M. U.S. c. Finlande, Communication No. 197/2002, U.N. Doc. CAT/C/30/D/197/2002 (2003).
Présentée par : M. U. S. (1)
Au nom de : M. U. S.
État partie : Finlande
Date de la requête : 7 janvier
2002 (lettre initiale)
Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 1er mai 2003,
Ayant achevé l'examen de la requête no 197/2002 présentée par M. U. S. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
DÉCISION AU TITRE DU PARAGRAPHE 7 DE L'ARTICLE 22
DE LA CONVENTION
1.1 Le requérant est M. U. S., de nationalité
sri-lankaise, qui réside actuellement en Finlande et qui est frappé d'un arrêté
d'expulsion vers Sri Lanka. Il affirme que son renvoi à Sri Lanka constituerait
une violation par la Finlande de l'article 3 de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté
par un conseil.
1.2 Le 10 janvier 2002, le Comité a adressé la communication à l'État partie
en lui demandant de faire parvenir ses observations et, en application du paragraphe
1 de l'article 108 de son règlement intérieur, il l'a prié de ne pas renvoyer
le requérant à Sri Lanka tant que sa requête serait à l'examen. L'État partie
a accédé à cette demande.
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Le requérant a été membre de l'Organisation populaire de libération de l'Eelam
tamoul (PLOTE) jusqu'en 1985, année où elle a été interdite par les Tigres de
libération de l'Eelam tamoul (LTTE). En 1985, les LTTE ont arrêté le requérant
et l'ont gardé en détention quatre mois pendant lesquels ils l'ont interrogé
sur l'endroit où étaient dissimulées les armes de la PLOTE. Ils lui ont aussi
fait subir plusieurs interrogatoires par la suite.
2.2 Au cours de cette période, le requérant, qui était chauffeur d'autobus,
se déplaçait d'une région à une autre, les unes contrôlées par les LTTE, les
autres par l'armée sri-lankaise. Compte tenu de sa profession et du fait qu'il
n'appartenait plus à la PLOTE, cette dernière l'a soupçonné de coopérer avec
les LTTE et a fait part à l'armée sri-lankaise de ses soupçons.
2.3 En mars 1987, le requérant a été arrêté par l'armée sri-lankaise et détenu
pendant près de deux ans. Alors qu'il était en détention, il aurait été torturé
régulièrement pendant six mois. On l'a frappé, on lui a donné des coups de pied,
on l'a suspendu par l'épaule gauche dans la «position du poulet», on l'a «blessé»
aux organes génitaux, on lui a brûlé les mains avec un objet incandescent et
on lui a administré des décharges électriques tout en versant dessus de l'eau
froide.
2.4 Après sa mise en liberté le 2 janvier 1989, le requérant a été arrêté de
nouveau et interrogé à trois ou quatre reprises, parfois jusqu'à trois jours
de suite, par la Force indienne de maintien de la paix. Les LTTE l'ont aussi
interrogé pour savoir ce qu'il avait raconté à la Force indienne de maintien
de la paix au sujet de membres des LTTE.
2.5 En juin 1989, le requérant s'est enfui en Allemagne où il a demandé l'asile.
Sa demande a été rejetée et il a aussitôt cherché à gagner la France. La police
française l'a arrêté et renvoyé en Allemagne. D'Allemagne, il a été renvoyé
à Sri Lanka en juillet 1989. À son retour, il a habité dans la région de Jaffna,
sous contrôle des LTTE, jusqu'en 1995. Les LTTE l'ont interrogé à plusieurs
reprises pour savoir s'il avait des liens avec la PLOTE.
2.6 En 1996, après que l'armée sri-lankaise eut occupé Jaffna, il s'est enfui
à Vanni où il a vécu avec des parents, avant de partir pour Hatton. Dans cette
ville, il a été arrêté par deux fois par l'armée sri-lankaise car il était nouveau
dans la région. En 1998, la police sri-lankaise l'a arrêté et détenu pendant
trois mois, car elle le soupçonnait d'appartenir aux LTTE. Au cours de sa détention,
il a été roué de coups; il garde des cicatrices aux lèvres et derrière l'oreille
de coups qui lui ont été infligés à l'aide d'un revolver. En mars 1998, il a
été relâché après avoir soudoyé la police.
2.7 Une fois libéré, il s'est enfui via la Russie en direction de la Finlande
où il est arrivé le 21 décembre 1998. Il a immédiatement demandé l'asile. Le
12 février 2001, la Direction de l'immigration a rejeté sa demande et pris un
arrêté d'expulsion contre lui. Le 13 novembre 2001, le tribunal administratif
d'Helsinki a rejeté son appel. Le requérant a alors demandé au Tribunal administratif
suprême l'autorisation de faire appel et la suspension de l'arrêté d'expulsion.
Le 31 décembre 2001, il a été débouté.
2.8 Le requérant a subi plusieurs examens physiques et psychologiques après
son arrivée en Finlande. Il a soumis six certificats médicaux, trois sur son
état de santé physique et trois sur son état de santé psychologique, dont les
dates s'échelonnent du 9 octobre 1999 au 7 janvier 2002. Les certificats des
21 septembre 2000 et 5 octobre 1999 font état de cicatrices aux lèvres et derrière
l'oreille gauche. Le certificat du 7 janvier 2002 indique qu'il est atteint
de troubles post-traumatiques et souffre à l'épaule de lésions correspondant
au fait qu'il aurait été suspendu par un bras et qu'il présente des traumatismes
d'ordre mental et physique et des cicatrices qui «pourraient avoir été causés
par la torture».
Teneur de la plainte
3.1 Le requérant affirme avoir épuisé les recours internes depuis que sa demande
d'autorisation de faire appel contre l'arrêté d'expulsion a été rejetée par
le Tribunal administratif suprême (2).
3.2 Le requérant affirme qu'il y a des motifs sérieux de croire qu'il serait
soumis à la torture s'il était renvoyé à Sri Lanka, en violation de l'article
3 de la Convention. Il souligne que la situation des droits de l'homme dans
ce pays demeure insatisfaisante, surtout en ce qui concerne les Tamouls, et
que les personnes soupçonnées d'appartenir aux LTTE risquent de disparaître
et d'être détenues arbitrairement et torturées.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Le 8 mars 2002, l'État partie a déclaré qu'il n'avait aucune objection à
la recevabilité de la requête. Le 9 juillet 2002, il a soumis ses observations
sur le fond. Il conteste la version des faits du requérant, qu'il juge en partie
inexacte, notamment en ce qui concerne la demande d'asile en Allemagne et les
événements qui ont suivi. Il renvoie le Comité à la décision de la Direction
de l'immigration qui relèverait un certain nombre d'incohérences dans le récit
du requérant. L'État partie fait valoir que les plaintes du requérant ont été
examinées équitablement dans le cadre des procédures internes. Il renvoie à
plusieurs cas particuliers d'asile dans lesquels la Cour suprême a abrogé un
arrêté d'expulsion, pour montrer que chaque cas était apprécié en fonction des
circonstances de la cause.
4.2 Dans la décision qu'elle a rendue le 22 octobre 2001, la Direction de l'immigration
a évalué la situation personnelle du requérant. Elle a estimé que les événements
survenus de 1983 à 1989 n'avaient pas eu d'impact immédiat sur la décision du
requérant de quitter son pays d'origine. Selon ce dernier, il avait regagné
sa ville d'origine, Jaffna, après le rejet de sa demande d'asile par les autorités
allemandes. Il y a résidé sans problèmes jusqu'en 1996 quand l'armée sri-lankaise
occupait Jaffna et alors que la plupart des habitants avaient dû partir pour
Vanni. La torture dont il aurait été victime, remontant à une dizaine d'années
avant son arrivée en Finlande, il n'y a pas de motif sérieux de croire qu'il
risque encore d'être soumis à la torture.
4.3 L'État partie affirme que les arrestations qui, aux dires du requérant,
ont eu lieu en 1998 ne donnent aucune raison de penser que les autorités sri-lankaises
prêteraient un intérêt particulier aux activités du requérant, d'autant que,
selon ce dernier, elles s'expliquaient par le fait qu'il était nouveau venu
dans la région et qu'on le soupçonnait d'être un militant des LTTE. L'État partie
note que lorsqu'il a été libéré après sa deuxième détention, il est demeuré
encore deux semaines à Hatton où il avait été arrêté, puis a séjourné dans d'autres
régions sous contrôle des forces gouvernementales jusqu'à son départ du pays.
Il en conclut que rien n'indique que les autorités sri-lankaises aient quelque
chose à reprocher au requérant personnellement.
4.4 L'État partie souligne que depuis la fin des années 80, le requérant n'a
pas eu d'activités politiques et n'a pas non plus participé aux activités des
LTTE. Ainsi, n'y a-t-il aucun motif sérieux de croire qu'il risquerait d'être
soumis à la torture dans son pays d'origine.
4.5 Bien que l'État partie reconnaisse que les certificats médicaux étayent
en grande partie les déclarations du requérant au sujet de ses blessures, il
fait valoir que, selon eux, elles sont déjà en partie guéries et que le requérant
n'a plus besoin de traitement antidépresseur. Il admet qu'il a toujours besoin
en revanche d'un traitement psychiatrique régulier et de physiothérapie, mais
est d'avis qu'il faut apprécier la pertinence des certificats médicaux à la
lumière des autres éléments de l'affaire.
4.6 L'État partie affirme que le requérant ne manifeste pas de symptômes qui
ne pourraient pas être traités dans son pays d'origine et que son état de santé
ne fait pas obstacle à l'application de l'arrêté d'expulsion. Si l'on considère
que les événements qui auraient porté atteinte à la santé du requérant se sont
produits dans les années 80, son état de santé ne représente pas un motif sérieux
de croire qu'il risquerait d'être soumis à la torture dans son pays d'origine.
4.7 L'État partie estime que, au cours des dernières années, la situation des
droits de l'homme s'est sensiblement améliorée à Sri Lanka. Il renvoie à un
document établi par le HCR en 1999 à l'adresse du Groupe de travail de haut
niveau de l'Union européenne sur l'asile et la migration, aux termes duquel
les requérants d'asile dont on constatait qu'ils ne remplissaient pas les critères
pour obtenir le statut de réfugié pouvaient être renvoyés à Sri Lanka. Il se
réfère au cessez-le-feu conclu le 23 février 2002 et respecté depuis par les
forces armées sri-lankaises et les LTTE. Depuis lors, les habitants n'ont plus
à se présenter aux points de contrôle militaires. Il renvoie aussi à une déclaration
d'un représentant du HCR en date du 21 mai 2002, selon laquelle 71 000 réfugiés
tamouls avaient regagné leur foyer cette année-là, dont plus de la moitié étaient
revenus dans la région de Jaffna. C'est pourquoi, de l'avis de l'État partie,
au vu de l'amélioration continue de la situation à Sri Lanka, il n'y avait aucun
risque prévisible, réel et personnel que le requérant soit torturé à son retour.
Commentaires du requérant sur les observations de l'État partie
5.1 Dans sa réponse, le requérant rappelle les faits décrits dans sa communication
initiale et fournit de nouvelles informations. Il affirme qu'en août 1985 il
a enterré des armes appartenant à l'Organisation de libération de l'Eelam (TELO),
une autre organisation interdite par les LTTE, dans le jardin de la maison de
famille. Comme les LTTE contrôlent la vie des habitants de Jaffna, le requérant
craint les conséquences graves que lui-même et sa famille pourraient subir si
les LTTE venaient à recevoir des informations sur ces armes. Il fait valoir
que les LTTE considèrent la dissimulation d'armes et de munitions comme une
atteinte grave à l'organisation et réagiraient sans ménagement à un tel acte.
Qui plus est, comme cet acte constitue un crime en droit sri-lankais, il risque
d'être poursuivi par les pouvoirs publics. Il fait valoir que c'est parce qu'il
avait peur qu'il n'avait pas fourni ces renseignements pendant la procédure
d'asile. En soulevant cette question à ce stade, le requérant renvoie à la jurisprudence
du Comité selon laquelle on ne saurait attendre d'une victime de la torture
qu'elle donne un compte rendu complet et cohérent de ses expériences passées
pendant la procédure d'asile. Il ajoute que le HCR admet qu'une personne qui,
en raison de ce qu'elle a vécu, craint les autorités de son pays d'origine,
puisse exprimer de la méfiance à l'égard d'autorités quelles qu'elles soient.
5.2 En outre, le requérant affirme qu'après s'être enfui de Sri Lanka, il a
appris que certains de ses amis tamouls avaient été tués, que d'autres avaient
rejoint les rangs de l'armée et d'autres encore quitté le pays. La PLOTE a été
dissoute en 2000, lorsque son chef a été assassiné à Vavuniya. Il soutient par
ailleurs que, comme il n'a pas de carte nationale d'identité, il se trouvera
dans une situation extrêmement délicate comme l'illustre un rapport d'avril
2002 émanant de la Direction de l'immigration et de la nationalité du Home Office
du Royaume-Uni.
5.3 Quant à la situation actuelle des droits de l'homme à Sri Lanka, le requérant
nie qu'elle se soit sensiblement améliorée et invoque des rapports à cet effet,
émanant et de Human Rights Watch (juillet 2002) et du Département d'État des
États-Unis (Country Report on Human Rights Practices, 2001). D'après le premier,
les participants au processus de paix ne se sont guère préoccupés officiellement
des questions relatives aux droits de l'homme bien que la guerre civile ait
été nourrie par des violations graves des droits de l'homme, commises par toutes
les parties. Les détenus, qui se comptent par centaines, sont majoritairement
des Tamouls soupçonnés d'avoir des relations avec les LTTE, le Mémorandum d'accord
n'est pas un instrument qui porte sur les droits de l'homme et, manifestement,
son adoption n'a pas empêché les violations de se poursuivre. Selon l'autre
rapport, il s'est produit de graves problèmes de droits de l'homme dans certaines
régions et la guerre en cours avec les LTTE a continué d'engendrer de graves
violations des droits de l'homme, d'un côté comme de l'autre. Les forces de
sécurité et la police continuent de torturer et de maltraiter les personnes
détenues en garde à vue ou en prison, en particulier les Tamouls soupçonnés
de soutenir les LTTE. C'est pourquoi, de l'avis du requérant, rien ne prouve
de manière convaincante que la situation des droits de l'homme ait définitivement
et sensiblement changé pour prétendre à bon droit qu'il ne se produit plus de
violations massives, flagrantes et systématiques des droits de l'homme à Sri
Lanka.
5.4 Se référant aux certificats médicaux, le requérant reconnaît qu'il est en
partie guéri, mais que cela n'est pas à prendre en considération pour apprécier
s'il a été victime de tortures. Pour lui, l'État partie ne reconnaît pas qu'il
a été torturé non seulement dans les années 80, mais aussi au cours de ses trois
mois de détention en 1998. Il soutient qu'il est improbable que le système de
soins de santé sri-lankais puisse lui procurer le traitement spécialisé dont
il a besoin. À ce sujet, tout en reconnaissant que son état de santé puisse
ne pas constituer en soi un motif sérieux de croire qu'il risquerait d'être
soumis à la torture, il n'en demeure pas moins qu'il constitue un élément pertinent
au sens du paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention pour évaluer l'existence
d'un tel risque.
5.5 Le requérant affirme que «la question qui se pose est de savoir si … [il
existe] … un risque sérieux qu'il soit soumis à la torture à Sri Lanka, non
de savoir s'il a bénéficié d'une procédure d'asile équitable en Finlande». La
question porte donc sur l'interprétation de l'article 3 de la Convention et
non sur la légalité, quant à la procédure et au fond, de la décision finlandaise
concernant l'asile.
5.6 Le requérant fait valoir que les critères appliqués par le Comité dans l'affaire
Elmi c. Australie (3) en ce qui concerne la notion élargie d'«agent de la fonction
publique ou toute autre personne agissant à titre officiel» s'appliquent aussi
au rôle joué par les LTTE dans les régions soumises à leur contrôle à Sri Lanka.
Il évoque l'exercice, par les LTTE, de pouvoirs quasi gouvernementaux dans le
nord et l'est du pays qu'ils contrôlent et le fait qu'ils ont été acceptés en
tant que partie aux négociations de paix et qu'ils viennent d'ouvrir un bureau
politique à Jaffna avec l'aval du Gouvernement sri-lankais. Ainsi, pour le requérant,
la crainte qu'il éprouve d'être torturé par les LTTE mérite d'être prise en
considération pour évaluer le risque d'une violation de l'article 3.
5.7 Le requérant rappelle que ses expériences passées de la torture lui ont
causé des souffrances psychiques et des blessures physiques aiguës. Il soutient
qu'en raison de l'instabilité qui sévit à Sri Lanka, il est justifié de déclarer
qu'il éprouve une vive inquiétude à l'idée de vivre à Sri Lanka, sans compter
le risque grave de torture. Il fait observer que, selon son psychiatre, il a
besoin d'un traitement spécialisé et se trouve donc moralement vulnérable au
stress émotionnel que le fait de vivre à Sri Lanka ne manquerait pas de lui
causer. Ces seuls éléments peuvent constituer en soi une souffrance assimilable
à la torture.
Observations supplémentaires de l'État partie
6.1 Le 28 février 2003, l'État partie a affirmé que les nouveaux éléments d'information
soumis par le requérant sur ses activités pour le compte de la TELO n'étaient
pas crédibles car il n'en avait jamais fait mention jusqu'à sa lettre au Comité
datée du 4 novembre 2002. Il a beau dire qu'il craignait que les LTTE ne découvrent
ses activités, cela n'explique pas pourquoi il n'a pas évoqué cet incident plus
tôt, comme il avait fait part de ses activités pour le compte de la PLOTE qui,
elle aussi, agissait contre les LTTE. Qui plus est, étant donné que ces prétendues
activités ont eu lieu près de 20 ans plus tôt, il serait fort peu probable que
le requérant se retrouve en butte aux représailles des LTTE.
6.2 L'État partie soutient aussi que le fait que le requérant soit retourné
à Sri Lanka, sans subir de conséquences regrettables après que l'asile lui eut
été refusé en Allemagne, appuie l'idée qu'il ne risquerait pas personnellement
d'être soumis à la torture à son retour dans son pays. À propos des rapports
soumis par le requérant sur la situation des droits de l'homme à Sri Lanka,
il relève que la Direction de l'immigration comme les juridictions internes
les ont déjà pris en considération pour examiner sa demande d'asile. Il fait
aussi observer qu'à deux occasions au moins le Comité a estimé que les LTTE
ne pouvaient pas être considérés comme une autorité au sens de l'article 3 de
la Convention.(4)
Délibérations du Comité
7.1 Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations
que les parties lui avaient soumises, conformément au paragraphe 4 de l'article
22 de la Convention.
7.2 Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant à Sri Lanka violerait
l'obligation qui incombe à la Finlande, au titre de l'article 3 de la Convention,
de ne pas expulser une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux
de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
7.3 Avant de se prononcer, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations
pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention, y
compris de l'existence dans l'État où le requérant serait renvoyé d'un ensemble
de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.
Il s'agit cependant de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être
soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l'existence
d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes
ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir
que l'individu risque personnellement d'être soumis à la torture s'il y était
renvoyé; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l'intéressé
courrait personnellement ce risque. À l'inverse, l'absence d'un ensemble de
violations systématiques des droits de l'homme, graves, ne signifie pas qu'un
individu ne peut pas être considéré comme risquant d'être soumis à la torture
compte tenu de sa situation personnelle.
7.4 Le Comité appelle l'attention sur son observation générale relative à l'application
de l'article 3, qui est ainsi conçue:
«Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus de déterminer s'il y
a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d'être soumis à la torture
s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel risque doit être
appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations
ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de montrer que le
risque couru est hautement probable.» (A/53/44, annexe IX, par. 6).
7.5 Le Comité observe que l'obligation de l'État partie de s'abstenir de renvoyer
une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle
risque d'être soumise à la torture est directement liée à la définition de la
torture donnée à l'article premier de la Convention. Aux fins de la Convention,
d'après l'article premier, «le terme "torture" désigne tout acte par
lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement
infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou une tierce personne
des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce
personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire
pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne,
ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle
soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un
agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel
ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite».
7.6 En ce qui concerne la possibilité que le requérant soit soumis à la torture
par les pouvoirs publics à son retour à Sri Lanka, le Comité prend dûment acte
des allégations du requérant selon lesquelles il a été précédemment détenu et
torturé par des membres de l'armée sri-lankaise. Il observe en outre que le
requérant a fourni des certificats médicaux attestant des blessures qui «pourraient
avoir été causées par la torture», encore qu'aucun de ces certificats ne montre
qu'il a été torturé durant sa détention en 1998. L'État partie ne nie pas l'authenticité
de ces certificats mais note que ces certificats témoignent d'une amélioration
progressive de l'état de santé de l'auteur et du fait qu'il peut être à présent
soigné à Sri Lanka. L'État partie ne reconnaît pas que le requérant a été torturé
par l'armée sri-lankaise et fait observer que les sévices dont il fait état
remontent à plusieurs années.
7.7 Le Comité note la nécessité de tenir compte du processus de paix en cours
qui a débouché sur un accord de cessez-le-feu entre le Gouvernement et les LTTE
en février 2002, et les négociations menées depuis lors par les parties au conflit.
Il rappelle, d'autre part, les résultats de son enquête sur Sri Lanka effectuée
au titre de l'article 20 de la Convention et sa conclusion selon laquelle bien
qu'il subsiste un nombre alarmant de cas de torture et de mauvais traitement
au sens des articles premier et 16 de la Convention, la torture n'est pas systématique
à Sri Lanka (document A/57/44, chap. IV.B, par. 181). Il note enfin l'avis exprimé
par le Haut-Commissariat pour les réfugiés, en mars 1999, selon lequel ceux,
y compris les personnes d'origine tamoule, qui ne remplissaient pas les critères
pour obtenir le statut de réfugié pouvaient être renvoyés à Sri Lanka et que
de nombreux réfugiés tamouls étaient rentrés dans leur pays en 2001 et 2002.
Dans ce contexte, il y a lieu de constater que le requérant n'est plus politiquement
actif depuis le milieu des années 80.
7.8 Le Comité rappelle que pour que l'article 3 de la Convention soit applicable,
la personne concernée doit courir un risque prévisible et réel d'être torturée
dans le pays vers lequel elle est renvoyée et que le danger couru doit être
personnel et actuel. Eu égard aux observations figurant aux paragraphes 7.6
et 7.7 ci-dessus, le Comité pense que le requérant n'a pas prouvé l'existence
d'un risque personnel et réel.
8. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, estime que le renvoi du requérant à Sri Lanka par l'État
partie ne constituerait pas une violation de l'article 3 de la Convention.
_____________________
[Fait en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe.
Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Notes
1. Le requérant a demandé expressément que son nom ne figure pas dans la décision
publiée ni aucun autre document public dans lequel la présente requête serait
reproduite. Aussi y aura-t-il lieu de supprimer la mention en son nom une fois
que le Comité se sera prononcé sur cette affaire.
2. Seule la version finlandaise des décisions est jointe.
3. Communication no 120/1998.
4. L'État partie renvoie à la communication no 49/1996, SV et consorts c. Canada,
décision du 15 mai 2001, et à la communication no 138/1999, MPS c. Australie,
décision du 30 avril 2002.