Convention Abbreviation: CAT
3. Le Comité se félicite de la présence
d'une délégation composée d'experts de haut niveau, qui ont répondu de façon
exhaustive et avec franchise aux nombreuses questions qui leur ont été posées.
Le Comité accueille avec grande satisfaction la très bonne qualité du dialogue
qui s'en est suivi.
a) La ratification sans réserve de la Convention et la reconnaissance de la compétence du Comité pour connaître des plaintes interétatiques et individuelles (art. 21 et 22);
b) L'adoption, le 14 juin 2002, d'une loi de mise en conformité du droit belge avec la Convention, qui introduit dans le Code pénal des articles relatifs à la torture et aux traitements inhumains ou dégradants, et précise que l'ordre d'un supérieur ne peut justifier les infractions de torture ou de traitements inhumains;
c) L'adoption, le 18 juillet 2001, d'un article du Code de procédure pénale reconnaissant la compétence des juridictions belges pour connaître des infractions commises hors du territoire belge et visées par une convention internationale liant la Belgique;
d) La création, en 1991, puis l'accroissement des pouvoirs du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P), placé sous l'autorité du Parlement;
e) L'abrogation, en 1999, de l'article
53 de la loi du 8 avril 1965 permettant de placer un mineur dans une maison
d'arrêt pour une période maximale de 15 jours, de même que les efforts déployés
par les communautés flamande et française pour remédier aux problèmes de surpopulation
dans les établissements spécialisés pour mineurs délinquants.
a) Le manque de précision entourant la notion d'«ordre manifestement illégal» et par le fait qu'un agent ayant commis un traitement dégradant puisse s'exonérer de sa responsabilité pénale, en vertu de l'article 70 du Code pénal, s'il a agi sur ordre d'un supérieur;
b) L'absence d'une disposition légale interdisant clairement d'invoquer l'état de nécessité pour justifier la torture;
c) Des cas d'utilisation excessive de la force lors de manifestations publiques ou d'éloignement d'étrangers;
d) Le fait que des étrangers, même établis de longue date, ayant gravement porté atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale peuvent être éloignés du territoire alors que la majorité de leurs attaches est en Belgique;
e) Le caractère non suspensif des recours en annulation introduits devant le Conseil d'État par les personnes faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire. Le Comité s'inquiète en outre du retard de l'administration dans la mise en œuvre des directives ministérielles de 2002 conférant un effet suspensif aux recours d'extrême urgence introduits par les demandeurs d'asile déboutés;
f) La possibilité de prolonger la détention des étrangers aussi longtemps que ceux-ci refusent de collaborer à leur rapatriement, la possibilité de mettre en détention, pour des périodes parfois longues, des mineurs non accompagnés, de même que par des informations selon lesquelles des demandeurs d'asile formellement remis en liberté ont été transférés en zone de transit de l'aéroport national sans pouvoir la quitter, et laissés sans assistance;
g) La réforme, le 23 avril 2003, des règles relatives à l'exercice de la compétence universelle par les juridictions belges en matière de violations graves du droit international humanitaire, dans la mesure où, notamment, le Ministre de la justice est autorisé en fait dans certains cas à dessaisir un juge belge des faits portés à sa connaissance;
h) L'insuffisance de la législation en matière de droits des personnes faisant l'objet d'une arrestation judiciaire ou administrative d'accéder à un avocat, d'informer leurs proches de leur détention, d'être clairement informées de leurs droits et de se faire examiner par un médecin de leur choix;
i) L'absence de liste limitative d'infractions disciplinaires dans les prisons, et l'absence de recours effectif mis à disposition du détenu contre la décision disciplinaire prise à son encontre;
j) L'existence de violences entre détenus dans les établissements pénitentiaires;
k) Des informations faisant état de carences dans les prisons du système d'accès aux soins médicaux, y compris psychiatriques et psychologiques, dues notamment à un manque de personnel qualifié et disponible;
l) La possibilité de prendre des mesures d'isolement à l'encontre des mineurs délinquants ayant atteint l'âge de 12 ans, pour une durée allant jusqu'à 17 jours;
m) Le mauvais fonctionnement des commissions administratives, organes de contrôle interne des prisons;
n) L'insuffisance de la formation dont bénéficie le personnel de l'administration pénitentiaire, y compris le personnel médical, en particulier en ce qui concerne l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, due, en particulier, à la faiblesse des moyens financiers dégagés à cet effet;
o) Le fait que seule la jurisprudence
ait élaboré des règles d'exclusion des preuves obtenues par la torture, et
que les juges semblent conserver, en la matière, un certain pouvoir d'appréciation.
7. Le Comité recommande à l'État partie:
a) De veiller à ce que les agents ayant commis des traitements dégradants soient l'objet de sanctions pénales alors même qu'ils auraient agi sur l'ordre d'un supérieur, et de clarifier la notion d'«ordre manifestement illégal»;
b) D'insérer dans le Code pénal une clause interdisant expressément d'invoquer l'état de nécessité pour justifier la violation du droit de ne pas être soumis à la torture;
c) De s'assurer que les directives en matière d'utilisation de la force lors de manifestations publiques et d'éloignement d'étrangers répondent entièrement aux exigences de la Convention, d'en garantir l'application effective, et de procéder à des enquêtes immédiates en cas d'allégation de recours excessif à la force par les agents de la force publique;
d) De conférer un caractère suspensif non seulement aux recours en extrême urgence, mais aussi aux recours en annulation introduits par tout étranger qui, faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, invoque qu'il risque d'être soumis à la torture dans le pays vers lequel il doit être renvoyé;
e) De poser une limite maximale à la détention d'étrangers faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, d'élaborer une législation spécifique relative aux mineurs non accompagnés qui prenne en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, et d'assurer le suivi des demandeurs d'asile remis en liberté;
f) D'assurer le respect du principe de l'indépendance des juridictions belges par rapport au pouvoir exécutif, pour ce qui concerne l'exercice de la compétence universelle en matière de violations graves du droit international humanitaire;
g) De garantir expressément dans la législation nationale le droit de toute personne, qu'elle soit détenue judiciairement ou administrativement, d'accéder à un avocat et à un médecin de son choix dans les premières heures suivant son arrestation, d'être informée de ses droits dans une langue qu'elle comprend et d'informer rapidement ses proches de sa détention;
h) De moderniser de toute urgence son droit pénitentiaire, en particulier en définissant le statut juridique des détenus, en clarifiant le régime disciplinaire en prison, et en garantissant le droit des détenus de porter plainte et de recourir efficacement contre la sanction disciplinaire dont ils font l'objet, devant un organe indépendant et rapidement accessible;
i) De lutter plus efficacement contre les violences entre prisonniers;
j) D'améliorer le système d'accès aux soins de santé dans les prisons, en recrutant davantage de personnel médical qualifié;
k) De s'assurer que la mise en isolement des mineurs délinquants n'est prise qu'à titre tout à fait exceptionnel et pour une période de temps limitée;
l) D'améliorer le système de supervision des établissements pénitentiaires, en assurant rapidement, comme prévu, le remplacement des commissions administratives par des organes plus efficaces, et en envisageant la possibilité pour les organisations non gouvernementales de visiter régulièrement les prisons et de rencontrer les détenus.
m) D'assurer la formation du personnel de l'administration pénitentiaire, y compris le personnel médical, en matière d'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants;
n) D'énoncer clairement dans la législation nationale l'irrecevabilité de plein droit des preuves obtenues sous la torture, lesquelles, dès lors, doivent être soustraites de l'examen du juge lui-même.
8. Le Comité recommande que les présentes conclusions et recommandations, de même que les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l'examen du rapport initial de l'État partie, soient largement diffusés dans le pays dans les langues appropriées.
9. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de la Belgique contienne des informations détaillées sur la mise en œuvre pratique de la Convention et l'ensemble des points soulevés dans les présentes conclusions. En particulier, devront être incluses des informations détaillées, de nature statistique notamment, sur le fonctionnement et l'efficacité du système de supervision des prisons, sur les violences entre prisonniers et sur l'efficacité des mesures prises à cet égard. Le Comité désire recevoir des informations sur le nombre et l'âge des mineurs délinquants concernés par des mesures d'isolement, la longueur moyenne de leur isolement et les raisons de la sanction prise à leur encontre.