X,
Y et Z (noms supprimés) c. Suède, Communication No. 61/1996, U.N. Doc.
CAT/C/20/D/61/1996 (1998).
Présentée par : X, Y et Z (noms supprimés)
(représentés par un conseil)
Au nom de : Les auteurs
État partie : Suède
Date de la communication :
27 juin 1996
Le Comité contre la torture ,
institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants,
Réuni le 6 mai 1998,
Ayant achevé l'examen de la
communication No 61/1996 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes
les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication,
son conseil et l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations
au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention
1.Les auteurs de la communication
sont X, Y et Z. Ils sont des ressortissants de la République démocratique
du Congo (ex-Zaïre) qui dénoncent une violation par la Suède de l'article
3 de la Convention contre la torture. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés
par les auteurs
2.1Le conseil déclare que X et
sa soeur Z ont milité dans un parti politique d'opposition au Zaïre,
sans donner davantage de précisions. Il affirme, sans donner plus de
détails, que c'est la raison pour laquelle ils ont été arrêtés, emprisonnés
et torturés. En raison des tortures subies, Z serait actuellement en
mauvaise santé. X et Z se seraient évadés de prison et se seraient réfugiés
en Suède.
2.2La femme de X, Y, affirme
avoir été exposée à la torture au Zaïre alors qu'elle recherchait son
mari dans différentes prisons. Elle aussi a quitté le Zaïre pour la
Suède.
2.3D'après la traduction anglaise, fournie par l'État partie, des décisions
du Service de l'immigration et de la Commission de recours des étrangers
concernant ces affaires, X et Z ont essayé d'entrer en Suède via l'Allemagne
le 14 décembre 1991, en compagnie de leur frère et de la femme de celui-ci,
qui l'un et l'autre vivent en Suède. X a déclaré qu'il s'était rendu en
Suède en se servant du passeport de son frère, et sa soeur, en utilisant
le passeport de sa belle-soeur. Ils avaient été emprisonnés au Zaïre de
novembre 1990 à décembre 1991, date à laquelle on les aurait aidés à s'enfuir.
D'après ses déclarations, X aurait été emprisonné pour avoir contribué
à organiser une grève en novembre 1990. Sa soeur l'avait aidé, a-t-elle
déclaré, à distribuer des tracts. Le Service de l'immigration ayant rejeté,
avec effet immédiat, leur demande d'entrée dans le territoire, les auteurs
ont regagné l'Allemagne le même jour. Les auteurs ont ensuite demandé
l'asile en Allemagne mais n'ont pas attendu l 'aboutissement de cette
demande. Ils sont retournés en Suède le 6 juin 1992 et, le 13 août de
la même année, ont demandé l'asile dans ce pays. X a déclaré avoir quitté
l'Allemagne parce qu'il avait peur et parce qu'il voulait être avec son
frère. Z a déclaré qu'elle voulait rejoindre son frère qui vivait en Suède
et que, d'autre part, les demandeurs d'asile n'étaient pas autorisés à
séjourner longtemps en Allemagne.
2.4 Pour justifier leur demande d'asile, les auteurs ont expliqué que
leur père avait été exécuté en 1978 pour avoir participé à un coup d'État
contre le Président Mobutu. X avait dirigé la section des jeunes du Mouvement
populaire de la révolution (MPR) en 1985/86. De 1986 à 1989, il avait
été membre de la police politique, puis avait quitté le MPR pour devenir
conseiller du dirigeant adjoint du Parti de la révolution populaire (PRP)
à Kinshasa-Est. Il avait milité au sein du PRP de janvier à novembre 1990,
faisant de la propagande et distribuant des tracts avec sa soeur, qui
était également devenue membre du PRP en mai 1990. Le 5 novembre 1990,
sa soeur avait été arrêtée sur la place du marché alors qu'elle distribuait
des tracts. Elle avait été soumise à la torture. Plus tard, X avait lui-même
été arrêté, emprisonné et torturé. Le 11 décembre 1991, X et sa soeur
avaient reçu l'aide d'un homme qu'ils appellent Colonel, lequel leur avait
donné de nouveaux vêtements et les avait conduits à l'aéroport. Là, ils
avaient été rejoints par leur soeur aînée, qui leur avait donné des passeports
nigérians et des billets d'avion. Ils s'étaient rendus, via Bruxelles,
à Francfort où les attendait leur frère qui vit en Suède. Lors de la procédure
d'examen de sa demande d'octroi du statut de réfugié, Z a présenté deux
certificats émanant du Centre pour les survivants de la torture, établissant
qu'elle souffrait de dépression et de troubles post-traumatiques.
2.5 Y est entrée en Suède le 24 mars 1995 et a demandé l'asile. Elle n'a
pas pu donner de précisions au sujet des activités politiques de son mari.
Elle a déclaré qu'elle s'était rendue dans le nord-est du Zaïre et que,
à son retour, son mari avait disparu; d'après ce que lui ont dit des amis,
celui-ci avait été arrêté. En 1992, alors qu'elle s'était rendue à la
prison du personnel de la défense pour s'enquérir de son sort, elle avait
elle-même été arrêtée et emprisonnée pendant deux mois. Elle avait été
interrogée au sujet des activités politiques de son mari et torturée.
Elle avait réussi à s'échapper et à se rendre chez une tante à Bukavu,
dans le nord-est du Zaïre. En juin 1993, elle avait reçu une lettre de
son mari qui lui avait été transmise par un cousin en Belgique. En décembre
1994, la maison de sa tante avait été fouillée et on avait découvert cette
lettre. Y a été renvoyée en prison et de nouveau soumise à la torture.
Une personne amie s'est arrangée pour la faire évader, le 21 mars 1995.
Elle a reçu un passeport délivré au nom de quelqu'un d'autre et s'est
rendue à Paris. Là, une personne l'attendait, laquelle s'est rendue avec
elle en Suède et lui a ensuite pris ses titres de voyage.
3.1 Les auteurs affirment que leur renvoi en République démocratique du
Congo constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention
contre la torture. Ils craignent, s'ils revenaient en République démocratique
du Congo, d'y être traités de la même manière qu'ils l'ont été dans le
passé, faisant valoir que leur parti politique est interdit, que les dirigeants
de ce parti sont toujours en exil et que la situation politique dans le
pays n'a pratiquement pas changé depuis qu'ils sont partis. Ils déclarent
que, compte tenu de leurs antécédents, ils seraient personnellement exposés
au risque d'être torturés s'ils retournaient dans ce pays et que, en outre,
on y observe un ensemble de violations systématiques, flagrantes et massives
des droits de l'homme.
Observations de L'État partie
4. Le 22 novembre 1996, le Comité, par l'intermédiaire de son Rapporteur
spécial pour les nouvelles communications, a demandé à l'État partie de
ne pas expulser Z vers l'ex- Zaïre tant que sa communication serait à
l'examen au Comité.
5.1 Par lettre datée du 11 février 1997, l'État partie informe le Comité
que le Service de l'immigration, accédant à la demande du Comité, a décidé
de surseoir à l'expulsion des auteurs.
5.2 En ce qui concerne la procédure interne, l'État partie explique que
les dispositions fondamentales qui régissent le droit des étrangers d'entrer
en Suède et d'y demeurer sont énoncées dans la loi sur les étrangers de
1989. En règle générale, la détermination du statut de réfugié est une
tâche qui incombe au Service suédois de l'immigration et à la Commission
de recours des étrangers. Dans des cas exceptionnels, la demande est renvoyée
au Gouvernement par l'une ou l'autre de ces deux instances. L'État partie
explique donc que le Gouvernement n'a pas à se prononcer sur les cas qui
ne lui sont pas renvoyés par l'une ou l'autre de ces deux instances et
que celles-ci prennent leur décision en toute indépendance et sans ingérence
de la part du Gouvernement. En vertu de la Constitution suédoise (article
7 du chapitre 11), ni le Gouvernement, ni le Parlement ou aucune autre
autorité publique ne doivent intervenir dans les décisions qui sont prises
par une autorité administrative. L'État partie fait valoir que le Service
de l'immigration et la Commission de recours des étrangers, qui sont des
autorités administratives, jouissent à cet égard de la même indépendance
que les tribunaux.
5.3 L'article premier du chapitre 8 de la loi, qui correspond à l'article
3 de la Convention contre la torture, stipule qu'en aucun cas un étranger,
auquel a été refusé l'entrée dans le territoire ou qui doit en être expulsé,
ne peut être renvoyé dans un pays où il existe de solides raisons de croire
qu'il (ou elle) risquerait d'y subir la peine capitale ou des châtiments
corporels ou d'y être soumis à la torture, non plus que vers un pays où
il (ou elle) n'aurait aucune garantie de ne pas être envoyé(e) dans un
autre pays où il (ou elle) serait exposé(e) à un tel danger. Par ailleurs,
en vertu de la loi (par. 3 de l'article 5 du chapitre 2) un étranger,
qui n'est pas admis en Suède ou doit en être expulsé, peut demander un
permis de résidence s'il invoque à l'appui de cette demande des circonstances
qui n'avaient pas été prises en compte auparavant et s'il est fondé à
demander l'asile en Suède ou encore si l'exécution de la décision de rejeter
sa demande ou de l'expulser était incompatible avec le respect de certains
principes humanitaires. Les demandes présentées au titre de l'article
5 sont examinées par la Commission de recours des étrangers.
5.4 En vertu de l'article 10 du chapitre 8 de la loi, le Service de l'immigration
et la Commission de recours des étrangers peuvent surseoir à l'exécution
d'un arrêté d'expulsion lorsqu'il existe pour cela des raisons particulières.
Conformément à l'article 13 du chapitre 8 de la loi sur les étrangers,
quand elles constatent qu'il n'est pas possible de procéder à l'exécution
de l'arrêté d'expulsion, les autorités de police en informent le Service
de l'immigration. À compter du 1er janvier 1997, la loi prévoit que le
Service de l'immigration peut accéder à la demande provisoire d'une instance
judiciaire internationale tendant à surseoir à l'expulsion d'un demandeur
d'asile.
6.1 En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l'État partie
déclare que, à sa connaissance, aucune autre instance internationale d'enquête
n'est ou n'a été saisie de la présente affaire. Il déclare, en outre,
que les auteurs peuvent, s'il existe des circonstances nouvelles, demander
que leur demande soit réexaminée conformément à l'article 5 b) du chapitre
2 de la loi sur les étrangers.
6.2 Enfin, l'État partie estime que la communication est irrecevable au
motif qu'elle est incompatible avec les dispositions de la Convention.
7.1 En ce qui concerne le fond, l'État partie renvoie à la jurisprudence
du Comité dans l'affaire Mutombo c. Suisse Communication
No 13/1993, constatations adoptées le 27 avril 1994. et Kisoki
c. Suède Communication No 41/1996, constatations adoptées le
8 mai 1996. et aux critères établis par le Comité : premièrement, la situation
générale des droits de l'homme dans un pays doit être prise en compte,
mais l'existence d'un ensemble de violations systématiques, graves, flagrantes
ou massives des droits de l'homme n'est pas en soi un argument déterminant;
deuxièmement, l'intéressé doit lui-même risquer d'être soumis à la torture;
et, troisièmement, la torture doit être une conséquence nécessaire et
prévisible du renvoi de cette personne dans son pays.
7.2 En ce qui concerne la situation générale des droits de l'homme au
Zaïre, l'État partie reconnaît que celle-ci est loin d'être acceptable
et que le Gouvernement est en train de perdre le contr_le du pays. L'État
partie fait cependant observer que, en ce qui concerne les persécutions
des opposants politiques, la situation s'est légèrement améliorée depuis
le milieu de l'année 1994. Il fait valoir qu'à l'heure actuelle au Zaïre,
les membres de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS),
loin d'être systématiquement persécutés, mènent leurs activités librement
et qu'il en va ainsi des nombreux partis d'opposition. Par ailleurs, d'après
des informations récentes fournies par le Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés, seules les personnes qui jouent un r_le politique
actif au niveau national risquent d'être victimes de harcèlement, mais
non les militants ordinaires ou les dirigeants locaux d'un parti. Les
membres de l'UDPS, en particulier, ne semblent nullement être persécutés
en ce moment.
7.3 L'État partie fait observer qu'il se peut que les membres de l'armée
et des forces de sécurité agissent d'une manière arbitraire et commettent
des atrocités lorsqu'ils interrogent des détenus mais que c'est là une
autre question. De l'avis de l'État partie, un demandeur d'asile qui retourne
dans son pays n'est guère plus exposé au risque d'être soumis à la torture
que ne l'est le reste de la population.
7.4 L'État partie renvoie à sa propre législation qui contient le même
principe que celui énoncé à l'article 3 de la Convention, ce qui prouve
que les autorités de l'État partie appliquent le même critère que le Comité
lorsqu'elles décident du renvoi ou du non-renvoi d'une personne dans son
pays. L'État partie rappelle que la simple possibilité qu'une personne
soit soumise à la torture dans son pays d'origine ne suffit pas à rendre
son renvoi incompatible avec l'article 3 de la Convention et, par conséquent,
à l'interdire. Ce risque doit être fondé sur des circonstances particulières
et, notamment, sur les antécédents personnels du demandeur d'asile.
7.5 Pour ce qui est de déterminer si les auteurs seraient ou non personnellement
exposés au risque d'être soumis à la torture à leur retour en République
démocratique du Congo, l'État partie s'en remet à cet égard à l'évaluation
des faits et des éléments d'appréciation à laquelle ont procédé son Service
de l'immigration et sa Commission de recours des étrangers; or, ces derniers
ont établi qu'il n'y avait aucun obstacle à l'expulsion des auteurs vers
ce pays. En particulier le Service de l'immigration a fait valoir que
le PRP, le Parti politique dont se réclame X, était maintenant autorisé
en République démocratique du Congo et que les autorités congolaises ne
portaient pas un intérêt particulier à la personne de X. En ce qui concerne
sa soeur, le Service de l'immigration n'était pas certain de son identité
et faisait observer, en outre, que le certificat médical présenté n'excluait
pas la possibilité que les faits constatés puissent avoir d'autres explications
que celles qui avaient été données. Enfin, la femme de X n'avait jamais
joué un r_le politique et n'avait apporté aucune preuve, sous forme de
certificat médical, du fait qu'elle avait été soumise à la torture.
7.6 L'État partie fait observer en outre que les récits des auteurs contiennent
de nombreuses incohérences ainsi que des informations contestables. Z
a donné plusieurs versions de ses activités politiques (aucune activité,
recrutement de nouveaux membres, puis vice-trésorière). De même, les circonstances
de l'arrestation de X et Z ont été décrites différemment et les informations
que ceux-ci ont données concernant la manière dont ils se sont rendus
en Suède ne concordent pas. De même, les indications de la date à laquelle
X aurait quitté l'ex-Zaïre sont contradictoires; enfin, l'État partie
fait observer que X et sa soeur, quand on leur a demandé quelle était
leur langue maternelle, ont cité des langues différentes.
7.7 De l'avis de l'État partie, d'une manière générale, les informations
que les auteurs de la communication ont présentées aux autorités suédoises
ne sont guère crédibles. L'État partie se demande vraiment si les auteurs
n'abusent pas du système mis en place en vertu de la Convention contre
la torture. L'État partie fait observer qu'aucun des faits invoqués par
les auteurs à l'appui de leur demande d'asile n'a pu être vérifié. Étant
donné que les auteurs n'avaient pas de titres de voyage en règle lorsqu'ils
sont arrivés en Suède, on ne pouvait, de l'avis de l'État partie, exclure
la possibilité qu'ils aient résidé quelque part ailleurs en Europe avant
d'entrer en Suède. L'État partie fait valoir que X et Z auraient pu rester
en Allemagne en attendant que leur demande d'asile dans ce pays soit examinée.
7.8 En conséquence, l'État partie maintient que les auteurs n'ont pas
apporté la preuve qu'ils seraient personnellement exposés au risque d'être
soumis à la torture s'ils devaient retourner en République démocratique
du Congo. Il n'a pas été établi qu'ils sont recherchés par les autorités
congolaises ni que celles-ci portent un intérêt particulier à leur personne.
Le risque auquel ils sont exposés si ils retournent dans le pays n'est
guère plus grand que celui auquel la population congolaise d'une manière
générale est exposée. L'État partie souligne en outre que les auteurs
sont libres de quitter la Suède afin de se rendre dans un autre pays où
ils pourront obtenir un permis de résidence.
7.9 L'État partie conclut que les auteurs n'ont pas démontré qu'il existait
des motifs sérieux de croire qu'ils risqueraient d'être soumis à la torture
si l'arrêté d'expulsion était exécuté. À cet égard, l'État partie fait
observer qu'il n'a pas été prouvé de manière satisfaisante que les auteurs,
en raison des activités politiques auxquelles ils se seraient livrés,
seraient actuellement recherchés par les autorités congolaises. En conséquence,
le fait d'exécuter l'arrêté d'expulsion prononcé contre les auteurs ne
constituerait pas une violation de l'article 3 de la Convention.
8.1 Dans ses commentaires sur la communication de l'État partie, le conseil
des auteurs déclare que la situation politique au Zaïre est actuellement
très difficile : différents groupes luttent les uns contre les autres,
tandis qu'une grande partie du territoire échappe au contr_le du Gouvernement.
D'après le conseil, les personnes qui reviennent de l'étranger risquent
d'être arrêtées et torturées à leur arrivée.
8.2 Se référant à la jurisprudence de la Commission européenne des droits
de l'homme, le conseil déclare que le fait qu'il soit possible de présenter
une nouvelle demande auprès de la Commission de recours des étrangers
n'affecte pas la recevabilité de la communication.
8.3 Sur le fond, le conseil fait valoir qu'il existe actuellement au Zaïre
un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves,
flagrantes ou massives. Il ajoute que les auteurs courent personnellement
le risque d'être torturés s'ils regagnent le pays. À ce sujet, le conseil
fait valoir que le parti politique auquel X et sa soeur appartiennent
est toujours interdit en République démocratique du Congo. Il fait observer
que l'incertitude qui plane quant à la structure politique du pays rend
très difficile l'évaluation du danger que présenterait leur retour.
8.4 En ce qui concerne Y, le conseil indique qu'elle a été torturée et
fait observer que si l'un de ses tortionnaires devait la revoir, il risquerait
de la tuer ou de la torturer pour l'empêcher de raconter ce qui lui était
arrivé auparavant.
8.5 En ce qui concerne les informations fournies par le HCR, le conseil
dit avoir appris par des représentants du HCR qu'elles ne concordent pas
avec la politique suivie par le siège de l'organisation et ne devraient
donc pas être utilisées.
8.6 Le conseil fait valoir que le Service de l'immigration et la Commission
de recours des étrangers n'examinent pas les vraies raisons pour lesquelles
une personne demande l'asile mais seulement la question de la crédibilité.
8.7 En ce qui concerne l'argument de l'État partie selon lequel les auteurs
ont fourni des informations différentes et contradictoires, le conseil
fait valoir que l'occasion ne leur a jamais été donnée de faire une déclaration
complète, ce qui explique les incohérences. Par ailleurs, il fait valoir
que même si certaines informations paraissent contradictoires, la question
importante est de savoir si, à leur retour en République démocratique
du Congo, les auteurs risqueraient d'être traités d'une manière qui constituerait
une violation de la Convention contre la torture.
8.8 En ce qui concerne l'absence de certificat médical, dans le cas de
X et de sa femme, le conseil fait valoir que, comme personne n'a contesté
le fait qu'ils ont été torturés, il n'a pas paru nécessaire de fournir
un tel certificat. Dans le cas de la soeur, ce certificat médical a été
fourni uniquement parce qu'elle souffrait des conséquences de la torture
au point de devoir consulter un spécialiste.
9.1 Dans une autre lettre, le conseil des auteurs indique qu'il a déposé
une nouvelle demande auprès de la Commission de recours des étrangers,
vu l'incertitude entourant la nouvelle situation politique dans l'ex-Zaïre,
et que le 18 juin 1997, la Commission a sursis à l'exécution de la décision
d'expulsion des auteurs.
9.2 Dans une note du 2 février 1998, l'État partie a informé le Comité
que la Commission de recours des étrangers avait rejeté la nouvelle demande
des auteurs le 22 janvier 1998. La Commission a conclu que ni la situation
en République démocratique du Congo, ni la situation personnelle des auteurs
n'entraînaient pour ces derniers un risque quelconque d'être victimes
de persécution, de torture ou de traitements inhumains ou dégradants s'ils
rentraient dans leur pays. Au sujet de la situation politique qui régnait
dans l'ex-Zaïre après le renversement du Gouvernement du Président Mobutu
au printemps 1997, la Commission a estimé qu'il n'y avait pas d'empêchement
général à l'exécution des décisions d'expulsion vers la République du
Congo. En outre, la Commission a noté que le PRP, parti auquel les auteurs
disent appartenir, fait partie de l'Alliance des forces démocratiques
pour la libération du Congo-Zaïre conduite par M. Kabila, le nouveau chef
d'État de la République démocratique du Congo. C'est pourquoi la Commission
a conclu qu'il n'y avait pas d'empêchements d'ordre personnel à l'exécution
de la décision d'expulsion dans le cas des auteurs. L'État partie déclare
partager l'opinion de la Commission.
9.3 Dans une lettre du 22 avril 1998, le conseil des auteurs reconnaît
que le parti auquel ceux-ci appartiennent est celui du chef d'État actuel,
M. Kabila. Il fait valoir toutefois que la situation a changé depuis que
les auteurs ont quitté leur pays, et que ceux-ci n'approuvent pas la dictature
imposée par M. Kabila. Dans ce contexte, il note que les auteurs ont participé
à une manifestation organisée devant les ambassades des États-Unis, de
France et de Grande-Bretagne pour protester contre l'arrestation de M.
Thsisekedi, dirigeant de l'UDPS. Les auteurs sont convaincus que le Gouvernement
de la République démocratique du Congo est au courant de leur présence
à la manifestation et qu'ils risquent d'être torturés s'ils rentrent dans
leur pays. À ce sujet, ils font également valoir que leur père était un
partisan actif de l'ancien Président Mobutu et qu'ils parlent le lingala,
langue qui est associée aux partisans de Mobutu. De surcroît, ils affirment
risquer d'être maltraités parce qu'ils n'ont pas de documents d'identité.
10. Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
contre la torture doit déterminer si cette communication est recevable
en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme
il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l'article 22
de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas
en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou
de règlement. Le Comité estime qu'il n'existe aucun autre obstacle à la
recevabilité de la communication et procède à son examen quant au fond.
11.1 Conformément au paragraphe 1 de l'article 3, le Comité doit déterminer
s'il existe des motifs sérieux de croire que les auteurs risqueraient
d'être soumis à la torture s'ils retournaient en République démocratique
du Congo. Pour ce faire, il doit, conformément au paragraphe 2 de l'article
3, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de
l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme,
graves, flagrantes ou massives. Il s'agit toutefois de déterminer si les
intéressés risqueraient personnellement d'être soumis à la torture
dans le pays où ils seraient renvoyés. En conséquence, l'existence d'un
ensemble de violations flagrantes, graves ou massives des droits de l'homme
dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure
qu'un individu risquerait d'être victime de torture à son retour dans
son pays; il faut qu'il existe des motifs supplémentaires de penser que
les intéressés seraient personnellement en danger. De la même manière,
l'absence d'un ensemble systématique de violations flagrantes des droits
de l'homme ne signifie pas qu'un individu ne peut pas être considéré comme
risquant d'être soumis à la torture dans sa situation particulière.
11.2 Le Comité note que les auteurs ont affirmé avoir été soumis à la
torture dans le passé et que Y a fourni un certificat médical montrant
qu'elle souffre de troubles post-traumatiques. Le Comité note que le fait
d'avoir été soumis à la torture dans le passé est l'un des éléments que
le Comité doit prendre en compte lorsqu'il examine une plainte pour violation
de l'article 3 de la Convention, mais que le but qu'il poursuit, quand
il examine la communication, est de déterminer si, maintenant, au cas
où ils seraient renvoyés en République démocratique du Congo, les auteurs
risqueraient d'être soumis à la torture.
11.3 À l'origine, les auteurs fondaient leur crainte d'être soumis à la
torture sur leurs activités politiques en faveur du PRP. Le Comité note
que ce parti est dans l'alliance formant le gouvernement actuel de la
République démocratique du Congo, et que, de ce fait, la crainte des auteurs
semble dénuée de fondement.
11.4 Dans la dernière en date de leurs lettres, les auteurs ont évoqué
d'autres motifs leur faisant craindre d'être soumis à la torture s'ils
rentraient dans leur pays. À ce sujet, ils ont indiqué qu'ils étaient
en désaccord avec la politique du gouvernement actuel et qu'ils avaient
participé à une manifestation contre l'arrestation, en République démocratique
du Congo, d'un dirigeant politique. Selon la jurisprudence du ComitéVoir
les constatations du Comité relatives à la communication No 34/1995 (
Aemei c. Suisse ), adoptées le 9 mai 1997., les activités
des auteurs de communication dans le pays d'accueil doivent également
être prises en considération pour déterminer s'il existe des motifs sérieux
de croire que le renvoi dans leur pays les exposerait au risque d'être
torturés. Dans le cas à l'examen, toutefois, le Comité considère que les
activités des auteurs en Suède ne sont pas suffisantes pour porter à croire
que ces derniers seraient en danger d'être torturés.
11.5 Le Comité est conscient de la gravité de la situation des droits
de l'homme dans la République démocratique du Congo, dont rend compte,
entre autres, le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits
de l'homme de l'ONU. Le Comité observe toutefois que le HCR n'a pas émis
de recommandation tendant à ce que, compte tenu de la situation actuelle,
les demandeurs d'asile déboutés ne soient pas renvoyés en République démocratique
du Congo et qu'il n'existe par conséquent aucun empêchement objectif à
ce que ces derniers retournent en République démocratique du Congo. Le
Comité rappelle que, pour que l'article 3 de la Convention s'applique,
il doit exister pour la personne concernée un risque prévisible, réel
et personnel d'être soumise à la torture dans le pays vers lequel elle
est refoulée. Sur la base des considérations qui précèdent, le Comité
est d'avis qu'un tel risque n'a pas été établi.
11.6 Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que les informations
dont il est saisi ne démontrent pas qu'il existe des motifs sérieux de
croire que les auteurs risquent personnellement d'être soumis à la torture
s'ils sont renvoyés dans la République démocratique du Congo.
12. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de
l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, estime que les faits dont il est saisi
ne font apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.
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