Y. (nom supprimé) c. Suisse, Communication No. 18/1994, U.N. Doc. CAT/C/13/D/18/1994 (1994).
Présentée par : Y (nom supprimé) (représenté par un conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie : Suisse
Date de la communication : 16 septembre 1994
Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants,
Réuni le 17 novembre 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Y, citoyen zaïrois, résidant actuellement en Suisse. Il se déclare victime d'une violation, par les autorités suisses, de l'article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.
Rappel de faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, né en 1963, a vécu dans le nord du Zaïre jusqu'en 1983. Son
père a été arrêté en 1968 pour des raisons politiques et est resté détenu
pendant cinq ans, jusqu'à sa mort en 1973. En 1983, l'auteur s'est installé
dans une autre ville, pour des raisons professionnelles, et a vécu avec
un cousin plus âgé. Le Président Mobutu ayant annoncé le 24 avril 1990
la fin du système de parti unique, l'auteur a adhéré à l'Union pour la
démocratie et le progrès social (UDPS), le parti d'opposition. Le 30
avril 1990, l'UDPS a organisé une manifestation pacifique à Kinshasa,
qui a été violemment dispersée par la police. De nombreux autres affrontements
entre les membres du mouvement d'opposition et les forces gouvernementales
ont suivi et, en juin 1990, l'auteur a été arrêté avec d'autres manifestants,
après avoir participé à une manifestation dirigée contre le gouvernement.
2.2 L'auteur déclare qu'il était détenu dans un camp pénitentiaire. Il
aurait été maltraité, roué de coups et menacé. Au bout d'un mois, l'auteur
a été transféré au bureau du commandement de la ville, les locaux de
l'armée. Il a réussi à s'échapper avec l'aide d'un officier qui appartenait
à la même ethnie que l'auteur. Après s'être caché dans un village, chez
des amis de son cousin, il a pris un avion d'Air Zaïre à destination
de Rome, muni d'un faux passeport fourni par son cousin. Arrivé en Italie,
il a renvoyé le passeport à son cousin, comme il avait été convenu. Des
Africains vivant à Rome l'ont aidé a traverser la frontière suisse et
il est arrivé en Suisse à la fin du mois d'août 1990.
2.3 Arrivé en Suisse, l'auteur a demandé le statut de réfugié. En juillet
1992, l'Office fédéral des réfugiés a rejeté sa demande parce que la
manifestation de juin 1990, au cours de laquelle il avait déclaré avoir
été arrêté, n'avait jamais été signalée, ce qui suscitait des doutes
quant à l'authenticité de son récit. L'auteur a été débouté de son appel
par la Commission suisse de recours en matière d'asile et de renvoi,
en mai 1994. La Commission a estimé que le récit de l'auteur était peu
crédible, étant donné notamment qu'il n'avait pas pu décrire en détail
l'endroit où il avait été incarcéré et qu'il n'avait fourni aucune preuve
écrite à l'appui de ses affirmations. L'auteur a été sommé de quitter
la Suisse au plus tard le 30 août 1994, faute de quoi il serait renvoyé
au Zaïre.
2.4 En janvier 1994, l'auteur a été rejoint par sa fille, née au Zaïre
en 1987. En Suisse, l'auteur a eu une relation avec Mlle Y.; une petite
fille est née en juin 1994. En raison de cette naissance, l'expulsion
a été reportée à la fin de septembre 1994.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que la situation politique au Zaïre ne s'est pas améliorée
et que le Président Mobutu continue de terroriser le pays. Les membres
de sa famille restés au Zaïre l'ont informé que la situation des droits
de l'homme dans le pays était mauvaise et qu'il ne restait quasiment
plus d'opposition politique. L'auteur déclare craindre pour sa sécurité
et indique qu'au moins un demandeur d'asile, renvoyé au Zaïre par les
autorités belges en avril 1990, a été arrêté à son retour et passé à
tabac pour ensuite disparaître. Par ailleurs son cousin lui aurait dit
de ne pas rentrer au Zaïre car c'était trop risqué.
3.2 L'auteur affirme que son retour forcé au Zaïre serait contraire à l'article
3 de la Convention. À cet égard, il se réfère aux constatations du Comité
dans l'affaire Mutombo c. Suisse (communication No 13/1993), dans lesquelles
le Comité a conclu à l'existence d'un ensemble flagrant de violations
systématiques et massives des droits de l'homme au Zaïre. Il fait valoir
que son origine familiale ainsi que ses antécédents personnels en tant
qu'opposant politique au Zaïre rendent prévisibles son arrestation dès
son arrivée au Zaïre et par la suite des mauvais traitements et des tortures.
L'auteur ajoute à ce sujet que dans un article paru récemment au Zaïre
certaines opinions politiques lui étaient spécifiquement prêtées.
3.3 En attendant que le Comité ne se prononce sur le fond, l'auteur de
la communication lui demande de prier l'État suisse, en application du
paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur, de ne pas appliquer
l'arrêté d'expulsion pris à son égard.
3.4 Il est précisé que la même affaire n'a pas été soumise à une autre
procédure internationale d'enquête ou de règlement.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte qui fait l'objet d'une communication,
le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable
en vertu de l'article 22 de la Convention.
4.2 Ayant examiné les allégations soumises par l'auteur, le Comité constate
que son récit ne contient pas le minimum d'éléments nécessaires pour
étayer ses allégations et rendre la communication conforme à l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants.
5. En conséquence, le Comité contre la torture décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et à son conseil
et, pour information, à l'État partie.