Observations finales du Comité contre la Torture, Canada, U.N. Doc. A/56/44, paras. 54-59 (2000).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-cinquième session
13-24 novembre 2000
54. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Canada (CAT/C/34/Add.13)
à ses 446e, 449e et 453e séances, les 17, 20 et 22 novembre 2000 (CAT/C/SR.446,
449 et 453) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.
56. Le Comité est également satisfait que l'État partie ait donné l'assurance qu'il accorderait tout le sérieux voulu aux demandes faites par le Comité concernant l'adoption de mesures provisoires dans des cas individuels, conformément à l'article 22. Le Comité rappelle que l'État partie lui a demandé de revoir ses méthodes de travail pour éviter toute prorogation des délais pour l'examen des plaintes individuelles. Le Comité souligne une fois de plus que les délais prévus par son règlement intérieur sont établis pour permettre aux États parties de soumettre des réponses complètes aux allégations les mettant en cause et au Comité de procéder à un examen approfondi.
a) La protection juridique contre la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants très étendue qui est assurée dans l'État partie et les efforts déployés par les autorités pour garantir la transparence de ses institutions et de ses pratiques;
b) L'entrée en vigueur d'un nouveau texte législatif, à savoir la loi relative aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre, qui permet de surmonter un grand nombre des obstacles à l'engagement de poursuites à l'encontre des personnes accusées de tels crimes, qui se sont présentés dans l'affaire Finta R. c. Finta [1994] 1 S.C.R. 701., et la ratification du statut de la Cour pénale internationale;
c) L'examen systématique, depuis décembre 1999, de toutes les allégations mettant en cause des personnes impliquées dans un génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité;
d) Le dépôt d'un projet de loi en vertu duquel les critères régissant l'octroi d'une protection au titre du statut de réfugié comprendront les motifs énoncés dans la Convention;
e) La nomination d'un enquêteur pénitentiaire, indépendant du service pénitentiaire, agissant en qualité d'ombudsman chargé d'enquêter sur les problèmes des détenus des établissements pénitentiaires fédéraux, et la création d'une division des droits de l'homme au sein du service pénitentiaire canadien pour collaborer à l'analyse et à l'évaluation des politiques et des pratiques et renforcer une culture des droits de l'homme;
f) L'établissement d'une stratégie nationale sur les mesures correctives et autres concernant les autochtones prises pour remédier aux désavantages sociaux et économiques historiques de la population autochtone;
g) La politique de l'État partie tendant à solliciter l'avis d'organisations non gouvernementales pour établir ses rapports au Comité et le fait qu'il a donné l'assurance que «les critiques et les préoccupations» manifestées par ces organisations seront expressément prises en compte par l'État partie dans son prochain rapport;
h) L'accroissement de la contribution de l'État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et la poursuite de l'aide aux centres nationaux de réadaptation pour les victimes de la torture.
a) Les allégations faisant état d'actes contraires à la Convention, y compris l'utilisation abusive d'aérosols au gaz poivré et de la force par la police pour disperser les manifestations et rétablir l'ordre, notamment lors des manifestations qui ont eu lieu en 1997, en marge du sommet de coopération économique Asie-Pacifique;
b) Les allégations selon lesquelles des femmes détenues ont été traitées durement et abusivement par les autorités de l'État partie et le fait que de nombreuses recommandations du rapport Arbour Commission d'enquête sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston, le commissaire, Louise Arbour, Canada, 1996. ne sont pas encore appliquées;
c) Les allégations concernant le recours à une force excessive et l'administration de substances sédatives pour expulser les déboutés du droit d'asile;
d) Le nombre disproportionné de détenus autochtones par rapport à l'ensemble du système de justice pénale de l'État partie;
e) Le fait que l'État partie, dans les moyens avancés devant les tribunaux, dans ses politiques et ses pratiques, considère que toute personne réputée être un criminel endurci ou dangereuse pour la sécurité peut être renvoyée dans un autre État même s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture, ce qui va à l'encontre du caractère absolu des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention;
f) Le fait que l'évaluation du risque pour la société soit entreprise sans entretien ni transparence avant la procédure de détermination du statut de réfugié et que si une personne est réputée faire peser une menace pour la sécurité, elle ne peut prétendre à ce que son cas soit examiné en profondeur dans le cadre de la procédure normale de détermination du statut de réfugié. En outre, le Comité note qu'actuellement l'appréciation du risque pour la sécurité et de l'existence de motifs d'ordre humanitaire relève du même organisme gouvernemental; il se déclare aussi préoccupé par l'absence présumée d'indépendance des décideurs, ainsi que par la possibilité d'expulser une personne même lorsqu'une demande de révision de son cas pour des motifs d'ordre humanitaire est en cours d'examen, ce qui peut constituer des obstacles à exercer des recours visant à protéger les droits énoncés au paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention;
g) Le fait que des mesures adéquates n'aient pas été prises en ce qui concerne les violations des normes de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l'article 7;
h) Nonobstant la nouvelle loi relative
aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité et les assurances données
par l'État partie, la possibilité qu'une personne accusée de torture puisse
encore invoquer un certain nombre de moyens de défense qui lui permettraient
de bénéficier de l'immunité et d'échapper à toute responsabilité pénale, notamment
qu'elle fait l'objet de poursuites à l'étranger, que l'infraction a été commise
en application de la loi en vigueur à l'époque, ou qu'elle a obéi à des motivations
autres qu'une intention inhumaine.
a) De respecter pleinement les dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention interdisant de renvoyer une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture, que la personne mise en cause soit ou non un criminel dangereux ou fasse ou non peser un risque sur la sécurité;
b) De renforcer l'utilité des recours pour protéger les droits prévus par le paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention. Prenant note des assurances selon lesquelles le nouveau projet de loi sur l'immigration et les réfugiés prévoit une évaluation des risques avant toute expulsion «dont peuvent bénéficier toutes les personnes faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion», le Comité encourage l'État partie à veiller à ce que le nouveau projet de loi permette un examen approfondi par un organe indépendant, des recours, y compris ceux qui émanent de personnes déjà considérées comme une menace pour la sécurité. Le Comité demande instamment à l'État partie de veiller à ce que les obstacles à la pleine application de l'article 3 soient levés, afin que la possibilité soit donnée à toute personne mise en cause de faire valoir ses arguments avant qu'une décision concernant le risque qu'elle ferait peser sur la sécurité ne soit prise, et que des évaluations fondées sur des motifs d'ordre humanitaire soient faites sans exiger le paiement de droits par la personne qui demande une protection;
c) D'engager des poursuites à l'encontre de tout individu accusé d'avoir commis des actes de torture dans un territoire placé sous sa juridiction lorsqu'il n'extrade pas cet individu et lorsque des éléments de preuve les justifient, et avant toute expulsion;
d) De supprimer dans la législation en vigueur les moyens de défense permettant à une personne accusée d'actes de torture de bénéficier d'une immunité;
e) D'envisager la création d'un nouvel organe d'enquête chargé de recevoir et d'examiner les plaintes concernant la Convention, telles que celles qui portent sur les sujets de préoccupation cités ci-dessus, y compris les allégations relatives à des autochtones;
f) De poursuivre et d'améliorer les cours de formation destinés au personnel militaire concernant les normes prescrites par la Convention et les questions portant sur les droits de l'homme, y compris celles qui concernent un traitement discriminatoire;
g) De soumettre son quatrième rapport périodique, qui devait être présenté en juillet 2000, dans les meilleurs délais possibles.