Observations finales du Comité contre la Torture, Arménie, U.N. Doc. A/56/44, paras. 33-39 (2000).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-cinquième session
13-24 novembre 2000
ARMÉNIE
33. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Arménie (CAT/C/43/Add.3)
à ses 440ème, 443e et 447e séances, les 14, 15 et 17 novembre 2000 (CAT/C/SR.440,
443 et 447), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.
A. Introduction
34. Le Comité note que le deuxième rapport périodique de l'Arménie n'a pas été
rédigé en parfaite conformité avec les directives pour l'établissement de rapports
périodiques de juin 1998. Cependant, il accueille avec satisfaction la présentation
de ce rapport faite oralement par la délégation arménienne et sa bonne disposition
à dialoguer avec le Comité.
B. Aspects positifs
35. Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants:
a) La poursuite des efforts pour établir un cadre juridique fondé sur les valeurs
humaines universelles en vue de protéger les droits de l'homme fondamentaux,
y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants;
b) Le moratoire sur l'exécution de la peine capitale et le fait que la peine
capitale n'est pas prévue dans le projet de Code pénal;
c) Le fait qu'une personne ne puisse pas être extradée vers un autre État s'il
existe des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'y être soumise à la torture
ou condamnée à mort;
d) Le programme de formation relatif aux droits de l'homme à l'intention des
agents de l'État chargés de l'application des lois, en particulier les employés
du Ministère de l'intérieur et de la sécurité nationale;
e) La coopération développée par les autorités publiques avec les organisations
non gouvernementales;
f) La volonté de l'État partie de créer un poste de médiateur.
C. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention
36. Le Comité prends note des problèmes de transition que l'État partie connaît
actuellement.
D. Sujets de préoccupation
37. Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:
a) L'absence dans le projet de Code pénal de certains aspects de la définition
de la torture telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention;
b) Le fait que les droits des personnes privées de liberté ne soient pas toujours
respectés;
c) L'existence d'un régime de responsabilité pénale des juges qui commettent
des erreurs dans leurs sentences de condamnation, ce qui pourrait être de nature
à engendrer une précarité du pouvoir judiciaire;
d) L'absence de mesures effectives d'indemnisation des victimes d'actes de torture
commis par des agents de l'État en violation des dispositions de l'article 14
de la Convention;
e) Les mauvaises conditions dans les prisons et le fait que les prisons dépendent
du Ministère de l'intérieur;
f) La persistance de la pratique du bizutage (dedovchtchina) dans l'armée, qui
donne lieu à des abus ou violations des dispositions pertinentes de la Convention.
En outre, cette pratique a un effet dévastateur sur les victimes et peut parfois
conduire certaines jusqu'au suicide.
38. Le Comité note avec inquiétude que l'État partie n'a pas pris en considération
dans son deuxième rapport périodique les recommandations formulées par le Comité
lors de l'examen du rapport initial de l'Arménie en avril 1996. En particulier,
il n'a pas communiqué les résultats de l'enquête sur des allégations de mauvais
traitements qui avaient été portées à l'attention du Comité.
E. Recommandations
39. Le Comité fait les recommandations suivantes:
a) Bien que la législation arménienne comporte différentes dispositions qui
visent certains aspects de la torture telle qu'elle est définie par la Convention,
l'État partie, pour s'acquitter réellement de ses obligations conventionnelles,
doit adopter une définition de la torture strictement conforme à l'article premier
et prévoir des peines appropriées;
b) La garantie d'accès immédiat aux personnes privées de liberté de la part
de leur avocat, de membres de leur famille et du médecin de leur choix;
c) Tout en se félicitant du projet de transfert de la tutelle de l'administration
pénitentiaire du Ministère de l'intérieur à celui de la justice, le Comité invite
l'État partie à mettre en place un système de contrôle véritablement indépendant
et opérationnel visant tous les lieux de détention, qu'ils relèvent des Ministères
de l'intérieur, de la justice ou de la défense;
d) Le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre sans délai des enquêtes
impartiales sur les allégations de bizutage (dedovchtchina) dans l'armée et
d'exercer des poursuites dans les cas avérés;
e) Le Comité invite l'État partie à rendre le régime de responsabilité pénale
des juges conforme aux instruments internationaux pertinents, notamment les
Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature adoptés
en 1985 et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet
adoptés en 1990;
f) Le Comité encourage l'État partie à poursuivre les activités d'éducation
et de formation concernant la prévention de la torture et la protection de l'individu
contre la torture et les mauvais traitements à l'intention de la police et du
personnel de prison, soit des prisons dépendant du Ministère de l'intérieur,
soit des prisons militaires;
g) Le Comité recommande à l'État partie d'adopter dès que possible le projet
de Code pénal qui abolit la peine capitale afin de régler la situation des nombreux
condamnés à mort qui demeurent dans une situation d'incertitude, s'apparentant
à un traitement cruel et inhumain en violation de l'article 16 de la Convention;
h) Le Comité souhaite recevoir des renseignements au sujet des recommandations
formulées par le Comité lors de l'examen du rapport initial de l'Arménie, en
particulier aux allégations de mauvais traitements qui avaient été portées à
son attention et qui devaient faire l'objet d'une enquête immédiate et impartiale
dont les résultats devaient être communiqués au Comité;
i) Le Comité invite l'État partie à lui fournir, dans le prochain rapport qui
devra être présenté en octobre 2002 les statistiques nécessaires, ventilées
selon le sexe et la région géographique;
j) Enfin, le Comité encourage l'État partie à envisager de faire les déclarations
prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.