M. E.J.V.M. c. Suède, Communication No. 213/2002, U.N. Doc. CAT/C/31/D/213/2002 (2003).
Présentée par : | M. E. J. V. M. |
Au nom du : | Requérant |
État partie : | Suède |
Date de la requête : | 17 mai 2002 (date de la lettre initiale |
Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 14 novembre 2003,
Ayant achevé l'examen de la requête no 213/2002, présentée au Comité par M. E. J. V. M. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l'État partie,
Adopte la décision suivante:
DÉCISION AU
TITRE DU PARAGRAPHE DE L'ARTICLE 22
DE LA CONVENTION
1.1 Le requérant est E. J. V. M.,
de nationalité costa-ricienne, né en 1956, qui réside clandestinement en Suède
actuellement, sa demande d'asile ayant été rejetée par la Suède le 19 février
2002. Il affirme que son expulsion au Costa Rica constituerait une violation
par la Suède de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommée «la Convention»).
Il n'est pas représenté par un conseil.
1.2 L'État partie a ratifié la Convention le 8 janvier 1986, date à laquelle
il a également formulé la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention.
La Convention est entrée en vigueur pour l'État partie le 26 juin 1987.
1.3 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité
a porté la requête à l'attention de l'État partie le 1er juillet 2002.
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Le requérant a adhéré aux Jeunesses du Parti (communiste) d'avant-garde
populaire (Juventud del Partido Comunista Vanguardia Popular) du Costa Rica
en 1975, alors qu'il était étudiant en art dramatique à l'Université du Costa
Rica. En tant que membre actif de cette section Jeunesses du Parti (JVC), il
a participé à différentes activités politiques et culturelles étudiantes.
2.2 Le requérant a été arrêté une première fois en 1975, au cours d'une réunion
politique étudiante. Avec les autres participants, il a été conduit dans une
prison à San Juan de Tibás, où il prétend avoir été torturé physiquement et
psychologiquement: insultes, menaces, coups de pied, cheveux tirés, coups de
bâton dans les côtes et crachats.
2.3 Le requérant a réussi à s'échapper et s'est rendu dans la province de Limón.
Il affirme avoir été arrêté à plusieurs reprises, et avoir été emprisonné dans
des conditions inhumaines, au milieu de rats, sans nourriture, ni couverture,
ni endroit pour dormir, en compagnie de condamnés de droit commun. Il affirme
avoir été arrêté et remis en liberté maintes fois, vu qu'on le laissait sortir
pour l'arrêter de nouveau 50 mètres plus loin. Enfin, le requérant a réussi
à s'échapper et à revenir à San José.
2.4 À San José, le requérant a repris ses activités politiques en milieu universitaire.
Il affirme avoir été arrêté à plusieurs reprises, menacé de mort, battu et brûlé
à la cigarette lorsqu'il était en détention. Il a été conduit une fois au Centre
de détention générale du Ministère de la sécurité publique, où il a été soumis
à de nombreuses violences physiques et psychologiques; il a été entre autres
frappé à coups de pied et battu violemment, plongé dans l'eau froide au petit
matin, et contraint d'accomplir des actes sexuels avec ses gardiens.
2.5 Le requérant affirme qu'on lui a interdit de travailler dans la Compagnie
nationale de théâtre et qu'on l'a suspendu de ses cours d'art dramatique en
raison de son appartenance au mouvement communiste. Il affirme également avoir
été pris à parti publiquement en raison de sa bisexualité.
2.6 Le requérant précise qu'il s'est enfui au Venezuela, où il a résidé pendant
deux ans avant de rentrer au Costa Rica en 1982. De retour dans son pays, il
a créé un théâtre clandestin dont les locaux servaient à émettre les messages
clandestins de Radio Venceremos, l'organe officiel du Front Farabundo Martí
de libération nationale (FMLN). Il affirme qu'en 1985 des agents des services
de sécurité ont fouillé son domicile, l'ont battu et l'ont conduit à la prison
de San Juan de Tibás, où il a été torturé physiquement et psychologiquement.
2.7 Le requérant affirme qu'un soir, au début des années 90, il a été de nouveau
arrêté, battu et obligé de pratiquer une fellation sur l'un des gardes pendant
qu'un autre l'insultait. Par la suite, un autre garde s'est mis à lui donner
des coups de pied, lui infligeant de telles blessures sur le corps et au visage
qu'il a dû être conduit à l'hôpital, sous menace de mort s'il racontait ce qui
s'était passé. Une fois remis en liberté, il a porté plainte auprès du service
du procureur de San Pedro de Montes de Oca ainsi qu'auprès du ministère public
de San José. Il affirme que sa requête n'a pas été examinée.
2.8 Entre 1992 et 1993, à la suite de sa participation au mouvement de défense
des droits des paysans de Limón, qui faisaient l'objet de pressions pour vendre
leurs terres à bas prix, le requérant affirme avoir été arrêté dans le cadre
d'une opération coordonnée par des groupes paramilitaires antipaysans et par
la police nationale. Il déclare avoir été conduit à la prison de Limón, placé
dans une cellule souillée d'urine et d'excréments, battu et plongé dans l'eau
froide. Une fois remis en liberté, le requérant a constaté que son domicile
avait été fouillé et des effets personnels détruits.
2.9 Selon le requérant, entre 1994 et 1997 il a été arrêté plus de 30 fois et
traduit devant les tribunaux quatre fois, pour port illégal d'arme à feu, fabrication
d'explosifs, occupation de terres, menaces aggravées et tentative d'homicide,
entre autres chefs d'accusation.
2.10 Le requérant indique aussi que sa vie et celle de son compagnon P. A. M.,
transsexuel, qui partageait ses activités politiques, étaient en danger. Il
indique également que leur domicile a été à plusieurs reprises la cible de coups
de feu et que leurs demandes de protection policière sont restées sans réponse.
Il affirme que, par sécurité, ils ont dû installer une protection métallique
à l'intérieur de la pièce principale du logement.
2.11 Le requérant affirme avoir été victime, en 1995, d'une tentative d'homicide
au cours de laquelle il a été blessé à la main gauche d'une balle tirée par
un individu à qui un policier en uniforme avait remis un revolver.
2.12 Le 17 mai 1997, le requérant a fui définitivement le Costa Rica, pour se
rendre avec P. A. M. au Canada, où ils ont demandé l'asile. Là, le Centre canadien
pour victimes de torture (Canadian Center for Victims of Torture) leur a apporté
un soutien juridique, linguistique, thérapeutique et psychiatrique. Toutefois,
les autorités canadiennes ont rejeté leur demande d'asile.
2.13 Le 12 juillet 2000, le requérant s'est enfui avec P. A. M. pour la Suède,
où ils ont immédiatement déposé une demande d'asile. Mais les autorités suédoises
ont rejeté leur demande. Le requérant serait actuellement contraint de vivre
caché en Suède afin de ne pas être expulsé, étant donné qu'il a épuisé tous
les recours internes disponibles dans l'État partie.
Teneur de la requête
3.1 Le requérant affirme que son expulsion vers le Costa Rica constituerait
une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention, étant donné qu'il
court le risque d'être soumis à de nouvelles tortures dans ce pays.
3.2 Le requérant affirme que la décision des autorités suédoises a été prise
de manière mécanique, que cette décision était empreinte de partialité, que
les fonctionnaires ont manifesté une absence de souci humanitaire et n'ont pas
pris en compte la totalité, mais seulement certaines parties, de la déclaration
qu'il avait faite devant eux. Il allègue également que la procédure n'a pas
été objective car elle s'est déroulée en suédois et qu'il a bénéficié seulement
de manière épisodique de l'assistance d'interprètes peu compétents, ce qui l'a
empêché de comprendre et de répondre dans sa langue maternelle aux décisions
prises à son sujet.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Dans un courrier du 15 octobre 2002, l'État partie a formulé ses observations
sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Concernant la recevabilité
et la règle énoncée au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, l'État
partie a la conviction que le Comité s'assurera que la requête n'a pas été et
n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête
ou de règlement.
4.2 En ce qui concerne le critère de recevabilité énoncé au paragraphe 5 b)
de l'article 22 de la Convention, l'État partie reconnaît que tous les recours
internes disponibles ont été épuisés en l'espèce. Le requérant a eu un premier
entretien avec le Conseil des migrations suédois le lendemain de son arrivée
en Suède; le deuxième entretien a eu lieu le 26 juillet 2000. Le 26 septembre
2000, le Conseil des migrations a rejeté la demande d'asile du requérant et
a ordonné son expulsion vers son pays d'origine. Le requérant a fait appel,
mais la Commission de recours des étrangers a rejeté son appel le 19 février
2002.
4.3 Néanmoins, l'État partie affirme que la communication doit être déclarée
irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l'article 22 de la Convention, au motif
qu'elle ne présente pas le minimum de fondement requis pour être compatible
avec l'article 22 de la Convention. L'État partie cite à titre d'exemple l'affaire
Y c. Suisse. (1)
4.4 Dans l'hypothèse où le Comité déclarerait la communication recevable, l'État
partie affirme, s'agissant du fond de la requête, que le retour du requérant
au Costa Rica ne constituerait pas une violation de l'article 3 de la Convention.
L'État partie rappelle que, conformément à la jurisprudence du Comité, pour
appliquer l'article 3 de la Convention il faut prendre en compte: a) la situation
générale des droits de l'homme dans le pays, et b) le risque pour le requérant
d'être soumis à la torture dans le pays vers lequel il est renvoyé.
4.5 En ce qui concerne la situation générale des droits de l'homme au Costa
Rica, l'État partie affirme qu'il n'existe pas un ensemble de violations systématiques
des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. L'État partie fonde cette
affirmation sur des rapports concernant la situation des droits de l'homme dans
ce pays, sur les observations finales du Comité relatives au rapport initial
du Costa Rica formulées en 2001, sur le fait que les relations homosexuelles
entre adultes consentants y sont légales, et sur le fait que le Costa Rica a
ratifié plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme, notamment la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
L'État partie affirme que les tortures alléguées par le requérant se seraient
produites il y a assez longtemps et que la situation des droits de l'homme au
Costa Rica s'est considérablement améliorée depuis lors.
4.6 Sur la question de savoir si le requérant risque personnellement d'être
soumis à la torture, l'État partie affirme que les circonstances invoquées par
le requérant ne suffisent pas à prouver qu'il court personnellement un risque
prévisible et réel d'être soumis à la torture au Costa Rica. L'État partie rappelle
à cet égard la jurisprudence du Comité concernant l'interprétation de l'article
3 de la Convention. (2)
4.7 L'État partie ajoute que la crédibilité du requérant a une importance capitale
pour statuer sur la demande d'asile, et que les autorités nationales qui procèdent
aux entretiens se trouvent évidemment en très bonne position pour évaluer cette
crédibilité. À cet égard, l'État partie souligne que les déclarations du requérant
contiennent plusieurs contradictions et obscurités qui affaiblissent la crédibilité
de sa requête.
4.8 En premier lieu, l'État partie affirme que les déclarations faites par le
requérant devant le Conseil des migrations suédois, devant la Commission de
recours des étrangers suédoise, et celles qui figurent dans la requête présentée
au Comité varient en ce qui concerne les dates auxquelles il a été arrêté et
torturé alors qu'il était au Costa Rica. Le requérant a déclaré au Conseil des
migrations suédois ainsi qu'aux autorités canadiennes qu'il avait été poursuivi
33 fois par une organisation appelée Acaina, alors que devant la Commission
de recours des étrangers suédoise et dans la requête présentée au Comité, il
déclare avoir été arrêté plus de 30 fois. Enfin, en ce qui concerne les circonstances
dans lesquelles il a été blessé par balle en 1995, le requérant a déclaré devant
le Conseil des migrations suédois et devant les autorités canadiennes qu'une
personne avait menacé P. A. M. avec une arme à feu, mais que le requérant s'était
interposé et avait de ce fait reçu le coup de feu. En revanche, devant la Commission
de recours des étrangers suédoise et dans la requête présentée au Comité, le
requérant déclare qu'il a reçu le coup de feu lorsque quelqu'un a tenté de l'assassiner.
4.9 Au sujet des raisons pour lesquelles le requérant déclare courir le risque
d'être soumis à la torture s'il est renvoyé au Costa Rica, l'État partie indique
que le requérant a participé avec des paysans à des conflits fonciers il y a
assez longtemps déjà. L'État partie cite des rapports relatifs aux droits de
l'homme indiquant que la situation s'est améliorée depuis 1999.
4.10 L'État partie fait en outre valoir que, selon les informations fournies
par le requérant lui-même, l'incident le plus grave, à savoir le coup de feu,
s'est produit en 1995, et fait observer que, néanmoins, le requérant n'a pas
quitté le Costa Rica avant mai 1997. Il a quitté le pays légalement et, apparemment,
sans aucune difficulté. Cela indiquerait que le requérant n'a pas eu besoin
de protection d'urgence, même en 1997.
4.11 L'État partie affirme que le requérant n'a pas apporté la preuve qu'il
risquait d'être persécuté par les autorités costa-riciennes et qu'en tout état
de cause, si l'on devait considérer que le requérant risque d'être persécuté
aujourd'hui, ce serait de la part d'organisations avec lesquelles il a été en
conflit pour diverses raisons. Toutefois, l'État partie fait valoir que ce type
de persécution n'entre pas dans le champ d'application de la Convention. (3)
Il ajoute que rien n'indique que le Costa Rica ne puisse apporter la protection
voulue au requérant s'il faisait l'objet de telle persécution. En outre, le
Costa Rica a ratifié la Convention et formulé la déclaration prévue à l'article
22, en vertu de laquelle le requérant pourrait bénéficier de la protection prévue
par la Convention dans son pays d'origine.
Commentaires du requérant sur les observations de l'État partie
5.1 Dans un courrier du 25 novembre 2002, le requérant a présenté des commentaires
sur les observations de l'État partie, en mentionnant des faits qui ne figuraient
pas dans sa lettre initiale, et a formulé de nouvelles allégations qui n'étaient
pas non plus dans sa lettre initiale. Au sujet de la situation générale des
droits de l'homme au Costa Rica, le requérant cite un communiqué de presse du
18 octobre 2002 émanant du Partido Vanguardista Popular (Parti d'avant-garde
populaire) du Costa Rica, qui dénonce des actes de persécution politique commis
contre ses dirigeants par des agents de l'État. Le requérant cite également
un document rédigé par lui-même, qui peut être consulté sur son site Internet
et concerne la situation des droits de l'homme au Costa Rica.
5.2 Le requérant cite encore l'avis du Centro de Investigación y Promoción para
América Central de Derechos Humanos (CIPAC/DDHH) qui concernerait la discrimination
dont souffrent les homosexuels au Costa Rica, la violence dont ils sont victimes
et l'impossibilité pour eux de contracter mariage avec une personne du même
sexe.
5.3 Au sujet du risque qu'il courrait personnellement d'être torturé s'il était
renvoyé au Costa Rica, le requérant déclare que sa crainte est fondée sur le
fait que les institutions gouvernementales n'offrent pas de moyens de protection
effectifs. Il n'a reçu de protection des institutions en question ni avant ni
après les actes de torture dont il a été victime, et les plaintes qu'il a déposées
devant les tribunaux de justice contre les fonctionnaires de la police n'ont
pas été examinées.
5.4 En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles il a essuyé un coup
de feu en 1995, le requérant réaffirme qu'il s'agissait d'une tentative d'assassinat
sans donner d'éclaircissements sur la contradiction alléguée par l'État partie.
5.5 Touchant les circonstances dans lesquelles le requérant a quitté le Costa
Rica, il indique qu'il y est resté jusqu'en 1997 afin d'épuiser les recours
internes disponibles. Il réaffirme aussi qu'il était en danger pendant cette
période, raison pour laquelle il avait installé une protection métallique chez
lui et changeait de région dans le pays pour se protéger.
5.6 En ce qui concerne la procédure d'asile engagée en Suède, le requérant allègue
qu'il n'a pas été autorisé à produire les documents qu'il voulait présenter
à l'audience du 26 juillet 2000, parce que ceux-ci étaient rédigés en espagnol,
que la fonctionnaire de l'immigration et l'avocat de la défense commis d'office
l'ont traité avec hostilité et grossièreté, que l'audience a été «montée de
toutes pièces et manipulée du début à la fin» et que le compte rendu de ses
déclarations dressé par la fonctionnaire susmentionnée manque de précision et
passe sous silence certains faits que le requérant lui avait pourtant signalés.
Il allègue également qu'en l'espace d'un an et huit mois il a pu s'entretenir
avec son avocat pendant 2 heures et 15 minutes seulement. Le requérant allègue
aussi que le refus par l'État partie de considérer dûment son cas constitue
un acte discriminatoire.
5.7 Le requérant signale qu'il poursuit actuellement ses activités politiques
depuis l'étranger grâce à un site Internet sur lequel il diffuse des plaintes,
ce qui fait qu'il y a toujours un risque pour sa sécurité.
Informations supplémentaires apportées par le requérant
6. Le 23 septembre 2003, le requérant a apporté des informations supplémentaires
consistant, entre autres, en un rapport psychiatrique daté du 14 septembre 1998,
établi par un psychiatre de Toronto, D. E. P., qui confirme que le requérant
souffre de dissociation mentale post-traumatique.
Délibérations du Comité
7.1 Avant d'examiner une plainte faisant l'objet d'une requête, le Comité contre
la torture doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l'article 22
de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a
pas été et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement. Le Comité note également que l'État partie reconnaît
que les recours internes ont été épuisés.
7.2 En ce qui concerne les informations supplémentaires apportées par le requérant
le 23 septembre 2003, le Comité note qu'elles ont été présentées après l'expiration
du délai de six semaines, stipulé dans la lettre du Comité en date du 21 octobre
2001, conformément au paragraphe 6 de l'article 109 du Règlement intérieur du
Comité, où le requérant était invité à présenter ses commentaires sur les observations
de l'État partie relatives à la recevabilité de la requête et quant au fond
avant le 29 novembre 2002. Le Comité considère donc que les nouvelles allégations
contenues dans les informations supplémentaires apportées par le requérant le
23 septembre 2003 ont été invoquées après l'expiration du délai fixé et qu'elles
ne peuvent donc pas être prises en considération par le Comité.
7.3 Le Comité ne voit pas d'autre obstacle à la recevabilité de la requête et
procède par conséquent à l'examen de la question sur le fond.
8.1 Le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations
fournies par les parties, conformément au paragraphe 4 de l'article 22 de la
Convention.
8.2 Le Comité doit déterminer si, en expulsant le requérant vers le Costa Rica,
l'État partie violerait l'obligation qui lui est faite en vertu de l'article
3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre
État où il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'être soumis à la
torture.
8.3 Le Comité doit examiner s'il existe des motifs sérieux de croire que le
requérant risquerait personnellement d'être soumis à la torture à son retour
au Costa Rica. Pour évaluer ce risque, le Comité doit tenir compte de tous les
éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention,
notamment l'existence d'un ensemble systématique de violations graves, flagrantes
ou massives des droits de l'homme. Le Comité rappelle toutefois que l'objectif
est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à
la torture dans le pays où il retournerait. Dès lors, l'existence d'un ensemble
systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l'homme
dans le pays n'est pas en soi un motif suffisant pour établir que cette personne
risque d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister
des motifs supplémentaires qui donnent à penser que cette personne particulière
serait en danger. À l'inverse, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes
et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne peut
pas être considérée comme risquant d'être soumise à la torture dans les circonstances
qui sont les siennes.
8.4 Dans le cas à l'examen, le Comité prend note des observations de l'État
partie sur la situation générale des droits de l'homme au Costa Rica, et du
fait que le Costa Rica a fait une déclaration en vertu de l'article 22 de la
Convention. Il prend note également des informations indiquant que la situation
des paysans impliqués dans les conflits fonciers s'est améliorée. Le Comité
observe que l'information fournie par le requérant pour étayer cette opinion
provient essentiellement de documents qu'il a lui-même rédigés.
8.5 Le Comité prend note des contradictions et des obscurités que fait apparaître
le récit du requérant, qui ont été signalées par l'État partie et n'ont pas
été éclaircies par le requérant. Il observe également que le requérant n'a pas
fourni de preuves suffisantes pour étayer ses affirmations selon lesquelles
il a été soumis à la torture au Costa Rica.
8.6 Le Comité prend note également des observations de l'État partie selon lesquelles
l'incident le plus grave allégué par le requérant s'est produit en 1995, et
que, malgré cela, le requérant n'a pas quitté le Costa Rica avant le mois de
mai 1997. Le Comité observe aussi que la réponse du requérant sur ce point est
vague et que, tout en affirmant que les institutions gouvernementales costa-riciennes
ne lui ont pas apporté de protection dans le passé, il n'a pas fourni d'éléments
qui corroborent cette affirmation.
8.7 Au sujet des prétendues difficultés que le requérant a connues au Costa
Rica en raison de sa bisexualité, le Comité observe que le risque d'être à l'avenir
soumis à des tortures au Costa Rica n'est pas fondé sur des éléments qui ne
se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Le Comité est d'avis
que les éléments d'information fournis par le requérant ne permettent pas d'établir
qu'il existe des motifs sérieux de croire que le requérant court personnellement
et actuellement le risque d'être soumis à la torture s'il est renvoyé au Costa
Rica. Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les informations fournies
par le requérant ne permettent pas de conclure qu'il existe des motifs sérieux
de croire que le requérant risquerait personnellement d'être torturé s'il retournait
au Costa Rica.
9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, estime que le requérant n'a pas apporté d'éléments
suffisants pour étayer ses craintes d'être soumis à la torture s'il retournait
au Costa Rica, et conclut en conséquence que son expulsion vers ce pays ne constituerait
pas une violation par l'État partie de l'article 3 de la Convention.
_____________________________
[Adopté en espagnol (version originale), en anglais, en français et en russe.
Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Notes
1. Y c. Suisse, communication no 18/1994, décision du Comité contre la torture
au titre de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 17 novembre 1994,
par. 4.2.
2. S. M. R. et M. M. R. c. Suède, communication no 103/1998, décision du Comité
contre la torture au titre de l'article 22 de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptées le
5 mai 1999, par. 9.7 et 9.4; S. L. c. Suède, communication no 150/1999, décision
du Comité contre la torture au titre de l'article 22 de la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
adoptées le 11 mai 2001, par. 6.4.
3. G. R. B. c. Suède, communication no 83/1997, décision du Comité contre la
torture au titre de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptées le 15 mai 1998,
par. 6.5.