EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
Chili
3. Le Comité accueille avec satisfaction le complément d'information apporté par l'État partie et les longues réponses riches de renseignements données par écrit et oralement aux questions adressées par le Comité avant la session et pendant l'examen du rapport. Le Comité se félicite également de la présence d'une délégation nombreuse et très compétente de l'État partie qui a permis un examen exhaustif et approfondi de la façon dont l'État partie s'acquitte de ses obligations en vertu de la Convention.
a) La qualification du délit de torture dans la législation pénale;
b) La réforme en profondeur du Code de procédure pénale, en particulier les modifications visant à améliorer la protection des personnes privées de liberté;
c) La création du service de défense publique au pénal et du ministère public;
d) L'abrogation des dispositions relatives à «l'arrestation sur simple soupçon»;
e) La réduction de la durée de la garde à vue qui désormais ne doit pas dépasser 24 heures;
f) L'information donnée par la délégation de l'État partie qui a indiqué que la Convention était directement applicable par les tribunaux;
g) La création de la Commission nationale sur l'emprisonnement politique et la torture chargée d'identifier les personnes qui ont été privées de liberté et torturées pour des raisons politiques pendant la dictature militaire, et l'assurance donnée par la délégation de l'État partie que le mandat de cet organe sera prolongé de façon à lui permettre d'achever son travail;
h) L'assurance que des mécanismes ont été créés afin de garantir qu'aucun témoignage obtenu sous la torture ne sera accueilli par les tribunaux donnée par la délégation de l'État partie, qui a également reconnu le grave problème constitué par les aveux obtenus par la contrainte de femmes qui vont à l'hôpital public pour se faire soigner d'urgence après un avortement clandestin;
i) La confirmation que les organisations non gouvernementales sont autorisées à visiter périodiquement les centres de détention;
j) Le fait que l'État partie a déclaré reconnaître la compétence du Comité en vertu des articles 21 et 22 de la Convention permettant ainsi à d'autres États parties (art. 21) et à des particuliers (art. 22) de soumettre au Comité des plaintes le concernant;
k) L'information donnée par la délégation de l'État partie qui a signalé que le processus de ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture avait été engagé.
a) Les plaintes faisant état de la persistance des mauvais traitements, dans certains cas équivalant même à des actes de torture, commis par les carabiniers, les membres de la police de la sûreté et les membres de l'administration pénitentiaire, et le fait que ces plaintes ne fassent pas l'objet d'une enquête approfondie et impartiale;
b) Le maintien en vigueur de certaines dispositions constitutionnelles qui entravent le plein exercice des droits fondamentaux, ainsi que du décret-loi d'amnistie qui empêche de juger les responsables de violations des droits de l'homme commises entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978, qui consacre l'impunité des responsables de tortures, de disparitions et d'autres violations graves des droits de l'homme commises pendant la dictature militaire et entérine l'absence de réparation pour les victimes de torture;
c) La définition de la torture figurant dans le Code pénal n'est pas parfaitement conforme à l'article premier de la Convention et ne précise pas suffisamment deux éléments de l'article premier, le but des actes de la torture et l'assentiment des agents de l'État;
d) Le fait que le corps des carabiniers et la police de la sûreté continuent de relever du Ministère de la défense ce qui a pour résultat, entre autres choses, que la juridiction militaire a toujours une compétence excessivement étendue;
e) Les renseignements selon lesquels certains fonctionnaires impliqués dans des actes de torture pendant la dictature ont été nommés à de hautes fonctions officielles;
f) L'absence, dans l'ordre juridique interne, de dispositions qui interdisent expressément d'expulser, de refouler et d'extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ainsi que l'absence de dispositions régissant l'application des articles 5, 6, 7 et 8 de la Convention;
g) Les attributions limitées de la Commission nationale sur l'emprisonnement politique et la torture, dont la mission est de rechercher les personnes qui ont été victimes de tortures sous le régime militaire et de définir les conditions à remplir pour obtenir réparation. En particulier, le Comité relève avec préoccupation:
ii) Que les types d'actes considérés comme des actes de torture par la Commission ne sont pas clairement déterminés;
iii) Que, d'après des renseignements reçus, les plaintes qui ne sont pas déposées en personne ne sont pas admises, même quand l'intéressé est dans l'incapacité de se déplacer pour raison de maladie;
iv) Qu'il est impossible pour les personnes qui ont obtenu une réparation en tant que victimes d'autres violations des droits de l'homme (par exemple, disparitions forcées ou exil) de s'inscrire sur ce registre;
v) Qu'une indemnisation «modérée et symbolique» n'est pas équivalente à la réparation «équitable et adéquate» garantie à l'article 14 de la Convention;
vi) Que la Commission n'a pas le pouvoir d'enquêter sur les plaintes pour torture afin d'identifier les responsables en vue de les traduire en justice;
i) Le maintien aux articles 334 et 335 du Code de justice militaire de la règle du devoir d'obéissance, malgré les dispositions qui consacrent le droit du subordonné de soulever une objection quand un ordre implique la perpétration d'un acte prohibé;
j) Le fait que, d'après les informations reçues, les femmes dont la vie est mise en danger par les complications d'un avortement clandestin ne peuvent recevoir les soins requis par leur état qu'à condition de révéler le nom de la personne qui a pratiqué l'avortement. Ces aveux seraient utilisés ensuite à charge contre elles-mêmes et des tiers, en infraction aux dispositions de la Convention;
k) Le report de l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale dans la région métropolitaine jusqu'à la fin de 2005;
l) Le faible nombre de cas de disparitions élucidés avec les renseignements donnés par l'armée malgré les efforts du Gouvernement qui a créé la «table de dialogue»;
m) L'absence de données ventilées concernant les plaintes déposées et l'issue des enquêtes et des actions en justice dans le contexte des dispositions de la Convention;
n) L'insuffisance des renseignements sur l'application de la Convention dans le cadre des activités des forces armées.
a) D'adopter une définition de la torture conforme à l'article premier de la Convention, en veillant à ce que toutes les formes de torture soient comprises;
b) De réviser la Constitution de façon à garantir la protection pleine et entière des droits de l'homme, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément à la Convention et, à cette fin, d'abroger le décret-loi d'amnistie;
c) De transférer au Ministère de l'intérieur le pouvoir de contrôle du corps des carabiniers et de la police de la sûreté actuellement conféré au Ministère de la défense et de veiller à ce que la compétence des tribunaux militaires soit limitée aux infractions de caractère militaire;
d) De supprimer dans le Code de justice militaire la règle du devoir d'obéissance qui peut aboutir à une défense justifiée par les ordres donnés par des supérieurs, afin de rendre ces dispositions conformes au paragraphe 3 de l'article 2 de la Convention;
e) D'adopter toutes les mesures nécessaires afin de garantir que toutes les plaintes pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent immédiatement l'objet d'une enquête approfondie et impartiale et que les auteurs soient poursuivis et punis, que les victimes soient indemnisées équitablement et de manière adéquate, conformément aux dispositions de la Convention;
f) D'envisager la possibilité de supprimer la prescription pour les faits de torture ou d'étendre le délai de prescription actuellement de 10 ans, compte tenu de la gravité du délit;
g) D'adopter des dispositions visant à interdire l'extradition, le refoulement ou l'expulsion d'une personne vers un État où elle risque d'être soumise à la torture;
h) D'adopter des mesures législatives afin d'établir clairement la place de la Convention dans l'ordre juridique interne et de garantir ainsi l'application de ses dispositions, ou d'adopter un texte législatif spécifique qui incorpore ses dispositions;
i) D'élaborer des programmes de formation sur la teneur de la Convention à l'intention des juges, des procureurs et des responsables de l'application de la loi. Ces programmes devront mettre en relief l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et seront également destinés aux membres des forces armées, de la police et autres organes de maintien de l'ordre et à quiconque participe à un titre ou à un autre aux arrestations et aux interrogatoires ou a affaire à des personnes se trouvant dans une situation où elles risquent d'être soumises à la torture. L'État partie doit en outre veiller à ce que les médecins reçoivent une formation spécifique leur permettant de détecter et de prouver que la torture a été pratiquée;
j) D'améliorer les conditions de détention afin de les rendre conformes aux normes internationales et de prendre d'urgence des mesures pour atténuer le problème du surpeuplement dans les prisons et autres lieux de détention. De plus, l'État partie doit mettre en place un système effectif d'inspection permettant de surveiller les conditions de détention, le traitement des détenus, la violence entre prisonniers et les agressions sexuelles en prison;
k) De proroger le mandat de la Commission nationale de l'emprisonnement politique et de la torture et de lui donner des pouvoirs plus étendus de façon à lui permettre de recevoir des plaintes pour toutes les formes de torture, y compris les agressions sexuelles. À cette fin, le Comité recommande à l'État partie:
ii) De garantir que les victimes qui s'inscrivent sur le registre de la Commission puissent le faire confidentiellement et que les personnes qui vivent en zone rurale ou qui pour différentes raisons ne peuvent pas se présenter en personne puissent s'inscrire tout de même;
iii) D'inclure dans le rapport final de la Commission des données désagrégées, notamment selon le sexe et l'âge de la victime et la nature de l'acte de torture infligé;
iv) D'étudier la possibilité d'étendre le mandat de la Commission pour lui permettre de mener des enquêtes qui pourront aboutir, dans les cas justifiés, à l'ouverture de poursuites pénales contre les responsables présumés des actes dénoncés;
m) De faire cesser la pratique consistant à arracher des aveux aux femmes qui ont subi un avortement clandestin et qui vont à l'hôpital pour recevoir des soins d'urgence, en vue de poursuites pénales; de rechercher et de faire réviser les condamnations prononcées dans les affaires pour lesquelles les déclarations obtenues sous la contrainte dans de tels cas ont été admises en tant que preuve et de prendre les mesures correctrices qui s'imposent, notamment l'annulation des condamnations qui ne sont pas conformes aux dispositions de la Convention. Conformément aux directives de l'Organisation mondiale de la santé, l'État partie doit garantir que toute personne dont l'état nécessite des soins médicaux d'urgence soit traitée immédiatement et sans condition;
n) De veiller à ce que le nouveau Code de procédure pénale soit appliqué le plus tôt possible dans la région métropolitaine pour que ses dispositions puissent être pleinement en vigueur dans l'ensemble du pays;
o) D'introduire des dispositions dans le cadre de la réforme du système de justice pénale, pour protéger les personnes susceptibles de subir un nouveau traumatisme du fait de la procédure judiciaire elle-même, pendant les procès pour des délits tels que les mauvais traitements de mineurs et les agressions sexuelles;
p) De donner au Comité des renseignements à jour sur l'état d'avancement des enquêtes sur les faits de torture commis dans le passé, notamment dans les affaires connues sous les noms de «la caravane de la mort», l'«opération Condor» et la «Colonia Dignidad»;
q) De donner des statistiques détaillées et ventilées par âge, par sexe et par région sur les plaintes déposées pour des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des agents des forces de l'ordre, ainsi que sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations éventuelles.
8. Le Comité demande à l'État partie de lui faire tenir au plus tard dans un délai d'un an des renseignements sur la suite qu'il aura donnée aux recommandations formulées aux alinéas k, m et q du paragraphe 7.
9. Étant donné que l'État partie a donné des renseignements sur l'application de la Convention au cours de la période couverte par les troisième et quatrième rapports périodiques, le Comité lui recommande de lui soumettre son cinquième rapport au plus tard le 29 octobre 2005.