M.V. c. Pays-Bas, Communication No. 201/2002, U.N. Doc. CAT/C/30/D/201/2002 (2003).
Présentée par : M. V. (représenté par un conseil)
Au nom de : M. V.
État partie : Pays-Bas
Date de la requête : 31 janvier 2002
Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants,
Réuni le 2 mai 2003,
Ayant achevé l'examen de la requête no 201/2002 présentée par M. M. V. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
DÉCISION EN VERTU DU PARAGRAPHE 7
DE L'ARTICLE 22 DE LA CONVENTION
1.1 Le requérant est M. M. V., ressortissant
turc d'origine ethnique kurde, né le 1er janvier 1963, se trouvant actuellement
aux Pays-Bas et frappé d'une mesure d'expulsion vers la Turquie. Il affirme
que son renvoi forcé en Turquie constituerait une violation par les Pays-Bas
de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.
1.2 Le 31 janvier 2002, le Comité a adressé la requête à l'État partie en le
priant de faire ses observations et, en application de l'article 108 de son
règlement intérieur, de ne pas renvoyer le requérant en Turquie tant que sa
requête serait examinée par le Comité. L'État partie a accédé à cette demande.
Rappel des faits
2.1 Le requérant déclare que lui-même et son épouse sont des proches du dirigeant
du PKK, Abdullah Öcalan, qui est originaire de la même ville que lui, Ömerli,
dans la partie kurde de la Turquie. Le grand-père du requérant est le neveu
de la mère d'Abdullah Öcalan. La grand-mère de l'épouse du requérant est la
sœur du père d'Abdullah Öcalan. Il affirme appartenir à une famille de militants
politiques, étant lui-même aussi très actif sur ce plan.
2.2 En 1997, le requérant a rejoint les rangs du HADEP, politique prokurde.
Il a également recueilli des éléments d'information pour le compte d'une organisation
de défense des droits de l'homme, l'IHD, concernant des allégations de violations
des droits de l'homme commises par les autorités turques. Il affirme avoir été
arrêté à plusieurs reprises et avoir subi des mauvais traitements du fait de
ces activités, et que les autorités turques ont cherché à lui soutirer des renseignements
à propos du PKK, du HADEP et de l'IHD. En mai 1998, on l'aurait menacé de mort
pour l'amener à donner les renseignements demandés (après l'avoir interrogé,
en 1993 et 1995, aux mêmes fins). L'on aurait aussi menacé ses proches pour
le dissuader de s'enfuir. Par la suite, il est parti de son village natal et
a quitté la Turquie en camion le 11 juin 1998, arrivant aux Pays-Bas le 17 juin
1998, d'où il poursuivrait ses activités politiques. (1)
2.3 Le 18 juin 1998, le requérant a formulé une demande d'asile et d'autorisation
de séjour. À l'issue d'un entretien en présence d'un interprète, le Secrétaire
à la justice a décidé, le 8 février 2000, que sa demande d'asile était manifestement
infondée et a en outre rejeté sa demande d'autorisation de séjour pour des motifs
humanitaires.
2.4 Le 7 mars 2000, le requérant a formulé une objection au sujet de cette décision
et en a donné les motifs le 24 mars 2000. Le 6 juillet 2000, il a sollicité
une ordonnance interlocutoire pour la suspension de son expulsion. Le 24 juillet
2001, le Tribunal de district de La Haye a rejeté la demande d'ordonnance interlocutoire,
et l'objection a été déclarée infondée. Le Tribunal a constaté, notamment, que
rien n'indiquait que l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales (interprété comme interdisant
l'extradition vers un pays où un individu risquerait d'être soumis à la torture)
serait violé dans le cas du requérant, étant donné que celui-ci n'avait pas
démontré son appartenance effective à l'une des catégories de personnes (telles
que les militants du PKK) qui sont exposées plus que d'autres au risque de subir
des actes de harcèlement ou d'intimidation, voire à des formes de sévices plus
graves, de la part des autorités turques.
Teneur de la plainte
3.1 Le requérant affirme qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'il risque
d'être soumis à la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements s'il
est renvoyé en Turquie et que les Pays-Bas commettraient donc une violation
de l'article 3 de la Convention au vu des éléments ci-après: sa participation
à des activités politiques et de défense des droits de l'homme en Turquie, les
arrestations et mauvais traitements dont il aurait été victime, sa participation
à des activités politiques aux Pays-Bas, ses liens de parenté avec Abdullah
Öcalan et les problèmes de sa famille. (2)
3.2 Le requérant appuie ses affirmations sur divers documents selon lesquels
la situation en Turquie révèle l'existence d'un ensemble de violations systématiques
des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Les sources en sont des
organisations de défense des droits de l'homme, (3) des journaux (4) et une
commission parlementaire turque chargée des droits de l'homme. (5)
3.3 Le requérant affirme que la requête n'a pas été soumise à l'examen d'une
autre procédure internationale d'enquête ou de règlement.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Par une lettre datée du 29 mars 2002, l'État partie a fait savoir qu'il
n'avait pas d'objection quant à la recevabilité de la communication. Par une
lettre datée du 31 juillet 2002, il en a contesté le fond, faisant valoir qu'au
vu de la procédure interne qui avait été suivie, de la situation des droits
de l'homme en Turquie, de la situation personnelle du requérant et de la compatibilité
de l'expulsion proposée avec l'article 3 de la Convention, il n'y avait aucun
motif de craindre que l'auteur risque d'être soumis à la torture.
4.2 L'État partie rappelle la procédure appliquée au requérant. Les étrangers
sont admis sur son territoire s'ils satisfont aux dispositions de la Convention
de 1951 relative au statut des réfugiés, si l'article 3 de la Convention européenne
le prescrit, ou si des circonstances humanitaires impérieuses l'exigent. Les
demandeurs d'asile se voient rapidement informés de leur droit à une assistance
judiciaire ou autre. Un premier entretien, qui ne porte pas sur les raisons
ayant motivé leur départ, a lieu dès que possible après leur arrivée. Un second
entretien (en présence d'un conseil juridique et d'un interprète) est consacré
à ces raisons. Le requérant (et le conseil) peuvent corriger, ou compléter,
le compte rendu de cet entretien. La décision quant à la demande tient compte
des rapports officiels établis périodiquement par le Ministère des affaires
étrangères sur la situation dans divers pays qui sont fondés, entre autres,
sur des rapports émanant d'organisations non gouvernementales.
4.3 Une objection peut être élevée à propos d'une décision négative. Dans ce
cas, une décision est rendue quant à savoir si le requérant peut demeurer sur
le territoire de l'État partie en attendant l'issue de la procédure. Si cette
possibilité lui est refusée, il peut demander au Tribunal de district de rendre
une ordonnance interlocutoire. Le Tribunal peut se prononcer simultanément sur
l'objection élevée et sur la demande d'ordonnance interlocutoire. Les requérants
faisant valoir qu'une expulsion aurait pour effet de les renvoyer dans un pays
où ils ont des craintes légitimes d'être persécutés en raison de leurs convictions
politiques ou religieuses, de leur race, de leur nationalité ou de leur appartenance
à un groupe social particulier ne sauraient être renvoyés sans instructions
expresses du Ministre de la justice.
4.4 Pour ce qui est de la situation actuelle en Turquie, l'État partie signale
que cette situation en général et celle du peuple kurde en particulier font
l'objet d'une surveillance constante de la part du Gouvernement, et qu'il en
est tenu compte dans les décisions que prend le Secrétaire à la justice au cas
par cas. Il indique qu'après la mort, signalée en avril 1999, d'un demandeur
d'asile renvoyé en Turquie, le Secrétaire à la justice a ordonné de surseoir
à tous les renvois de Kurdes en Turquie en attendant les résultats d'une enquête
officielle menée par le Ministère des affaires étrangères. En décembre 1999,
à l'issue de cette enquête, le Secrétaire à la justice a décidé de procéder
à nouveau aux renvois vers ce pays. Cette décision a été confirmée en mars 2000
par le Tribunal de district de La Haye.
4.5 L'État partie passe en revue les rapports récemment parus sur la situation
en Turquie: le 3 septembre 1997, le Ministre a constaté que les Kurdes en tant
que tels ne faisaient pas l'objet de persécutions au sens de la Convention relative
au statut des réfugiés, et qu'ils étaient libres de se déplacer à l'intérieur
du pays en cas de difficultés, à moins d'être soupçonnés d'adhérer activement
à la cause kurde. Le 17 septembre 1999, le Ministre a constaté que des améliorations
notables s'étaient produites dans les régions kurdes, sous l'action en particulier
de la communauté internationale, dans les principaux domaines relatifs aux droits
de l'homme, à savoir les restrictions à la liberté d'expression, d'association
et de réunion. Les Kurdes avaient la possibilité, au besoin, de parcourir le
pays pour améliorer leur bien-être et leurs conditions économiques. Le 13 décembre
2000, le Ministre a constaté certains phénomènes encourageants: désormais, les
Kurdes risquaient sensiblement moins d'être impliqués dans un conflit armé,
et étaient plus confiants de pouvoir retourner au pays et participer à sa reconstruction.
Les pressions exercées sur le parti prokurde HADEP s'étaient atténuées, et un
dialogue politique s'instaurait. Le 4 mai 2001, le Ministre a à nouveau évoqué
la liberté d'expression, d'association et de réunion, tout en notant que les
Kurdes n'étaient pas persécutés du seul fait de leur appartenance ethnique.
Il découle du dernier rapport en date (29 janvier 2002), qu'aucune évolution
majeure ne s'est produite depuis lors.
4.6 En ce qui concerne la compatibilité du retour prévu du requérant avec l'article
3, l'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité, qui fait obligation au
requérant de montrer que son renvoi aurait pour conséquence prévisible de lui
faire personnellement courir un risque réel, et non simplement éventuel, d'être
torturé, ainsi que de donner des motifs plus précis que la simple existence
de violations flagrantes, constantes et systématiques des droits de l'homme.
Appliquant ces principes à l'affaire du requérant, l'État partie fait valoir
que, compte tenu de la récente jurisprudence du Comité (6) et des rapports de
pays susmentionnés, la situation générale en Turquie n'est pas de nature à mettre
systématiquement les Kurdes en danger.
4.7 Sur la question des liens de parenté du requérant et de sa prétendue participation
à des activités politiques, l'État partie fait valoir que le requérant n'a pas
démontré d'une manière plausible qu'il risquait d'être soumis à la torture en
Turquie pour ces motifs. Dans le dernier rapport sur la situation dans ce pays,
daté du 29 janvier 2002, le Ministre signale que d'innombrables citoyens turcs
ont des proches dans les rangs du PKK sans que ce lien de parenté ne leur crée
de difficultés significatives. S'il est vrai que des proches de personnalités
du PKK peuvent faire l'objet d'une surveillance particulière de la part des
autorités et qu'ils ont probablement à subir certaines pressions, l'on ne peut
dire qu'ils aient été persécutés du fait de leur lien de parenté avec des dirigeants
du PKK.
4.8 L'État partie ajoute que le requérant a divorcé d'avec sa femme le 3 janvier
2002, si bien que les liens de parenté avec la famille de cette dernière n'existent
plus.
4.9 En ce qui concerne l'allégation du requérant selon laquelle il aurait été
arrêté à trois reprises du fait de son appartenance au HADEP, l'État partie
signale qu'il a été libéré sans conditions et qu'il a été libre de poursuivre
ses activités à chaque occasion, ce qui porte à croire que les autorités n'ont
pas d'objection sérieuse à l'égard du requérant. En fait, celui-ci déclare lui-même
qu'il n'a pas fui la Turquie pour ces raisons et, par conséquent, rien ici ne
permet d'étayer d'une manière plausible l'existence d'un quelconque risque de
torture.
4.10 En outre, s'agissant des craintes du requérant d'avoir à subir les conséquences
fâcheuses de son refus de donner aux autorités les renseignements demandés,
l'État partie signale qu'après avoir refusé d'accéder à ces demandes à cinq
reprises entre 1993 et 1998, en aucun cas il n'a eu à en pâtir. Après qu'il
eut quitté son village, on a interrogé ses frères pour leur faire dire où il
se trouvait, mais ils ont été par la suite libérés sans conditions. Rien dans
ce qu'a dit le requérant ne prouve que d'autres membres de sa famille aient
été inquiétés après son départ.
4.11 L'État partie conclut que rien n'indique d'une manière plausible, et encore
moins fondée, que le requérant ferait personnellement et actuellement l'objet
d'un traitement incompatible avec l'article 3 de la Convention. En conséquence,
son renvoi devrait être autorisé.
Commentaires du requérant à propos des observations de l'État partie
5.1 Par une lettre datée du 14 octobre 2002, le requérant a répondu, en faisant
valoir que l'État partie n'avait pas mis en cause sa crédibilité. S'agissant
de son divorce, il déclare qu'il est lui-même directement apparenté à Abdullah
Öcalan, et pas seulement par son ex-épouse. En tout état de cause, «l'association
coupable» découlant d'un mariage de neuf ans n'allait pas disparaître avec un
divorce. Il insiste sur le fait qu'il n'est pas un de ces innombrables citoyens
turcs ayant un ou plusieurs membres de leur famille dans les rangs du PKK, mais
qu'il est lui-même, personnellement et par son ex-épouse, apparenté au dirigeant
du mouvement. Par ailleurs, il ressort du rapport sur la Turquie du 29 janvier
2002 que les proches parents de membres du PKK peuvent s'attendre à faire l'objet
d'un intérêt accru de la part des autorités, intérêt qui est proportionnel au
degré de parenté ou à la position qu'occupe, au sein du PKK, le proche soupçonné
(à moins que les autorités estiment qu'il n'existe aucun lien effectif).
5.2 Répondant à l'observation de l'État partie selon laquelle il a été libéré
sans conditions après chaque arrestation, le requérant déclare que le fait même
d'avoir été arrêté à nouveau montrait bien qu'il ne pouvait pas poursuivre ses
activités sans problèmes. Ces arrestations et les mauvais traitements subis
indiquaient que les autorités avaient «des objections sérieuses» à son encontre,
même s'il ne s'est pas enfui à ce moment-là. Le requérant fait valoir que l'État
partie n'a pas pris en considération les renseignements disponibles faisant
état d'une détérioration de la situation des membres de l'HADEP et de l'IHD.
5.3 S'agissant des affirmations de l'État partie selon lesquelles des menaces
précédemment dirigées contre le requérant n'avaient pas eu de conséquences fâcheuses
pour lui, le requérant déclare avoir pris au sérieux la dernière menace qu'il
avait reçue avant sa fuite, alors qu'un autre militant de l'IHD avait été tué
et que des militaires étaient postés près de son domicile. Quoi qu'il en soit,
les menaces de mort proférées par les autorités sont en soi un acte grave, et
la situation des droits de l'homme en Turquie ne dément pas ce fait. Au contraire,
il convient de voir dans ces menaces une politique d'intimidation qui peut être
qualifiée de «forme psychologique de mauvais traitements prohibés».
5.4 En ce qui concerne la libération de ses frères après sa fuite, le requérant
affirme que le seul fait qu'ils aient été arrêtés montre qu'il n'est pas une
personne dénuée d'intérêt pour les autorités. Quoi qu'il en soit, leur libération
ne permet pas de conclure à l'absence de risques pour le requérant en cas de
retour au pays.
5.5 Pour ce qui est de la référence, dans le rapport du 29 janvier 2002, au
fait que des proches de membres du HADEP ne sont pas persécutés pour leur orientation
politique, le requérant renvoie au précédent rapport daté du 13 décembre 2000,
qui indique que, dans le cas des militants et des sympathisants du PKK, des
indices fiables donnent à penser qu'il ne serait pas rare que des personnes
rapatriées soient soumises à des mauvais traitements et/ou à la torture. Ces
personnes voient leurs antécédents judiciaires contrôlés par les autorités dès
leur retour au pays; ainsi, selon le requérant, l'intérêt que les autorités
lui ont porté par le passé les inciterait à enquêter à son sujet dès son retour.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre
la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l'article
22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a
pas été examinée et n'est pas en cours d'examen par une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement. Le Comité note également que l'État partie n'a pas
contesté que les recours internes avaient été épuisés.
6.2 Dans la mesure où le requérant laisse entendre que des mauvais traitements
tels que ceux auxquels il pourrait être exposé en Turquie relèvent de l'article
3 de la Convention (voir les paragraphes 3.1 et 5.3 ci-dessus), le Comité note
que l'article 3 ne porte que sur la torture et n'inclut pas les traitements
qui restent en deçà de ce seuil de gravité. Cette partie de la plainte est,
par conséquent, irrecevable ratione materiae puisqu'elle se situe en dehors
du champ d'application de l'article 3. En ce qui concerne les affirmations faites
par le requérant au titre de l'article 3 de la Convention à propos de la torture,
le Comité ne voit aucun autre obstacle à la recevabilité de la plainte et procède,
en conséquence, à son examen sur le fond.
7.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Turquie, l'État
partie manquerait à l'obligation qui lui est faite en vertu de l'article 3 de
la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État
où il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'être soumis à la torture.
7.2 Le Comité doit déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que le requérant
risque d'être soumis à la torture s'il retourne en Turquie. Pour ce faire, le
Comité doit tenir compte de tous les éléments, conformément au paragraphe 2
de l'article 3 de la Convention, y compris l'existence d'un ensemble systématique
de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l'homme. Il s'agit
cependant de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être soumis
à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l'existence
d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes
ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir
qu'une personne risque d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays:
il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser qu'elle courrait
personnellement un tel risque. À l'inverse, l'absence d'un ensemble de violations
flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne
ne peut pas être considérée comme risquant d'être soumise à la torture dans
sa situation particulière.
7.3 En l'espèce, le Comité relève, sur la base des renseignements dont il dispose,
que l'activité politique menée par le requérant se bornait à une participation
(non précisée) aux activités du parti politique HADEP et de l'organisation IHD,
consistant notamment à recueillir des informations et que le requérant lui-même
a dit qu'il n'avait pas fui son pays pour ces raisons. Rien ne laisse supposer
qu'il ait milité activement dans les rangs du PKK. Par ailleurs, le requérant
n'a aucunement précisé la nature des activités politiques qu'il menait aux Pays-Bas,
pas plus qu'il n'a indiqué en quoi elles pourraient étayer ses allégations au
titre de l'article 3. Étant donné l'existence d'éléments documentés indiquant
des progrès accomplis dans la situation des droits de l'homme en Turquie depuis
le départ du requérant en 1998, et la nouvelle attitude, bien connue des autorités
turques à l'égard de la direction du PKK, le Comité estime que le requérant
n'a pas établi que les contacts sporadiques qu'il avait eus avec les autorités,
au sujet desquels on ne trouve aucune allégation de torture, ou que ses liens
de parenté quelque peu éloignés avec la direction du PKK, soient de nature à
constituer des motifs sérieux de croire que l'intérêt que pourraient éventuellement
lui porter les autorités à l'heure actuelle se traduirait par des actes de torture.
8. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, estime que l'auteur n'a pas apporté d'éléments suffisants
pour étayer ses craintes d'être soumis à la torture s'il retournait en Turquie
et conclut en conséquence que le renvoi du requérant en Turquie ne constituerait
pas une violation par l'État partie de l'article 3 de la Convention.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe.
Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Notes
1. Aucune autre précision n'est donnée au sujet de ces activités.
2. Aucune autre précision n'est donnée au sujet de ces problèmes.
3. Amnesty International, «Endemic torture must end immediately» (8 novembre
2001); «Rapport annuel sur la Turquie» (1999, 2000 et 2001); Human Rights Watch
«World report» (2000 et 2001); Human Rights Association of Turkey «Human rights
violations in Turkey» (21 novembre 2001); Pro Asyl «Von Deutschland in den türkischen
Folterkeller: Zur Rückkehrgefährdung von Kurdinnen und Kurden» (juin 2000);
Schweizerische Flüchtlingshilfe «Türkei: Zur aktuellen Situation in Mai 2001»
(juin 2001).
4. De Volkskrant «Opstelster Turks rapport over martelen aangeklaagd» (26 juillet
2001); NRC Handelsblad «Auteur van Turks Martelboek vertelt: "Van gevangenen
90 procent gemarteld"» (21 novembre 2001).
5. Le rapport de cette commission n'a pas été fourni: selon le requérant, elle
a constaté l'existence d'installations de torture lors de visites qui ont eu
lieu en 1998 et 2000; une ancienne présidente de cette commission aurait affirmé
que 90 % des prisonniers subissaient des mauvais traitements.
6. Communications nos 150/1999, S.L. c. Suède, constatations adoptées le 11
mai 2001, 104/1998, constatations adoptées le 21 juin 1999 et 103/1998, S.M.R.
c. Suède, constatations adoptées le 11 juin 1999.