M. H.K.H. c. Suède, Communication No. 204/2002, U.N. Doc. CAT/C/29/D/204/2002 (2002).
Requête présentée par : | M. H.K.H. (représenté par un conseil) |
Au nom de : | M. H.K.H. |
État partie : | Suède |
Date de la requête : | 26 mars 2002 |
Date de la présente décision : | 19 novembre 2002 |
Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 19 novembre 2002,
Ayant achevé l'examen de la requête no 204/2002 présentée par M. H.K.H. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,
Adopte la décision
suivante:
DÉCISION EN VERTU DU PARAGRAPHE 7 DE L'ARTICLE 22
DE LA CONVENTION
1.1 Le requérant est M. H.K.H., de
nationalité iranienne, se trouvant actuellement en Suède et frappé d'une mesure
d'expulsion. Il affirme que son renvoi en Iran constituerait une violation par
la Suède de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.
1.2 Le 8 avril 2002, le Comité a adressé la requête à l'État partie en le priant
de faire ses observations et, en application du paragraphe 1 de l'article 108
de son règlement intérieur, il l'a prié de ne pas renvoyer le requérant en Iran
tant que sa requête serait en cours d'examen. L'État partie a accédé à cette
demande.
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Quand il vivait en Iran, le requérant était membre de l'organisation politique
Cherikhaj Fadai Khalq, pour laquelle il travaillait. Il déclare qu'il a été
arrêté plusieurs fois entre 1983 et 1988, soupçonné d'activités politiques illégales.
En septembre 1989 ou vers le mois de septembre, il aurait tué par accident un
gardien de la révolution, dans les circonstances décrites ci-après. Il entretenait
une relation avec une jeune fille d'origine arménienne. Un jour qu'ils se promenaient
dans un parc du centre de Téhéran, ils avaient rencontré un groupe de gardiens
de la révolution qui les avaient «pris à parti» parce que la jeune fille portait
une croix chrétienne au cou. Les gardiens lui avaient jeté de l'acide au visage.
L'un d'eux avait brandi un couteau dont le requérant avait réussi à s'emparer
et il en avait frappé le gardien. Avec son amie, ils avaient alors pris la fuite.
2.2 Après cet incident, le requérant s'était caché en différents endroits autour
de Téhéran. Il avait alors appris que le gardien était mort de ses blessures
et que son amie s'était suicidée. Il avait également appris que le domicile
de certains de ses proches avait été fouillé. Le 26 octobre 1989, le requérant
a réussi à quitter clandestinement l'Iran et est arrivé en Suède où il a demandé
l'asile au Conseil suédois de l'immigration (appelé aujourd'hui le Conseil des
migrations et désigné ci-après sous ce nom). Le 17 septembre 1990, le Conseil
des migrations a rejeté la demande du requérant au motif qu'il avait donné des
renseignements contradictoires au sujet de ses activités politiques. Le requérant
a fait appel de cette décision auprès de la Commission de recours des étrangers
qui l'a débouté pour les mêmes motifs et a refusé de lui accorder le statut
de réfugié. Le requérant a ensuite reçu un permis de séjour dans le cadre d'une
amnistie générale au bénéfice des demandeurs d'asile.
2.3 Le requérant dit que sa mère a été assassinée en 1996 et qu'à son avis il
est probable que c'est une conséquence de ses actions. Un de ses frères s'est
suicidé en 1996 et un autre a été tué, en 2000. Ses deux autres frères ont quitté
l'Iran et le Canada leur a octroyé l'asile. Le requérant ajoute que quelqu'un
lui a dit qu'il avait été condamné à mort dans son pays. Un représentant des
gardiens de la révolution avait parlé du verdict à la mère du requérant avant
la mort de celle-ci.
2.4 En 1994, le requérant a été poursuivi pour trafic de drogue. Il a été condamné
à 10 ans d'emprisonnement et à être expulsé car il était considéré comme un
danger pour la population. Le requérant a été débouté par la cour d'appel de
Suède centrale puis par la Cour suprême. Il fait valoir que les tribunaux n'ont
pas tenu compte de son besoin de protection. Le Conseil national des établissements
pénitentiaires a réduit la peine de sorte qu'il serait libéré le 8 mars 2002.
2.5 Le 10 janvier 2002, le requérant a déposé une demande auprès du Gouvernement
pour solliciter l'annulation de la décision du tribunal de l'expulser de Suède
car il avait toujours autant besoin de protection que quand il avait fait sa
demande auprès du Conseil des migrations. Il faisait valoir en outre que les
contradictions relevées dans les renseignements qu'il avait donnés au Conseil
des migrations tenaient aux séquelles des tortures qui lui avaient été infligées
en Iran quand il avait été arrêté et interrogé. (1) L'auteur a fourni des renseignements
sur d'autres documents pris en considération par le Gouvernement dans l'examen
de l'affaire, mais ces renseignements avaient été communiqués à l'auteur dans
le cadre de la loi suédoise sur le secret et, à la demande du requérant, ne
sont pas consignés ici.
2.6 Par une décision en date du 21 mars 2002, le Gouvernement suédois a décidé
qu'il n'y avait pas de risque objectif que le requérant soit soumis à la torture
s'il était renvoyé en Iran. Le 10 avril 2002, le requérant a été libéré de prison
sur décision du Ministère de la justice qui a décidé de surseoir à son expulsion
jusqu'à nouvel ordre.
2.7 D'après le requérant, la pratique de la torture est courante en Iran. La
police, les gardiens de la révolution et les autres forces de sécurité pratiquent
fréquemment des formes graves de torture, en appliquant diverses méthodes, pendant
les enquêtes. La torture est également pratiquée en prison, une fois le verdict
rendu. À ce sujet, le requérant renvoie aux rapports du Représentant spécial
du Secrétaire général sur l'Iran, aux rapports sur les droits de l'homme dans
les pays du Département d'État des États-Unis ainsi qu'à Amnesty International.
Le Parlement iranien lui-même a selon les dires du requérant estimé que la torture
et l'usage excessif de la violence étaient fréquents dans les prisons iraniennes.
Teneur de la plainte
3.1 Le requérant affirme qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'il risque
d'être soumis à la torture s'il est renvoyé en Iran et que la Suède commettrait
donc une violation de l'article 3 de la Convention. Le requérant reconnaît qu'il
a donné aux autorités suédoises des renseignements contradictoires sur sa participation
à des activités politiques mais objecte que cela tenait aux séquelles psychiatriques
des tortures subies. De plus, il affirme qu'il n'a jamais donné des renseignements
contradictoires au sujet de l'incident avec les gardiens de la révolution dans
le parc et que c'est cette altercation qui constitue le principal argument qui
lui fait craindre d'être soumis à la torture s'il est renvoyé en Iran. En effet
selon lui il est ainsi devenu un ennemi de l'État et un tel acte, que ce soit
ou non un accident, est puni de mort.
3.2 Le requérant souligne que l'objet de sa plainte n'est pas le risque d'être
exécuté qui représenterait une violation de l'article 3, mais la très forte
probabilité, en raison de la nature du crime, d'être soumis à des tortures avant
d'être exécuté, peut-être afin de lui arracher des renseignements sur son appartenance
à des organisations illégales. Il affirme aussi que tout ce qui s'est passé
dans sa famille, y compris le fait que deux de ses proches parents aient été
assassinés et deux de ses frères aient été obligés de chercher refuge à l'étranger,
confirme que les autorités le recherchaient et que, ne le trouvant pas, elles
se sont vengées sur sa famille.
3.3 Le requérant affirme que tous les recours internes ont été épuisés et que
la requête n'a pas été soumise à l'examen d'une autre procédure internationale
d'enquête ou de règlement.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Par une lettre datée du 18 juin 2002, l'État partie a fait parvenir sa réponse
sur la recevabilité et sur le fond de la requête. En ce qui concerne la recevabilité,
il affirme que l'argument de l'auteur qui fait valoir qu'il risque d'être soumis
à la torture s'il est renvoyé en Iran manque du minimum d'élément pour être
étayé et donc compatible avec l'article 22 de la Convention. (2)
4.2 Pour ce qui est du fond, l'État partie rappelle que l'existence d'un ensemble
de violations systématiques des droits de l'homme graves, flagrantes ou massives
ne constitue pas un motif suffisant pour établir qu'un individu risque d'être
soumis à la torture s'il est renvoyé dans ce pays; le particulier doit montrer
que son expulsion aurait pour conséquence prévisible de lui faire personnellement
courir un risque réel d'être torturé. L'État partie avance qu'il découle de
ces principes que c'est au requérant qu'il appartient au premier chef de rassembler
et de produire les preuves à l'appui de son récit.
4.3 L'État partie fait valoir que plusieurs dispositions de la loi relative
aux étrangers garantissent les mêmes droits que le paragraphe 1 de l'article
3 de la Convention. Il dit à ce sujet que le dossier du requérant a été évalué
par le Conseil des migrations en 1990 et en 1994, par la Commission de recours
des étrangers en 1992 et par le Conseil des migrations et le Gouvernement en
2002. De plus, la question des motifs qui pourraient empêcher l'expulsion a
été examinée par deux juridictions suédoises. D'après lui, le requérant a tort
quand il affirme au Comité que la question de sa protection n'a pas été traitée
pendant la procédure pénale. En ce qui concerne l'expulsion, le tribunal a pris
note du fait que le requérant vivait depuis quatre ans avec une Suédoise dont
il avait eu un enfant en novembre 1993. Toutefois, il a considéré que les infractions
dont il avait été reconnu coupable étaient extrêmement graves et représentaient
un danger pour les individus et pour la société en général. De surcroît, il
a établi que ces infractions avaient été commises de façon massive et depuis
relativement longtemps. Le tribunal a donc conclu que globalement des motifs
exceptionnels justifiaient l'expulsion du requérant. Le tribunal de district
a également fondé sa décision sur un avis du Conseil des migrations indiquant
qu'il n'y avait aucun empêchement à l'expulsion.
4.4 L'État partie confirme aussi que quand le Gouvernement a examiné la demande
d'annulation de l'arrêté d'expulsion, il a demandé l'avis du Conseil des migrations
et de l'ambassade de Suède à Téhéran. L'ambassade a envoyé deux séries de renseignements
mais l'État partie affirme que le requérant n'en a communiqué qu'une seule au
Comité. L'ambassade aurait donné les renseignements ci-après: globalement, elle
était d'avis qu'il était peu probable que le requérant ait été condamné par
contumace. Toutefois, à supposer que le requérant avait bien tué un gardien
de la révolution, il aurait pu être poursuivi soit devant un tribunal révolutionnaire
islamique soit devant une juridiction ordinaire. S'il avait été condamné par
un tribunal ordinaire, le jugement aurait été notifié à lui-même ou à sa famille.
S'il avait été condamné par un tribunal révolutionnaire, il n'aurait aucune
preuve du jugement prononcé. La peine fixée par la loi pour le meurtre d'un
gardien de la révolution est la peine de mort. Le tribunal révolutionnaire n'aurait
probablement pas considéré que les circonstances dans lesquelles le gardien
avait été tué étaient atténuantes au point d'exclure la peine capitale mais,
s'il avait été jugé par un tribunal ordinaire, le requérant aurait pu obtenir
le bénéfice des circonstances atténuantes en avançant l'argument de la légitime
défense. L'incident relaté par le requérant était crédible car d'autres incidents
du même genre avaient été portés à la connaissance de l'ambassade. Celle-ci
pouvait demander officiellement aux autorités iraniennes si le requérant avait
été condamné par contumace mais elle estimait que cela ne mènerait sans doute
à rien ou pouvait faire courir au requérant le risque d'être considéré comme
«coupable par association».
4.5 L'État partie fait valoir que le compte rendu des événements fait par le
requérant contient un certain nombre d'incohérences et de failles. Il n'ignore
pas que le Comité estime qu'une précision totale peut rarement être attendue
des victimes de la torture mais il considère que de telles incohérences doivent
être retenues quand il s'agit d'apprécier la crédibilité du requérant. L'État
partie note que le requérant affirme que les contradictions relevées dans son
récit des événements tenaient aux séquelles des tortures qu'il aurait subies.
Il relève que le requérant n'avait jamais signalé avoir été torturé (ou par
deux fois avoir attenté à ses jours quand il était en prison) avant d'avoir
formé son recours devant la Commission de recours des étrangers. Ainsi, il n'en
a pas fait mention quand il était interrogé par le Conseil des migrations ni
dans ses observations supplémentaires au même organe, alors que ces observations
ont été rédigées avec l'assistance d'un conseil.
4.6 L'État partie note également qu'à aucun moment de la procédure le requérant
n'a donné de détails relatifs aux tortures qu'il aurait subies. À son avis,
le seul rapport médical (daté du 23 mai 1990) produit dans cette affaire ne
contenait aucun élément permettant d'étayer l'argument de l'auteur qui déclare
souffrir de troubles post-traumatiques. Rien dans ce rapport n'indiquait non
plus que l'examen médical a révélé des cicatrices sur les lèvres et dans la
bouche. L'État partie conclut donc que la seule mention du fait qu'il aurait
subi des tortures ne suffit pas à expliquer les incohérences relevées dans sa
relation des événements.
4.7 Sur la question de sa participation à des activités politiques, l'État partie
note que le requérant n'a pas produit la moindre preuve de ces activités ni
du fait que les autorités iraniennes en aient eu connaissance. Il souligne que
cette absence de preuves devrait être notée en particulier compte tenu du fait
que dans le cadre de la procédure de demande d'asile le requérant a donné des
renseignements clairement contradictoires quand on lui a demandé s'il avait
ou non mené des activités politiques en Iran. Il avait de plus donné des réponses
différentes à la fois au sujet des motifs des arrestations qui d'après lui étaient
la conséquence de ses activités et de leur durée. Si le Comité devait décider
d'ajouter foi aux déclarations du requérant sur cette question, l'État partie
souligne que le requérant a affirmé qu'il était seulement un partisan et non
pas un membre de l'organisation Cherikhaj Fadai Khalq et que ses activités étaient
d'importance négligeable quant à leur nature et à leur ampleur. Pour ces raisons,
il n'aurait jamais été que du menu fretin pour les autorités iraniennes. De
l'avis de l'État partie, il est donc peu probable que l'incident du parc soit
une conséquence des activités politiques du requérant comme ce dernier l'a affirmé
devant le Conseil des migrations en 1990.
4.8 Concernant la question du récit de l'incident avec les gardiens en 1989,
l'État partie fait valoir que le requérant a modifié sa version sur plusieurs
points importants. Les incohérences relevées portent sur l'heure, le lieu et
le motif de l'agression alléguée, ainsi que sur le déroulement des événements
et leurs conséquences. En particulier, l'État partie insiste sur les éléments
nouveaux soumis dans la requête adressée au Gouvernement en date du 10 janvier
2002: le requérant y indiquait que son amie était avec lui au moment de l'incident
et que les gardiens lui avaient lancé de l'acide au visage; il ajoutait dans
sa requête, pour la première fois, qu'il avait effectivement tué le gardien
d'un coup de couteau et que son amie s'était suicidée, et il admettait qu'il
savait tout cela en quittant l'Iran.
4.9 L'État partie note également que ces circonstances nouvelles de cet incident,
qui n'avaient pas été mentionnées auparavant aux autorités suédoises, ont été
portées à l'attention du Comité, y compris le fait que le coup de couteau avait
été porté sur le corps et non pas au visage du gardien, que son amie était avec
lui à ce moment-là et que c'était elle et non pas le requérant qui portait la
croix à son cou. L'État partie relève de plus que le fait que le gardien ait
poussé le requérant dans la vitrine d'un magasin, ce qui lui avait causé des
blessures graves, semble pour une raison inconnue avoir disparu des plaintes
entre la procédure de demande d'asile et la procédure de contestation de l'expulsion.
4.10 En ce qui concerne la question du départ d'Iran, l'État partie relève que
le requérant a changé sa relation des faits, en affirmant d'abord que son père
avait organisé son départ avec un passeur et ensuite que c'était lui-même qui
avait pris contact avec le passeur. De plus, pendant les audiences devant le
Conseil des migrations, le 26 octobre 1989 et le 13 novembre 1989, il avait
déclaré avoir quitté l'Iran à partir du port maritime de Bandar-E-Abbas et avoir
utilisé son livret militaire et son permis de conduire comme papiers d'identité
pendant le voyage de Téhéran à Bandar-E-Abbas. Toutefois, il avait affirmé plus
tard qu'il était passé par la Turquie et avait utilisé de faux papiers pour
quitter le pays. Pour cette raison et aussi parce que le requérant n'a produit
aucune preuve écrite à l'appui de son récit concernant le voyage, l'État partie
objecte que l'on ne peut pas exclure qu'il avait quitté l'Iran en toute légalité.
Étant donné que le requérant affirme avoir été recherché par les autorités iraniennes
pendant un mois à l'époque de son départ, on peut se demander s'il aurait vraiment
réussi à quitter le pays en étant muni uniquement de son livret militaire et
de son permis de conduire. D'après l'État partie, c'est peut-être cela qui explique
pourquoi le requérant a annoncé par la suite qu'il avait utilisé des faux papiers
pour quitter le pays.
4.11 En ce qui concerne le décès de sa mère, d'après l'État partie, le requérant
s'est contredit en affirmant d'abord qu'elle était morte à la fin de l'année
1990 des suites de problèmes cardiaques puis qu'elle avait été assassinée en
1996, ce qui avait un rapport avec les activités de son fils. Le requérant n'a
donné aucune explication à ce sujet.
4.12 Enfin, l'État partie relève que le requérant a changé sa position pour
son inculpation en Suède. Devant le tribunal de district, il a plaidé coupable
mais devant la cour d'appel il a retiré sa déclaration. Pour l'État partie,
cette attitude justifie que l'on mette sérieusement en doute l'affirmation du
requérant qui prétend être sous le coup d'une condamnation à mort en Iran. L'État
partie ajoute que rien n'indique que le requérant fait l'objet d'un mandat d'arrestation.
Il se réfère aussi de nouveau à l'avis de l'ambassade de Suède à Téhéran, pour
qui il est peu probable que le requérant ait été reconnu coupable et condamné
par contumace comme il le prétend. D'après l'État partie, toutes ces contradictions
font douter sérieusement de la véracité générale de la plainte du requérant.
Commentaires du requérant
5.1 Le requérant conteste l'argument de l'État partie qui affirme que la plainte
est irrecevable, et affirme que les faits de l'affaire sont très différents
de ceux que le Comité a dans le passé déclarés irrecevables parce que la plainte
n'était pas étayée.
5.2 Le requérant reconnaît que la loi sur les étrangers reflète les droits garantis
au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention mais il objecte que toute la
question porte sur la façon dont cette loi est appliquée; il souligne à ce sujet
que le Comité a déjà établi dans neuf cas que la Suède avait commis des violations
de l'article 3.
5.3 Le requérant objecte que les renseignements donnés par le Conseil des migrations
au tribunal de district pour conclure qu'il n'y avait pas d'empêchement à l'expulsion
est une réponse stéréotypée que le Conseil des migrations donne quand une demande
a déjà été rejetée par lui-même et par la Commission de recours des étrangers.
Il fait valoir que le Conseil des migrations n'a pas procédé à un examen plus
poussé de tous les aspects permettant de déterminer les risques qu'il encourrait
s'il était renvoyé en Iran. En fait, il fait valoir que dans le jugement écrit
du tribunal de district, les questions concernant l'expulsion ne sont traitées
que sur une demi-page et sous le seul aspect des relations du requérant avec
son épouse et sa fille, la conclusion étant que l'expulsion est nécessaire à
cause de la gravité du crime commis. Dans ce jugement, rien n'est dit du risque
encouru si le requérant est renvoyé en Iran. Quant à l'arrêt de la cour d'appel,
il ne contient rien qui montre qu'elle a évalué le risque lié à l'expulsion.
5.4 Sur la question des tortures subies en Iran, le requérant dit que s'il n'en
a fait état que relativement tard dans la procédure, c'est à cause des séquelles
de ce qu'on appelle les effets psychologiques de la torture, et il ne faudrait
pas retenir ce facteur contre lui. Il ajoute que le Comité a dans d'autres affaires
conclu qu'il n'attendait pas nécessairement d'une victime de torture qu'elle
déclare spontanément avoir subi de tels traitements et, en particulier, que
l'on ne pouvait pas s'attendre à ce que cette information soit donnée d'une
façon cohérente et logique. Le requérant réaffirme qu'il souffre de troubles
post-traumatiques et ajoute que, quand il a appris la décision négative du Gouvernement,
en mars 2002, il était dans un tel état qu'il a dû consulter un psychiatre et
suivre un traitement.
5.5 En ce qui concerne ses activités politiques, le requérant reconnaît qu'elles
étaient de peu d'importance mais dit que les autorités iraniennes les considéraient
comme suffisamment dangereuses pour le faire arrêter même s'il avait été remis
en liberté quelque temps après. Il avait travaillé pour l'organisation Cherikhaj
Fadai Khalq, mais avait bien mentionné plus tôt qu'il avait aussi travaillé
pour les Mohaheddin. D'après le requérant, comme ces deux organisations travaillaient
en étroite collaboration, la différence est minime. Il affirme que l'incident
du parc était lié à ses activités politiques parce que les gardiens l'avaient
reconnu. Il fait valoir que s'il est renvoyé en Iran les autorités consulteront
leurs dossiers et feront une enquête sur le rapport entre cet incident et ses
liens avec les groupes politiques. Le requérant reconnaît qu'il a dit des choses
différentes pour l'endroit où s'était produit l'incident avec les gardiens,
mais dit que les deux endroits sont tout à côté l'un de l'autre. Il admet également
qu'il n'a pas été capable de dire la date exacte, mais il a déclaré trois fois
aux autorités suédoises que c'était en septembre 1989. Il ajoute que le récit
qu'il a fait à son arrivée en Suède peut ne pas avoir été très clair car il
venait de faire un long voyage traumatisant, dans des conditions de grande insécurité.
5.6 Pour ce qui est du fait qu'il n'a pas précisé que son amie était avec lui
dans le parc, le requérant reconnaît qu'il n'en a pas fait expressément état,
mais dit qu'il a bien parlé de leur relation. Il se souvient parfaitement avoir
dit à son avocat qu'elle avait reçu de l'acide au visage et dit qu'il a peut-être
été mal compris. Il affirme qu'il a su que le gardien était mort et que son
amie s'était suicidée seulement après avoir engagé la procédure de demande d'asile
et donc qu'il n'en a pas parlé au début. Enfin, il est vrai qu'il n'a pas précisé
qu'il avait été poussé dans une vitrine par les gardiens dans sa demande adressée
au Gouvernement, mais cela ne veut pas dire que ses propos contredisaient ce
qu'il avait dit précédemment.
5.7 Sur la question de ses déclarations contradictoires concernant son départ
pour la Suède, le requérant confirme qu'il est passé par la frontière entre
l'Iran et la Turquie, mais qu'il a menti parce qu'il voulait protéger le passeur.
En ce qui concerne les circonstances du décès de sa mère, le requérant dit que
la première déclaration qu'il avait faite était un malentendu et qu'il avait
depuis donné aux autorités les renseignements voulus montrant que sa mère avait
été assassinée en 1996. Le requérant dit également que certes il est inhabituel
que quelqu'un soit condamné à mort par contumace mais que ce n'est pas impossible.
Il ajoute qu'il est bien possible que sa mère, qui lui a dit qu'il avait été
condamné à mort par contumace, ait mal compris le message reçu des gardiens.
Délibérations du Comité
Examen concernant la recevabilité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre
la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l'article
22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a
pas été examinée et n'est pas en cours d'examen par une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement. Le Comité note également que l'État partie n'a pas
contesté que les recours internes avaient été épuisés. L'État partie affirme
que le requérant n'a pas étayé ses allégations aux fins de la recevabilité,
mais le Comité est d'avis qu'il a reçu assez d'éléments pour examiner la plainte
quant au fond. Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare
la communication recevable et procède à son examen sur le fond.
Examen quant au fond
6.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Iran, l'État
partie manquerait à l'obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1
de l'article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers
un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'être soumis
à la torture. Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments,
y compris l'existence dans l'État où le requérant serait renvoyé d'un ensemble
systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l'homme.
Il s'agit cependant de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être
soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, conformément
à la jurisprudence du Comité et nonobstant les allégations du requérant présentées
au paragraphe 2.8 quant à la situation en Iran, l'existence d'un ensemble de
violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives
dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l'individu
risque d'être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister
des motifs supplémentaires donnant à penser que l'intéressé courrait personnellement
un risque. À l'inverse, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et
systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne peut
pas être considérée comme risquant d'être soumise à la torture dans ses circonstances
particulières.
6.3 Le Comité note que la principale raison pour laquelle le requérant craint
d'être personnellement soumis à la torture s'il est renvoyé en Iran est qu'il
aurait tué un gardien de la révolution dans un parc de Téhéran. Le requérant
reconnaît lui-même qu'il a donné des renseignements contradictoires à l'État
partie au sujet de sa participation à des activités politiques, incohérence
qu'il attribue aux incidences psychologiques des tortures subies, mais fait
valoir qu'il ne s'est jamais contredit quand il a relaté l'incident du parc.
Le Comité relève que le requérant a produit un rapport médical indiquant qu'il
portait des marques sur le corps, mais ne donne aucun élément pour montrer qu'il
souffre de troubles post-traumatiques à la suite des tortures subies. Le Comité
note l'argument de l'État partie qui affirme que le requérant n'a fait état
de tortures que pendant l'audience devant la Commission de recours des étrangers
et que, même à ce moment-là, il n'a donné aucun détail sur les traitements qu'il
aurait subis. Le requérant n'a pas non plus décrit les tortures dans sa requête
au Comité. En conséquence, celui-ci estime difficile de croire que les incohérences
relevées dans les renseignements que le requérant a fournis à l'État partie
et au Comité étaient dues aux séquelles de la torture. De plus, le Comité relève
que, contrairement à ce qu'il affirme, le requérant s'est contredit dans son
récit de l'incident survenu dans le parc, notamment en ne mentionnant la présence
sur les lieux de son amie que dans sa requête au Gouvernement, en 2002. Le Comité
relève également que le requérant n'a pas donné d'explications suffisantes à
de nombreuses autres incohérences, notamment les circonstances du décès de sa
mère et son départ d'Iran, ce qui fait douter de sa crédibilité. Compte tenu
de ce qui précède, le Comité conclut que le requérant n'a pas montré que lui-même
courait personnellement un risque réel et prévisible d'être soumis à la torture
au sens de l'article 3 de la Convention.
7. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention, conclut que le renvoi du requérant en Iran ne constituerait
pas une violation de l'article 3 de la Convention.
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Notes
1. Le requérant a fourni un dossier médical, daté du 23 mai 1996, faisant état
de cicatrices sur son corps qui auraient été causées par des brûlures de cigarettes
et des coups de fouet. Le requérant n'a pas donné de détails quant aux actes
de torture qu'il aurait subis.
2. L'État partie se réfère à l'affaire Y c. Suisse, communication no 18/1994,
constatations adoptées le 17 novembre 1994.