M. A.F. (nom supprimé) c. Suisse, Communication No. 128/1999, U.N. Doc. CAT/C/26/D/128/1999 (2001).
Présentée par: M. A. F. (nom supprimé) [représenté par un conseil]
Au nom de : L'auteur
État partie : Suisse
Date de la communication : 2 mars 1999
Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17 de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants,
Réuni le 15 mai 2001,
Ayant achevé l'examen de la communication n 128/1999 présentée au Comité
contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées
par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la
Convention.
1.1 L'auteur de la communication, M. A. F., né le 20 mars 1960, est ressortissant syrien d'origine kurde. Actuellement, il se trouve en Suisse où il a déposé une demande d'asile politique. Cette demande a été rejetée et il soutient que son rapatriement forcé vers la République arabe syrienne constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention contre la torture. Il a demandé au Comité de bénéficier de mesures provisoires, étant donné qu'au moment du dépôt de sa communication, il risquait une expulsion imminente. Il est représenté par un conseil.
1.2 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité
a porté la communication à l'attention de l'État partie, le 12 mars 1999. Dans
le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article 108
de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser l'auteur
vers la République arabe syrienne tant que sa communication serait en cours
d'examen. Le 12 mai 1999, l'État partie a informé le Comité que des mesures
avaient été prises pour faire en sorte que l'auteur ne soit pas renvoyé vers
la République arabe syrienne tant que sa communication serait pendante devant
le Comité.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur affirme avoir été membre du Parti démocratique kurde - Iraq (PDK
- Iraq) (1) depuis 1980. Il aurait participé à ce titre à diverses
manifestations de cette organisation, notamment en transportant des fonds destinés
au soutien des Kurdes en Iraq, ou encore en distribuant des tracts déplorant
la situation des Kurdes de la République arabe syrienne, privés de leur nationalité
par l'État syrien.
2.2 L'auteur dit qu'il a été arrêté par les forces de sécurité syriennes à deux
reprises. La première fois, lors de l'invasion iraquienne au Koweït, il était
en possession de fonds destinés à l'Iraq. Il aurait été relâché au bout de 18
jours de détention, seulement après qu'une importante somme d'argent aurait
été versée par sa famille en vue de sa libération. La seconde arrestation aurait
eu lieu en 1993. À cette occasion, l'auteur aurait été détenu durant 96 jours
dans la prison de Mezzé, près de Damas, et aurait été victime de tortures. Sa
libération ne serait intervenue qu'après qu'il se soit engagé à renoncer à toute
activité politique pour l'avenir. Sa famille aurait de nouveau versé un montant
d'environ 6 000 dollars des États-Unis afin d'obtenir sa libération.
2.3 Par la suite, l'auteur aurait toutefois continué ses activités politiques.
Au mois de mars 1995, il aurait été averti par un membre de sa famille, lequel
disposant d'informations en provenance des services de sécurité, qu'il allait
être arrêté de nouveau. L'auteur a alors pris la décision de fuir le pays et
aurait traversé illégalement la frontière avec le Liban. Il a quitté ce dernier
pays par bateau au mois de mars sans donner plus de précisions sur son arrivée
en Europe. Le 10 avril 1995, il a déposé une demande d'asile politique en Suisse
se basant notamment sur les persécutions qu'il aurait subies en République arabe
syrienne.
2.4 Sa demande d'asile a été rejetée le 28 mai 1996 pour invraisemblance par
l'Office fédéral des réfugiés (ODR), et ce dernier a fixé le 15 août 1996 comme
date ultime de départ du territoire pour l'auteur. Plus tard, l'auteur a déposé
un recours contre cette décision auprès de la Commission suisse de recours en
matière d'asile (CRA), appuyé par un rapport médical qui attestait qu'il aurait
pu être torturé dans le passé. Ladite Commission l'a débouté de sa demande le
8 juillet 1996, le recours ayant été déclaré irrecevable du fait que les délais
prescrits pour former un appel n'avaient pas été respectés.
2.5 Le 8 août 1996, M. A. F. a envoyé une demande de réexamen (recours extraordinaire,
permettant d'obtenir la reconsidération de décisions entrées en vigueur) de
son cas par l'ODR. Le requérant a notamment demandé à ce qu'il soit constaté
que l'exécution de son renvoi de Suisse entraînerait une violation du principe
de non-refoulement, tel que consacré par la Convention relative au statut des
réfugiés (art. 33), ainsi que de l'interdiction de torture, énoncée à l'article
3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ou encore des articles
2 et 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. L'Office fédéral des réfugiés a rejeté la demande de
réexamen le 9 août 1996, considérant que le requérant n'avait pas présenté de
faits ou moyens de preuve nouveaux mais tentait uniquement d'obtenir une nouvelle
appréciation des faits déjà évoqués lors de la procédure initiale. L'ODR a ainsi
ordonné l'exécution immédiate du renvoi du territoire, considérant que le renvoi
en cause n'était pas contraire aux obligations législatives ou contractuelles
de la Confédération helvétique.
2.6 L'auteur a déposé un recours contre cette décision de l'ODR, le 8 septembre
1996. Saisie du nouveau pourvoi dans lequel l'auteur tendait à faire valoir
l'illicéité de l'exécution du renvoi au regard de la Convention relative au
statut des réfugiés et de la Convention contre la torture, la CRA a suspendu
l'exécution du renvoi et autorisé l'auteur à attendre en Suisse l'issue de la
procédure. L'ODR a été consulté dans le cadre de ce recours et, le 29 avril
1997, il a maintenu sa position d'après laquelle il considérait que le renvoi
vers la République arabe syrienne ne mettait pas en danger l'intégrité physique
du requérant. Dans le cadre de la même procédure, le conseil de l'auteur avait
maintenu ses conclusions le 20 mai 1997.
2.7 Le recours a été examiné au fond et rejeté par une décision de la CRA du
18 juin 1999 selon laquelle le requérant n'a pas fait valoir des motifs de réexamen
qualifiés, et qu'il n'existait pas de risque concret de torture en cas de renvoi
en Syrie. Suite à cette décision, l'auteur a été invité à quitter le territoire
avant le 15 février 1999.
Teneur de la plainte
3. L'auteur allègue qu'au cas où la Suisse le renverrait en République arabe
syrienne, il risquerait de subir des traitements cruels, inhumains et dégradants
et notamment d'être torturé par les autorités et ce également parce qu'il a
quitté illégalement l'État syrien. D'après lui, il est manifeste qu'il existe
dans ce pays des violations flagrantes, systématiques et massives des droits
de l'homme, qui, selon le paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention contre
la torture, constituent des circonstances dont un État partie doit tenir compte
lorsqu'il décide d'une expulsion. L'auteur estime que pour cette raison, la
Suisse ne devrait pas l'expulser, au risque de commettre une violation de la
Convention.
Observations de l'État partie en ce qui concerne la recevabilité
de la communication
4. Dans sa note du 12 mai 1999, l'État partie reprend les différentes étapes
de la procédure suivie par l'auteur lors de sa demande d'asile. Il reproche
notamment à l'auteur de ne pas avoir respecté le délai requis pour former un
recours contre la décision de l'ODR lui rejetant l'asile politique. L'État partie
déclare que le non-respect du délai pour interjeter appel avait entraîné un
réexamen extraordinaire de l'affaire par la CRA, mais portant uniquement, et
sur la seule base du dossier, sur la question de savoir s'il n'existait pas
un risque manifeste pour le requérant d'être persécuté ou de subir un traitement
contraire aux droits de l'homme dans son pays d'origine. Cet examen, selon l'État,
était plus limité que celui auquel la CRA aurait procédé si elle avait été saisie
par les voies de recours ordinaires. Néanmoins, l'État partie déclare qu'il
ne conteste pas la recevabilité de la communication.
Commentaire de l'auteur aux observations de l'État partie sur
la recevabilité
5.1 L'auteur a adressé ses commentaires aux observations de l'État partie le
28 juin 1999. Il admet que la procédure de réexamen portait exclusivement sur
le respect par la Suisse de ses obligations internationales et non sur l'application
de la loi nationale relative à l'asile. L'auteur se réfère à ce titre à la jurisprudence
de la Commission suisse de recours en matière d'asile (JICRA 1995, n 9), selon
laquelle «un requérant d'asile avait le droit, indépendamment des questions
formelles de délais, de faire examiner en tout temps si l'exécution de son renvoi
est conforme au principe de non-refoulement (art. 33 de la Convention relative
au statut des réfugiés) ou à l'interdiction de la torture et autres traitements
inhumains (art. 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et art.
3 de la Convention contre la torture). Ces principes sont en effet considérés
comme absolus, et la déchéance d'un délai de procédure ne saurait autoriser
leur violation».
5.2 À cet effet, l'auteur déclare que la CRA s'était prononcée le 18 janvier
1999, sous l'angle de l'article 3 de la Convention contre la torture, sur la
question du risque de torture s'il était renvoyé en République arabe syrienne.
Cela prouvait, selon l'auteur, que la question sur laquelle le Comité était
appelé à se prononcer avait déjà fait l'objet d'un examen par l'autorité nationale
compétente.
Observations de l'État partie quant au fond de la communication
6.1 L'État partie a envoyé ses considérations sur le bien-fondé de la communication,
le 13 septembre 1999. Dans ses commentaires, l'État réexamine la procédure suivie
dans l'affaire, et indique que la CRA, lors de sa dernière décision du 18 janvier
1999, avait procédé à un examen plus restreint que l'examen auquel elle aurait
procédé si l'auteur avait respecté les voies de recours ordinaires.
6.2 L'État partie estime que la communication ne contient pas de faits nouveaux
par rapport à ce qui avait été examiné dans le cadre de l'affaire lors de la
procédure interne.
6.3 En second lieu, l'État partie soulève le fait que l'auteur n'avait pas fourni
de preuves concernant plusieurs de ses allégations, et notamment en ce qui concerne
l'affirmation selon laquelle il avait été détenu durant 96 jours à la prison
de Damas pour avoir critiqué le régime, et qu'il n'avait été libéré qu'après
le paiement effectué par sa famille et la signature de la déclaration renonçant
à la politique. La libération de l'auteur n'a pas été documentée. De plus, l'État
estime que le fait de distribuer des tracts critiquant le régime en place, comme
décrit par l'auteur, aurait dû impliquer une peine très lourde de prison. Dans
la mesure où le versement de l'argent par sa famille n'a pas été prouvé et que
l'auteur a été libéré seulement au bout de trois mois de détention, l'État partie
estime que ceci peut être interprété comme signe de manque de vraisemblance
concernant les allégations de l'auteur relatives à ses activités en faveur du
PDK.
6.4 L'État partie procède ensuite à un examen général de la situation des droits
de l'homme en République arabe syrienne et commente divers documents présentés
par l'auteur sur la situation des Kurdes dans ce pays. Tout en considérant certaines
données, il rappelle la pratique du Comité, selon laquelle l'existence dans
un pays de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes
ou massives, ne constitue pas un motif suffisant en soi pour affirmer qu'une
personne risquerait d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays.
6.5 Ensuite, l'État partie analyse la situation personnelle de l'auteur, afin
de vérifier s'il existe des motifs sérieux d'admettre qu'il risquerait personnellement
de faire l'objet, en République arabe syrienne, de violations des droits de
l'homme. Selon l'État partie, le PDK - Iraq n'est pas une organisation illégale
en République arabe syrienne, et il semblerait en outre qu'elle ait reçu le
soutien des autorités. Il apparaîtrait, de différentes sources, que les forces
de sécurité syriennes ne persécutent les activistes du PDK que si la sécurité
de l'État syrien est menacée par leurs actions, par exemple des activités hostiles
au régime syrien, ce qui n'aurait pas été démontré dans le cas présent. L'État
conclut que dans ces conditions, on peut considérer que l'auteur ne court pas
de risque particulier d'être soumis à des traitements contraires à l'article
3 de la Convention en cas de retour en République arabe syrienne, d'autant plus
que les arrestations alléguées remontent à plus de six et huit ans.
6.6 L'État partie déclare que les documents présentés par l'auteur en provenance
de KARK Suisse (2) et du PDK - Europe, attestant qu'il était
membre du PDK - Iraq, ne sauraient démontrer à eux seuls les risques pour l'auteur,
en cas de renvoi, d'éventuelles poursuites judiciaires et de traitements contraires
à l'article 3 de la Convention.
6.7 l'État partie souligne le fait que l'auteur n'a jamais fait état des tortures
qu'il aurait subies, ni lors de ses auditions au centre de transit, ni auprès
de l'ODR. Le conseil de l'auteur aurait reproché aux autorités de ne pas avoir
questionné le requérant expressément à ce sujet. À ceci, l'État partie répond
qu'on peut «légitimement attendre d'une personne prétendant par la suite avoir
dû quitter son pays car elle craint d'être de nouveau torturée qu'elle évoque
au moins cette circonstance lorsqu'elle est questionnée dans le pays d'accueil
sur les raisons de sa demande d'asile».
6.8 L'État partie attire aussi l'attention sur le fait que l'auteur n'ait produit
le certificat médical du 20 août 1996 (3) , attestant qu'il
aurait pu être victime de tortures dans le passé, que devant la CRA, et non
lors de sa demande d'asile initiale. L'État exprime son étonnement qu'un demandeur
d'asile pour des raisons de torture ait attendu de voir sa demande rejetée avant
de produire un certificat médical, d'ailleurs avec une portée relativisée par
les trois ans qui se sont écoulés depuis les faits en question. D'ailleurs,
continue l'État, même si on considérait comme réelle l'allégation de l'auteur
d'avoir subi des tortures par le passé, cela ne signifie pas encore qu'il court
un risque prévisible, personnel et actuel d'être de nouveau soumis à la torture
en cas de renvoi en République arabe syrienne (4) .
6.9 Concernant les craintes de l'auteur d'être menacé de traitements inhumains
et dégradants du fait qu'il a quitté illégalement le territoire syrien, l'État
partie constate qu'il n'a pas réussi à rendre crédible ses allégations selon
lesquelles il aurait quitté la République arabe syrienne sous menaces de représailles
de la part des autorités syriennes. De même, il n'existe aucune preuve qui corrobore
la prétendue mise en garde adressée par l'oncle de l'auteur à ce dernier concernant
son imminente arrestation. Or, ajoute l'État partie, la preuve que le requérant
se trouvait menacé au moment du départ de son pays est un fait déterminant en
matière d'octroi d'asile. De plus, l'auteur n'a pas apporté la preuve qu'il
avait quitté le territoire syrien de manière illégale. Et même, si tel était
le cas, la peine pour ce délit serait une amende ou une détention qui ne pourraient
pas être considérées contraires à l'article 3 de la Convention.
6.10 En ce qui concerne les risques que l'auteur encourait du fait qu'il ait
introduit une demande d'asile en Suisse, l'État partie considère que les autorités
syriennes n'allaient pas l'exposer à des traitements inhumains ou dégradants
pour ce seul motif, étant donné que ces autorités étaient conscientes que plusieurs
de leurs ressortissants tentent d'obtenir de la sorte un droit de séjour sur
le territoire européen. L'État déclare ne pas être en possession d'indices concrets
indiquant que les requérants d'asile renvoyés en République arabe syrienne auraient
été soumis à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention.
6.11 Enfin, l'État partie examine l'allégation de l'auteur selon laquelle il
risquerait des persécutions à cause de ses liens étroits avec des mouvements
d'opposition au régime syrien en Suisse. À cet effet, l'État partie remarque
que les explications de l'auteur à ce sujet sont très vagues et manquent de
substance, ce qui amène à la conclusion que ces activités sont très limitées,
et qu'autrement l'auteur les aurait exposées dans son propre intérêt de façon
détaillée auprès des autorités suisses compétentes en matière d'asile.
6.12. En conclusion, l'État partie estime que, dans les conditions en question
et après l'examen minutieux de l'affaire, il n'y a pas de motifs sérieux de
croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture en cas de retour en
République arabe syrienne. L'État partie se réfère à la Conclusion générale
du Comité en date du 21 novembre 1997 pour constater que la présente communication
ne contenait pas le minimum d'éléments nécessaires pour étayer les allégations
de l'auteur. l'État demande au Comité de constater que le renvoi de l'auteur
vers son pays d'origine ne constituerait pas une violation aux obligations internationales
de la Confédération helvétique.
Commentaires de l'auteur sur les observations de l'État partie
7.1 L'auteur a envoyé ses commentaires le 14 janvier 2000. En ce qui concerne
le manque de preuves de l'arrestation et de la torture, il fait valoir qu'il
y a des difficultés pratiques à rassembler de telles preuves. Tenter de se procurer
ces documents à l'heure actuelle mettrait en danger sa famille et ses proches.
Il prétend ne pas avoir reçu de documents lors de sa libération, ce qui aurait
pu prouver sa détention.
7.2 L'auteur fait état de divers rapports reflétant la situation des Kurdes
en Syrie. Notamment, il prétend que dans le rapport d'Amnesty international
de 1999, il est précisé que bien que certains des Kurdes arrêtés en 1997 aient
été libérés en 1999, d'autres seraient maintenus en prison pour avoir distribué
des tracts hostiles au régime.
7.3 Pour ce qui est de l'évocation tardive de la torture, l'auteur prétend que
le Comité avait lui-même souligné à plusieurs reprises qu'il était compréhensible
qu'une victime de tortures se taise dans un premier temps sur les souffrances
endurées. En ce qui concerne le certificat constatant les tortures, l'auteur
oppose l'argument que, de toutes façons, le Comité n'exige pas de preuve absolue
d'un risque de persécution futur, mais se contente de motifs substantiels faisant
craindre une violation de la Convention. Le rapport médical répondait aux critères
habituellement requis et émanait d'un organisme reconnu pour son sérieux (Hôpitaux
universitaires de Genève), ce qui exclut la mise en doute des conclusions de
l'examen médical.
7.4 Pour ce qui est du départ illégal de République arabe syrienne, l'auteur
se déclare en accord avec l'État partie pour ce qui est des conséquences d'une
sortie illégale du territoire syrien pour la plupart des cas. Mais en ce qui
concerne son cas particulier, tenant compte de son engagement politique, de
ses origines kurdes et des circonstances de son départ, on devrait retenir que
le départ illégal pourrait être utilisé contre lui et entraîner des atteintes
à son intégrité contraires à l'article 3 de la Convention.
Délibération du Comité
8.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité
contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article
22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
à l'alinéa a du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que
la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant
une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce,
le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l'État
partie n'a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication
est recevable. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations
sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.
8.2 Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur
vers la République arabe syrienne violerait l'obligation de l'État partie, en
vertu de l'article 3 de la Convention, ne pas expulser ou refouler une personne
vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être
soumise à la torture.
8.3 Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3,
s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis
à la torture s'il était envoyé en République arabe syrienne. Pour prendre cette
décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes,
conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble
de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.
Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait
personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé.
Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques
des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi
une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être
soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs
qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement,
l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits
de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture
dans la situation particulière qui est la sienne.
8.4 Le Comité rappelle son observation générale sur l'application de l'article
3, qui se lit comme suit: «Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus
de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être
soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel
risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples
supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de
montrer que le risque couru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par.
6).
8.5 Le Comité exprime des doutes quant à la crédibilité de la présentation des
faits par l'auteur, étant donné que ce dernier n'avait invoqué ses allégations
de torture, ainsi que le certificat médical attestant qu'il pouvait avoir été
torturé, uniquement après que sa demande d'asile politique initiale avait été
rejetée (par. 6.7 et 6.8 de la présente décision).
8.6 Le Comité prend également en considération le fait que l'État partie a procédé
à un examen des risques de torture pour l'auteur, sur la base de toutes les
informations soumises. Le Comité, tenant compte des informations selon lesquelles
le PDK - Iraq est un parti toléré par l'administration syrienne, estime que
l'auteur ne lui a pas fourni d'éléments de preuve suffisants qui lui permettaient
de considérer qu'il est confronté à un risque prévisible, réel et personnel
d'être soumis à la torture en cas d'expulsion vers son pays d'origine.
9. Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe
7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi de l'auteur en République
arabe syrienne ne ferait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.