H.W.A. c. Suisse, Communication No. 48/1996, U.N. Doc. CAT/C/20/D/48/1996 (1998).
Présentée par : H. W. A.
Au nom de : L'auteur
État partie : Suisse
Date de la communication : 4 avril 1996
Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 20 mai 1998,
Adopte la décision suivante :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est H. W. A., alias N. B. M., alias H. A., citoyen syrien. Il affirme que son renvoi, en République arabe syrienne constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.
2.1 L'auteur dit qu'il a quitté son pays à l'âge de 13 ans pour rejoindre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban. En 1984, il a été envoyé par l'OLP suivre un entraînement militaire spécial en Iraq où il est resté jusqu'en 1988. Par la suite, il a été envoyé en Libye. Voyant dans cette affectation une rétrogradation, il a quitté l'OLP. Ensuite, il a été enr_lé pour une mission spéciale, à savoir commettre un attentat à Taba (Égypte) contre un h_tel où des soldats israéliens avaient l'habitude de séjourner. Déjà parti en mission, l'auteur a néanmoins décidé de renoncer à sa mission pour des raisons de sécurité. Craignant des représailles dans la Jamahiriya arabe libyenne du fait de sa défection, il a décidé d'aller chercher refuge en Europe.
2.2 Avant d'entrer en Suisse, l'auteur est d'abord entré en France, où il a demandé l'asile sous un nom d'emprunt. L'asile lui ayant été refusé en mars 1990, il a demandé l'asile en Suisse, le 20 mai 1990, cette fois sous son vrai nom. Le 19 janvier 1993, sa demande a été rejetée par l'Office fédéral des réfugiés (ODR) et le 15 février 1995, la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA) a rejeté son recours. Sa requête de révision a été rejetée le 26 janvier 1996.
3.1 Par une correspondance en date du 17 mai 1996, le Comité a transmis la communication à l'État partie pour qu'il lui fasse part de ses observations quant à sa recevabilité.
3.2 Il ressort d'une lettre de l'auteur, en date du 22 octobre 1996, qu'il réside désormais en Irlande, où il a déposé une demande d'asile.
3.3 Par lettre en date du 17 avril 1998, l'État partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable étant devenue sans objet. L'État partie rappelle qu'après avoir été informé du dép_t de la communication devant le Comité, l'ODR avait renoncé à procéder au renvoi de Suisse de l'auteur, le 10 mai 1996. Néanmoins, l'auteur a quitté la Suisse et est arrivé en Irlande le 3 juillet 1996, où il a déposé une demande d'asile. L'auteur a par ailleurs autorisé les autorités irlandaises à contacter les autorités suisses compétentes pour obtenir auprès de celles-ci certains documents dont il a besoin dans le cadre de cette nouvelle procédure d'asile. Selon l'État partie, on peut dès lors considérer que c'est en Irlande que l'auteur souhaite désormais obtenir l'asile.
3.4 Considérant le fait que l'auteur a quitté la Suisse depuis près de deux ans et qu'il effectue depuis lors différentes démarches pour obtenir l'asile dans un autre pays, l'État partie est d'avis que la question d'une éventuelle incompatibilité avec l'article 3 de la Convention de la décision de l'ODR du 19 janvier 1993 ordonnant le renvoi de Suisse de l'auteur apparaît dénuée de tout intérêt pratique et actuel.
3.5 Le conseil suisse de l'auteur, dans ses commentaires en date du 8 mai 1998, indique que, s'il est vrai que l'auteur a été informé que l'ODR l'autorisait à rester en Suisse, il n'en reste pas moins que dans la notification de cette décision, la validité de cette autorisation était limitée au 30 juin 1996. Il explique qu'en l'absence d'une demande en vertu de l'article 108, paragraphe 9, du Règlement intérieur du Comité, l'auteur a paniqué et quitté la Suisse. Selon l'auteur, la police cantonale l'avait verbalement averti qu'elle le conduirait au Consulat général de la République arabe syrienne afin qu'il puisse obtenir un document de voyage, s'il n'avait pas quitté la Suisse dans les 15 jours.
3.6 Le conseil est d'avis que, dans la mesure où juridiquement l'auteur ne pouvait attendre en Suisse l'issue de la procédure devant le Comité, l'État partie ne saurait raisonnablement soutenir maintenant que ladite procédure serait devenue sans objet, l'auteur ayant déposé une demande d'asile en Irlande en juillet 1996. Le conseil rappelle que cette demande est toujours pendante et que la question d'une éventuelle incompatibilité avec l'article 3 de la Convention du renvoi de l'auteur revêt donc bel et bien un intérêt pratique et actuel. Selon le conseil, l'auteur ne se sent plus en sécurité à Dublin, à cause d'un article de presse, et souhaiterait revenir en Suisse.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si cette communication est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention.
4.2 En vertu du paragraphe 1 de l'article 22 de la Convention, le Comité peut examiner une communication présentée par un particulier qui prétend être victime d'une violation, par un État partie, d'une disposition de la Convention, à condition que l'intéressé relève de la juridiction de cet État et que ce dernier ait déclaré qu'il reconnaissait la compétence du Comité en vertu de l'article 22.
4.3 Le Comité note que l'auteur ne se trouve plus sur le territoire de la Suisse, et qu'il a déposé une demande d'asile en Irlande, où il bénéficie d'un permis de résidence en attendant l'issue de la procédure d'asile. L'article 3 de la Convention interdit le refoulement par un État partie d'une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Dans les circonstances du cas actuel, l'auteur se trouvant légalement dans le territoire d'un autre État, il ne peut être renvoyé par la Suisse et, par conséquent, l'article 3 de la Convention ne s'applique pas. L'examen de la communication étant devenu sans objet, le Comité constate que la communication est irrecevable.
5. Le Comité décide en conséquence :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur, à son conseil et à l'État partie.