M.S. (nom supprimé) c. Suisse, Communication No. 156/2000, U.N. Doc. CAT/C/27/D/156/2000 (2001).
Présentée par : M. S. (nom supprimé) [représenté par un avocat]
Au nom de : Le requérant
État partie : Suisse
Date de la communication : 9 février 2000
Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17
de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants,
Réuni le 13 novembre 2001,
Ayant achevé l'examen de la requête no 156/2000, présentée au Comité en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,
Adopte la décision suivante en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.
1.1 Le requérant – né le 13 avril 1979 – est un ressortissant sri-lankais, d'origine tamoule. Il se trouve actuellement en Suisse où il a déposé une demande d'asile. Cette demande a été rejetée et il soutient que son renvoi au Sri Lanka constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention contre la torture. Il a demandé au Comité de bénéficier de mesures d'urgence, étant donné qu'au moment du dépôt de sa requête, il risquait une expulsion imminente. Il était représenté par un conseil jusqu'au 9 avril 2001.
1.2 Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité
a porté la communication à l'attention de l'État partie le 21 février 2000.
Dans le même temps, le Comité agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article
108 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser
le requérant vers le Sri Lanka tant que sa communication serait en cours d'examen.
Le 23 mai 2000, l'État partie a informé le Comité que des mesures avaient été
prises pour faire en sorte que le requérant ne soit pas renvoyé vers le Sri
Lanka tant que sa communication serait en cours d'examen par le Comité.
Rappel des faits présentés par le requérant
2.1 Le requérant affirme que comme la plupart des Sri-Lankais d'origine tamoule,
il a été contraint de travailler dès son plus jeune âge pour le mouvement des
Tigres de libération de l'Ealam tamoul (LTTE), en particulier pour la construction
de bunkers et le collage d'affiches de propagande. Il déclare que refusant d'adhérer
plus activement à ce mouvement, il a dû fuir Kilinochchi pour Colombo.
2.2 Le requérant affirme qu'à Colombo, les autorités gouvernementales l'ont
arrêté plusieurs fois, parfois pendant plus de 15 jours en le soumettant à la
torture, l'accusant de faire partie du mouvement des Tigres tamouls. Il déclare
qu'il a été traduit en justice à plusieurs reprises, la première fois le 15
mars 1997, avant d'être relâché peu de temps après. Il ajoute qu'il a été arrêté
à nouveau le 3 janvier 1999 par la police de Colombo, a été détenu un mois avant
d'être une nouvelle fois traduit devant la justice le 10 février 1999. D'après
le requérant, le magistrat l'a relâché à la seule condition qu'il se rende chaque
samedi au Bureau des services secrets (CID) afin de signer un registre.
2.3 Le requérant déclare avoir fui le Sri Lanka le 28 mars 1999 par l'intermédiaire
d'un passeur. Il précise qu'en raison de cette fuite, un mandat d'arrêt a été
délivré à son encontre et un document de la police de Colombo en date du 23
août 1999 a été produit à ce sujet. Le requérant est arrivé en Suisse le 29
mars 1999.
2.4 Le requérant a déposé une demande d'asile en Suisse le 30 mars 1999, laquelle
a été rejetée le 18 août de la même année. Appelée à statuer sur le recours
déposé le 21 septembre 1999, la Commission suisse de recours en matière d'asile
a confirmé la décision initiale de rejet le 10 décembre 1999. Un délai de départ
a été fixé au 15 janvier 2000. Le 10 janvier 2000, le requérant a sollicité
une prolongation du délai de départ en raison de son état de santé. Le 20 janvier
2000, l'Office fédéral des réfugiés a constaté que ces motifs n'étaient pas
de nature à justifier un report, mais a décidé de proroger le délai au 15 février
2000 afin de permettre au requérant de mieux préparer son départ.
Teneur de la requête
3.1 Le requérant affirme que son retour au Sri Lanka accentuera les soupçons
de la police locale selon lesquels il appartiendrait au mouvement des Tigres
tamouls, d'où un risque d'arrestation sommaire et de torture à son arrivée à
Colombo. Selon le requérant, force est de constater qu'un ressortissant sri-lankais
d'origine tamoule, qui fuirait son pays suite aux persécutions des forces gouvernementales,
risque d'être torturé à plus forte raison à son retour au pays.
3.2 Le requérant fait référence au bulletin d'Amnesty International du 1er juin
1999, d'après lequel des actes de torture perpétrés par les forces de sécurité
sont signalés presque quotidiennement dans le contexte du conflit armé qui les
oppose au LTTE. D'après ce bulletin, ce problème se fait également sentir dans
le domaine du maintien de l'ordre courant car régulièrement, des policiers torturent
des suspects de droit commun. Ainsi, toujours selon cette source, malgré l'existence
de dispositifs de protection juridique, la torture continue d'être pratiquée
dans une relative impunité.
3.3 Le requérant en conclut que l'argument selon lequel les persécutions à son
encontre n'étaient pas suffisamment intenses pour faire naître un droit d'asile
est sans valeur par rapport aux persécutions qu'il va certainement subir à son
retour au Sri Lanka.
3.4 Le requérant ajoute que depuis mai 1999, il souffre d'une tuberculose pleurale.
Il précise qu'un traitement antituberculeux a été effectué de mai à décembre
1999 à la division de pneumologie de la polyclinique médicale universitaire
du Canton de Vaud (Suisse). D'après le requérant, les médecins de cette division
estiment que son évolution clinique doit pouvoir être surveillée dans les deux
années à venir, l'affection médicale dont il souffre devant être considérée
comme grave. Le requérant affirme qu'une intervention médicale urgente et indispensable
pourrait s'imposer et que les conditions d'hospitalisation à Sri Lanka, malgré
l'avis contraire de la Commission suisse de recours en matière d'asile, ne permettront
pas un traitement médical convenable.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond
de la requête
4.1 L'État partie n'a pas contesté la recevabilité de la communication et, dans
une lettre datée du 21 août 2000, a formulé des observations sur son bien-fondé.
4.2 L'État partie a examiné, en premier lieu, la décision de la Commission suisse
de recours en matière d'asile.
4.3 L'État partie relève que la Commission, bien qu'ayant considéré que le recours
était manifestement mal fondé et pouvait dés lors être rejeté par voie de procédure
simplifiée, a néanmoins procédé à un examen circonstancié du cas d'espèce.
4.4 L'État partie a rappelé que la Commission, à l'instar de l'Office fédéral
des réfugiés, a considéré que le requérant n'avait pas démontré avoir subi de
sérieux préjudices qui pourraient entraîner la crainte objective et subjective
de subir des persécutions en cas de retour à Sri Lanka. Selon l'État partie,
le requérant n'a en effet pas établi l'existence d'un risque personnel, concret
et sérieux d'être soumis, en cas de renvoi dans son pays d'origine, à un traitement
prohibé par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et
la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants. En vertu de la décision de la Commission suisse de recours en
matière d'asile, il ressort, selon l'État partie, qu'à la lumière des engagements
internationaux de la Suisse, le refoulement du requérant s'avère licite. L'État
partie rappelle que la Commission a écarté les arguments du requérant qui invoquait
son état de santé pour l'opposer à son refoulement.
4.5 L'État partie a examiné, en second lieu, le bien-fondé de la décision de
la Commission à la lumière de l'article 3 de la Convention et de la jurisprudence
du Comité.
4.6 L'État partie déclare que le requérant, dans sa requête, se borne à rappeler
les motifs qu'il avait invoqués devant les autorités nationales. Selon l'État
partie, le requérant n'apporte aucun élément nouveau qui permettrait de mettre
en question les décisions de l'Office fédéral des réfugiés du 18 août 1999 et
de la Commission du 10 décembre 1999. L'État partie affirme que le requérant
n'explique notamment pas au Comité les incohérences et les contradictions figurant
dans ses allégations. Bien au contraire, d'après l'État partie, le requérant
ne fait que les confirmer puisque, pour des raisons ignorées des autorités suisses,
il invoque qu'il aurait été arrêté à nouveau le 3 janvier 1999 par la police
de Colombo et ensuite traduit devant la justice le 10 février 1999. L'État partie
rappelle que ces affirmations seraient confirmées selon le requérant par le
document de la police de Colombo daté du 23 août 1999.
4.7 L'État partie estime que ces affirmations sont pour le moins surprenantes
car lors de la procédure interne, le requérant a d'abord déclaré spontanément
qu'il n'avait plus été arrêté par la police ou par le Bureau des services secrets
(CID) après avril 1997. Lors de son audition, le requérant a toutefois prétendu
qu'il aurait été arrêté par le People Liberation of Tamil Eelam (PLOTE) en février
1998. D'après l'État partie, ce n'est que dans son recours à la Commission que
le requérant a signalé, de façon très vague et en pleine contradiction avec
ses allégations antérieures, avoir été arrêté ou détenu par la police ou le
CID, plusieurs fois entre février 1998 et son départ en Suisse.
4.8 L'État partie souligne que, bien que le document qui aurait été établi par
la police de Colombo porte la date du 23 août 1999, le requérant n'a jamais
spécifié qu'il aurait été arrêté en 1999, ni à l'occasion des auditions précitées,
ni dans son recours à la Commission du 21 septembre 1999, ni dans ses lettres
à la Commission des 15 et 19 octobre 1999. D'après l'État partie, il est encore
plus étonnant que le requérant ne se soit pas référé à ce document lors de sa
demande de prorogation du délai de départ le 10 janvier 2000. L'État partie
précise que ce document n'ayant jamais été produit en cours de procédure ordinaire,
le requérant pouvait agir par voie de révision, ce qu'il n'a pas fait. L'État
partie rappelle que la procédure de révision est reconnue comme voie de recours
interne efficace au sens de l'alinéa b de l'article 22.5 de la Convention.
L'État partie estime, quoi qu'il en soit, que ce document ne saurait être pris
en considération dans la présente affaire.
4.9 L'État partie explique qu'il est de surcroît légitime de s'interroger sur
l'origine et le contenu de ce document qui, une fois encore, n'a jamais été
produit devant les instances nationales. L'État partie déclare que l'on peut
se demander pour quelles raisons le requérant craint d'être poursuivi par la
police, alors que celle-ci lui procure complaisamment un document qui reprend
dans l'ordre chronologique toutes les arrestations dont il prétend avoir été
l'objet. Selon l'État partie, quelle étrange police qui a l'amabilité de procurer
à la personne qu'elle souhaite arrêter les moyens de lui échapper. L'État partie
conclut que de toute évidence, l'arrestation de 1999 est invraisemblable et
que le document prétendument établi par la police de Colombo, produit en copie
non certifiée, n'a aucune valeur probante.
4.10 Ayant rappelé la jurisprudence du Comité et son Observation générale relative
à l'application de l'article 3, l'État partie déclare qu'en l'espèce le Gouvernement
suisse fait entièrement siens les motifs retenus par la Commission à l'appui
de sa décision rejetant la demande d'asile du requérant et confirmant son renvoi.
Sous l'angle de l'article 3 de la Convention, l'État partie tient à préciser,
à titre liminaire, que selon la jurisprudence du Comité (communication no 57/1996
P. Q. L. c. Canada ), cette disposition n'offre aucune protection
au requérant qui allègue simplement craindre d'être arrêté à son retour dans
son pays. Cette conclusion s'impose a fortiori pour le simple risque
d'arrestation (communication no 65/1997 I. A. O. c. Suède ).
L'État partie rappelle qu'en l'espèce le requérant prétend en effet qu'il serait
arrêté pour ne pas avoir satisfait à l'obligation qu'il aurait de se rendre
au Bureau du CID une fois par semaine.
4.11 L'État partie affirme que c'est à la suite d'une motivation convaincante
que la Commission a considéré que les allégations du requérant manquaient de
crédibilité. Selon l'État partie, cette motivation ne saurait être ébranlée
du seul fait que le requérant communique à présent au Comité, pour la première
fois, un document qui aurait été établi par la police de Colombo le 23 août
1999, selon lequel le requérant aurait été arrêté à nouveau le 3 janvier 1999
et qu'il serait recherché par la police pour avoir manqué à son obligation de
se rendre au Bureau du CID. L'État partie précise que le requérant aurait dû
et aurait pu fournir ces informations aux autorités nationales lors de la procédure
interne puisque le requérant d'asile est tenu à un devoir de collaboration.
L'État partie estime qu'il est notamment surprenant que le requérant n'ait jamais
fait allusion devant les instances internes à son arrestation du 3 janvier 1999
alors que celle-ci serait intervenue peu de temps avant son départ du Sri Lanka.
L'État partie ajoute que le requérant fait également valoir qu'il aurait été
soumis à la torture lors des arrestations. Les autorités l'auraient ligoté et
battu. Or, d'après l'État partie, les médecins suisses qui ont examiné le requérant
et lui ont administré un traitement antituberculeux n'ont jamais fait état d'éventuelles
séquelles dues à des actes de violence.
4.12 L'État partie explique qu'indépendamment de ces incohérences il sied de
relever que les allégations du requérant relatives à l'arrestation du 3 janvier
1999 et au mandat d'arrêt sont peu crédibles. Lors de l'audition cantonale,
le requérant a déclaré explicitement qu'après son arrestation à Colombo par
le PLOTE, en février 1998, il aurait été libéré «à la condition de retourner
immédiatement à Kilinochchi» en ajoutant que les membres du PLOTE «m'ont interdit
de retourner à Colombo». En cas de retour à Colombo, le requérant aurait couru
le risque d'être «détenu plus longtemps, sans être transféré au tribunal». Or,
d'après l'État partie, force est d'admettre que ces affirmations sont peu crédibles
au regard de l'arrestation par la police de Colombo le 3 janvier 1999, et surtout
au regard de l'ordonnance du magistrat libérant le requérant à la condition
qu'il se rende chaque samedi au Bureau du CID.
4.13. Enfin, l'État partie estime que les explications du requérant concernant
les modalités de son départ du Sri Lanka sont pour le moins sujette à caution.
Le requérant n'explique pas, en particulier, comment il a pu quitter ce pays
à partir de l'aéroport de Colombo bien que recherché par la police. Selon l'État
partie, les contrôles de sécurité extrêmement sévères qui sont opérés à cet
aéroport n'auraient en effet en aucun cas permis au requérant d'être enregistré
sur le vol et de passer les contrôles de police et de frontières. L'État partie
considère qu'il est peu probable qu'il ait pu, comme il l'affirme, recourir
aux services d'un passeur, lequel lui aurait interdit de parler avec les douaniers
et aurait promis d'intervenir en cas de questions. Selon l'État partie, les
faits démontrent au contraire qu'il n'y a aucun élément permettant d'admettre
que le requérant était recherché au moment de son départ, le 24 ou le 25 mars
1999.
4.14 L'État partie conclut que l'on peut raisonnablement douter que le requérant
soit recherché par les autorités sri-lankaises. Il est également peu vraisemblable
que ce dernier serait exposé à un risque d'arrestation en cas de retour dans
son pays. Mais, selon l'État partie, même s'il existait, ce risque «ne suffirait
pas à conclure qu'il y a des motifs sérieux de croire qu'il risquerait d'être
soumis à la torture (communications no 157/1996 et no 65/1997).
4.15 Relativement aux motifs de santé invoqués par le requérant, l'État partie
rappelle que la Commission en a tenu compte. En se basant sur deux certificats
médicaux, elle a conclu que l'essentiel du traitement antituberculeux était
terminé et que le requérant ne souffrait plus d'une affection susceptible de
mettre en danger sa vie ou sa santé. D'après l'État partie, le nouveau certificat
médical du 6 janvier 2000, sur lequel le requérant s'appuie, ne fait que confirmer
cette conclusion. Les chirurgiens consultés, après concertation, ont renoncé
à pratiquer une opération de décortication chirurgicale. L'État partie ajoute
que même si une intervention s'avérait nécessaire, ce qui n'est pas le cas actuellement
selon ledit certificat, elle serait possible à Colombo. D'après l'État partie,
il en va de même de la surveillance de l'état de santé du requérant et du suivi
médical qu'il pourrait nécessiter. L'État partie déclare que c'est donc à juste
titre que la Commission a estimé que la situation médicale à Colombo devait
être considérée comme bonne et permettre, au besoin, d'apporter les soins nécessaires
au requérant.
4.16 À la lumière des développements qui précèdent, l'État partie conclut que
rien n'indique qu'il existe des motifs sérieux de craindre que le requérant
serait exposé concrètement et personnellement à la torture à son retour à Sri
Lanka. D'après l'État partie, les allégations du requérant ne permettent pas
non plus de considérer que son renvoi au Sri Lanka l'exposerait à un risque
réel, concret et personnel d'être torturé.
Commentaires du requérant sur les observations de l'État partie
5.1 Le requérant rappelle que les contradictions et incohérences figurant dans
ses allégations dont se prévaut le Gouvernement suisse pour confirmer la décision
de la Commission suisse de recours en matière d'asile doivent être examinées
dans le cadre du contexte dans lequel il a été entendu par les autorités suisses
après son arrivée. À cet effet, le requérant déclare qu'il était gravement malade,
atteint de tuberculose, et que c'est dans cet état fortement affaibli qu'il
a dû répondre à toutes les questions des autorités suisses. Le requérant affirme
qu'il est évident que, dans un tel état, certains détails aient pu être oubliés
ou imparfaitement expliqués, et que d'ailleurs, six semaines après son arrivée,
il devait être hospitalisé durant trois semaines.
5.2 Le requérant conteste ensuite les arguments de l'Office fédéral des réfugiés
selon lesquels sa fuite de Sri Lanka était irréaliste et déclare que l'appel
à un passeur était précisément destiné à éviter les contrôles policiers et douaniers
de l'aéroport de Colombo.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une requête, le Comité contre
la torture doit décider si elle est recevable en vertu de l'article 22 de la
Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément
à l'alinéa a du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que
la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant
une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce,
le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés; et que l'État
partie n'a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication
est recevable. L'État partie et le requérant ayant chacun formulé des observations
sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.
6.2 Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi du requérant
vers Sri Lanka violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article
3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un État
où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
6.3 Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3,
s'il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d'être
soumis à la torture s'il était renvoyé à Sri Lanka. Pour prendre cette décision,
le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément
au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations
systématiques des droits de l'homme graves, flagrantes ou massives. Toutefois,
le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement
d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que
l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits
de l'homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison
suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise
à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui
donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement,
l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits
de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture
dans la situation particulière qui est la sienne.
6.4 Le Comité rappelle que son Observation générale sur l'application de l'article
3, qui se lit comme suit: «Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus
de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être
soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel
risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples
supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de
montrer que le risque couru est hautement probable.» (A/53/44, annexe IX, par.
229.)
6.5 Dans le cas d'espèce, le Comité note que l'État partie fait état d'incohérences
et de contradictions dans les récits du requérant permettant de douter de la
véracité de ses allégations. Il prend également acte des explications fournies
par le Conseil à cet égard.
6.6 Le Comité note qu'il n'est pas clairement établi que le requérant soit recherché
par la police ou le CID sri-lankais et que le document de la police de Colombo
qu'il a fourni comme preuve soit authentique, étant au demeurant précisé qu'il
est surprenant que ce document en date du 23 août 1999 n'ait jamais été présenté
devant les instances suisses, y compris lors de la demande du requérant le 20
janvier 2000 de prorogation de son délai de départ.
6.7 Le Comité estime en outre que les allégations du requérant selon lesquelles
il aurait été soumis à la torture à Sri Lanka ne sont pas suffisamment étayées
et, en particulier, ne sont pas corroborées par des éléments médicaux alors
même que le requérant a fait l'objet d'un suivi médical en Suisse peu de temps
après son arrivée.
6.8 Le Comité est conscient de la gravité de la situation des droits de l'homme
à Sri Lanka y compris des rapports relatifs à des allégations de torture. Il
rappelle toutefois que, pour que l'article 3 de la Convention s'applique, il
doit exister pour la personne concernée un risque prévisible, réel et personnel
d'être soumise à la torture dans le pays vers lequel elle est refoulée. Sur
la base des considérations qui précèdent, le Comité est d'avis que ce risque
n'est pas établi.
7. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, estime que le renvoi du requérant à Sri Lanka ne ferait
apparaître aucune violation par l'État partie de l'article 3 de la Convention.