University of Minnesota


M. H.S.V. c. Suède, Communication No. 229/2003, U.N. Doc. CAT/C/32/D/229/2003 (2004).


Présentée par : M. H. S. V. (représenté par un conseil, M. Bertil Malmlöf)

Au nom de : M. H. S. V.

État partie : Suède

Date de la requête : 24 avril 2003 (date de la lettre initiale)


Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 12 mai 2004,

Adopte ce qui suit :

DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ

1.1 Le requérant est M. H. S. V., de nationalité iranienne, né en 1948, se trouvant actuellement en Suède et frappé d'une mesure d'expulsion vers l'Iran. Il affirme que son renvoi en Iran constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.
1.2 Le 25 avril 2001, le Comité a transmis la requête à l'État partie en le priant de formuler ses observations et, en application du paragraphe 1 de l'article 108 de son règlement intérieur, il l'a prié de ne pas renvoyer le requérant en Iran tant que sa requête serait en cours d'examen. L'État partie a accédé à cette demande.


Rappel des faits


2.1 Le requérant était un officier de haut rang dans l'armée de l'ancien Chah d'Iran. Après la révolution iranienne de 1979, il s'est enfui en Turquie puis a vécu en Bulgarie. Entre 1993 et 1996, après l'arrivée de sa femme et de sa fille en Suède, il a déposé à plusieurs reprises auprès des autorités suédoises des demandes de permis de séjour, sans succès. Le 4 février 1997, il a finalement obtenu un permis de séjour et de travail provisoire. Le 1er juin 1999, il a obtenu un permis de séjour permanent.

2.2 Par un jugement rendu le 17 mars 2000, le tribunal de district de Norrköping l'a déclaré coupable de plusieurs infractions à la législation sur les stupéfiants et l'a condamné à cinq ans de prison. Il a aussi ordonné son expulsion avec interdiction de revenir en Suède avant le 1er janvier 2015. Le tribunal a pris sa décision après avoir consulté le Conseil suédois de l'immigration, qui a conclu que rien n'empêchait l'exécution d'un arrêté d'expulsion. Le requérant n'a pas fait appel du jugement du tribunal de district.

2.3 Le requérant a commencé à exécuter sa peine de prison le 6 avril 2000. Il a bénéficié d'une libération assortie d'une mise à l'épreuve le 25 avril 2003. Au cours de cette période, l'Association pour les droits des enfants d'un parent condamné à être expulsé a présenté deux demandes priant le Gouvernement d'annuler l'arrêté d'expulsion en application de l'article 16 du chapitre 7 de la loi relative aux étrangers de 1989, au nom de l'unité de la famille. Ces demandes ont été rejetées respectivement le 25 octobre 2001 et le 15 août 2002. Le 24 avril 2003, se fondant sur une évaluation des risques faite par le Conseil suédois des migrations, le Gouvernement a rejeté une demande analogue présentée par le requérant.


Teneur de la plainte

3.1 Le requérant affirme que son renvoi en Iran constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention, parce qu'il courrait un risque élevé d'être arrêté et torturé, voire exécuté, s'il retournait dans ce pays, à cause de ses anciennes fonctions militaires et du fait qu'il a exprimé ses opinions politiques en public.

3.2 Il fait valoir, à l'appui de sa requête, que, d'après Amnesty International et d'autres organisations internationales de défense des droits de l'homme, les persécutions, les arrestations arbitraires, la torture et les mauvais traitements, les procès inéquitables et parfois secrets, l'emprisonnement et la condamnation à mort d'opposants politiques sont fréquents en Iran.

3.3 Le requérant souligne qu'il n'a aucune famille et aucun ami en Iran, ni aucun endroit où loger et qu'il n'est jamais retourné dans ce pays depuis qu'il l'a quitté, il y a 21 ans. Tous les membres de sa famille et ses amis vivent en Suède, notamment ses trois enfants, qu'il risque de ne plus revoir, étant donné qu'en 2015 il aura 67 ans.

3.4 Le requérant déclare que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement et qu'il a épuisé les recours internes.


Observations de l'État partie sur la recevabilité

4.1 Dans une réponse datée du 13 juin 2003, l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n'ont pas été épuisés et que les allégations du requérant ne sont pas étayées.

4.2 L'État partie décrit la législation interne pertinente (1) comme suit: l'expulsion constitue une sanction spéciale pour les infractions pénales et peut être ordonnée par le tribunal si l'intéressé a été condamné à une peine plus sévère qu'une amende et si, compte tenu de la nature de l'infraction et d'autres éléments, il y a des raisons de penser qu'il continuera à commettre des infractions pénales en Suède, ou si l'infraction est si grave que l'expulsion de l'intéressé se justifie. Lorsqu'il examine l'opportunité d'expulser un étranger, le tribunal doit tenir compte de plusieurs éléments: situation familiale, temps passé en Suède et éventuels empêchements à l'exécution d'un arrêté d'expulsion, comme l'existence de raisons sérieuses de croire que l'intéressé risque la peine capitale, des tortures ou d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants dans son pays d'origine. La décision du tribunal de première instance peut faire l'objet d'un recours (puis éventuellement d'un nouveau recours auprès de la Cour suprême, si l'autorisation de former recours a été accordée). En vertu de l'article 16 du chapitre 7 de la loi relative aux étrangers, le Gouvernement peut annuler une partie ou l'intégralité d'un jugement ou d'un arrêté d'expulsion pour infraction pénale et accorder un permis provisoire de séjour ou de travail, compte tenu de circonstances qui n'existaient pas au moment où l'arrêté d'expulsion a été pris.

4.3 L'État partie fait valoir que le requérant n'a pas épuisé les recours internes car il n'a pas fait appel du jugement rendu par le tribunal de district le 17 mars 2000. Au contraire, il s'est dit satisfait du jugement, autant pour ce qui est de la peine d'emprisonnement que de l'arrêté d'expulsion, un jour avant l'expiration du délai d'appel. Il a donc expressément renoncé à son droit d'appel.

4.4 Se référant à la décision rendue par la Commission européenne des droits de l'homme dans une affaire analogue, (2) l'État partie fait valoir qu'un recours devant la cour d'appel (ainsi qu'un éventuel nouvel appel auprès de la Cour suprême) aurait constitué un recours utile et raisonnablement rapide, qui ne pouvait être remplacé par le recours exceptionnel prévu à l'article 16 du chapitre 7 de la loi relative aux étrangers. Le requérant n'a pas montré pourquoi il n'aurait pas pu avancer devant une juridiction d'appel pénale le risque qu'il courrait d'être soumis à la torture et condamné à mort s'il retournait en Iran et pourquoi il lui fallait le faire dans le cadre d'une procédure extraordinaire.

4.5 L'État partie affirme qu'en tout état de cause le requérant n'a pas étayé les allégations selon lesquelles il risquerait d'être soumis à la torture s'il retournait en Iran aux fins de la recevabilité. Il conclut que la communication est manifestement dénuée de fondement et, de ce fait, irrecevable en vertu de l'article 22 de la Convention ainsi que de l'article 107 b) de son règlement intérieur révisé. (3)


Commentaires du requérant sur les observations de l'État partie

5.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie, en date du 29 juin 2003, le requérant fait valoir qu'il n'a pas fait appel du jugement du tribunal de district parce que le Procureur général l'avait averti que, s'il le faisait, lui-même attaquerait le verdict acquittant l'épouse du requérant, qui avait été elle aussi jugée pour infraction à la législation sur les stupéfiants, et que le risque était grand qu'elle ne soit pas acquittée en appel. Ne voulant pas mettre en péril l'avenir de sa femme et de ses enfants, le requérant s'était senti obligé de renoncer à son droit de faire appel, appel qui de toute façon n'aurait selon toute probabilité pas abouti.

5.2 Le requérant fait de nouveau valoir ses arguments concernant le risque qu'il courrait personnellement s'il rentrait en Iran et la situation des droits de l'homme en général dans ce pays. Il affirme que l'État partie ne pourrait pas garantir sa sécurité s'il était renvoyé en Iran.


Réponse complémentaire de l'État partie et commentaires supplémentaires du requérant

6.1 Dans une réponse datée du 23 septembre 2003, l'État partie rejette les motifs avancés par le requérant pour expliquer pourquoi il avait renoncé à faire appel du jugement rendu par le tribunal de district de Norrköping, estimant que ses affirmations n'étaient pas suffisamment étayées, et affirme une nouvelle fois que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention, puisque les recours internes n'ont pas été épuisés et, en tout état de cause, en vertu du paragraphe 2 de l'article 22, parce qu'elle est manifestement dénuée de fondement.

6.2 L'État partie joint la traduction d'une déclaration du Procureur général chargé de l'affaire qui affirme qu'il n'a jamais parlé avec le requérant de son intention de faire appel du jugement rendu par le tribunal de district, pour plusieurs raisons: a) le requérant ne parlait pas suédois; b) il n'a jamais contacté le conseil de la défense pour révéler ses intentions concernant un appel éventuel; c) bien qu'il ne puisse écarter la possibilité que le conseil du requérant l'ait contacté pour savoir s'il envisageait de former un recours de son côté, il ne s'en souvient pas; d) il était satisfait du jugement et de l'arrêté d'expulsion pris contre le requérant et, après réflexion, a décidé de ne pas attaquer le verdict d'acquittement rendu au bénéfice de la femme du requérant; e) il lui aurait été impossible de faire appel de ce verdict d'acquittement, si le requérant avait attendu le dernier jour du délai de trois semaines prévu pour faire appel du jugement et de l'expulsion, parce qu'une semaine supplémentaire n'est pas accordée à l'accusation pour déposer un recours contre un acquittement.

7. Dans une réponse datée du 9 octobre 2003, le requérant reprend les arguments exposés au paragraphe 5.1 ci-dessus et indique que c'est sans doute son avocat qui l'a informé de l'intention du Procureur de faire appel de l'acquittement de sa femme si lui-même formait un recours. Bien que son avocat ne se rappelle pas s'il a ou non parlé au Procureur de cette question, le Procureur a indiqué dans sa déclaration au Comité qu'il n'excluait pas cette possibilité.


Délibérations du Comité

8.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

8.2 Le Comité a pris note de l'affirmation de l'État partie qui fait valoir que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l'article 22, le requérant n'ayant pas épuisé les recours internes. Il a également pris note de l'explication fournie par le requérant et contestée par l'État partie, à savoir qu'il n'a pas fait appel de sa condamnation parce que le Procureur l'avait averti qu'il ferait appel de l'acquittement de sa femme si le requérant faisait appel de sa condamnation et de la décision d'expulsion prise par le tribunal de district.

8.3 Toutefois, le Comité n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si le requérant devait épuiser les recours internes dans le cas d'espèce, puisque les affirmations selon lesquelles, s'il retournait en Iran, il risquerait d'être soumis à la torture en raison de son appartenance à l'armée du Chah avant la révolution de 1979 ne sont que pure spéculation de sa part et n'apportent pas le minimum d'éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité, en l'absence de tout moyen de preuve concordant. En conséquence, le Comité considère, en application de l'article 22 de la Convention et de l'article 107 b) de son règlement intérieur révisé, que la plainte est manifestement dénuée de fondement (4) et qu'elle est de ce fait irrecevable.

9. En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a) Que la requête est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et au requérant.


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[Adoptée en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]



Notes

1. Il est fait référence notamment au chapitre 4 de la loi suédoise relative aux étrangers (1989).
2. Commission européenne des droits de l'homme, décision concernant la recevabilité de la requête no 36800/97 (Heidari c. Suède).

3. L'État partie fait référence à la communication no 216/2002, décision concernant la recevabilité adoptée le 2 mai 2003, par. 6.2.

4. Voir communication no 216/2002, H. I. A. c. Suède, décision concernant la recevabilité adoptée le 2 mai 2003, par. 6.2.



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