Y.S. (nom supprimé) c. Suisse, Communication No. 147/1999, U.N. Doc. CAT/C/26/D/147/1999 (2001).
Présentée par : Y. S. (nom supprimé) [représenté par un conseil]
Au nom de : L'auteur
État partie : Suisse
Date de la communication: 7 octobre 1999
Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17 de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants,
Réuni le 15 mai 2001,
Ayant achevé l'examen de la communication no 147/1999 présentée au Comité
contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées
par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte la décision suivante:
1.1 L'auteur de la communication est
M. Y. S., citoyen turc d'origine kurde, né le 7 juin 1953, domicilié actuellement
en Suisse où il a demandé l'asile le 18 juin 1998. Cette demande ayant été rejetée,
il soutient que son rapatriement forcé vers la Turquie constituerait une violation
par la Suisse de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.
1.2 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité
a porté la communication à l'attention de l'État partie, le 21 octobre 1999.
Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article
108 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser
l'auteur vers la Turquie tant que sa communication serait en cours d'examen.
Le 14 décembre 1999, l'État partie a informé le Comité que des mesures avaient
été prises pour faire en sorte que l'auteur ne soit pas renvoyé vers la Turquie
tant que sa communication serait examinée par le Comité.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur et Mme S., ressortissants de la Turquie, d'origine kurde, se sont
mariés en 1977 et ont habité depuis dans leur maison à Elazig, une ville située
au sud-est de la Turquie. L'auteur possédait alors deux magasins d'appareils
électriques, l'un situé à Elazig et l'autre à Pertek, un quartier de la ville
de Tunceli où l'auteur a grandi. En 1991, l'auteur a fermé le magasin de Pertek
et, à la fin de 1994, celui d'Elazig en raison d'un harcèlement continu de la
part de la police.
2.2 Depuis les années 80, l'auteur sympathisait en effet activement avec un
parti kurde à tendance de gauche appelé PSK (Parti socialiste du Kurdistan)
qui publiait un journal nommé Oezg.rl.k.Yolu.; l'auteur lisait et vendait ledit
journal, dont le nom a souvent changé parce qu'il a été régulièrement interdit.
En même temps, l'auteur était activiste de l'Association turque des droits de
l'homme (IHD).
2.3 Le 21 mars 1993, deux représentants du IHD à Elazig, M. C. et H. K., ont
été assassinés. Leurs corps ont été trouvés dans la rue avec des signes évidents
de torture, leurs oreilles et leurs yeux ayant notamment été coupés. L'auteur
a alors assisté à leurs funérailles.
2.4 Jusqu'en 1994, l'auteur a été harcelé à plusieurs reprises par la police
à cause de ses opinions et de ses activités politiques. En 1994, le magasin
de l'auteur a été contrôlé par la police. Celle-ci y a trouvé un exemplaire
du journal cité plus haut ainsi que d'autres publications du PSK. L'auteur a
alors été forcé d'entrer dans un minibus et a été amené les yeux bandés dans
un endroit inconnu. Pendant trois jours, l'auteur a été fortement torturé pour
qu'il fournisse des informations à la police et qu'il en devienne un collaborateur
officieux. Malgré les tortures infligées, l'auteur a refusé de fournir des informations
ou de devenir collaborateur informel. Après trois jours, il a été libéré. L'auteur
a continué à travailler dans ses magasins malgré le harcèlement continu de la
police. À la fin de 1994, il a décidé de fermer son magasin d'Elazig.
2.5 Depuis cet événement, l'auteur et sa famille n'ont plus eu de résidence
stable. Ils ont vécu dans trois endroits différents: à Kizilkale, où les parents
de l'auteur ont une ferme, à Mersin, où ce dernier est propriétaire d'un appartement,
et à Elazig, dans un logement dont le propriétaire est un ami et qu'ils ont
loué quelques mois après leur fuite.
2.6 Au cours d'une nuit d'avril 1996, l'auteur et sa famille dormaient dans
leur appartement loué à Elazig quand la police a fait irruption. L'auteur a
été battu et amené dans un endroit où il a été torturé physiquement et psychologiquement
pendant deux jours et demi. L'auteur a alors accepté de travailler pour la police
et cette dernière a consenti à ce qu'il commence à travailler 15 jours plus
tard. Une fois libéré, l'auteur s'est caché avec sa famille chez un ami jusqu'à
leur départ pour Istanbul. Pendant que la famille était chez ledit ami, le fils
aîné de l'auteur, Erhan, 17 ans, alors qu'il se rendait chez son grand-père,
a été arrêté par la police. Celle-ci l'a informé qu'il ne serait relâché que
si son père venait le chercher personnellement. Après en avoir été averti, l'auteur
et sa famille sont partis à Istanbul où ils sont restés chez un frère de ce
dernier.
2.7 Le 4 juin 1996, l'auteur, sa femme et son autre fils ont quitté Istanbul
et sont arrivés, via Milan, illégalement en Suisse le 5 juin 1996, tous en possession
de leurs passeports.
2.8 Le jour de leur arrivée en Suisse, l'auteur et sa famille ont déposé une
demande d'asile. Celle-ci a été rejetée par l'Office fédéral des réfugiés (ODR),
le 27 mai 1998. L'auteur avance notamment qu'à l'appui de la décision lui refusant
la qualité de réfugié, l'ODR a objecté qu'il avait donné des informations contradictoires
concernant sa résidence entre 1994 et 1996. L'auteur a alors introduit un recours
contre cette dernière décision qui a été rejeté le 3 août 1999 au motif que
ses allégations n'étaient pas convaincantes. Dans ce recours, l'auteur demandait
un deuxième examen médical qui lui a été refusé.
2.9 L'auteur déclare qu'il est arrivé en Suisse traumatisé à cause des tortures
qu'il a subies. Il a commencé un traitement médical le 9 juillet 1996 et il
lui a également été conseillé de suivre un traitement psychologique. Le 8 avril
1997, les docteurs ont envoyé un rapport à l'ODR selon lequel l'auteur devrait
être hospitalisé pendant trois semaines en raison de douleurs dans la colonne
vertébrale. Le 18 avril 1997, un rapport psychiatrique demandé par l'ODR constatait
que l'auteur souffre du syndrome de «stress post-traumatique».
Teneur de la plainte
3. L'auteur déclare qu'en cas de refoulement vers la Turquie, il serait arrêté,
serait à nouveau victime d'actes de torture, et ferait éventuellement l'objet
d'une exécution extrajudiciaire.
Observations de l'État partie
4.1 Dans une note verbale du 14 décembre 1999, l'État partie déclare ne pas
contester la recevabilité de la communication.
4.2 Par rapport au bien-fondé de la communication, l'État partie explique que
la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA) a considéré que les
allégations de l'auteur portant sur la période de 1994 jusqu'à sa nouvelle arrestation
de 1996 ne sont pas crédibles puisque le requérant ne se trouvait plus à Elazig
après 1994. De plus, il est difficile de croire que l'auteur se serait caché
chez un de ses amis, T. K., car celui-ci était particulièrement exposé politiquement
et sa ligne téléphonique était sous la surveillance des forces de sécurité turques.
D'après l'ODR, il n'y a pas de lien de causalité entre, d'une part, l'éventuelle
arrestation de l'auteur en 1993 et, d'autre part, son départ de la Turquie en
1996.
4.3 Par ailleurs, l'État partie souligne que la CRA, contrairement à l'ODR,
considère que les allégations relatives à l'arrestation de l'auteur et à sa
torture postérieure manquent également de crédibilité. Des doutes sérieux existent
par rapport au fait que l'auteur ait pu poursuivre ses activités commerciales
pendant une période de 18 mois après avoir été arrêté et torturé si l'on tient
compte de l'efficacité de la répression des forces de sécurité turques.
4.4 De même, l'État partie signale que l'examen médical qui avait été fait sur
l'auteur ne faisait que reprendre telles quelles les affirmations de l'auteur
pour expliquer les causes des troubles dont il souffrait, sans les remettre
en question. C'est la raison pour laquelle la CRA a refusé l'octroi d'un nouvel
examen médical.
4.5 De l'avis de l'État partie, les éléments présentés par l'auteur dans sa
communication n'apportent rien de nouveau à ceux présentés aux autorités suisses.
Bien au contraire, dans sa communication, il prétend qu'il aurait été torturé
non pas en 1993 mais en 1994. Or, lors de la procédure interne, il a répété
maintes fois que les événements se seraient bien déroulés en 1993, au plus tard,
en juillet.
4.6 D'une manière générale, l'État partie fait entièrement siens les motifs
retenus par la CRA à l'appui de sa décision rejetant la demande d'asile de l'auteur.
4.7 Sous l'angle de l'article 3 de la Convention, l'État partie précise que
selon la jurisprudence du Comité, cette disposition n'offre aucune protection
à l'auteur qui allègue simplement craindre d'être arrêté à son retour dans son
pays.
4.8 L'État partie met en doute la vraisemblance de certains éléments auxquels
l'auteur n'a fait référence que dans sa communication, tels que le nom et l'adresse
de l'ami chez qui il aurait trouvé refuge. En outre, l'auteur a donné cette
information au Comité sous le sceau de la confidentialité et à condition que
les autorités suisses n'entreprennent aucune démarche pour en vérifier l'authenticité.
Or, il aurait pu fournir cette information aux autorités suisses sous les mêmes
conditions.
4.9 L'État partie précise que les enquêtes menées par l'Ambassade de Suisse
à Ankara ont démontré que l'auteur de la communication n'était pas recherché
par la police. Il n'existe à son égard aucune fiche dans les registres de la
police pour des éventuelles activités criminelles ou politiques. Par ailleurs,
c'est à la suite des investigations de l'ambassade que l'auteur a dû admettre
qu'il possédait une habitation à Mersin, fait qu'il avait tout d'abord caché
aux autorités suisses.
4.10 Au sujet des certificats médicaux, l'État partie considère qu'ils ne suffisent
pas pour éliminer les contradictions et les invraisemblances contenues dans
les allégations de l'auteur. La CRA n'a nullement été convaincue que les troubles
post-traumatiques dont il prétend souffrir étaient la conséquence d'actes de
torture qu'il aurait subis. Dans ce contexte, il faut souligner que l'auteur
de l'examen médical était en même temps le thérapeute et celui qui a établi
le rapport en qualité d'expert.
4.11 À l'exception de la prétendue arrestation de son fils aîné, en avril 1996,
l'État partie considère que l'auteur n'a jamais fait valoir que des membres
de sa famille ou des membres de la famille de son épouse auraient été recherchés
ou intimidés par les autorités turques, ou encore moins arrêtés ou torturés.
Cet élément laisse penser que l'auteur et sa famille ne courent donc aucun risque
d'être arrêtés ou torturés en cas de retour en Turquie (1).
4.12 De même, l'auteur n'a jamais fait valoir qu'il aurait eu des activités
qui auraient pu être bénéfiques au PSK. Il n'en était pas un membre mais un
simple sympathisant et, même en cette qualité, l'auteur a reconnu n'avoir jamais
distribué de brochures pour ce parti.
4.13 Enfin, l'État partie considère que les explications de l'auteur concernant
les modalités de son départ de Turquie avec sa famille sont sujettes à caution.
La CRA a estimé qu'il était peu probable qu'une personne recherchée par la police
puisse quitter la Turquie à partir de l'aéroport d'Istanbul sans être inquiétée.
Tenant compte des contrôles de sécurité extrêmement sévères qui sont opérés
dans cet aéroport, il est vraisemblable qu'un faux passeport, ou un passeport
falsifié, aurait été repéré. Par ailleurs, l'État partie considère que l'argument
selon lequel les passeports étaient en possession d'un tiers n'est pas crédible.
4.14 Dès lors, l'État partie estime que les déclarations de l'auteur ne permettent
pas de conclure qu'il existe des motifs sérieux de penser, conformément au premier
paragraphe de l'article 3 de la Convention, que l'auteur serait exposé à la
torture si la décision de renvoi vers la Turquie devait être exécutée.
Commentaires de l'auteur
5.1 Par une lettre du 14 juillet 2000, l'auteur a fourni ses commentaires relatifs
aux observations de l'État partie.
5.2 En ce qui concerne la date de la première arrestation, il est avancé que
le conseil de l'auteur admet avoir lui-même confondu les dates, probablement
en raison du fait que l'auteur les avait également confondues lors de la deuxième
interrogation. Néanmoins, et tout en clarifiant qu'il s'agissait de l'année
1993, l'auteur rappelle que la première arrestation n'a pas été mise en cause
par les autorités suisses.
5.3 En ce qui concerne ses activités au sein du PSK, l'auteur tient à clarifier
que lors de sa deuxième interview, il avait signalé qu'il partageait les idées
du parti et qu'il soutenait ce dernier, mais qu'il n'y jouait pas un rôle actif.
Par ailleurs, l'auteur précise qu'il a distribué le journal du parti de façon
limitée. Finalement, l'auteur rappelle qu'il a été arrêté en 1993 parce que
lesdits journaux avaient été trouvés dans son appartement et qu'il avait été
accusé d'avoir distribué des brochures.
5.4 L'auteur rappelle que dans son recours devant la CRA, il était prêt à donner
le nom et l'adresse de son ami à condition que cette information ne soit pas
utilisée par l'Ambassade suisse pour faire des recherches sur leur relation.
5.5 En ce qui concerne les recherches effectuées par les autorités suisses en
Turquie, l'auteur estime qu'il est impossible qu'une organisation relative à
la sécurité en Turquie puisse fournir de telles informations à la Suisse. Quant
à l'appartement de Mersin, l'auteur n'avait pas considéré cette information
comme assez importante. D'ailleurs, il n'est pas correct de dire qu'ils avaient
déménagé complètement d'Elazig pour aller vivre à Mersin, comme les autorités
suisses l'ont prétendu. Donc, on ne peut pas dire que l'auteur n'a pas pu être
arrêté à Elazig.
5.6 Au sujet de la véracité de l'examen médical effectué par le docteur M.,
si l'ODR n'a pas contesté la véracité des tortures en 1993, l'auteur se demande
pourquoi l'on devrait exclure qu'il soit toujours traumatisé par lesdites tortures,
tout en sachant qu'il avait été forcé à rester debout dans l'eau gelée et que
ses doigts avaient été pressés avec des tenailles. Par ailleurs, le fait que
le docteur M. ait nommé le rapport «rapport d'expert» était dû à la demande
de l'ODR. Néanmoins, l'État partie n'a nullement fourni de renseignements quant
à la forme que le rapport doit avoir. De même, le diagnostic psychiatrique des
troubles post-traumatiques ne dépend pas de signes objectifs mesurables. Dans
toute procédure judiciaire, si l'on n'est pas satisfait du rapport médical,
on doit demander un deuxième rapport.
5.7 De l'avis de l'État partie, les frères de l'auteur n'ont pas été persécutés
à Istanbul et à Izmir à cause de lui. De plus, l'État partie considère que l'auteur
et sa famille pourraient retourner en Turquie sans rencontrer de problèmes.
Or, l'arrestation du fils aîné de l'auteur n'est pas contestée. À ce sujet,
l'auteur soutient que ses frères et surs vivent à Istanbul et qu'il avait peu
de contact avec eux, et qu'au surplus, ils étaient trop loin d'Elazig pour pouvoir
donner des renseignements le concernant. Quant au fils aîné de l'auteur, il
ne vit plus à Elazig depuis que l'auteur se trouve en Suisse. L'année de son
départ, il a déménagé à Istanbul pour vivre avec sa famille.
5.8 Concernant le fait que l'État partie conteste que l'auteur ne collabore
plus avec le PSK depuis son arrivée en Suisse, l'auteur affirme que le PSK est
très actif en Suisse, notamment à Lausanne et à Bâle, mais pas à Berne où il
vit. Néanmoins, l'auteur assiste régulièrement aux réunions.
5.9 En ce qui concerne les doutes que l'État partie éprouve vis-à--vis du fait
que l'auteur ait vécu chez un ami qui travaillait pour le PKK, l'auteur soutient
que son ami avait parfaitement caché ses activités aux forces de sécurité. Néanmoins,
ces dernières avaient rendu visite à M. K. pour éviter qu'il ne participe à
certaines activités. M. K. était assez vieux et il est décédé en 1999.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité
contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article
22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
à l'alinéa a du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question
n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance
internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce, le Comité note
aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l'État partie n'a pas
contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable.
L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond
de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.
6.2 Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur
vers la Turquie violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article
3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre
État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à
la torture.
6.3 Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article
3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis
à la torture s'il était renvoyé en Turquie. Pour prendre cette décision, le
Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément
au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations
systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois,
le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement
d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que
l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits
de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison
suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise
à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui
donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement,
l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits
de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture
dans la situation particulière qui est la sienne.
6.4 Le Comité rappelle son Observation générale sur l'application de l'article
3, qui se lit comme suit: «Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus
de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être
soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel
risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples
supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de
montrer que le risque encouru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par.
6).
6.5 Le Comité note que l'examen médical produit par l'auteur a démontré l'existence
de troubles post-traumatiques.
6.6 Cependant, le Comité constate que d'importants aspects du récit de l'auteur
ne semblent pas plausibles, en particulier la description des activités qu'il
a eues après qu'il ait prétendu avoir été soumis à la torture en 1993, et les
circonstances entourant sa fuite de 1996. Le Comité rappelle qu'il appartient
à l'auteur de soumettre des preuves suffisantes pour démontrer qu'il risquerait
personnellement d'être soumis à la torture s'il devait rentrer en Turquie. Dans
cette mesure, le Comité a pris en considération l'information fournie par l'État
partie relative aux enquêtes diligentées par son Ambassade à Ankara indiquant
qu'il n'y avait pas de raison de croire qu'il serait arrêté s'il retournait
en Turquie. Dans ces circonstances, le Comité ne peut pas conclure qu'il y a
des raisons de croire que l'auteur sera exposé à un risque personnel de torture
s'il doit rentrer en Turquie.
6.7 Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, estime que le renvoi de l'auteur en Turquie ne ferait
apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.
Note
1. Voir, par analogie, H.D. c. Suisse, communication no 112/1998, par. 6.5 et
A.L.N. c. Suisse, communication no 90/1997, par. 8.5.