H.O. (nom supprimé) c. Suède, Communication No. 178/2001, U.N. Doc. CAT/C/27/D/178/2001 (2001).
Présentée par : H. O. (nom supprimé) [représenté par un conseil]
Au nom de : Le requérant
État partie : Suède
Date de la requête : 11 janvier
2001
Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 13 novembre 2001,
Ayant achevé l'examen de la requête no 178/2001, présentée au Comité en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,
Adopte la décision suivante en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.
1.1 Le requérant est H. O., citoyen iranien né le 18 mars 1973, résidant actuellement en Suède où il demande le statut de réfugié. Il affirme qu'en le renvoyant en Iran après l'avoir débouté de sa demande, la Suède violerait l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.
1.2 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité
a porté la requête n° 178/2001 à la connaissance de l'État partie, le 23 janvier
2001. Il lui a demandé, en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement
intérieur, de ne pas expulser l'auteur vers l'Iran tant que sa requête serait
en cours d'examen. Dans une lettre datée du 20 mars 2001, l'État partie a informé
le Comité que le Conseil suédois de l'immigration avait décidé, le 24 janvier
2001, de surseoir à l'exécution de l'arrêté d'expulsion.
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Le conseil indique que le requérant est d'ascendance kurde, qu'il vient
de la ville de Sanandaj et qu'il avait commencé en 1990 à prendre part à des
activités politiques visant à défendre les intérêts du peuple kurde et à lutter
contre le régime islamique. Ces activités consistaient notamment à retourner
les portraits de l'Ayatollah et à encourager les élèves de son école à participer
à des manifestations. En février 1994, le requérant aurait été arrêté par les
forces révolutionnaires et accusé d'avoir distribué des tracts dans son école
et écrit des slogans hostiles au régime. Il affirme qu'il a été interrogé pendant
deux jours et qu'il a ensuite subi diverses tortures, notamment des coups sur
la plante des pieds. Il aurait été remis en liberté après deux mois de détention.
Il avait alors appris qu'il avait été exclu de son école. Il aurait travaillé
ensuite comme chauffeur de taxi. Après sa libération, le requérant aurait cessé
toute activité politique par crainte d'être persécuté.
2.2 Le 22 février 1999, des manifestations officiellement autorisées ont eu
lieu à Sanandaj pour protester contre l'arrestation à Nairobi, par le Gouvernement
turc, du dirigeant du PKK, Abdullah Oçalan. D'après le requérant, le régime
iranien avait pour but de dresser la population kurde contre les Gouvernements
des États-Unis et d'Israël.
2.3 Le requérant et une quinzaine de ses amis ont conçu le projet de mettre
à profit ces manifestations pour dénoncer les injustices endurées par la population
kurde en Iran. Ils ont préparé des affiches et des tracts où figuraient des
slogans hostiles à l'Iran et favorables au Kurdistan. Une fois qu'ils ont commencé
à manifester, des milliers de personnes se sont jointes à eux et se sont mises
à scander des slogans hostiles au régime tandis que l'auteur et ses amis distribuaient
affiches et tracts. Les forces armées et les forces révolutionnaires ont ouvert
le feu sur les manifestants et ont procédé à de nombreuses arrestations. Un
ami du requérant, Jamil, a été abattu et le requérant a pris la fuite; considérant
qu'il était trop risqué de rejoindre sa famille, il s'est caché chez un ami
pendant 13 jours. C'est là qu'il a appris que les gardiens de la révolution
étaient venus arrêter son père et son frère chez eux. Le requérant a alors changé
de cachette, trouvant refuge chez un parent à Ourmiyeh où il est resté 24 jours.
Un autre parent lui a procuré un faux passeport ainsi qu'un visa de sortie.
Le requérant s'est ensuite rendu à Van puis à Istanbul en Turquie. Vingt jours
plus tard, il a pris l'avion pour la Suède.
2.4 Le requérant est entré en Suède le 21 avril 1999 et a demandé l'asile le
lendemain. À son arrivée, il n'avait sur lui ni passeport ni aucune autre pièce
d'identité. Le 22 avril 1999, le Conseil suédois de l'immigration a eu avec
lui un premier entretien, qui a duré environ une heure et au cours duquel il
a été invité à fournir des informations de base. Le 20 mai, a eu lieu un entretien
plus approfondi, qui a duré environ quatre heures. Le 8 septembre 1999, le Conseil
suédois de l'immigration a rejeté la demande d'asile au motif qu'elle n'était
pas crédible et que le requérant n'avait pas prouvé qu'il risquait d'être persécuté
s'il était renvoyé en Iran.
2.5 Le requérant a alors fait appel de cette décision auprès de la Commission
de recours des étrangers, à laquelle il a notamment précisé que s'il n'avait
aucune pièce d'identité sur lui à son arrivée en Suède, c'était parce qu'il
avait été contraint de donner ces documents au passeur qui l'avait amené là-bas.
Il a ajouté que les autorités iraniennes s'étaient par deux fois rendues au
domicile de sa famille pour demander des renseignements sur lui. La Commission
de recours des étrangers a rejeté le recours du requérant le 11 août 2000.
2.6 Le 1er septembre 2000, le requérant a adressé à la Commission de recours
des étrangers une nouvelle demande d'asile et de permis de séjour, dans laquelle
il fournissait de nouvelles informations: son père et son frère avaient été
remis en liberté et les autorités iraniennes avaient de nouveau cherché à savoir
où il se trouvait. Il mentionnait aussi un appel émanant du Conseil des réfugiés
iraniens de Stockholm dans lequel cet organisme disait craindre pour la sécurité
du requérant au cas où il serait expulsé vers l'Iran. Enfin, il invoquait, à
l'appui de sa demande de permis de séjour, des raisons humanitaires fondées
sur la déclaration d'un spécialiste en psychiatrie d'après laquelle le requérant
souffrait de troubles post-traumatiques se traduisant par une profonde dépression
accompagnée du souvenir vivace des tortures qu'il avait subies et par des tendances
suicidaires très prononcées. Le 5 octobre 2000, la Commission de recours des
étrangers a, une nouvelle fois, rejeté sa demande.
2.7 Le 7 novembre 2000, le requérant a déposé auprès de la Commission de recours
des étrangers une nouvelle demande accompagnée, d'une part, d'informations visant
à préciser celles qu'il avait fournies aux étapes précédentes de la procédure
et, d'autre part, d'une nouvelle déclaration émanant d'un psychiatre faisant
état de troubles post-traumatiques et d'un risque considérable de suicide. La
Commission a rejeté la demande le 12 décembre 2000.
Teneur de la requête
3. Le conseil indique que H. O. craint, s'il est renvoyé en Iran, d'être arrêté
pour avoir participé aux manifestations hostiles au régime qui ont eu lieu à
Sanandaj en février 1999. En outre, selon lui, les autorités iraniennes examineront
probablement son cas à la lumière des activités qu'il a menées au début des
années 90 et en concluront qu'il milite en faveur de l'indépendance des Kurdes
et contre le régime iranien, ce que le régime considérera comme une grave infraction
politique avec toutes les conséquences que cela implique. Le conseil ajoute
qu'il existe, en Iran, un ensemble de violations systématiques des droits de
l'homme, dont sont en particulier victimes les opposants politiques et religieux,
et que tout porte à croire que l'auteur sera soumis à la torture ou à d'autres
traitements inhumains s'il est renvoyé en Iran.
Observations de l'État partie sur la recevabilité
4. Dans ses observations du 29 mars 2001, l'État partie ne conteste pas la recevabilité
de la requête puisque les recours internes ont été épuisés avec la décision
de la Commission de recours des étrangers en date du 5 octobre 2000. Toutefois,
il fait observer que le requérant peut, en vertu de l'article 5 b) du chapitre
2 de la loi sur les étrangers, faire à tout moment une nouvelle demande de permis
de séjour auprès de la Commission de recours des étrangers à condition d'invoquer
de nouvelles circonstances susceptibles d'entraîner une décision différente.
Commentaires du conseil sur les observations de l'État partie
5. Dans une lettre datée du 24 avril 2001, le conseil reprend les arguments
avancés dans sa première communication. Il relève en outre que le principal
reproche que l'on peut, dans cette affaire, adresser aux autorités responsables
de l'immigration est qu'elles appliquent de manière erronée les articles 1 et
2 du chapitre 8 de la loi sur les étrangers.
Observations de l'État partie sur le fond
6.1 Dans ses observations du 21 juin 2001, l'État partie donne des informations
sur le fond de l'affaire.
6.2 L'État partie rappelle les critères énoncés dans l'article 3 de la Convention
et par le Comité, à savoir, premièrement, que la situation générale des droits
de l'homme dans le pays doit être prise en considération et, deuxièmement, que
l'intéressé doit courir personnellement le risque d'être soumis à la torture,
et notamment que cette torture doit être une conséquence nécessaire et prévisible
du renvoi de l'intéressé dans son pays.
6.3 S'agissant du premier critère, l'État partie note que même si des signes
donnent à penser que la société iranienne connaît des changements susceptibles
d'apporter des améliorations dans le domaine des droits de l'homme, l'Iran continuerait,
d'après les informations disponibles, à commettre de nombreuses violations des
droits de l'homme.
6.4 S'agissant du second critère, l'État partie conteste que le requérant coure
un risque prévisible, réel et personnel d'être torturé s'il est renvoyé en Iran.
Il souligne que les incohérences et les lacunes dans la version des faits donnée
par H. O. font naître de sérieux doutes quant à sa crédibilité et à l'exactitude
des faits rapportés. L'État partie renvoie aux règles énoncées dans le Guide
des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié,
établi par le HCR (Genève, 1992), aux termes duquel (par. 205) «le demandeur
doit i) dire la vérité et prêter tout son concours à l'examinateur pour l'établissement
des faits [et] ii) s'efforcer d'apporter à l'appui de ses affirmations tous
les éléments de preuve dont il dispose et expliquer de façon satisfaisante toute
absence de preuve. Si besoin, il doit s'efforcer de fournir des éléments de
preuve supplémentaires.».
6.5 À cet égard, l'État fait observer que le requérant n'a apporté aucun élément
de preuve à l'appui de l'affirmation selon laquelle son frère et son père ont
été arrêtés et n'a fourni ni certificat ou autre document de ce genre concernant
l'interruption de ses études, ni informations précises sur l'endroit où il était
détenu ou sur la détention et la remise en liberté de son père et de son frère.
6.6 En outre, l'État partie fait observer que le requérant a déclaré au Conseil
suédois de l'immigration que s'il était renvoyé en Iran, il serait accusé d'avoir
organisé la manifestation de Sanandaj. Or, lorsqu'il a appris que les autorités
suédoises mettaient en doute cette affirmation, il a déclaré qu'il avait bien
participé à cette manifestation mais qu'il ne l'avait pas organisée. L'État
partie rappelle aussi à cet égard que le requérant a affirmé que 20 personnes
avaient été tuées pendant la manifestation de Sanandaj, affirmation qui doit
être confrontée aux informations selon lesquelles une vingtaine de personnes
ont été tuées lors des manifestations organisées à cette époque dans l'ensemble
du pays.
6.7 Lorsque le Conseil suédois de l'immigration avait demandé à H. O. comment,
à son avis, les autorités iraniennes étaient au courant de sa participation
à la manifestation, il a répondu qu'il pensait avoir été filmé depuis un hélicoptère.
D'après l'État partie, il est improbable que l'on puisse ainsi identifier quelqu'un
au sein d'une foule de plusieurs milliers de personnes en mouvement. Confronté
à cet argument, H. O. a mentionné d'autres méthodes d'identification.
6.8 D'après l'État partie, le requérant a donné des informations contradictoires
sur le lieu de détention de son père et de son frère. Dans un premier temps,
il a affirmé qu'ils étaient détenus à Ourmia avant de dire qu'ils étaient détenus
à Sanandaj. Il a également modifié sa version en ce qui concerne le nom de l'ami
qui aurait été abattu pendant les manifestations de 1999. D'après l'État partie,
le requérant s'est également contredit au sujet de la question de savoir si
sa famille était politiquement active. Au Conseil suédois de l'immigration,
il a déclaré qu'à part son frère décédé, aucun membre de sa famille n'avait
milité sur le terrain politique alors que dans sa communication au Comité, il
déclarait que sa famille était politiquement active depuis des années. L'État
partie rappelle en outre que H. O. a déclaré au Conseil suédois de l'immigration
que son passeport avait été détruit en Turquie avant d'affirmer qu'il avait
remis son faux passeport au passeur qui l'avait aidé à se rendre en Suède.
6.9 Quant au diagnostic de troubles post-traumatiques dont le requérant souffrirait,
l'État partie estime qu'il compte pour beaucoup dans l'évaluation globale de
la crédibilité de l'auteur. Il note que les rapports médicaux produits semblent
reposer uniquement sur les déclarations faites par le requérant. Celui-ci ne
porterait aucune marque physique attestant les tortures qu'il aurait subies.
D'ailleurs, il a lui-même affirmé qu'à l'époque où il avait été battu, il n'avait
aucune marque de blessure visible et n'avait pas eu besoin de consulter un médecin.
En outre, les troubles psychiatriques n'avaient été mentionnés ni lors des auditions
précédentes ni dans la demande adressée au Conseil suédois de l'immigration
ni dans le premier recours formé devant la Commission de recours.
6.10 Étant donné ce qui précède, l'État partie estime avoir des raisons de mettre
en doute, sur plusieurs points, la version des faits donnée par le requérant
et par conséquent de douter que tout ce qu'il avance soit digne de foi. Se référant
à la communication no 149/1999 ( A. S. c. Suède) , l'État
partie estime que le requérant n'a pas fourni assez d'informations pour déplacer
la charge de la preuve.
6.11 L'État partie ne souscrit donc pas à la version des faits présentée par
H. O. Même si elle était jugée crédible, il considère que le requérant n'a toujours
pas établi clairement qu'il risquait d'être arrêté ou torturé s'il était renvoyé
en Iran. À l'évidence, il n'a jamais joué un rôle de premier plan dans l'opposition
au régime et n'a même pas été membre de Komala. Par ailleurs, il n'a pas affirmé
avoir été fiché par les autorités en raison de ses sympathies politiques mais
a déclaré que les autorités ne s'étaient pas intéressées à lui jusqu'à la manifestation
de février 1999.
6.12 L'État partie conclut que le requérant n'a pas étayé son allégation selon
laquelle il courrait un risque personnel, réel et prévisible d'être torturé
s'il était renvoyé en Iran; un arrêté d'expulsion ne violerait donc pas l'article
3 de la Convention.
Commentaires du requérant sur les observations de l'État partie
7.1 S'agissant de l'observation de l'État partie concernant l'affirmation de
H. O. qui avait dit qu'il avait été identifié par un hélicoptère lors de la
manifestation, le conseil fait observer que H. O. voulait dire qu'il avait pu
être identifié par un hélicoptère ou par un autre moyen.
7.2 En outre, le conseil indique que le requérant a seulement déclaré que son
frère militait au sein d'une organisation politique kurde et n'a mentionné à
ce propos aucun des autres membres de la famille. Lorsque, dans sa requête au
Comité, il a déclaré que sa famille était politiquement active depuis des années,
il voulait dire que sa famille était considérée comme jouant un rôle politique
en raison des activités politiques menées par lui-même et par son frère. Le
conseil souligne aussi que les informations sur la détention du père et du frère
du requérant que celui-ci avait reçues émanaient de sa mère et lui étaient parvenues
par l'intermédiaire d'un ami car il n'avait pas été en mesure d'établir un contact
direct avec les siens.
7.3 Le conseil affirme que lorsqu'il examine une demande de statut de réfugié,
l'État partie n'applique pas les mêmes critères que ceux énoncés par le Comité.
Il fait valoir que souvent, l'État partie ne tient pas compte des pièces produites
par le requérant, notamment des documents médicaux. S'agissant de l'allégation
de l'État partie qui objecte que le requérant ne s'est pas acquitté de son obligation
de fournir des informations solidement documentées, le conseil indique que l'État
partie accorde rarement de l'importance à de tels éléments de preuve. Il s'étonne
donc qu'en l'espèce, l'État partie justifie le rejet de la demande par l'absence
d'éléments de preuve de cette nature. En outre, il n'a pas été possible de retrouver
des documents relatifs à la détention de H. O. en 1994 et à celle de son père
et de son frère en février 1999. En effet, souligne le conseil, le requérant
a quitté l'Iran dans la précipitation et n'a donc pas été en mesure de rassembler
des documents.
7.4 Le conseil explique que si les problèmes de santé mentale n'ont pas été
mentionnés au début de la procédure c'est parce que le requérant ne savait pas
quelles informations il devait communiquer. Le conseil souligne, à ce sujet,
que le requérant n'a reçu qu'une éducation élémentaire.
7.5 S'agissant de l'allégation de l'État partie qui dit que H. O. a déclaré
avoir été l'un des organisateurs des manifestations de Sarandaj, le conseil
souligne qu'après avoir pris conscience que l'État partie avait surestimé son
niveau de participation à ces manifestations, le requérant a fourni les éclaircissements
nécessaires.
7.6 En général, le conseil relève que les malentendus surviennent souvent pendant
les entrevues avec les demandeurs d'asile parce que ceux-ci sont épuisés par
un long voyage et par des expériences traumatisantes et qu'ils sont terrifiés
par les autorités.
Observations supplémentaires de l'État partie
8.1 Le 2 octobre 2001, l'État partie a communiqué de nouvelles observations
concernant le fond de l'affaire. Il a contesté la déclaration du conseil pour
qui il serait vain de présenter des documents aux autorités suédoises. Il souligne
que les autorités suédoises responsables de l'immigration examinent d'une manière
aussi approfondie que possible toutes les affaires qui leur sont soumises ainsi
que tout élément de preuve produit.
8.2 L'État partie note que le requérant a fondé sa demande sur l'arrestation
présumée de son frère et de son père bien qu'il n'ait pas été en mesure de prendre
contact avec l'une ou l'autre de ces personnes ni de fournir des documents les
concernant. L'État partie considère que H. O. devrait au moins être en mesure
d'expliquer quand il a eu des nouvelles de sa famille pour la dernière fois,
quels efforts il a fait pour entrer en contact avec elle et pourquoi il n'y
est pas parvenu. En outre, l'État partie renvoie à la communication n° 109/1998,
K. M. c. Suisse , et affirme que rien ne donne à penser
que des membres de la famille du requérant ont été intimidés depuis la mise
en liberté de son frère et de son père au milieu de l'année 1999.
8.3 Pour ce qui est de la crédibilité du requérant, l'État partie explique que
lors des deux entrevues avec le personnel du Conseil suédois de l'immigration,
H. O. a déclaré qu'il comprenait l'interprète. Lors de la seconde entrevue,
qui a eu lieu un mois après son arrivée en Suède, le compte rendu de l'entrevue
a été lu à haute voix et traduit à H. O., qui n'en a pas contesté la teneur.
Lorsqu'on lui a demandé quel était son état de santé, il a répondu qu'il était
bon. L'État partie souligne que le requérant n'a pas fait état, lors de ses
deux entretiens avec le personnel du Conseil suédois de l'immigration, des séquelles
des tortures qu'il aurait subies en 1994.
Commentaires supplémentaires du requérant
9.1 Le 25 octobre 2001, le conseil a fait parvenir de nouveaux commentaires
concernant la réponse de l'État partie datée du 2 octobre 2001. En ce qui concerne
l'argument de l'État partie qui objecte que le requérant aurait dû apporter
des documents à l'appui de sa plainte, il fait valoir qu'il est risqué et donc
difficile de se faire envoyer des documents d'Iran.
9.2 En ce qui concerne l'argument de l'État partie qui considère que rien ne
donne à penser que des membres de la famille du requérant ont été intimidés
après le milieu de 1999, le conseil répond que les autorités iraniennes ont
recherché H. O. après les manifestations de 1999 mais qu'elles ont probablement
arrêté de le chercher parce qu'elles ont compris qu'il avait quitté l'Iran.
Cela étant, ce n'est pas parce que le requérant n'a pas reçu de nouvelles lui
apprenant que sa famille a été inquiétée après 1999 que les autorités iraniennes
ne s'intéressent plus à lui.
9.3 Le conseil mentionne aussi un rapport de 2000 écrit par un professeur de
la faculté de psychologie de l'Université de Stockholm, Mme Gitte Stedt, qui
critique la façon dont le Conseil suédois de l'immigration mène les entretiens
des demandeurs d'asile. En particulier, elle dit que les fonctionnaires qui
interrogent les intéressés n'établissent pas des relations de confiance avec
eux et que les questions sont compliquées ce qui est source de malentendus.
Décision concernant la recevabilité et examen quant au fond
10. Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre
la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22
de la Convention. Il s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
à l'alinéa a du paragraphe 5 de l'article 22, que la même question
n'avait pas été examinée ou n'était pas en cours d'examen devant une autre instance
internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note que l'État partie ne
soulève aucune objection quant à la recevabilité de la communication (voir les
observations de l'État partie datées du 20 mars 2001). Il estime donc qu'il
n'y a pas d'obstacle à la recevabilité de la communication et procède donc immédiatement
à son examen quant au fond.
11. Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article
3 de la Convention, s'il existe des motifs sérieux de croire que le requérant
court le risque d'être torturé s'il est renvoyé en Iran. Pour prendre cette
décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes,
conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble
de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.
En d'autres termes, l'existence d'un ensemble de violations systématiques des
droits de l'homme au sens du paragraphe 2 de l'article 3 conforte le sentiment
du Comité que des motifs sérieux existent au sens du paragraphe 1.
12. Toutefois, le Comité doit déterminer aussi si l'intéressé risque personnellement
d'être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait expulsé. Par conséquent,
l'existence d'un ensemble de violations systématiques graves, flagrantes ou
massives des droits de l'homme dans un pays ne saurait constituer en soi un
motif suffisant pour conclure qu'un individu risque d'être soumis à la torture
après son retour dans son pays; l'existence de motifs supplémentaires est nécessaire
afin de pouvoir conclure que l'intéressé est personnellement en danger. De la
même manière, l'absence d'un ensemble de violations systématiques et flagrantes
des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être considérée
comme risquant d'être soumise à la torture dans la situation particulière qui
est la sienne.
13. En l'espèce, le Comité doit donc déterminer si l'expulsion du requérant
vers l'Iran aurait comme conséquence prévisible de l'exposer à un risque réel
et personnel d'être arrêté et torturé.
14. L'État partie fait état d'incohérences et de contradictions dans les récits
du requérant, qui l'amènent à douter de la véracité de ses allégations. Le Comité
n'a pas de raison de douter de la crédibilité du requérant en ce qui concerne
sa détention, sa participation à la manifestation de février 1999, la détention
de son frère et de son père et les circonstances dans lesquelles il a dû se
défaire de son passeport et de ses papiers d'identité. Il considère toutefois,
à la lumière des informations fournies, que les activités politiques que H.
O. affirme avoir eues avant et pendant la manifestation de février 1999 ne sont
pas d'une nature telle qu'il puisse en conclure qu'il risque d'être torturé
à son retour. Le Comité est conforté dans cette idée par le fait que les autorités
iraniennes ne se sont pas intéressées au requérant entre le moment où il a été
remis en liberté en 1994 et la manifestation de février 1999.
15. Se fondant sur les considérations ci-dessus, le Comité est d'avis que les
informations dont il est saisi ne montrent pas qu'il existe des motifs sérieux
de croire que le requérant risque personnellement d'être soumis à la torture
s'il est renvoyé en Iran.
16. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l'État partie de renvoyer
l'auteur en Iran ne constitue pas une violation de l'article 3 de la Convention.