Conclusions et recommandations du Comité contre la Torture, Cambodge, U.N. Doc. CAT/C/CR/30/2 (2003).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Trentième session
28 avril-16 mai 2003
1. Le Comité a examiné le rapport initial du Cambodge (CAT/C/21/Add.5) à sa
548e séance, le 29 avril 2003 (CAT/C/SR.548) et a adopté les conclusions et
recommandations provisoires ci-après.
3. Le Comité regrette l'absence d'une
délégation de l'État partie qui aurait pu participer à un dialogue avec lui,
et relève que l'examen du rapport a eu lieu conformément au paragraphe 2 b)
de l'article 66 de son règlement intérieur. Il attend avec intérêt les réponses
écrites aux questions et aux observations faites par les membres du Comité et
engage l'État partie à s'acquitter entièrement à l'avenir des obligations découlant
de l'article 19 de la Convention.
a) La volonté exprimée par l'État partie de continuer à entreprendre les réformes législatives nécessaires pour s'acquitter de ses obligations internationales dans le domaine des droits de l'homme;
b) La coopération de l'État partie avec les organes et les mécanismes de l'ONU dans le domaine des droits de l'homme. À ce sujet, le Comité se félicite de la coopération établie avec la présence sur le terrain du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, et des activités de formation et d'éducation dans le domaine des droits de l'homme menées par des organisations internationales à l'intention des personnels chargés de l'application de la loi, ainsi que du rôle positif joué par les ONG dans ce domaine.
5. Le Comité reconnaît les difficultés rencontrées par le Cambodge pendant sa
transition politique et économique, notamment l'absence d'infrastructure judiciaire
et les restrictions budgétaires.
a) Les allégations nombreuses, concordantes et persistantes faisant état d'actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des membres des forces de l'ordre dans les postes de police et dans les prisons;
b) Les allégations portant sur les expulsions d'étrangers qui semblent avoir eu lieu sans que les garanties prévues à l'article 3 de la Convention aient été prises en considération, en particulier la situation de très nombreux montagnards demandeurs d'asile qui se trouvent dans la zone frontière avec le Viet Nam;
c) Le fait que, même si l'État partie a indiqué qu'il interdisait la torture et retenait la définition de la torture figurant dans la Convention, le droit pénal interne ne reflète pas clairement cette interdiction;
d) L'impunité pour les violations passées et présentes des droits de l'homme dont bénéficient les membres des forces de l'ordre et des forces armées et en particulier le fait que l'État partie n'ouvre pas d'enquête sur les actes de torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et ne réprime pas leurs auteurs;
e) Les allégations faisant état d'une corruption généralisée parmi les fonctionnaires du système de justice pénale;
f) L'absence d'un organe indépendant compétent pour examiner les plaintes contre la police;
g) L'inefficacité de l'administration de la justice pénale, en particulier l'absence d'indépendance et l'inefficacité de la magistrature;
h) L'importance accordée aux aveux dans la procédure pénale et le fait que la police et les autorités judiciaires se fondent sur les aveux pour faire condamner des suspects;
i) La durée excessive injustifiée de la détention avant jugement, au cours de laquelle les détenus sont le plus exposés au risque d'être soumis à la torture et à d'autres mauvais traitements;
j) Le placement en détention au secret pendant au moins 48 heures avant que l'intéressé ne soit déféré devant un juge, période pendant laquelle l'intéressé ne peut pas prendre contact avec un conseil ni avec sa famille. De plus, les modifications apportées récemment à la loi autorisent la police à prolonger cette période;
k) Le fait que les détenus en général ne puissent pas consulter un conseil et un médecin de leur choix;
l) Le surpeuplement et les mauvaises
conditions carcérales, ainsi que les allégations faisant état de cas de mauvais
traitements de prisonniers et les difficultés auxquelles se heurtent les organisations
internationales, les organisations non gouvernementales et les familles quand
elles veulent voir les prisonniers.
a) D'incorporer dans sa législation nationale la définition de la torture figurant à l'article premier de la Convention et d'ériger les actes de torture en infractions spécifiques, passibles de peines appropriées;
b) De prendre des mesures efficaces pour mettre en place un pouvoir judiciaire professionnel et totalement indépendant et veiller à ce qu'il le reste, conformément aux normes internationales et plus particulièrement aux Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, si nécessaire en faisant appel à la coopération internationale;
c) De veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient rapidement menées sur les nombreuses allégations de torture portées à la connaissance des autorités et de faire en sorte que leurs auteurs soient poursuivis et punis, selon qu'il convient;
d) D'établir un organe indépendant compétent pour examiner les plaintes contre la police et les autres services de répression;
e) De prendre toutes les mesures voulues pour garantir que les dispositions de l'article 3 de la Convention soient prises en considération quand il s'agit d'ordonner l'expulsion, le renvoi ou l'extradition d'étrangers;
f) De prendre des mesures pour que les preuves obtenues sous la torture ne soient pas admises par les tribunaux;
g) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l'accès à la justice à tous les habitants du Cambodge, y compris aux pauvres et aux habitants des régions rurales et reculées du pays;
h) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à toute personne privée de liberté le droit à la défense, et donc le droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat, si nécessaire aux frais de l'État;
i) De prendre d'urgence des mesures afin d'améliorer les conditions de détention dans les commissariats de police et dans les établissements pénitentiaires et, de plus, d'intensifier ses efforts pour remédier au surpeuplement carcéral et établir une procédure systématique menée par un organisme indépendant pour surveiller la façon dont les personnes arrêtées, détenues ou incarcérées sont traitées dans la pratique. L'État partie devrait envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention;
j) De renforcer l'éducation aux droits de l'homme et les activités de promotion des droits de l'homme en général et en ce qui concerne particulièrement l'interdiction de la torture, à l'intention des fonctionnaires des services de répression et du personnel médical, et d'introduire des cours sur ces questions dans les programmes d'enseignement officiels;
k) D'adopter des mesures pour réglementer et institutionnaliser le droit des victimes d'actes de torture à une indemnisation équitable et adéquate et pour mettre en place des programmes de réadaptation physique et psychique à leur intention;
l) De veiller à ce que la pratique, signalée, de la traite illicite d'êtres humains soit réprimée;
m) D'indiquer: a) le nombre de personnes détenues dans des prisons et des lieux de détention, ventilé par âge, par sexe, par groupe ethnique, par origine géographique et par type d'infraction; b) le nombre d'affaires où des policiers et autres membres de services de répression ont fait l'objet d'une procédure disciplinaire ou pénale pour actes de torture ou infractions connexes, en précisant la nature des faits et l'aboutissement de l'affaire;
n) De faire diffuser largement les présentes conclusions et recommandations dans tout le Cambodge, dans toutes les principales langues.
8. Le Comité demande à l'État partie de faire parvenir d'ici au 31 août 2003 des réponses aux questions soulevées par ses membres et aux points soulevés dans les présentes conclusions et recommandations provisoires.