M. X et Mme Y (noms supprimés) c. Pays-Bas, Communication No. 31/1995, U.N. Doc. CAT/C/15/D/31/1995 (1995).
Présentée par : M. X et Mme Y (noms supprimés) [représentés par un conseil]
Au nom de : Les auteurs
État partie : Les Pays-Bas
Date de la communication : 19 septembre 1995
Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants,
Réuni le 20 novembre 1995,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. Les auteurs de la communication sont M. X et Mme Y., citoyens géorgiens, résidant actuellement aux Pays-Bas. Ils se disent victimes d'une violation par les Pays-Bas de l'article 3 de la Convention contre la torture. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 Les auteurs se sont mariés en 1991 et ont eu un enfant en 1992. En
janvier 1993, X a commencé une relation homosexuelle et est devenu membre
d'une organisation de défense des droits des homosexuels et des bisexuels.
Y affirme qu'elle ne savait rien des activités de son époux.
2.2 En juillet 1994, après que X eut fait un exposé lors d'une réunion
de son organisation, quatre miliciens armés, en uniformes de l'armée,
ont effectué une descente à son domicile. Ils ont brutalisé X et menacé
sa femme et son fils. Les auteurs ont signalé l'incident à la police
mais, selon eux, celle-ci aurait refusé de consigner la cause réelle
de la descente domiciliaire. Elle aurait ouvert une enquête, mais l'affaire
aurait été classée sans suite, faute de preuves.
2.3 Les auteurs affirment qu'en septembre 1994 leur fils a été enlevé de
la crèche qu'il fréquentait, semblerait-il par quatre hommes en uniformes
de l'armée. Dans la soirée, X et Y ont reçu un appel téléphonique les
informant que leur fils serait tué s'ils ne quittaient pas le pays. Les
auteurs ayant acheté des billets d'avion pour l'Allemagne, leur fils
leur a été rendu, et ils ont quitté le pays. Deux jours après les auteurs
sont revenus aux Pays-Bas et ont sollicité le statut de réfugié.
2.4 Le 3 novembre 1994, leur demande a été rejetée par le Ministre de la
justice et ils ont été enjoints de quitter le pays. Le 2 février 1995,
l'appel interjeté par les auteurs contre le refus de leur accorder un
permis de séjour a été déclaré irrecevable. Le 18 juillet 1995, la Cour
de La Haye a rejeté une demande de sursis à l'expulsion présentée par
les auteurs. Arguant qu'il n'existe aucune possibilité de recourir en
appel contre la décision de la Cour, les auteurs affirment avoir épuisé
tous les recours internes disponibles.
2.5 Il ressort des pièces jointes que les auteurs n'étaient plus en possession
de leurs passeports à leur entrée aux Pays-Bas. Ces documents montrent
aussi que les autorités néerlandaises mettaient en doute la crédibilité
de l'histoire racontée par les auteurs, entre autres parce que X n'avait
pas mentionné en première audience ses activités en faveur de la liberté
sexuelle et que sa femme avait prétendu ne rien savoir de sa bisexualité.
De plus, il apparaît que les auteurs n'ont jamais signalé l'enlèvement
de leur fils aux autorités locales et, de ce fait, ne peuvent pas prétendre
que les autorités ont refusé de les protéger. Les autorités n'ont pas
non plus établi que les actes d'intimidation à l'encontre de la famille
des auteurs étaient liés aux activités de X. À cet égard, il est à noter
que la descente de juillet 1994 a été signalée dans le rapport de la
police comme un cambriolage et rien n'indique que l'enlèvement allégué
du fils des auteurs découlait des activités de X, ni que les autorités
étaient impliquées.
De plus, les auteurs ont pu quitter la Géorgie avec un passeport valide,
ce qui donne à penser qu'ils n'avaient pas eu maille à partir avec les
autorités géorgiennes. De plus, le Ministre néerlandais de la justice
a pris sa décision après avoir été informé par le Ministère des affaires
étrangères que les homosexuels n'étaient pas systématiquement persécutés
en Géorgie.
Teneur de la plainte
3. Les auteurs prétendent craindre pour leur vie s'ils retournent en Géorgie.
Dans ce contexte, ils affirment que le petit ami de X a été retrouvé
mort et que les parents de X ont été brutalisés chez eux, en octobre
1994, par des miliciens qui prétendaient rechercher X, que son père avait
été enlevé et retrouvé blessé le 15 février 1995 et était mort le 16
février 1995. Les auteurs se réfèrent à un rapport de la Internationale
Gesellschaft für Menschenrechte dans lequel il est déclaré que les assassinats
sont une forme courante de répression en Géorgie.
Questions soulevées devant le Comité et procédure suivie
4.1 Avant d'examiner une plainte figurant dans une communication, le Comité
doit décider si cette communication est ou n'est pas recevable au titre
de l'article 22 de la Convention.
4.2 Le Comité note que les faits soumis par les auteurs ont trait à une
demande d'asile mais que ceux-ci n'ont pas prouvé qu'ils risquaient d'être
torturés s'ils retournaient en Géorgie. Le Comité considère qu'aucun
élément n'a été présenté qui puisse étayer le recours aux dispositions
de l'article 3 de la Convention et que la communication est, de ce fait,
irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l'article 22 de la Convention.
5. Le Comité contre la torture décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et, pour information, à l'État partie.