Observations finales du Comité contre la Torture, Géorgie, U.N. Doc. A/56/44, paras. 77-82 (2001).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-sixième session
30 avril-18 mai 2001
77. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Géorgie (CAT/C/48/Add.1)
à ses 458e, 461e et 467e séances, les 1er, 2 et 7 mai 2001 (CAT/C/SR.458, 461
et 467), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.
78. Le Comité se félicite du deuxième rapport périodique de la Géorgie et du
dialogue constructif avec la délégation géorgienne. Il lui est profondément
reconnaissant d'avoir fourni oralement et par écrit durant l'examen dudit rapport
de nombreux renseignements supplémentaires le mettant à jour.
a) Les efforts en cours de l'État partie tendant à réformer le système juridique et à amender sa législation, en particulier l'adoption d'un nouveau code de procédure pénale et d'un nouveau code pénal, en se fondant sur les valeurs universelles de l'humanité dans le souci de sauvegarder les droits fondamentaux de la personne humaine, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
b) La soumission par l'État partie d'un document de base, en réponse à la demande formulée par le Comité lors de l'examen du rapport initial;
c) Le transfert du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice de la tutelle de l'administration pénitentiaire, conformément à une recommandation du Comité;
d) Les renseignements fournis par les représentants de l'État partie selon lesquels le Gouvernement géorgien se propose de faire les déclarations reconnaissant la compétence du Comité en vertu des articles 21 et 22 de la Convention.
80. Le Comité prend note des problèmes et des difficultés auxquels l'État partie
est confronté du fait des conflits séparatistes ayant éclaté en Abkhazie et
en Ossétie du Sud après l'indépendance et entraîné le déplacement d'un grand
nombre de personnes dans le pays ou vers l'étranger, se traduisant par un risque
accru de violations des droits de l'homme sur cette partie du territoire.
a) La persistance, reconnue, du recours à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par des représentants de l'ordre en Géorgie;
b) L'inaptitude à ouvrir en toutes circonstances à la réception des nombreuses allégations de torture une enquête rapide, impartiale et complète, ainsi que l'insuffisance des efforts déployés pour poursuivre les responsables présumés, en contravention avec les articles 12 et 13 de la Convention, se traduisant par une situation d'impunité pour les responsables présumés;
c) Les amendements apportés au nouveau Code de procédure pénale en mai et juillet 1999, peu après son entrée en vigueur, qui remettent en cause certaines des mesures de protection des droits de l'homme instituées par ledit Code, en particulier le droit à un examen judiciaire des plaintes visant des mauvais traitements;
d) Les actes collectifs de violence contre les minorités religieuses, en particulier les Témoins de Jéhovah, et l'incapacité de la police à intervenir et à prendre des mesures appropriées, malgré l'existence d'outils juridiques pour prévenir et poursuivre de tels agissements et le risque de voir cette impunité apparente aboutir à leur généralisation;
e) Les carences s'agissant de la possibilité pour les personnes privées de liberté de rencontrer un conseil et un médecin de leur choix ainsi que de recevoir des visites de membres de leur famille;
f) Certains pouvoirs dont est investi le Bureau du Procureur et les problèmes suscités par ses méthodes de fonctionnement, qui font naître de sérieuses préoccupations quant à l'existence de mécanismes indépendants de recueil des plaintes, ainsi que les doutes pesant sur l'objectivité du Bureau du Procureur et l'objectivité des experts auprès des tribunaux et des experts médicaux;
g) Les conditions inacceptables régnant
dans les prisons, qui pourraient constituer une violation aux droits des personnes
privées de liberté au sens de l'article 16.
a) De modifier sa législation pénale nationale en vue d'y intégrer une définition de la torture pleinement compatible avec la définition donnée à l'article premier de la Convention, et prévoie des peines appropriées;
b) Vu les nombreuses allégations dénonçant des faits de torture et de mauvais traitements de la part de représentants de l'ordre, de prendre toutes les dispositions concrètes nécessaires pour prévenir la commission de l'infraction de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
c) De prendre des mesures pour veiller à ce que toute personne privée de liberté ou arrêtée par un représentant de l'ordre: i) soit informée rapidement de ses droits, en particulier le droit de porter plainte devant les autorités en cas de mauvais traitements, le droit d'être informée des charges pesant sur elle et le droit à un conseil et un médecin de son choix; ii) ait rapidement accès à un conseil et un médecin de son choix et à des membres de sa famille;
d) De faire cesser la pratique de ses représentants de l'ordre consistant à qualifier de témoins les suspects placés en détention, ce qui a pour effet de leur dénier le droit d'être assistés par un avocat;
e) De s'attacher d'urgence – pour éviter que les tortionnaires ne jouissent de l'impunité – à: i) mettre en place un mécanisme efficace et indépendant de recueil des plaintes; ii) prendre des dispositions en vue d'un réexamen systématique de toutes les condamnations prononcées sur la base d'aveux susceptibles d'avoir été extorqués sous la torture; iii) assurer l'indemnisation et la réadaptation des victimes de torture;
f) De prendre d'urgence des mesures pour améliorer les conditions de détention;
g) De prendre des mesures concrètes pour restructurer le Bureau du Procureur dans l'esprit de la réforme du système judiciaire et assurer l'application intégrale des dispositions juridiques garantissant dans la pratique le respect des droits de l'homme;
h) Vu l'insuffisance des renseignements statistiques mis à la disposition du Comité durant l'examen du rapport, d'incorporer dans son prochain rapport périodique des statistiques appropriées et complètes ventilées par sexe, groupe ethnique, région géographique, ainsi que des statistiques sur le nombre de plaintes, le type de poursuites et les résultats, concernant en particulier toutes les infractions pénales en relation avec la répression de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
i) De prendre des dispositions afin de reconduire les activités de formation théorique et pratique relatives à la prévention de la torture et à la protection des particuliers contre la torture et les mauvais traitements, à l'intention des policiers et du personnel de l'administration pénitentiaire ainsi qu'à l'intention des médecins légistes et du personnel médical employé dans les prisons concernant l'examen des victimes de la torture et l'établissement des procès-verbaux constatant la torture;
j) De prendre des mesures efficaces pour poursuivre et réprimer la violence contre les femmes et la traite des femmes, notamment en adoptant une législation appropriée, en entreprenant des recherches et en menant une action de sensibilisation concernant ce problème ainsi qu'en inscrivant un module sur cette question dans le programme de formation des représentants de l'ordre ainsi que des autres groupes professionnels concernés;
k) De donner aux conclusions et recommandations du Comité, et aux comptes rendus analytiques des séances consacrées à l'examen du deuxième rapport périodique de l'État partie, une large diffusion dans le pays.