Observations finales du Comité contre la Torture, Chine, U.N. Doc. A/51/44, paras. 138-150 (1996).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
H. Chine
138. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Chine (CAT/C/20/Add.5)
à ses 251e, 252e et 254e séances, les 3 et 6 mai 1996 (CAT/C/SR.251, 252/Add.1
et 254), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.
1. Introduction
139. Le Comité se félicite du rapport du Gouvernement chinois ainsi que de son
document de base (HRI/CORE/1/Add.21). Le deuxième rapport périodique de la Chine,
daté du 2 décembre 1995, était attendu le 2 novembre 1993. Comme la Chine a
présenté un rapport supplémentaire daté du 8 octobre 1992, la date à laquelle
elle a présenté ce deuxième rapport périodique convenait parfaitement au Comité.
140. Le deuxième rapport périodique de la Chine suit les directives du Comité
et les respecte de façon satisfaisante.
141. Le Comité remercie aussi le représentant de l'État partie pour son introduction
orale au rapport, si intéressante, et pour la façon constructive dont lui-même
et les autres membres de la délégation chinoise ont répondu aux questions qui
leur avaient été posées.
2. Aspects positifs
142. Les réformes qui font l'objet des amendements à la loi de procédure pénale
et qui doivent entrer en vigueur en 1997 constituent un progrès important sur
la voie du développement de la primauté du droit en Chine et de l'aptitude de
ce pays à s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.
143. Des policiers auraient été poursuivis et condamnés pour des actes de torture
commis en Chine, et notamment au Tibet.
144. Le Comité prend acte avec satisfaction des différentes mesures prises par
le Ministère de la sécurité publique suite à sa note de janvier 1992, en vue
d'éduquer le personnel en matière d'interdiction de la torture.
145. Le Comité se félicite tout particulièrement de ce qu'il est prévu d'indemniser
au plan administratif et pénal les personnes aux droits et aux intérêts desquelles
il a été porté atteinte.
146. Le Comité prend acte avec plaisir de l'affirmation du représentant de la
Chine selon laquelle il n'existe pas dans les prisons de "chefs de cellules",
ni d'"hommes de confiance", comme le prétendaient certaines organisations
non gouvernementales.
3. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention
147. Le Comité reconnaît l'énormité pure et simple de la tâche à laquelle la
Chine doit s'atteler pour maintenir l'ordre et administrer un territoire si
vaste, peuplé de 1,2 milliard d'habitants, à une époque de reconstruction économique
et sociale.
4. Sujets de préoccupation
148. Le Comité est préoccupé par le fait que selon des renseignements fournis
par des organisations non gouvernementales, la torture serait largement pratiquée
en Chine.
149. Le Comité juge également préoccupants les points suivants :
a) Le délit de torture n'est pas défini dans le droit interne en des termes
conformes à ceux qui figurent à l'article premier de la Convention;
b) Selon des informations portées à l'attention du Comité par des organisations
non gouvernementales, la torture serait pratiquée en Chine dans les postes de
police et les prisons dans des circonstances qui font que très souvent aucune
enquête en bonne et due forme n'est effectuée par les autorités;
c) Selon les allégations formulées par certaines organisations non gouvernementales,
le parquet n'exercerait toujours pas de contrôle sur la police, les services
de sécurité et les services pénitentiaires, s'agissant des allégations de torture
et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
d) Certaines méthodes d'exécution des condamnés à mort sont peut-être contraires
aux dispositions de l'article 16 de la Convention;
e) Selon certaines organisations non gouvernementales, l'environnement particulier
qui existe au Tibet continuerait à favoriser une situation telle que des personnes
seraient maltraitées et même décéderaient pendant leur garde à vue et leur détention;
f) Les personnes arrêtées n'auraient aucune possibilité de communiquer avec
un conseil dès leur premier contact avec les autorités; d'après les allégations
formulées par certaines organisations non gouvernementales, la pratique de la
détention au secret serait encore répandue en Chine;
g) Un nombre important de décès, apparemment pendant la garde à vue, a été signalé
au Comité.
5. Recommandations
150. Le Comité recommande à l'État partie ce qui suit :
a) La Chine devrait adopter une loi définissant le délit de torture en des termes
conformes à ceux qui figurent à l'article premier de la Convention;
b) Il conviendrait que soit établi un système détaillé d'examen, d'enquête et
de suivi effectif concernant les plaintes pour mauvais traitements formulées
par des personnes détenues de quelque façon que ce soit. Si le parquet est l'organe
chargé de procéder aux enquêtes, il devrait être doté des pouvoirs nécessaires
pour s'acquitter de ses fonctions, quelles que soient les objections de l'organe
sur lequel il enquête;
c) Les méthodes d'exécution des condamnés à mort devraient être rendues conformes
aux dispositions de l'article 16 de la Convention;
d) Les conditions de détention devraient être rendues conformes aux dispositions
de l'article 16 de la Convention;
e) La possibilité de communiquer avec un conseil devrait être accordée à toutes
les personnes arrêtées, placées en garde à vue ou emprisonnées, en tant que
droit, et ce, dès les tout premiers stades de la procédure. Ces personnes devraient
également pouvoir communiquer avec leur famille et être examinées par un médecin;
f) La Chine devrait envisager de coopérer à la réadaptation des victimes de
la torture en appuyant la création d'un centre de réadaptation des victimes
de la torture à Beijing ou dans quelques autres grandes villes du pays;
g) La Chine devrait poursuivre la réforme de son droit pénal, dont le Comité
se félicite, et continuer à former le personnel chargé de l'application des
lois, les procureurs, les juges et les médecins pour qu'ils deviennent des professionnels
de très haut niveau;
h) La Chine est invitée à envisager de retirer ses réserves à l'article 20 et
à faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;
i) L'existence d'un pouvoir judiciaire indépendant, tel qu'il est défini dans
les instruments internationaux, est d'une telle importance pour la réalisation
des objectifs fixés dans la Convention contre la torture que le Comité recommande
l'adoption de mesures appropriées pour assurer l'autonomie et l'indépendance
du pouvoir judiciaire en Chine.