X. c. Suisse, Communication No. 38/1995, U.N. Doc. CAT/C/18/D/38/1995 (1997).
Présentée par : X (représenté par un conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie : Suisse
Date de la communication : 16 novembre 1995
Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants,
Réuni le 9 mai 1997,
Ayant achevé l'examen de la communication No 38/1995 présentée au Comité
contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées
par l'auteur de la communication, son conseil et l'État partie,
Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la
Convention.
1. L'auteur de la communication est un citoyen soudanais, résidant actuellement en Suisse. Il se déclare victime d'une violation, de la part de la Suisse, de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur déclare avoir travaillé pour la société Arabsat Company, au
Soudan, de 1983 à 1987 en tant que directeur de l'administration et des
relations publiques. Il était l'un des quatre associés et était chargé
de la diffusion de l'hebdomadaire politique Ad Dastour et du journal
Al Hadaf. Ces deux publications appartenaient (partiellement) au parti
Al Ba'ath al Arabi Istiraki, groupe politique de gauche très proche du
parti Ba'ath iraquien.
2.2 L'auteur déclare qu'en mai 1987, il a changé d'emploi et a commencé
à travailler pour la société Ad Dastour en qualité de directeur de l'administration
et des relations publiques Il semble y avoir contradiction entre l'information
fournie par l'auteur au Comité et les déclarations qu'il a faites à l'Office
fédéral des réfugiés selon lesquelles il avait travaillé pour les deux
sociétés de 1985 à 1987.. Il organisait les voyages des journalistes
et leur procurait les visas et le carburant.
2.3 Après le coup d'État de 1989, le Gouvernement soudanais a interdit
les activités de la société Arabsat et d'Ad Dastour en raison de leurs
liens avec le parti Ba'ath également interdit. D'autre part, le directeur
d'Ad Dastour a été arrêté L'auteur a déclaré à l'Office fédéral que les
directeurs de la société Arabsat n'avaient pas été arrêtés ou interrogés..
À la suite de ces événements, l'auteur s'est aperçu que les services
de sécurité surveillaient son domicile Au cours de l'entrevue qui a eu
lieu avec les responsables de l'Office fédéral, l'auteur a déclaré avoir
remarqué la présence dans le voisinage d'hommes qui n'avaient rien à
y faire, et avait conclu qu'ils appartenaient aux services de sécurité.
et étaient en train d'enquêter. L'auteur déclare n'avoir jamais participé
à des activités politiques.
2.4 L'auteur s'est rendu au Koweït et à Londres pour trouver du travail
mais est revenu au Soudan en 1991. Il a alors commencé à travailler pour
Anniline, société d'imprimerie. La société a d'abord été interdite, puis
reprise par le Gouvernement en mars 1992, la raison étant, selon l'auteur,
que de 1985 à 1989 elle avait imprimé des tracts du parti Ba'ath. En
mars 1992, l'auteur a été arrêté et détenu pour interrogatoire jusqu'au
jour suivant; son automobile a été confisquée. Il a été contraint de
se présenter à la police tous les jours pendant un mois et demi, mais
n'a jamais été interrogé Cependant, au cours de l'entrevue avec l'Office
fédéral des réfugiés, l'auteur a déclaré avoir été interrogé chaque jour
de 9 heures à 15 heures, pendant un mois..
2.5 L'auteur a alors essayé de trouver un emploi au Soudan dans la fonction
publique ou dans une société appartenant à l'État, mais en vain car,
déclare-t-il, en chaque occasion la police de sécurité refusait l'autorisation
nécessaire. Il déclare ne pas avoir essayé de trouver un emploi dans
le secteur privé. Il a décidé de se lancer dans l'agriculture mais, selon
lui, il a été désavantagé, pour la répartition du matériel, par rapport
aux membres du parti gouvernemental.
2.6 En mai 1994, l'auteur a été de nouveau interrogé au sujet de ses rapports
avec le parti Ba'ath. En septembre, sa femme et des amis l'ont averti
que la police le recherchait. Il a décidé de quitter le Soudan L'auteur
déclare avoir, par l'intermédiaire d'un ami de son frère, soudoyé le
chef des services de sécurité. et, en février 1995, il a pris l'avion
à Khartoum avec un passeport en bonne et due forme ainsi qu'un visa pour
la Suisse.
2.7 L'auteur est arrivé en Suisse le 7 février 1995. Le 13 février, il
a demandé le statut de réfugié. Le 24 mai 1995, l'Office fédéral des
réfugiés a rejeté sa demande, jugeant qu'elle comportait des contradictions,
ainsi que sur certains points des invraisemblances, et que la "persécution" n'était
pas établie. Le 10 octobre, son recours a été rejeté pour les mêmes raisons
par la Commission suisse de recours en matière d'asile.
Teneur de la plainte
3. L'auteur affirme que, s'il était forcé de retourner au Soudan, il ferait
l'objet d'une enquête, ce qui entraîne souvent des actes de torture.
Dans une lettre datée du 1er novembre 1995 qu'elle lui a adressée, sa
femme lui a fait savoir que les fonctionnaires de la police de sécurité
venaient régulièrement à son domicile pour poser des questions à son
sujet. Pour l'auteur, il est donc clair que le Gouvernement soudanais
le considère comme un informateur du parti Ba'ath, et chacun sait qu'au
Soudan les collaborateurs de la presse d'opposition sont constamment
menacés de représailles.
Déroulement de la procédure
4.1 Le 14 février 1996, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son
Rapporteur pour les nouvelles communications, a demandé à l'État partie
de ne pas expulser ou renvoyer l'auteur au Soudan tant que sa communication
était encore examinée par le Comité. Dans sa demande, le Comité a tenu
compte du fait que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
avait lui-même prié le Gouvernement suisse de ne pas renvoyer l'auteur
au Soudan car on pouvait croire qu'il serait soumis à des persécutions.
4.2 Le 26 février 1996, l'État partie a fait savoir au Comité qu'il avait
suspendu la procédure d'expulsion de l'auteur et que ce dernier avait
présenté à la fois un recours judiciaire et une demande de réexamen.
À sa seizième session, le Comité a donc décidé de suspendre l'examen
de la communication.
4.3 Le 29 mars 1996, la Commission suisse de recours en matière d'asile
a rejeté la demande de recours de l'auteur étant donné qu'il n'avait
pas versé le montant des droits requis. Le 25 avril 1996, l'Office fédéral
des réfugiés a rejeté la demande de réexamen de son cas qui avait été
présentée par l'auteur. Celui-ci n'a pas fait appel de la décision, considérant
que cette démarche serait inefficace.
Observations de l'État partie
5.1 Dans sa réponse du 19 juin 1996, l'État partie ne formule aucune objection
quant à la recevabilité de la communication.
5.2 L'État partie rappelle que l'auteur a eu trois occasions de formuler
les raisons de sa demande d'asile, au cours d'auditions qui ont eu lieu,
respectivement, le 17 février 1995 au centre d'enregistrement, le 20
mars 1995 devant les autorités cantonales et le 18 mai 1995 devant l'Office
fédéral des réfugiés.
5.3 L'État partie rappel que, selon la législation suisse, le requérant
d'asile doit faire ressortir que, selon toute probabilité, il subirait
des préjudices graves en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à tel ou tel groupe social ou de ses opinions politiques.
Pour interpréter ces exigences de la loi, les autorités retiennent les
critères énoncés dans l'article 3 de la Convention contre la torture.
Aux termes de l'article 12LA de la loi relative à l'asile, on ne doit
pas considérer comme probantes les déclarations qui ne sont pas suffisamment
étayées sur des points essentiels, qui sont contradictoires ou qui ne
correspondent pas à la réalité.
5.4 En l'espèce, l'État partie soutient que les déclarations de l'auteur
font apparaître de nombreuses contradictions et discordances sur des
points essentiels.
5.5 L'État partie note que l'auteur fonde la demande qu'il formule en vertu
de l'article 3 de la Convention sur ses activités professionnelles de
1985 à 1992, période au cours de laquelle il a travaillé pour des sociétés
qui étaient affiliées au parti Ba'ath. L'État partie fait observer que,
cependant, lors des trois auditions dont il est question plus haut, l'auteur
a fait des déclarations contradictoires au sujet de ses activités professionnelles.
Il rappelle que les minutes de l'entrevue étaient lues à l'auteur en
langue arabe et qu'il les a signées, confirmant leur exactitude. L'État
partie fait observer que l'auteur a affirmé avoir exercé le métier d'agriculteur
à partir du mois de mars 1992, alors que d'autre part il a déclaré qu'à
partir de ce même mois de mars 1992, il devait se présenter tous les
jours, pour la journée entière et pendant un mois et demi, à la police
de sécurité.
5.6 De plus, l'État partie fait observer que l'auteur a déclaré lors de
la première audition qu'il avait dû se présenter à la police de sécurité
pendant un mois, alors que par la suite, il a déclaré avoir dû s'astreindre
à cette obligation pendant un mois et demi. Par ailleurs, l'auteur a
déclaré d'une part qu'il était interrogé tous les jours, et d'autre part
qu'il n'était jamais interrogé. Étant donné les contradictions en ce
qui concerne la date de l'obligation de se présenter à la police de sécurité,
la durée de cette obligation et son objet, l'État partie déclare que
l'auteur n'a pas étayé de façon probante son affirmation selon laquelle
il a dû se présenter à la police de sécurité pendant un mois et demi
à partir du mois de mars 1992.
5.7 L'État partie fait observer que l'auteur a fait des déclarations contradictoires
au sujet des années au cours desquelles il a travaillé pour les sociétés
Arabsat, Ad Dastour et Anniline, et que les certificats qu'il a fournis
sont eux aussi contradictoires. L'État partie fait observer en outre
que, dans la communication qu'il a adressée au Comité, l'auteur affirme
avoir travaillé pour Ad Dastour jusqu'au mois de mai 1990, et en même
temps que les autorités avaient interdit la société en mars 1990, ce
qui paraît également contradictoire.
5.8 L'État partie relève aussi des contradictions dans l'affirmation de
l'auteur selon laquelle la police de sécurité surveillait son domicile
et enquêtait à son sujet en mars 1990, ainsi que dans l'affirmation de
l'auteur selon laquelle il était recherché en 1994. Par exemple, pour
ce qui est de l'année 1990, l'auteur déclare à un moment donné qu'il
savait qu'on le surveillait parce qu'il avait vu des inconnus r_der dans
le voisinage de son domicile, et à un autre moment que l'on interrogeait
les gens à son sujet dans les magasins. Pour ce qui est de l'année 1994,
l'auteur a donné des précisions différentes quant à la manière dont il
avait appris que la police était venue à son domicile, déclarant dans
un cas que c'était sa femme qui le lui avait dit, et dans un autre cas
qu'il l'avait appris par des amis.
5.9 L'État partie soutient qu'étant donné toutes ces contradictions et
discordances, la manière dont l'auteur a exposé les faits n'est pas vraisemblable.
5.10 L'État partie note que, selon l'auteur, les contradictions sont dues
à une interprétation défectueuse lors des auditions. À cet égard, l'État
partie rappelle que chaque fois que l'auteur avait mal compris une question,
cette question lui était répétée, et que de plus les minutes des auditions
étaient lues et traduites phrase par phrase, qu'enfin l'auteur confirmait
par sa signature leur exactitude par rapport à ses déclarations. L'auteur
n'a jamais évoqué la question de la qualité de l'interprétation au cours
des auditions. D'autre part, lorsque l'auteur, cherchant à expliquer
les contradictions, a mis en cause la qualité de l'interprétation fournie
devant la Commission de recours, il n'a pas dit que les erreurs d'interprétation
équivalaient à une violation du droit d'être entendu de manière équitable,
et il n'a pas non plus précisé quelles étaient celles de ses déclarations
qui avaient été mal interprétées. L'État partie rappelle, en outre, que
l'auteur n'a pas pu s'expliquer non plus devant la Commission
de recours au sujet des discordances.
5.11 En ce qui concerne le départ du Soudan de l'auteur — en 1991 puis
à nouveau en 1995 —, l'État partie déclare que, selon les renseignements
disponibles, les citoyens soudanais doivent accomplir certaines formalités
avant de pouvoir quitter le pays. L'État partie déclare qu'il n'est délivré
de passeport que sur présentation d'un "certificat
d'origine", lequel n'est lui-même délivré que sur présentation d'un certificat de bonne
vie et moeurs émanant des autorités locales. L'auteur est en possession
d'un passeport délivré le 6 janvier 1992, comportant deux visas de sortie,
dont il a utilisé l'un pour se rendre en Suisse. Selon l'État partie,
cela montre clairement que l'auteur n'est pas recherché par les autorités
soudanaises, surtout si l'on songe que les contr_les de sécurité sont
particulièrement sévères aux aéroports. De plus, les visas de sortie
sont délivrés par les services de l'immigration et de la nationalité
du Ministère de l'intérieur, qui en pratique agissent sur instructions
des services de sécurité de l'État.
5.12 L'État partie se réfère à l'article 3 de la Convention, et rappelle
qu'il y a lieu de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être
soumis à la torture dans le pays où il doit être renvoyé. Il souligne
que, selon la jurisprudence du Comité, l'existence, dans l'État concerné,
d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves,
flagrantes ou massives n'est pas une raison suffisante pour conclure
qu'une personne risquerait d'être soumise à la torture à son retour dans
son pays, et qu'il doit exister des motifs supplémentaires prouvant que
la personne en question serait personnellement en danger.
5.13 L'État partie admet qu'il est parfois difficile à un requérant d'asile
de présenter tous les faits exacts à l'appui de sa demande, mais, rappelant
ses observations, reproduites plus haut, il soutient qu'en l'espèce les
déclarations de l'auteur sont discordantes et contradictoires par rapport
à des points essentiels sur lesquels sa demande est fondée. L'État partie,
ainsi, soutient que l'auteur n'a pas démontré qu'il risque d'être soumis
à la torture lors de son retour au Soudan.
5.14 Au cas où, cependant, le Comité considérerait que les contradictions
et discordances des déclarations de l'auteur ne sont pas suffisamment
graves et ne peuvent faire douter de la véracité d'ensemble de ses affirmations,
l'État partie soutient que les faits présentés par l'auteur ne justifient
pas de conclure que les dispositions de l'article 3 de la Convention
seraient violées du fait de son renvoi au Soudan. À cet égard, l'État
partie rappelle que l'article 3 n'est applicable que s'il y a risque
de torture. Il note que l'auteur n'a pas dit avoir été torturé lorsqu'il
a été interrogé par la police de sécurité. Selon l'État partie, rien
ne permet de penser qu'il risque de l'être s'il était arrêté à l'avenir.
5.15 L'État partie se réfère à la jurisprudence du Comité et note que,
dans les cas où il a conclu que le renvoi d'une personne serait contraire
à l'article 3, le Comité a pris en considération l'origine ethnique,
l'appartenance politique, les activités politiques, la détention antérieure,
les allégations de torture, les poursuites judiciaires et l'exil intérieur.
Aucun de ces éléments n'a été invoqué par l'auteur de la communication
à l'étude. L'État partie soutient, en conséquence, que l'auteur ne risque
en aucune façon d'être soumis à la torture.
Observations de l'auteur
6. Le conseil de l'auteur présente un certificat médical, daté du 15 juin
1996, d'où il ressort que l'auteur est en traitement depuis le mois de
février 1996 pour des problèmes psychiques et physiques, et que le traitement
devra être poursuivi pendant quelques semaines.
Observations supplémentaires de l'État partie
7. En ce qui concerne le certificat médical, l'État partie rappelle que
l'auteur n'a jamais déclaré avoir été maltraité par les autorités soudanaises.
Devant les autorités nationales, l'auteur n'a jamais déclaré être sous
traitement médical. En outre, l'État partie note que le bref certificat
présenté ne donne pas de détails, et il soutient que le Comité ne devrait
pas en tenir compte lors de l'examen de la communication.
8. Dans une lettre du 13 mars 1997, le conseil de l'auteur déclare n'avoir
rien à ajouter à ses déclarations antérieures.
Délibérations du Comité
9. Avant d'examiner une plainte figurant dans une communication, le Comité
doit décider si cette communication est ou n'est pas recevable au regard
de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est
tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention,
que la même question n'a pas été et n'est pas en cours d'examen devant
une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Il note
que l'État partie n'a émis aucune objection quant à la recevabilité de
la communication et qu'il a demandé au Comité de procéder à l'examen
quant au fond. Le Comité conclut donc qu'il n'existe aucun obstacle à
la recevabilité de la communication, et il procède ci-après à l'examen
du fond.
10.1 Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les
informations qui lui avaient été présentées par les parties, conformément
au paragraphe 4 de l'article 22 de la Convention.
10.2 La question que doit trancher le Comité est de savoir si le renvoi
forcé de l'auteur au Soudan serait une violation de l'obligation faite
à la Suisse, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser
une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire
qu'elle risque d'être soumise à la torture.
10.3 Pour prendre sa décision, le Comité doit tenir compte de toutes les
considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article
3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des
droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Cependant, le but
de la détermination est d'établir si l'intéressé risquerait personnellement
d'être soumis à la torture dans le pays où il retournerait. Il s'ensuit
que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques
des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas
en tant que tel un motif suffisant pour conclure que telle ou telle personne
risquerait d'être soumise à la torture lors de son retour dans ce pays;
il faut qu'il existe d'autres motifs tendant à prouver que l'intéressé
serait personnellement en danger. De même, l'absence d'un ensemble de
violations systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une
personne ne puisse pas être considérée, en raison de circonstances qui
lui sont propres, comme
risquant d'être soumise à la torture.
10.4 Le Comité note que l'auteur ne déclare pas avoir été torturé par la
police ou par les forces de sécurité au Soudan, et qu'il n'existe aucune
preuve médicale permettant de penser qu'il souffre des conséquences d'une
torture, que ce soit physiquement ou mentalement. Le Comité conclut en
conséquence que les discordances qui apparaissent dans le récit de l'auteur
ne peuvent s'expliquer par les effets d'un "état
réactionnel aigu à une situation très éprouvante", comme dans le cas de nombreuses victimes de la torture.
10.5 Le Comité considère en outre que — même s'il ne tenait pas compte
des discordances susmentionnées — il ressort des faits qui ont été exposés
que l'auteur n'a pas participé à des activités politiques, ni exercé
la profession de journaliste, et qu'il n'était pas non plus membre du
parti Ba'ath. Il note en outre que l'auteur n'a été détenu qu'une seule
fois, pendant 24 heures, en mars 1992. Le Comité, se fondant sur les
informations dont il est saisi, conclut que l'auteur n'appartient pas
à un groupe politique, professionnel ou social qui serait visé par des
actes de répression ou de torture imputables aux autorités.
10.6 Le Comité n'ignore pas la gravité de la situation au Soudan du point
de vue des droits de l'homme; cependant, se fondant sur ce qui précède,
il considère que l'auteur n'a pas étayé son affirmation selon laquelle
il risque personnellement d'être soumis à des tortures s'il est renvoyé
au Soudan.
11. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article
22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, constate que les faits tels qu'ils ont
été établis par lui ne font pas apparaître de violation de l'article
3 de la Convention.