CA T/C/KHM/CO/2
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Comité contre la tortureQuarante-cinquième session
1er-19 novembre 2010
Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention
Observations finales du Comité contre la tortureCambodge
1. Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Cambodge (CAT/C/KHM/2) à ses 967e et 968e séances (CAT/C/SR.967 et 968), tenues les 9 et 10 novembre 2010, et a adopté, à ses 979e et 980e séances (CAT/C/SR.979 et 980), les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Cambodge mais regrette que l’important retard avec lequel celui-ci a été présenté l’ait empêché de procéder à une analyse continue de l’application de la Convention par l’État partie.
3. Le Comité note également avec satisfaction que le rapport a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports, c’est- à-dire sous la forme de réponses de l’État partie à une liste de points à traiter (CAT/C/KHM/Q/2) établie à son intention par le Comité. Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté d’établir son rapport conformément à cette nouvelle procédure qui facilite la coopération.
4. Le Comité se félicite en outre du dialogue avec la délégation de l’État partie et des renseignements complémentaires que celle-ci a apportés oralement mais regrette que certaines de ses questions soient restées sans réponse.
B. Aspects positifs
5. Le Comité accueille avec satisfaction la ratification, en mars 2007, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et la visite que le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectuée au Cambodge du 3 au 11 décembre 2009.
6. Le Comité note également avec satisfaction que, depuis l’examen de son rapport initial, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:
a) Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en octobre 2010;
b) Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en décembre 2005, et Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en juillet 2007;
c) Convention des Nations Unies contre la corruption, en septembre 2007;
d) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en juillet 2004;
e) Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en avril 2002.
7. Le Comité note également les efforts entrepris par l’État partie pour modifier sa législation, ses politiques et ses procédures en vue d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier l’adoption des instruments législatifs suivants:
a) La loi anticorruption, en 2010;
b) Le nouveau Code pénal, en 2009;
c) La loi sur l’élimination de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, en 2008;
d) Le nouveau Code de procédure pénale, en 2007;
e) La loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes, qui punit notamment le viol conjugal, en 2005.
8. Le Comité accueille avec satisfaction la création, en coopération avec l’ONU et la communauté internationale, de Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. Il salue le fait que la Chambre préliminaire a rendu son verdict dans la première affaire (no 001) le 26 juillet 2010 et qu’elle a prononcé des condamnations dans la deuxième affaire (no 002), ainsi que le fait que les victimes d’actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent participer aux procès en tant que parties civiles. Le Comité engage vivement l’État partie à poursuivre ses efforts pour traduire en justice d’autres responsables d’atrocités commises sous le régime des Khmers rouges (affaires nos 003 et 004).
9. Le Comité accueille également avec satisfaction la création en 2008 du Bureau pour les réfugiés au sein du Service de l’immigration du Ministère de l’intérieur, dont la mission est de protéger les réfugiés, parmi lesquels peuvent se trouver des victimes d’actes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que l’adoption, le 17 décembre 2009, du sous-décret sur la procédure pour la détermination du statut de réfugié et le droit d’asile au Royaume du Cambodge, qui marque le début de la mise en place d’un cadre juridique.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations Incorporation de la Convention dans le droit interne
10. Le Comité prend note avec satisfaction des garanties énoncées à l’article 31 de la Constitution ainsi que de la décision de juillet 2007 du Conseil constitutionnel (décision no 092/003/2007) qui établit que les instruments internationaux font partie du droit interne et que les tribunaux devraient tenir compte des normes découlant de ces instruments lorsqu’ils interprètent les lois et qu’ils rendent des jugements. Le Comité regrette néanmoins l’absence de renseignements concernant des affaires où la Convention a été appliquée par les tribunaux nationaux et craint que dans la pratique les dispositions des instruments internationaux, dont la Convention, ne soient pas invoquées devant les cours, tribunaux ou autorités administratives de l’État partie ni directement appliquées par eux. À ce sujet, le Comité note avec préoccupation l’absence de recours utiles en cas de violation des droits de l’homme, y compris en cas de torture et de mauvais traitements, ce qui compromet la capacité de l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il a ratifiés, notamment la Convention (art. 2, 4 et 10).
L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour rendre les dispositions de la Convention pleinement applicables dans l’ordre juridique interne. Ces mesures devraient notamment consister à dispenser aux agents de l’État, aux membres des forces de l’ordre et aux autres fonctionnaires concernés, ainsi qu’aux juges, aux procureurs et aux avocats, une formation complète consacrée aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment de la Convention. Le Comité demande également à l’État partie de le tenir informé des progrès réalisés dans ce domaine ainsi que des décisions rendues par les autorités administratives, cours ou tribunaux nationaux qui donnent effet aux droits consacrés par la Convention.
Définition et incrimination de la torture
11. Le Comité prend note de la déclaration de la délégation, qui a indiqué que l’État partie employait le terme générique de «torture» pour désigner tout acte entraînant des dommages corporels et que la «torture» constituait une infraction pénale. Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie selon lesquels le nouveau Code pénal punit le fait de commettre un acte de torture ou d’inciter à commettre un tel acte et le fait, pour un agent public agissant dans l’exercice de ses fonctions, de consentir à ce qu’un tel acte soit commis, mais il est préoccupé par l’absence de définition de la torture dans le Code pénal. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni le texte de la disposition qui prévoit l’incrimination de torture (art. 1er et 4).
L’État partie devrait incorporer dans la Constitution, le Code pénal ou d’autres textes de loi pertinents une définition de la torture reprenant tous les éléments de la définition énoncée dans la Convention. Ce faisant, il montrerait qu’il reconnaît dûment que la torture constitue un crime et une grave violation des droits de l’homme et il combattrait l’impunité. Le Comité estime qu’en qualifiant et en définissant la torture en tant qu’infraction distincte conformément aux articles 1er et 4 de la Convention, les États parties serviront directement l’objectif général de la Convention qui consiste à prévenir la torture, entre autres, en appelant l’attention de chacun −notamment les auteurs, les victimes et le public − sur la gravité particulière du crime de torture et en renforçant l’effet dissuasif qu’a en soi l’interdiction de la torture. Le Comité demande également à l’État partie de lui faire parvenir dans les meilleurs délais le texte du nouveau Code pénal, comme il l’a demandé au cours du dialogue.
Corruption
12. Le Comité est gravement préoccupé par les informations témoignant de l’existence d’une corruption systémique et généralisée. Il estime que l’état de droit est la pierre angulaire de la protection des droits énoncés dans la Convention et, bien qu’il accueille avec satisfaction la nouvelle loi anticorruption et d’autres mesures prises par l’État partie, il prend note avec préoccupation des informations relatives à l’ingérence politique et à la corruption qui touchent les organes judiciaires et le fonctionnement de certains services publics, notamment la police et d’autres services chargés du maintien de l’ordre. À ce sujet, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les policiers sont promus en fonction du nombre d’arrestations effectuées et que des avantages particuliers, comparables à un système de récompenses, sont accordés aux postes de police pour encourager les arrestations, ainsi que par les informations selon lesquelles les policiers reçoivent des compensations financières dans le cadre d’arrangements informels ou de procédures extrajudiciaires. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’unité de lutte contre la corruption créée en application de la nouvelle loi anticorruption n’a encore pris aucune mesure contre les personnes visées par les allégations de corruption et n’est pas encore totalement opérationnelle (art. 2, 10 et 12).
L’État partie devrait de toute urgence prendre des mesures pour éradiquer la corruption dans tout le pays car elle constitue l’un des plus sérieux obstacles à l’instauration de l’état de droit et à l’application de la Convention. Ces mesures devraient notamment consister à assurer l’application effective de la loi anticorruption et à rendre l’unité de lutte contre la corruption rapidement opérationnelle, en veillant à ce qu’elle soit constituée de membres indépendants. L’État partie devrait également consacrer davantage de moyens aux enquêtes sur les affaires de corruption et à la poursuite des responsables. Il devrait mettre en place un programme pour la protection des témoins et des personnes qui dénoncent des abus afin de mieux garantir la confidentialité et protéger les personnes qui signalent des actes de corruption, et faire en sorte que des fonds suffisants soient alloués à ce programme afin d’en assurer l’efficacité. En outre, l’État partie devrait mettre en œuvre des programmes de formation et de renforcement des capacités à l’intention de la police et des autres personnels des forces de l’ordre ainsi que des procureurs et des juges afin de les sensibiliser à l’application stricte de la loi anticorruption et aux codes de déontologie applicables, et mettre en place des mécanismes efficaces pour assurer, en droit et en pratique, la transparence des activités des autorités publiques. Le Comité demande à l’État partie de le tenir informé des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans la lutte contre la corruption. Il lui demande également de lui faire parvenir des informations concernant le nombre de fonctionnaires, y compris parmi les hauts responsables, qui ont été poursuivis et condamnés du chef de corruption.
Indépendance de l’appareil judiciaire
13. Le Comité exprime de nouveau sa vive préoccupation face au manque d’indépendance et d’efficacité de l’appareil judiciaire, notamment du système de justice pénale, qui empêche la pleine réalisation des droits de l’homme, notamment de l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’aucune loi fondamentale visant à réformer le système judiciaire n’a encore été promulguée. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’indépendance du barreau ainsi que par le nombre limité de ses membres et les raisons de cette situation. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas répondu à ses questions concernant les dispositions de la loi anticorruption qui portent sur l’indépendance de l’appareil judiciaire et qu’il n’ait pas donné d’exemples de cas où des personnes ayant exercé des pressions indues sur les autorités judiciaires ou ayant consenti à de telles pressions ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites et ont été condamnées (art. 2).
L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mettre et maintenir en place un pouvoir judiciaire professionnel et totalement indépendant, conformément aux normes internationales, et veiller à ce qu’il ne fasse l’objet d’aucune ingérence politique. À cette fin, il devrait notamment promulguer sans attendre tous les textes de réforme pertinents, en particulier la loi sur l’organisation judiciaire et le fonctionnement des tribunaux, la loi portant réforme du Conseil suprême de la magistrature et la loi sur le statut des juges et des procureurs. L’État partie devrait également faire en sorte que des enquêtes et des poursuites soient ouvertes contre les personnes exerçant des pressions indues sur les autorités judiciaires ou consentant à de telles pressions et que ces personnes soient condamnées; des exemples d’affaires de ce type seraient souhaitables. En outre, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance du barreau et la transparence de son fonctionnement et faire en sorte qu’un nombre suffisant d’avocats y soient admis. Le Comité demande également à l’État partie de donner des renseignements sur les dispositions de la loi anticorruption qui portent sur l’indépendance de l’appareil judiciaire.
Garanties fondamentales
14. Le Comité note avec une vive préoccupation que dans la pratique l’État partie n’accorde pas à tous les détenus, y compris aux mineurs et aux personnes en attente de jugement, toutes les garanties fondamentales dès le début de leur détention, à savoir notamment le droit d’être assistés par un avocat et d’être examinés par un médecin indépendant, de préférence choisi par les détenus eux-mêmes, le droit d’informer un membre de leur famille et d’être informés de leurs droits au moment de l’arrestation, notamment des accusations portées contre eux, ainsi que le droit de comparaître sans délai devant un juge. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait qu’en vertu du Code de procédure pénale, un détenu ne peut consulter un avocat que vingt-quatre heures après son arrestation, et que la décision de faire examiner le détenu par un médecin semble être laissée à la discrétion du policier ou de l’agent pénitentiaire de service. Le Comité est également préoccupé par le très faible nombre d’avocats de la défense dans le pays, y compris les avocats au titre de l’aide juridictionnelle, ce qui a pour effet de priver de nombreux défendeurs de la possibilité d’être assistés par un conseil. Le Comité prend note avec préoccupation des informations indiquant que des personnes privées de liberté sont détenues par la police pendant de longues périodes sans que leur détention ne soit enregistrée, et que dans la pratique un grand nombre de postes de police et de prisons ne respectent pas les règlements relatifs aux procédures d’enregistrement des détenus (art. 2, 11 et 12).
L’État partie devrait prendre sans délai des mesures concrètes pour faire en sorte que tous les détenus bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales dès le début de leur détention. À cette fin, l’État partie devrait modifier le Code de procédure pénale de façon à garantir aux détenus le droit d’être assistés par un avocat dès le début de la privation de liberté puis tout au long de l’enquête, du procès et des procédures d’appel, ainsi que le droit d’être examinés par un médecin indépendant, de préférence choisi par les détenus eux-mêmes, le droit d’informer un membre de leur famille et d’être informés de leurs droits au moment de l’arrestation, notamment des accusations portées contre eux, et le droit de comparaître sans délai devant un juge. L’État partie devrait d’urgence accroître le nombre d’avocats de la défense dans le pays, y compris celui des avocats au titre de l’aide juridictionnelle, et lever les obstacles indus à l’admission au barreau. L’État partie devrait faire en sorte que les personnes privées de liberté soient rapidement enregistrées et que les registres de détention des postes de police et des établissements pénitentiaires soient régulièrement examinés pour vérifier qu’ils sont tenus à jour conformément aux procédures établies par la loi.
Impunité des actes de torture et des mauvais traitements
15. Le Comité demeure gravement préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et concordantes relatives à des actes de torture et à des mauvais traitements infligés à des détenus, en particulier dans les postes de police. Le Comité est également préoccupé par les nombreuses allégations de violences sexuelles infligées à des détenues par des policiers et des agents pénitentiaires. Il note en outre avec préoccupation que de telles allégations donnent rarement lieu à des enquêtes et à des poursuites et qu’un climat d’impunité semble s’être instauré, à en juger par l’absence de véritables mesures disciplinaires et de poursuites pénales contre les agents de l’État accusés d’actes visés par la Convention. Le Comité prend note des informations de l’État partie indiquant que la législation nationale, en particulier le Code de procédure pénale, ne contient aucune disposition qui puisse être invoquée pour justifier ou excuser la torture, quelles que soient les circonstances, mais il est préoccupé par le fait que la législation nationale ne contient aucune disposition interdisant expressément d’invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier la torture (art. 2, 4, 12 et 16).
Le Comité devrait prendre d’urgence des mesures concrètes pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements, y compris les violences sexuelles en détention, dans tout le pays; il devrait notamment annoncer une politique qui soit de nature à produire des résultats tangibles dans l’optique de l’élimination des actes de torture et des mauvais traitements commis par des agents de l’État et assurer la surveillance ou l’enregistrement des interrogatoires effectués par la police.
L’État partie devrait également faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, y compris de violences sexuelles en détention, donnent lieu sans délai à des enquêtes efficaces et impartiales et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité des actes commis, comme l’exige l’article 4 de la Convention. L’État partie devrait adopter une échelle des peines applicables aux actes de torture et aux mauvais traitements commis par des agents de l’État pour faire en sorte que des peines appropriées soient prononcées contre les agents de l’État reconnus coupables de tels actes.
L’État partie devrait faire en sorte que la législation nationale contienne une disposition interdisant expressément d’invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier la torture.
Plaintes et ouverture immédiate d’enquêtes impartiales et efficaces
16. Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la torture et les mauvais traitements sont couramment pratiqués par la police et le personnel pénitentiaire, que ces actes donnent rarement lieu à des enquêtes et que leurs auteurs sont très rarement condamnés. Le Comité note également avec préoccupation qu’il n’existe pas d’organisme civil indépendant de surveillance habilité à recevoir les plaintes relatives à des actes de torture et à des mauvais traitements imputés à des policiers ou à d’autres membres des forces de l’ordre et à ouvrir des enquêtes. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements détaillés, notamment de statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et l’issue de toutes les procédures, tant pénales que disciplinaires, auxquelles elles ont donné lieu. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de mécanismes efficaces pour assurer la protection des victimes et des témoins (art. 1er, 2, 4, 12, 13 et 16).
L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour assurer l’ouverture immédiate d’enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations relatives à des actes de torture et des mauvais traitements infligés à des personnes incarcérées pour exécuter une peine ou détenues, y compris dans les postes de police, et traduire en justice les membres des forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire qui ont commis de tels actes, les ont ordonnés ou y ont consenti. L’État partie devrait mettre en place un mécanisme indépendant chargé de recevoir les plaintes contre des membres des forces de l’ordre, et faire en sorte que les enquêtes sur les plaintes pour torture et mauvais traitements mettant en cause des membres des forces de l’ordre soient menées par un organisme civil indépendant de surveillance. Pour les affaires dans lesquelles il existe une forte présomption que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, la règle devrait être que le suspect soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, afin d’éviter tout risque qu’il fasse obstruction à celle-ci ou qu’il continue de commettre des actes proscrits par la Convention.
L’État partie devrait en outre élaborer un programme pour la protection des victimes et des témoins afin de mieux garantir la confidentialité et protéger les personnes qui signalent des actes de torture ou qui portent plainte pour torture, et faire en sorte que des fonds suffisants soient affectés à ce programme pour en garantir l’efficacité.
Prolongation de la détention avant jugement
17. Le Comité note avec préoccupation que dans le système de justice pénale de l’État partie les personnes en attente de jugement continuent d’être automatiquement placées en détention et il demeure inquiet face à la prolongation injustifiée de la détention avant jugement, pendant laquelle les détenus risquent d’être soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements (art. 2 et 11).
L’État partie devrait adopter des mesures concrètes pour faire en sorte que sa politique en matière de détention avant jugement soit conforme aux normes internationales et qu’il ne soit recouru à cette mesure qu’à titre exceptionnel et pour une durée limitée, conformément aux prescriptions de la Constitution et du Code de procédure pénale. À cette fin, l’État partie devrait reconsidérer la pratique consistant à placer automatiquement en détention les personnes en attente de jugement, et envisager d’appliquer des mesures de substitution, par exemple de laisser les personnes en attente de jugement en liberté sous contrôle jusqu’au procès. Il devrait également élaborer de nouvelles dispositions autorisant l’application de mesures non privatives de liberté et en faire pleinement usage.
Surveillance et inspection des lieux de détention
18. Le Comité prend note avec intérêt des informations données par l’État partie qui indiquent que certains organismes sont habilités à inspecter régulièrement les prisons. Il note également que les organisations non gouvernementales (ONG) «concernées» sont autorisées à se rendre dans les prisons. Le Comité est néanmoins préoccupé par le manque d’informations concernant la surveillance et l’inspection effectives de tous les lieux de détention, y compris des postes de police, des prisons, ainsi que des centres des affaires sociales, des centres de réadaptation pour toxicomanes et d’autres lieux où des personnes peuvent être privées de liberté. À ce sujet, le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence d’informations sur le point de savoir si ces visites sont inopinées ou si elles sont d’une quelconque manière encadrées, ainsi que sur la suite donnée aux résultats de ces visites (art. 2, 11 et 16).
Le Comité invite l’État partie à mettre en place un mécanisme national pour surveiller et inspecter de manière effective tous les lieux de détention, y compris les postes de police, les prisons, les centres des affaires sociales, les centres de réadaptation pour toxicomanes et d’autres lieux où des personnes peuvent être privées de liberté, et d’assurer le suivi nécessaire pour que cette surveillance soit efficace. Ce mécanisme devrait prévoir des visites périodiques et inopinées effectuées par des observateurs nationaux et internationaux indépendants, y compris les ONG «concernées», aux fins de prévenir la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Conditions de détention
19. Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, notamment à travers le programme d’appui à la réforme des prisons, l’adoption d’un sous-décret régissant les rations des détenus et l’aménagement des cellules, l’élaboration, avec des partenaires internationaux, d’un projet de normes minima pour la construction des prisons, et la construction de nouvelles prisons. Toutefois, le Comité note avec préoccupation le grave surpeuplement des lieux où des personnes sont privées de liberté, ce qui met en danger la sécurité des détenus, leur intégrité physique et psychologique et leur santé. Il est également préoccupé par les informations relatives aux mauvaises conditions d’hygiène et au manque de nourriture et de soins de santé. Le Comité note avec préoccupation que la population carcérale augmente régulièrement et qu’il n’y a pas suffisamment de peines de substitution non privatives de liberté. En outre, le Comité est gravement préoccupé par les cas de décès en détention et déplore que l’État partie n’ait pas donné d’informations à ce sujet. Le Comité est aussi gravement préoccupé par les allégations, au sujet desquelles l’État partie n’a pas donné de renseignements, indiquant que les «comités de détenus» se livrent parfois à de graves violences et à des mauvais traitements à l’égard d’autres détenus dans le cadre d’actions disciplinaires et que ces incidents sont souvent passés sous silence ou cautionnés par la Direction générale des prisons. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que des femmes sont parfois détenues avec des hommes et que la surveillance des détenues continue d’être effectuée par des hommes en raison du faible nombre de femmes au sein du personnel pénitentiaire (art. 1er, 2, 4, 11 et 16).
L’État partie devrait redoubler d’efforts en vue de réduire significativement le surpeuplement des lieux où des personnes sont privées de liberté, y compris dans les postes de police et les prisons, et d’améliorer les conditions de détention dans ces lieux, notamment en ce qui concerne l’hygiène et la nourriture. À cette fin, le Comité recommande à l’État partie d’appliquer des mesures de substitution à l’emprisonnement et de garantir l’allocation de ressources budgétaires suffisantes pour développer et rénover l’infrastructure des prisons et des autres lieux de détention. En outre, l’État partie devrait clairement définir et réglementer la fonction et le rôle des «comités de détenus» et faire en sorte que des enquêtes soient menées sur les violences et les mauvais traitements imputés à ces comités et que les auteurs de ces actes soient punis. De plus, les agents de la Direction générale des prisons qui ferment les yeux sur ces actes ou les cautionnent devraient répondre de leur conduite et les suspects devraient être suspendus ou mutés pendant la durée de l’enquête. Le Comité demande également des renseignements à jour sur les circonstances des décès de Kong La, Heng Touch et Mao Sok ainsi que sur les enquêtes et les poursuites auxquelles ces affaires ont donné lieu et les condamnations qui ont été prononcées.
L’État partie devrait également revoir les politiques et procédures en vigueur concernant la garde et le traitement des détenus, notamment dans les postes de police, faire en sorte que les hommes et les femmes soient détenus séparément et que les détenues soient surveillées par des femmes, être attentif aux cas de violences sexuelles en détention et enquêter efficacement sur ces violences, et fournir au Comité des données à ce sujet, ventilées en fonction des indicateurs pertinents. Le Comité recommande également à l’État partie de songer à réunir des données fiables et précises sur la population carcérale, indiquant notamment la durée des peines exécutées, les infractions commises et l’âge des auteurs, afin qu’elles puissent être prises en considération dans les décisions de politique générale en matière de justice pénale.
Centres des affaires sociales
20. Le Comité prend note des informations et des précisions apportées par la délégation au sujet des centres des affaires sociales, notamment concernant le fait que l’État partie est convenu avec l’UNICEF et le bureau du HCDH au Cambodge de procéder à une évaluation des politiques, procédures et pratiques en vigueur dans les centres des affaires sociales et les centres de réadaptation pour mineurs en ce qui concerne l’envoi, le placement, la gestion, la réadaptation et la réinsertion des enfants, des femmes et des personnes vulnérables. Toutefois, le Comité est gravement préoccupé par les informations persistantes indiquant que des rafles sont effectuées dans les rues par les forces de l’ordre et que les personnes ainsi appréhendées − travailleurs du sexe, victimes de la traite, toxicomanes, vagabonds, mendiants, enfants des rues et malades mentaux − sont ensuite placées dans des centres des affaires sociales, contre leur gré, sans aucun motif légal et sans mandat judiciaire. Le Comité est en outre vivement préoccupé par les allégations au sujet de cas répétés de détention arbitraire et de violences, y compris d’actes de torture, de viols, de passages à tabac, ainsi que de suicide et même d’assassinat de détenus imputés à des gardiens, au centre de Prey Speu entre fin 2006 et 2008. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations concernant une quelconque initiative, de la part de l’État partie, tendant à ouvrir une enquête approfondie sur ces allégations (art. 2, 11 et 16).
Le Comité invite instamment l’État partie à mettre définitivement un terme à toute forme de détention arbitraire et illégale, en particulier dans les centres des affaires sociales, y compris celui de Prey Speu. L’État partie devrait faire en sorte que tous les services gouvernementaux concernés respectent le droit de chacun de ne pas être arbitrairement détenu en raison de sa situation sociale, sans aucun motif légal et sans mandat judiciaire. L’État partie devrait également faire en sorte que des enquêtes sur les agents, les gardiens et les autres fonctionnaires impliqués dans des cas de détention arbitraire et de violences soient immédiatement ouvertes, que les suspects soient poursuivis et qu’une réparation soit accordée aux victimes.
L’État partie devrait d’urgence ouvrir une enquête indépendante sur les allégations relatives aux graves violations des droits de l’homme, y compris des actes de torture, qui auraient été commises à Prey Speu entre fin 2006 et 2008. De plus, le Comité encourage l’État partie à mettre en place, en coopération avec les partenaires concernés, des solutions durables et humaines en faveur des populations défavorisées et vulnérables, notamment des personnes qui vivent et travaillent dans la rue, et à leur assurer le type d’assistance dont elles ont besoin.
Violences sexuelles, y compris le viol
21. Le Comité note avec une vive préoccupation que, d’après le plan stratégique quinquennal de l’État partie pour 2009-2013 appelé Neary Rattanak III, la violence à l’égard des femmes est encore très répandue au Cambodge, et il semblerait que l’incidence de certaines formes de violence contre les femmes, en particulier le viol, augmente. Le Comité est également préoccupé par les informations provenant de sources non gouvernementales qui indiquent que de plus en plus de viols sont signalés, notamment des viols de très jeunes filles et des viols collectifs, que les violences et atteintes sexuelles touchent surtout les pauvres, que les femmes et les enfants qui en sont victimes ont difficilement accès à la justice et que les services médicaux et l’aide psychosociale nécessaires font cruellement défaut (art. 1er, 2, 4, 11, 13 et 16).
L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour prévenir et combattre les violences et les atteintes sexuelles contre les femmes et les enfants, y compris le viol. À cette fin, il devrait mettre en place un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violences sexuelles et d’ouvrir des enquêtes, et soutenir son action; il devrait également assurer aux victimes une protection médicale et psychologique ainsi que l’accès à des moyens de réparation, y compris à une indemnisation et à des mesures de réadaptation, selon que de besoin. Le Comité demande à l’État partie de fournir des statistiques sur le nombre de plaintes pour viol enregistrées ainsi que des renseignements sur les enquêtes et les poursuites auxquelles elles ont donné lieu et les condamnations prononcées.
Traite des être humains
22. Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation au sujet des mesures prises pour rapatrier et protéger les personnes victimes de la traite, l’adoption en 2008 de la loi sur la lutte contre la traite, le deuxième Plan national de lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle (2006-2010), les activités du Département de la lutte contre la traite des êtres humains et de la protection de la jeunesse du Ministère de l’intérieur ainsi que les autres mesures législatives, administratives et de police visant à combattre la traite. Toutefois le Comité prend note avec une vive préoccupation des informations selon lesquelles un nombre élevé de femmes et d’enfants continuent d’être victimes de la traite interne à l’État partie, en provenance de l’État partie ou en transit sur son territoire, à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Le Comité est également préoccupé par l’absence de statistiques, notamment sur le nombre de plaintes pour traite, le nombre d’enquêtes et de poursuites auxquelles elles ont donné lieu et le nombre de condamnations prononcées, et par l’absence d’informations sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre ce phénomène, notamment sur le plan médical et social et dans le domaine de la réadaptation (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).
L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, notamment en appliquant la loi sur la lutte contre la traite, en offrant une protection aux victimes et en leur assurant l’accès à des mesures de réadaptation et à des services médicaux, sociaux et juridiques, y compris des services de conseil, selon que de besoin. L’État partie devrait en outre créer des conditions propices à l’exercice par les victimes de leur droit de déposer plainte, mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite et faire en sorte que les personnes reconnues coupables soient condamnées à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.
Détention d’enfants
23. Le Comité salue les efforts de l’État partie pour réformer son système de justice pour mineurs, notamment le projet de loi sur la justice des mineurs et la création, en 2006, d’un groupe de travail interministériel sur la justice des mineurs. Le Comité est néanmoins préoccupé par les informations indiquant qu’un nombre élevé d’enfants se trouvent en détention et par l’absence de mesures de substitution à l’emprisonnement. Le Comité est également préoccupé par le fait que les enfants ne sont pas toujours séparés des adultes dans les lieux de détention (art. 2, 11 et 16).
L’État partie devrait d’urgence mettre en place un système distinct de justice pour mineurs, adapté à leur statut et à leurs besoins particuliers. À cette fin, l’État partie devrait sans attendre adopter le projet de loi sur la justice des mineurs et s’assurer de sa conformité aux normes internationales, et élaborer des orientations et des lignes directrices à l’intention des juges, des procureurs et de la police judiciaire pour les sensibiliser à la notion de justice adaptée aux besoins de l’enfant. L’État partie devrait en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour concevoir et mettre en place un système complet de mesures de substitution afin de garantir que la privation de liberté ne soit utilisée dans le cas des mineurs qu’en dernier ressort, que sa durée soit la plus brève possible et qu’elle soit appliquée dans des conditions appropriées. En outre, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les moins de 18 ans ne soient pas détenus avec les adultes.
Réfugiés, non-refoulement
24. Le Comité accueille avec satisfaction l’adhésion de l’État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés mais est préoccupé par l’absence d’informations concernant les textes de loi garantissant les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris des enfants non accompagnés ayant besoin d’une protection internationale. Il est également préoccupé par l’absence de dispositions interdisant expressément l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de penser qu’elle risque d’être soumise à la torture. Le Comité est également préoccupé par le fait que de nombreuses personnes n’ont pas bénéficié de toute la protection prévue à l’article 3 de la Convention en cas d’expulsion, de refoulement ou de renvoi. Cela a notamment été le cas de 674 demandeurs d’asile montagnards, qui ne sont plus sur le territoire de l’État partie, et de 20 demandeurs d’asile ouïgours qui ont été renvoyés en Chine en décembre 2009; aucun renseignement n’a en outre été donné concernant les mesures prises par l’État partie pour s’assurer de ce qu’il est advenu de ces personnes (art. 3, 12 et 13).
L’État partie devrait élaborer et adopter des textes de loi pour garantir les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris des enfants non accompagnés ayant besoin d’une protection internationale. Il devrait également élaborer et adopter des dispositions pour donner effet à l’article 3 de la Convention dans son droit interne. En aucune circonstance l’État partie ne devrait expulser, refouler ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Le Comité demande à l’État partie de faire le nécessaire pour s’assurer de ce qu’il est advenu des 674 demandeurs d’asile montagnards et des 20 demandeurs d’asile ouïgours et de l’en tenir informé.
Formation
25. Le Comité prend note des informations données dans le rapport de l’État partie sur les programmes de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme destinés aux personnels des forces de l’ordre, notamment la police et la police judiciaire, aux juges et aux procureurs. Le Comité regrette toutefois l’absence d’informations concernant une formation pratique destinée à ces catégories de personnel ainsi qu’aux agents pénitentiaires, qui serait axée sur les obligations découlant de la Convention, notamment sur l’interdiction de la torture, la prévention de la torture ou l’ouverture d’enquêtes sur les allégations de torture, y compris de violence sexuelle. Le Comité regrette également l’absence de renseignements sur la formation des policiers et des autres agents de l’État concernés à l’interrogatoire de témoins, à la protection de témoins, aux techniques médico-légales et à la collecte de preuves. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence de renseignements concernant l’existence d’une formation ciblée destinée à tous les personnels concernés, y compris les médecins légistes et le personnel médical qui s’occupe de détenus, en particulier une formation aux méthodes servant à déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture ainsi qu’aux suites médicales et judiciaires à donner en pareil cas. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’aucune information n’a été donnée concernant le point de savoir si ces formations incluaient l’enseignement des codes de déontologie et si ces codes prévoyaient l’interdiction de la torture, etc. (art. 10).
L’État partie devrait continuer à élaborer des programmes éducatifs et à les étoffer, notamment en coopération avec des ONG, pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, y compris les membres des forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire, soient pleinement au fait des dispositions de la Convention, qu’ils sachent que les violations signalées, y compris les cas de violence sexuelle, ne seront pas tolérées et feront l’objet d’enquêtes et que les auteurs seront poursuivis. En outre, la police et les autres agents de l’État concernés devraient recevoir une formation à l’interrogatoire de témoins, à la protection de témoins, aux techniques médico-légales et à la collecte de preuves et tout le personnel concerné devrait recevoir une formation spécifique aux techniques permettant de déceler les signes de torture et de mauvais traitements, en particulier les agents chargés d’enquêter sur les cas de torture et de mauvais traitements et d’établir la réalité de tels actes. Cette formation devrait notamment inclure l’utilisation du manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). En outre, l’État partie devrait faire en sorte que l’enseignement des codes de déontologie pertinents et de l’importance de les respecter fasse partie intégrante de la formation dispensée. L’État partie devrait également évaluer l’efficacité et l’incidence de ses programmes de formation et d’éducation.
Réparation (indemnisation et réadaptation)
26. Le Comité note que l’article 39 de la Constitution établit le droit de demander réparation pour les préjudices causés par les organismes de l’État, les organismes sociaux, et leur personnel, mais il est préoccupé par l’absence d’informations, y compris de données chiffrées, concernant l’indemnisation équitable et suffisante de victimes d’actes de torture. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations concernant d’éventuels services de traitement et de réadaptation sociale, notamment médicale et psychosociale, en faveur de toutes les victimes d’actes de torture (art. 14).
Le Comité souligne qu’il incombe à l’État de faire en sorte que les victimes d’actes de torture et leur famille obtiennent réparation. À cette fin, l’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer à ces victimes une réparation sous la forme d’une indemnisation équitable et suffisante et d’une réadaptation la plus complète possible. L’État partie devrait en outre intensifier ses efforts pour améliorer l’accès des victimes d’actes de torture aux services de soins médicaux et d’assistance psychologique, en particulier pendant et après leur détention, et faire en sorte que ces personnes bénéficient rapidement de mesures de réadaptation effectives; sensibiliser les professionnels de la santé et des services sociaux aux conséquences de la torture et à la nécessité de pourvoir à la réadaptation des victimes d’actes de torture afin de systématiser l’aiguillage de ces personnes depuis les services de soins de santé primaires vers des services spécialisés; et renforcer les capacités des établissements de santé du pays afin qu’ils puissent offrir aux victimes d’actes de torture et à leur famille des services spécialisés de réadaptation, conformément aux normes internationales recommandées, en particulier dans le domaine de la santé mentale.
27. Le Comité note avec préoccupation que le règlement intérieur des Chambres extraordinaires créées au sein des tribunaux cambodgiens permet uniquement de demander une réparation collective et morale, ce qui exclut toute indemnisation individuelle. Le Comité note qu’il existe une section de soutien aux victimes, mais il est préoccupé par le fait que l’aide à la réadaptation et l’assistance psychosociale aux personnes qui viennent témoigner devant les Chambres extraordinaires est en grande partie assurée par des ONG, le soutien de l’État dans ce domaine étant très limité, et il regrette que très peu d’informations aient été données au sujet des services de traitement et de réadaptation, y compris médicale et psychosociale, offerts aux personnes qui ont été soumises à la torture sous le régime des Khmers rouges (art. 14).
L’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer une réparation aux personnes qui ont été soumises à la torture sous le régime des Khmers rouges, sous la forme d’une indemnisation équitable et suffisante et d’une réadaptation aussi complète que possible. À cette fin, les Chambres extraordinaires devraient modifier leur règlement intérieur afin de permettre aux victimes d’obtenir réparation conformément à l’article 14 de la Convention, notamment, le cas échéant, sous la forme d’une indemnisation individuelle. En outre, l’État partie devrait donner des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les Chambres extraordinaires dont ont bénéficié les victimes d’actes de torture et leur famille. Ces informations devraient inclure le nombre de demandes d’indemnisation présentées, le nombre de celles auxquelles il a été fait droit et les montants ordonnés et effectivement versés dans chaque cas.
Aveux obtenus par la contrainte
28. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les aveux obtenus par la contrainte seraient couramment admis comme éléments de preuve devant les tribunaux de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations concernant des cas où des agents de l’État ont été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux (art. 1er, 2, 4, 10 et 15).
L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir dans toutes les procédures judiciaires l’irrecevabilité des aveux obtenus par la torture, conformément aux dispositions de l’article 15 de la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’interdire catégoriquement la prise en considération de preuves obtenues par la torture dans toutes les procédures ainsi que de lui faire savoir si des fonctionnaires ont déjà été poursuivis et condamnés pour avoir extorqué des aveux et de lui donner des exemples d’affaires auxquelles il n’a pas été donné suite au motif que des aveux avaient été obtenus par la torture. En outre, l’État partie devrait veiller à ce qu’une formation soit dispensée aux membres des forces de l’ordre, aux juges et aux avocats pour leur apprendre à reconnaître les cas où des aveux ont été forcés et à procéder à des investigations.
Institution nationale des droits de l’homme
29. Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas dans l’État partie d’institution nationale des droits de l’homme indépendante telle que la définissent les Principes de Paris (résolution 48/134 du 20 décembre 1993 de l’Assemblée générale) (art. 2).
L’État partie devrait intensifier ses efforts en vue de créer dans les meilleurs délais une institution nationale des droits de l’homme indépendante qui soit conforme aux Principes de Paris. Le Comité demande à l’État partie de faire en sorte que la future institution nationale des droits de l’homme soit dotée des pouvoirs nécessaires pour protéger et promouvoir les droits de l’homme garantis par les dispositions de la Convention, et que des ressources financières suffisantes lui soient allouées pour lui permettre d’agir de manière indépendante. À cet égard, l’État partie voudra peut-être solliciter une assistance technique auprès du bureau du HCDH au Cambodge.
Mécanisme national de prévention
30. Le Comité prend acte de la création, en vertu du sous-décret d’août 2009, d’un comité intergouvernemental provisoire en attendant la mise en place d’un mécanisme national de prévention. Il note toutefois avec préoccupation que le comité intergouvernemental, composé de hauts fonctionnaires et présidé par le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’intérieur, ne satisfait pas aux exigences du Protocole facultatif, s’agissant en particulier de son indépendance et de la non-participation de la société civile. Le Comité est également préoccupé par les informations fournies par la délégation, qui a indiqué que le mandat actuel du mécanisme national de prévention ne prévoyait pas la réalisation de visites inopinées (art. 2).
L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que le mécanisme national de prévention qui sera mis en place soit conforme au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. À cette fin, l’État partie devrait faire en sorte que le mécanisme national de prévention soit créé en vertu d’un amendement à la Constitution ou d’une loi organique et qu’il soit institutionnellement et financièrement indépendant et constitué de professionnels. L’État partie devrait également faire en sorte que la loi portant création du mécanisme national de prévention habilite ce dernier à effectuer des visites inopinées dans tous les lieux où des personnes sont ou pourraient être privées de liberté et à s’entretenir en privé avec ces personnes, et qu’elle définisse une procédure de sélection transparente en vue de la nomination des membres indépendants devant constituer le mécanisme.
Le Comité encourage l’État partie à songer à publier le rapport que le Sous- Comité pour la prévention de la torture a établi à la suite de sa visite dans le pays en décembre 2009.
Coopération avec la société civile
31. Le Comité prend note de l’importance accordée par l’État partie à la collaboration avec les ONG, mais il est préoccupé par l’absence d’informations sur le point de savoir si le projet de loi sur les ONG pourrait d’une quelconque façon entraver les activités des groupes de la société civile qui surveillent la situation des droits de l’homme et, partant, leur capacité à fonctionner efficacement, notamment les ONG qui œuvrent pour prévenir et combattre la torture et les mauvais traitements (art. 2, 11, 12 et 13).
L’État partie devrait faire en sorte que les organisations de la société civile, y compris les ONG, ne soient soumises à aucune restriction dans leur création et leurs activités, et qu’elles puissent fonctionner sans ingérence de la part du Gouvernement. Le Comité engage en particulier l’État partie à créer des conditions favorables à la création d’ONG et à leur participation active à la promotion de l’application de la Convention.
Collecte de données
32. Le Comité regrette que, bien qu’il ait demandé des statistiques spécifiques dans la liste des points à traiter établie avant la présentation du rapport et pendant le dialogue avec l’État partie, ces données ne lui aient pas été fournies. L’absence de données détaillées ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements mettant en cause des agents de la force publique et des agents pénitentiaires, ainsi que dans les affaires de traite, de violence au foyer et de violence sexuelle entrave considérablement les efforts déployés pour mettre en lumière de nombreuses violations qui doivent être combattues (art. 2, 12, 13 et 19).
L’État partie devrait recueillir des données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, ventilées par sexe, âge et nationalité, ainsi que des informations sur les plaintes pour torture et mauvais traitements, traite, violence au foyer et violence sexuelle, sur les enquêtes et les poursuites auxquelles elles ont donné lieu et sur les condamnations prononcées. L’État partie devrait communiquer sans délai au Comité les informations détaillées susmentionnées, notamment le nombre de plaintes pour torture, coups et blessures et autres mauvais traitements qui ont été enregistrées depuis 2003, date de l’examen du précédent rapport de l’État partie, ainsi que le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations auxquelles elles ont donné lieu.
33. Le Comité recommande à l’État partie de songer à faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.
34. Le Comité invite l’État partie à songer à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
35. L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.
36. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12, 14, 16, 26 et 27.
37. Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives concernant l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base mis à jour conformément aux instructions relatives au document de base commun contenues dans les Directives harmonisées concernant l’établissement des rapports à présenter au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) adoptées à la réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages prévue pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun sont les deux documents que l’État partie doit présenter pour s’acquitter de son obligation de faire rapport au titre de la Convention.
38. L’État partie est invité à soumettre son troisième rapport périodique d’ici au 19 novembre 2014.