Observations finales du Comité contre la Torture, Colombie, U.N. Doc. A/51/44, paras. 66-83 (1996).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
D. Colombie
66. Le Comité a examiné le rapport périodique de la Colombie (CAT/C/20/Add.4)
à ses 238e et 239e séances, les 21 et 23 novembre 1995 (voir CAT/C/SR.238, 239
et 242/Add.1), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.
1. Introduction
67. Le Comité remercie l'État partie d'avoir présenté son rapport périodique,
qui est conforme en général aux directives du Comité. En outre, il apprécie
la franchise et la sincérité des représentants du Gouvernement colombien, qui
ont fait un excellent exposé oral, et prend note des difficultés qui font obstacle
à une diminution de la pratique de la torture. Dans ses réponses aux préoccupations
du Comité, la délégation colombienne a également fait preuve d'un esprit ouvert
et constructif.
2. Aspects positifs
68. Le Comité constate que la nouvelle Constitution politique de la Colombie
contient diverses dispositions très satisfaisantes du point de vue des droits
de l'homme et des mécanismes visant à les protéger. C'est le cas notamment des
dispositions interdisant la torture et réglementant l'habeas corpus et les attributions
du Procureur général et du Défenseur du peuple ainsi que de celles qui établissent
la primauté des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sur
le droit interne.
69. Le Comité prend note de l'alourdissement de la peine dont est passible le
délit de torture, prévu à l'article 279 du Code pénal.
70. Le Comité relève la création de la Procurature déléguée à la défense des
droits de l'homme.
3. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention
71. Le Comité est conscient du fait que le climat de violence généralisée lié
à la guérilla, au trafic de stupéfiants et aux activités des groupes de civils
armés limite la mise en vigueur effective de la Convention en Colombie.
72. Le Comité estime que l'absence quasi totale de sanctions contre les auteurs
d'actes de torture constitue un obstacle à l'application de la Convention.
73. Le Comité considère que les nombreuses lois d'exception en vigueur et le
mauvais fonctionnement de la justice entravent également l'application de la
Convention.
4. Sujets de préoccupation
74. Le Comité note avec une vive inquiétude le nombre toujours très élevé de
morts violentes et de cas de torture et de mauvais traitements imputables à
des membres de l'armée et de la police, et ce d'une manière qui semblerait indiquer
que cette pratique est systématique dans quelques régions du pays.
75. Le Comité souligne avec regret que l'État partie n'a toujours pas rendu
sa législation interne conforme aux exigences de la Convention, comme il le
lui avait suggéré lors de l'examen de son rapport initial, en particulier en
ce qui concerne les obligations énoncées à l'article 2, pour ce qui est du devoir
d'obéissance, ainsi qu'aux articles 3, 4, 5, 8, 11 et 15 de la Convention.
76. Le Comité fait observer qu'il ne paraît pas acceptable que le Code de justice
militaire punisse rarement le délit de torture, que les juridictions militaires
puissent connaître de délits de droit commun en raison d'une interprétation
beaucoup trop large de la notion d'acte commis dans l'accomplissement du service
et que soient élaborées des normes qui limitent considérablement l'efficacité
des moyens de protection des droits comme l'habeas corpus.
77. Le Comité considère que le Gouvernement a eu recours de façon quasi permanente
à un instrument comme l'état de trouble intérieur qui, compte tenu de sa gravité
et conformément à la Constitution, devrait avoir un caractère exceptionnel.
Il note qu'il a, en outre, persisté à adopter des dispositions qui, selon les
tribunaux supérieurs de l'État, portaient atteinte aux droits garantis par la
Constitution.
78. Le Comité s'inquiète également des pouvoirs des tribunaux régionaux, en
particulier pour ce qui est de la non-identification des témoins, des juges
et des procureurs. La détention de civils dans des locaux militaires est aussi
une source de préoccupation.
5. Recommandations
79. Le Comité recommande que soit immédiatement éliminée la pratique de la torture
et il suggère à cet égard à l'État partie d'engager une action très ferme pour
que l'usage de la force reste désormais son monopole, en supprimant tous les
groupes civils armés ou paramilitaires, et de faire immédiatement en sorte qu'il
soit rapidement procédé à une enquête impartiale sur les allégations de torture
et que soient également protégés les auteurs de ces allégations et les témoins
des actes dénoncés.
80. Le Comité considère qu'il faut mettre fin à l'impunité en procédant aux
réformes législatives et administratives requises pour que les tribunaux militaires
connaissent uniquement des infractions aux règlements militaires, en punissant
les responsables de torture d'une peine adaptée à la gravité des actes commis,
et en éliminant tout doute quant à la responsabilité de quiconque obéit à un
ordre illégal.
81. Le Comité suggère également à l'État partie d'adapter sa législation interne
afin de s'acquitter de ses obligations en vertu de la Convention, notamment
celle de ne pas refouler ou expulser vers un autre État une personne qui craint
d'y être soumise à la torture, et celles qui ont trait à l'application extraterritoriale
et universelle de la loi, à l'extradition et à l'inadmissibilité absolue de
toute preuve obtenue sous la torture.
82. Le Comité estime que l'État partie devrait exercer une surveillance systématique
sur les règles, méthodes et pratiques mentionnées à l'article 11 de la Convention,
mettre en oeuvre des programmes d'éducation et de formation dans le domaine
des droits de l'homme à l'intention du personnel militaire, policier, médical
et du personnel civil de surveillance et établir des systèmes appropriés d'indemnisation
et de réadaptation des victimes.
83. Le Comité souhaiterait également que l'État partie fasse la déclaration
prévue à l'article 22 de la Convention et lui offre l'assistance et la collaboration
dont il pourrait avoir besoin.