Conclusions et recommandations du Comité contre la Torture, Égypte, U.N. Doc. A/49/44, paras. 74-96 (1994).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
Égypte
74. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la République arabe
d'Égypte (CAT/C/17/Add.11) lors de ses 162e, 163e et 170e séances, tenues les
12 et 18 novembre 1993 (voir CAT/C/SR.162, 163/Add.1 et 170), et a adopté les
conclusions et recommandations suivantes :
A. Introduction
75. Le Comité remercie l'Égypte de son rapport et des réponses écrites aux questions
soulevées par les membres du Comité lors de l'examen du rapport initial de l'État
partie (CAT/C/5/Add.23).
76. Il se félicite de la volonté du Gouvernement égyptien de poursuivre le dialogue
avec le Comité, comme en témoigne la présence d'une importante délégation de
haut niveau, qu'elle remercie pour les réponses qu'elle a bien voulu donner
à ces questions.
77. Il déplore cependant que le rapport n'ait pas été rédigé conformément aux
directives générales établies par le Comité, et que les informations ne se réfèrent
pas à l'ordre des articles 2 à 16 de la Convention. Si le rapport est riche
en renseignements au plan de la législation, et est accompagné d'une annexe
où figure une comparaison des articles de la Convention avec quelques articles
de la Constitution et ceux d'autres dispositions législatives, il contient très
peu d'informations sur l'application de la Convention dans la pratique, même
si le représentant de l'État a donné dans son exposé oral d'autres informations
supplémentaires.
78. Il déplore, par ailleurs, le fait que les réponses fournies par la délégation
égyptienne aient été souvent plus générales que spécifiques.
79. Le Comité estime qu'il aurait été particulièrement utile de disposer d'informations
supplémentaires, notamment des statistiques relatives aux enquêtes sur les allégations
de torture, aux poursuites et aux condamnations effectives des auteurs d'actes
de torture et de mauvais traitements.
80. Le Comité remercie l'État partie pour le document de base (HRI/CORE/1/Add.19),
établi conformément aux directives unifiées, concernant la première partie des
rapports des États parties présentés en application des instruments internationaux
aux droits de l'homme.
81. Le Comité regrette que certains documents et informations intéressant les
données statistiques nécessaires à la compréhension du rapport, au plan pratique,
n'aient pas pu être annexés au rapport lors de sa présentation, mais n'aient
été remis aux membres du Comité qu'à la 162e séance.
B. Aspects positifs
82. Le Comité note avec satisfaction la reprise du dialogue avec l'État partie,
ce qui lui a permis d'évaluer la situation en ce qui concerne la compatibilité
de la législation nationale avec les dispositions de la Convention, ainsi que
les facteurs et difficultés qui entravent leur application.
83. Il note également qu'au plan général la situation juridique est satisfaisante,
dans la mesure où l'ensemble des juridictions de droit commun semblent inspirer
confiance aux justiciables et au peuple égyptien.
84. Il se félicite du fait que les organisations non gouvernementales actives
dans le domaine des droits de l'homme aient la possibilité de s'exprimer librement
et de visiter certains lieux de détention.
C. Facteurs et difficultés entravant l'application des dispositions de la
Convention
85. Le Comité note que l'état d'urgence proclamé en Égypte sans interruption
depuis 1981 est l'un des principaux obstacles qui s'opposent à la pleine application
des dispositions de la Convention.
D. Sujets de préoccupation
86. Compte tenu de nombreux renseignements et informations concordants et précis
reçus de plusieurs organisations non gouvernementales fiables, et du Rapporteur
spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies chargé des
questions se rapportant à la torture, le Comité s'inquiète du fait qu'il semble
que la torture soit encore couramment pratiquée en Égypte.
87. Le Comité s'inquiète aussi de certaines insuffisances liées aux mesures
préventives adéquates pour combattre la torture, notamment la durée et les conditions
de la garde à vue et de l'internement administratif, ainsi que de la lenteur
des procès concernant les auteurs d'actes de torture ou de mauvais traitements.
88. Il s'inquiète également de l'existence en Égypte de nombreuses juridictions
d'exception, par exemple les tribunaux militaires, dont le fonctionnement laisserait
penser qu'elles sont sous la dépendance du chef de l'exécutif; en effet, certaines
dispositions de la loi sur l'état d'urgence habilitent le Président de la République
à saisir les cours de sûreté de l'État et à approuver les décisions rendues.
89. Par ailleurs, conscient que le terrorisme a créé ces dernières années une
situation préoccupante et alarmante en Égypte, conscient qu'il incombe au Gouvernement
de le combattre pour maintenir la paix publique, le Comité relève toutefois
que les différentes mesures prises, ou à prendre, à cet effet, ne doivent jamais
se traduire par le non-respect de la Convention par l'État partie, ni justifier
en aucun cas la torture. À ce propos, il faut se rappeler, qu'aux termes de
l'article 2 de la Convention, aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle
soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité
politique intérieure, de l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique,
ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.
E. Recommandations
90. Le Comité suggère à l'État partie de prévoir dans sa législation pénale
toutes les formes de torture, de façon à couvrir intégralement tous les éléments
de la définition prévue à l'article premier de la Convention.
91. Le Comité suggère aussi à l'État partie d'inclure dans son prochain rapport
périodique, devant être présenté en 1996, tous les détails et précisions aux
nombreuses questions et demandes qui sont restées sans réponse durant le débat.
92. Le Comité suggère également à l'État partie de mettre en place les mécanismes
d'une surveillance systématique sur les règles d'instruction, méthodes et pratiques
d'interrogatoires, particulièrement dans les locaux de toutes les forces de
la police, en vue de donner effet aux engagements pris conformément à l'article
11 de la Convention.
93. Il recommande au Gouvernement égyptien de poursuivre ses efforts en vue
d'entreprendre d'autres réformes dans la législation pénale, notamment en ce
qui concerne la diminution des prérogatives exorbitantes de certaines dispositions
législatives reconnues au pouvoir exécutif, la durée et les conditions de la
garde à vue et de l'internement administratif.
94. Le Comité recommande à l'État partie, en même temps qu'il devra attacher
une attention particulière à la protection des droits des personnes arrêtées
et détenues, d'intensifier les programmes d'éducation, de formation et d'information,
prévus par l'article 10 de la Convention, de tous les fonctionnaires concernés.
95. Le Comité recommande aux autorités égyptiennes d'entreprendre et de faire
diligenter de sérieuses enquêtes sur les agissements des forces de police susceptibles
d'établir la véracité des nombreuses allégations d'actes de torture et, au cas
où les résultats de ces investigations étaient positifs, de faire traduire les
auteurs devant les tribunaux d'une part, de prescrire et de transmettre à la
police des instructions précises et claires visant à interdire tout acte de
torture, d'autre part.
96. Le Comité qui apprécie la ratification par l'Égypte de la majorité des pactes
et conventions sur les droits de l'homme espère que le Gouvernement égyptien
accueillera favorablement ses suggestions et recommandations et qu'il ne ménagera
aucun effort pour les mettre en pratique.