
des personnes au titre des dispositions de la Convention. Une plainte adressée
aux tribunaux danois pour qu'ils se prononcent sur une violation présumée des
droits consacrés par la Convention aurait été vaine, en sorte qu'une demande
d'indemnisation au titre de l'article 1018 a) 2) serait un recours inefficace
pour une violation présumée de la Convention. La requérante note également que
les tribunaux danois ont toujours refusé de reconnaître que le fait de tomber
malade pendant la garde à vue pouvait résulter d'une violation de la Convention
et de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.
5.4 Pour ce qui est de l'argument selon lequel ses allégations ne remplissent
pas les conditions énoncées au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention,
la requérante affirme que des témoignages d'ordre médical consistant en des
rapports établis par plusieurs médecins et thérapeutes au printemps de 1998
montrent qu'elle a enduré «une douleur et des souffrances aiguës» au sens dudit
paragraphe. Les symptômes sévères constatés chez elle seraient courants chez
les personnes soumises à l'isolement cellulaire. Elle se réfère aux études d'une
ONG danoise (Isolations-gruppen), qui a milité pour l'abolition de l'isolement
cellulaire, pour montrer que les suicides sont fréquents parmi les personnes
soumises à un tel régime. L'État partie était donc conscient de la «douleur
et des souffrances aiguës» infligées aux personnes détenues sous le régime de
l'isolement cellulaire, en particulier celles qui étaient dans la situation
de la requérante. Qui plus est, il savait que la requérante avait trois jeunes
enfants, ce qui ne pouvait qu'aggraver sa douleur et ses souffrances. Mme Jensen
fait valoir que son affirmation, selon laquelle l'État partie était, au moment
de son arrestation, au courant des lacunes de la législation régissant le recours
à l'isolement cellulaire pendant la détention avant jugement, est corroborée
par la modification ultérieure des dispositions de la loi relative à ce régime.
5.5 La requérante convient que le but de la loi n'est pas d'obtenir des aveux
ou des renseignements mais fait observer que la réalisation de la troisième
condition de l'article premier de la Convention ne dépend pas du libellé ou
de l'objet de la loi mais plutôt de son incidence dans le cas d'espèce. En questionnant
la requérante les 4 et 5 juin 1998 en l'absence de son avocat, la police de
Kalundborg a poussé l'interrogatoire au-delà des limites qui ne devaient pas
être dépassées en pareilles circonstances. Avant cet interrogatoire, plusieurs
médecins et thérapeutes avaient attiré l'attention sur la détérioration de l'état
mental de la requérante. Il est également affirmé que l'enquêteur de la police
a essayé d'obliger la requérante à reconnaître sa complicité dans des activités
de contrebande de haschich sans qu'une telle complicité ne soit attestée par
le moindre indice. Dans ces circonstances, il est affirmé que la police de Kalundborg
(en tant qu'autorité publique) s'est servie de l'isolement cellulaire pour obtenir
des renseignements et des aveux d'une manière qui correspond aux critères requis
pour qu'il soit possible de parler d'actes de torture au sens de l'article premier.
5.6 La requérante se réfère aux observations finales adoptées par le Comité
à l'issue de l'examen du rapport de plusieurs États pour montrer que les articles
1er et 16 peuvent être interprétés comme incluant une interdiction générale
de l'isolement cellulaire pendant la détention avant jugement. C'est ainsi que,
dans ses observations finales sur le quatrième rapport périodique du Danemark,
le Comité a déclaré ce qui suit: «… c) l'État partie devrait continuer à étudier
les effets du régime cellulaire sur les détenus et à noter les incidences du
nouveau projet de loi diminuant le nombre de motifs pouvant conduire au placement
en régime cellulaire et réduisant sa durée». (10) Il ressort clairement des
observations finales du Comité qu'il considère que l'isolement cellulaire, particulièrement
en cas de détention avant jugement, a des effets extrêmement graves sur l'état
mental et psychologique du détenu; les États parties sont encouragés à abolir
cette pratique. Tout en déclarant l'abolition préférable, le Comité recommande
de n'avoir recours à l'isolement cellulaire que dans des cas exceptionnels et
pour des périodes courtes.
5.7 La requérante se réfère, pour mettre en évidence les effets nocifs de l'isolement
cellulaire, aux observations d'autres organes conventionnels, notamment le Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) qui a rédigé plusieurs rapports sur cette question. Dans
le rapport qu'il a présenté au Gouvernement danois, à l'issue de la visite qu'il
avait effectuée au Danemark du 28 janvier au 4 février 2002, le CPT a, entre
autres, déclaré ce qui suit: «L'isolement cellulaire peut constituer, dans certaines
circonstances, un traitement inhumain et dégradant; en tout état de cause, la
durée de l'isolement cellulaire, quelle qu'en soit la forme, doit être la plus
courte possible.». Le Comité des droits de l'homme, qui s'est penché sur la
question de l'isolement cellulaire en examinant des plaintes individuelles,
des rapports de pays, ainsi que dans des observations générales, s'est déclaré
préoccupé par cette pratique. Lors de l'examen du quatrième rapport périodique
du Danemark, il a noté ce qui suit: «… l'isolement cellulaire est une peine
sévère entraînant de graves conséquences psychologiques qui ne se justifie qu'en
cas d'extrême nécessité; le recours au placement en isolement cellulaire hormis
dans des circonstances exceptionnelles et pour des périodes limitées est contraire
au paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Le Danemark devrait réexaminer la
pratique de l'isolement cellulaire et veiller à ce qu'il ne soit imposé qu'en
cas d'extrême nécessité.». (11)
5.8 La requérante invoque également la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme, en particulier son jugement dans l'affaire McGlinchey et
consorts c. Royaume-Uni, (12) dans laquelle la Cour a statué que l'article 3
[stipulait] que l'État partie [devait] faire en sorte qu'une personne soit détenue
dans des conditions qui ne sont pas compatibles avec le respect de sa dignité
en tant qu'être humain, que les modalités et la méthode d'exécution de la mesure
ne lui causent pas de souffrances excédant les limites de ce qui n'est pas évitable
dans toute détention et, étant donné les exigences pratiques de l'emprisonnement,
que sa santé et son bien-être soient convenablement assurés, entre autres, par
la fourniture des soins médicaux nécessaires. (13)
5.9 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle le tribunal de district
a uniquement reçu des témoignages oraux lorsqu'il a examiné la possibilité de
prolonger l'isolement cellulaire, le 26 mai 1998, la requérante fait valoir
que les autorités pénitentiaires auraient dû faire examiner d'office la requérante
par un médecin et demander, après avoir pris connaissance du préjudice psychologique
grave qu'elle aurait subi, au Procureur général de mettre fin à son isolement.
De l'avis de la requérante, la responsabilité de l'État partie en ce qui concerne
la violation des articles 1er et 16 était engagée dès le 15 mai 1998 lorsque
la police de Kalundborg n'a pas réagi au rapport du médecin de la prison qui
contenait les observations suivantes: «La détenue a montré des signes clairs
d'instabilité mentale qui peuvent être expliqués librement en fonction des connaissances
générales sur la réaction d'une personne normale à l'incarcération et à l'isolement
cellulaire. J'étais arrivé à la conclusion que sa condition risquait d'empirer
et qu'il était important de régler le plus vite possible le problème.». Le 22
mai 1998, bien que le médecin du service d'urgence et le thérapeute de crise
aient décrit la requérante comme étant «… mentalement très perturbée par l'isolement
cellulaire» et «claustrophobe, proche de la psychose et très abattue», la police
de Kalundborg n'a encore une fois fait aucun cas des effets nocifs de l'isolement
sur la requérante.
5.10 La requérante reconnaît la gravité de l'affaire pénale dans laquelle elle
est impliquée, mais tient à souligner qu'elle n'y a joué qu'un rôle périphérique
et mineur et ne connaissait donc pas le détail des opérations, qui étaient organisées
par son ancien époux et ses complices. En outre, elle a coopéré avec les services
de police et leur a donné le nom d'un suspect que la police n'a pas arrêté,
tout en affirmant qu'en mettant fin à l'isolement cellulaire de la requérante
elle compromettrait l'enquête dès lors que la détenue aurait essayé de contacter
des suspects qui n'avaient pas encore été appréhendés.
5.11 En ce qui concerne ses conditions de détention en isolement cellulaire,
la requérante note qu'elle a été incarcérée dans une cellule de 8 m2 sans fenêtre,
qu'elle n'avait pas la radio, qu'elle ne pouvait avoir la télévision que moyennant
paiement et qu'elle n'avait jamais été informée de la possibilité de se procurer
certains livres à la bibliothèque locale. Elle a certes reçu des visites de
sa famille mais la manière dont elles étaient organisées et leur brièveté ne
lui permettaient pas de se débarrasser de ses frustrations, de sa souffrance
et de son angoisse.
5.12 Pour ce qui est des arguments invoqués par l'État partie en ce qui concerne
l'article 12, la requérante affirme que la Convention est obligatoire pour toutes
les autorités publiques danoises, y compris les autorités pénitentiaires et
les procureurs. En conséquence, une enquête sur la manière dont la police de
Kalundborg et les autorités pénitentiaires ont traité son cas - la soumettant
maintes fois Ó un isolement cellulaire prolongÚ en dÚpit de rapports mÚdicaux
attestant les effets nocifs de cette mesure sur sa santÚ - n'aurait pas portÚ
atteinte Ó l'indÚpendance du pouvoir judiciaire. Elle pense donc que, lorsque
son reprÚsentant, un expert spÚcialisÚ dans la reconnaissance des signes de
torture et la recherche sur cette pratique, a donnÚ son avis au Directeur du
parquet et lui a demandÚ d'enquÛter, une telle enquÛte aurait d¹ Ûtre effectuÚe
comme l'exige l'article 12 de la Convention.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre
la torture doit déterminer si la requête est recevable au titre de l'article
22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en
vertu du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question
n'a pas déjà été et n'est pas actuellement examinée par une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement.
6.2 Pour ce qui est de la question de l'épuisement des recours internes et de
l'argument initial de la requérante concernant l'absence de réponse à la lettre
adressée par son représentant au Directeur du parquet, dans laquelle il déclarait
que, s'il ne recevait pas de réponse, il considérerait que les recours internes
ont été épuisés, le Comité souligne qu'il n'est pas du ressort du Directeur
du parquet d'informer un conseil sur les recours possibles ou disponibles en
cas de violation présumée et qu'il n'est pas possible de déduire de cette absence
de réponse que les recours ont été épuisés.
6.3 Le Comité note les arguments de l'État partie selon lesquels, faute d'avoir
présenté une demande d'autorisation de faire appel à la Cour suprême ou d'indemnisation
au titre de la loi sur l'administration de la justice, la requérante n'a pas
épuisé les recours internes. Selon la requérante, les deux recours auraient
été inefficaces dès lors qu'une demande d'autorisation de faire recours n'est
qu'une possibilité théorique et que, dans une demande d'indemnisation, elle
n'aurait pas pu invoquer les droits qui lui sont garantis par la Convention.
Pour ce qui est de l'indemnisation, le Comité n'est pas convaincu que, dans
les circonstances de l'affaire, une procédure d'indemnisation constituait un
recours que la requérante aurait dû utiliser pour qu'il soit établi que les
recours internes ont été épuisés. En ce qui concerne la demande d'autorisation
de faire appel, le Comité fait observer que, même si la requérante pense qu'il
ne s'agit que d'une possibilité théorique, elle admet qu'une telle autorisation
a déjà été accordée dans plusieurs cas. Le Comité est d'avis que de simples
doutes quant à l'efficacité d'un recours ne libèrent pas la requérante de l'obligation
d'épuiser ledit recours. Pour cette raison, le Comité estime que la requête
est irrecevable parce que la requérante n'a pas épuisé les recours internes
comme l'exige le paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention.
7. En conséquence, le Comité décide:
a) Que la requête est irrecevable;
b) Que la décision pourra être reconsidérée en vertu de l'article 109 du règlement
intérieur, si le Comité est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande contenant
des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus
applicables;
c) Que la présente décision sera communiquée à la requérante, à son conseil
et à l'État partie.
____________________________
[Adoptée en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité
à l'Assemblée générale.]
Notes
1. L'État partie renvoie le Comité aux observations figurant dans le quatrième
rapport périodique du Danemark, par. 117 à 123 (CAT/C/55/Add.2).
2. Requête no 45485/99, Ali Lanewala c. Danemark.
3. Danish Law Reports 2000, p. 2385, Cour suprême, U 2000, p. 2385 H.
4. A/52/44.
5. Art. 762 1) iii) et 770 a) 1) ii) de la loi, respectivement.
6. Requête no 10263/83, décision du 11 mars 1985.
7. Selon l'État partie, ce principe a été suivi par la Cour européenne dans
les affaires suivantes: requête no 38321/97, Erdem c. Allemagne, décision du
9 décembre 1999, et requête no 25498/94, Messina c. Italie, décision du 8 juin
1999.
8. L'État partie renvoie aux affaires Radivoje Ristic c. Yougoslavie, requête
no 113/1998 du 11 mai 2001, Khaled M'Barek c. Tunisie, requête no 60/1996 du
10 novembre 1999, Encarnacion Blanco Abad c. Espagne, requête no 59/1996 du
14 mai 1998, Henri Unai Parot c. Espagne, requête no 6/1990 du 2 mai 1995, et
Qani Halimi-Nedzibi c. Autriche, requête no 8/1991 du 18 novembre 1993.
9. L. O. c. Canada, requête no 95/1997 du 19 mai 2000. L'État partie se réfère
à l'affaire T. P. S. c. Canada, requête no 99/1997 du 16 mai 2000.
10. CAT/C/55/Add.2.
11. CCPR/C/DNK/99/4.
12. Requête no 50390/99.
13. La requérante se réfère également à l'affaire Price c. Royaume-Uni (arrêt
du 10 juillet 2001) dans laquelle la Cour a statué ce qui suit: «… en recherchant
si un traitement est "dégradant" au sens de l'article 3, la Cour examinera
notamment si le but était d'humilier et de rabaisser l'intéressé. Toutefois,
l'absence d'un tel but ne saurait exclure de façon définitive un constat de
violation de l'article 3.».