Trente-troisième session
15-26 novembre 2004
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
GRÈCE
3. Notant que le rapport couvre la période allant de novembre 1999 à décembre 2001, le Comité sait gré à la délégation de la mise à jour qu'elle a fournie pendant l'examen et de ses réponses à la plupart des questions posées par le Comité. Le Comité souhaite que le prochain rapport périodique contienne davantage de données et de renseignements sur l'application proprement dite des dispositions de la Convention.
a) Les efforts en cours de l'État partie pour réviser sa législation et adopter d'autres mesures nécessaires pour renforcer le respect des droits de l'homme en Grèce et donner effet à la Convention. Il prend acte en particulier avec satisfaction des textes suivants:
iv) La nouvelle loi sur la détention d'armes et l'utilisation des armes à feu (loi 3169/2003), qui réglemente la détention et l'utilisation d'armes à feu par les forces de police;
v) La loi sur la lutte contre le trafic des êtres humains (loi 3064/2002), qui érige la traite en infraction et punit lourdement ceux qui la pratiquent;
vi) La nouvelle loi sur l'indemnisation (2001);
vii) La circulaire du chef de la police de juillet 2003 concernant la détention de migrants sans papiers et celle de novembre 2003 relative au traitement des victimes de la traite;
c) La levée des quotas restrictifs (de 15 %) fixés pour le recrutement des femmes dans les forces de police;
d) La déclaration de la délégation selon laquelle l'État partie est disposé à examiner les modalités d'un renforcement de la coopération avec les organisations non gouvernementales, notamment en ce qui concerne les visites aux centres de détention;
e) La publication des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur sa visite en Grèce et de la réponse du Gouvernement à ces rapports (CPT/Inf(2002)31 et CPT/Inf(2002)32) qui ne manquera pas de contribuer à un débat général entre toutes les parties intéressées;
f) Les contributions versées depuis 1983 au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture;
g) La ratification par l'État partie, le 15 mai 2002, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
a) L'absence de données sur l'application pratique des nombreux nouveaux textes législatifs et par les mesures apparemment insuffisantes prises pour réduire le fossé entre la législation et la pratique;
b) Les procédures concernant l'expulsion des étrangers qui peuvent dans certains cas être contraires à la Convention. Le Comité est également préoccupé par la faible proportion (0,06 %) des personnes qui ont obtenu le statut de réfugié en 2003. Il reconnaît qu'en raison de sa situation géographique, la Grèce est devenue une voie de transit importante vers l'Europe pour les immigrants et demandeurs d'asile dont le nombre a énormément augmenté ces 10 dernières années. Par conséquent, une réponse appropriée n'en est que plus urgente;
c) La formation dispensée aux fonctionnaires de l'État qui n'est peut-être pas suffisante pour leur permettre de faire face convenablement aux nombreux défis qu'ils rencontrent, notamment en ce qui concerne les migrants et les demandeurs d'asile sans papiers et les victimes de la traite, dont bon nombre sont des femmes et des enfants;
d) La lenteur des progrès vers l'adoption d'un code déontologique et d'autres mesures pour réglementer la conduite des interrogatoires de police de façon à compléter les dispositions du Code de procédure pénale, l'objectif étant de prévenir les cas de torture et de mauvais traitement conformément à l'article 11 de la Convention;
e) L'absence d'un système indépendant efficace pour enquêter sur les plaintes, et les informations selon lesquelles les allégations de torture et de mauvais traitements ne font pas l'objet d'enquêtes rapides et impartiales;
f) La réticence présumée des procureurs à engager des procédures pénales au titre de l'article 137A du Code pénal. En outre, le Comité est préoccupé par les carences dans la protection des victimes contre les mauvais traitements ou l'intimidation auxquels elles peuvent être exposées lorsqu'elles portent plainte ou font une déposition;
g) Le manque d'informations sur les moyens de réparation et d'indemnisation équitable et suffisante, ainsi que sur les moyens de réadaptation dont peuvent bénéficier les victimes de la torture ou les personnes qui sont à leur charge, conformément à l'article 14 de la Convention;
h) Les allégations persistantes de recours excessif à la force et aux armes à feu, y compris de cas d'assassinat, et les informations faisant étant de sévices sexuels infligés par la police et en particulier par les gardes frontière. Bon nombre de victimes seraient des citoyens albanais ou des membres d'autres groupes socialement défavorisés; le Comité regrette d'autre part le fait que l'État partie n'ait pas fourni de données statistiques ventilées sur ce sujet;
i) Le surpeuplement persistant des prisons et autres lieux de détention, les mauvaises conditions qui continuent d'y régner et le fait que les organes indépendants habilités à visiter les lieux de détention ont du mal à y accéder;
j) Les mauvais traitements infligés aux Roms par des agents de l'État lors d'opérations d'expulsion forcée ou de réinstallation. Le fait que ces mesures résultent d'ordonnances judiciaires ne saurait justifier les nombreux cas présumés de mauvais traitements signalés par des organismes aussi bien nationaux qu'internationaux;
k) Les cas présumés de violence à l'égard des femmes et des filles, notamment de violence au foyer, et la réticence des autorités à prendre, entre autres, des mesures législatives pour contrer ce phénomène;
l) Les mesures insuffisantes prises pour protéger les enfants placés par les forces de sécurité dans des foyers publics au cours de la période 1998-2003. Le Comité note en particulier que sur les quelque 600 enfants placés dans le foyer pour enfants d'Aghia Varvara, 500 sont portés manquants et que les autorités judiciaires n'ont pas rapidement enquêté sur leur cas;
m) L'absence d'efforts appropriés pour prévenir et interdire la production, le commerce, l'exportation et l'utilisation de matériel spécialement conçu pour infliger des actes de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, compte tenu en particulier des allégations faites quant à l'emploi d'électrochocs.
a) D'intensifier les efforts en cours pour réduire le nombre de cas de mauvais traitements infligés par la police ou d'autres agents de l'État, notamment pour des motifs raciaux. Tout en assurant la protection de la vie privée des personnes, l'État partie devrait concevoir des modalités pour la collecte de données et le suivi de tels cas, de façon à s'attaquer plus efficacement au problème. Le Comité recommande à l'État partie de continuer de prendre des mesures pour prévenir les incidents xénophobes et les attitudes discriminatoires;
b) De prendre toutes les mesures requises pour assurer l'application effective dans la pratique de la législation adoptée;
c) De faire en sorte que les autorités compétentes se conforment strictement à l'article 3 de la Convention et tiennent compte, ce faisant, de l'Observation générale no 1 (1996) du Comité, dans laquelle ce dernier note qu'il «est d'avis qu'à l'article 3, l'expression "autre État" désigne l'État vers lequel la personne concernée va être expulsée, refoulée ou extradée aussi bien que tout État vers lequel l'auteur peut être expulsé, refoulé ou extradé ultérieurement» (par. 2);
d) De faire en sorte que tout le personnel qui participe à la garde, à l'interrogatoire et au traitement des détenus reçoive une formation concernant l'interdiction de la torture et des mauvais traitements. La formation dispensée devrait comporter le développement des compétences requises pour reconnaître les séquelles de la torture et une sensibilisation dans l'optique d'éventuels contacts avec des personnes particulièrement vulnérables dans des situations à risque;
e) D'accélérer le processus d'adoption du code de déontologie et continuer d'examiner les modalités d'une modification des règles et procédures d'interrogatoire, notamment par le recours à des enregistrements audio ou vidéo, en vue de prévenir la torture et les mauvais traitements;
f) De prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un système efficace, fiable et indépendant de présentation de plaintes afin que puissent être menées rapidement des investigations impartiales, avec le concours immédiat d'un médecin légiste, sur les actes de torture et les mauvais traitements imputés à la police et à d'autres fonctionnaires de l'État, et de punir les auteurs. Le Comité souligne qu'il ne suffit pas que l'État partie reconnaisse l'indépendance de l'autorité judiciaire, il lui incombe aussi de faire en sorte qu'elle fonctionne efficacement;
g) De veiller à ce que toutes les personnes qui signalent des actes de torture ou des mauvais traitements bénéficient de la protection voulue et que les allégations formulées fassent rapidement l'objet d'une enquête. Des mesures disciplinaires, y compris la suspension, ne devraient pas être retardées dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pénale;
h) D'informer le Comité des possibilités d'assurer une réparation et une indemnisation aux victimes de la torture et aux personnes qui sont à leur charge;
i) D'assurer la stricte application de la nouvelle législation sur l'utilisation et la détention d'armes à feu, en particulier par les gardes frontière;
j) De songer, tout en poursuivant ses efforts à long terme pour faire face au surpeuplement des prisons et des lieux de détention et aux mauvaises conditions qui y règnent, notamment en construisant de nouvelles prisons, à d'autres moyens de réduire la population carcérale en tant que mesures urgentes pour faire face à la situation dans les lieux de détention;
k) De faire en sorte que toutes les mesures prises par les agents de l'État, en particulier celles qui touchent les Roms (telles que les expulsions et les réinstallations) ou d'autres groupes marginalisés, soient appliquées de manière non discriminatoire et de rappeler à tous les fonctionnaires que les attitudes racistes ou discriminatoires ne seront ni autorisées ni tolérées;
l) D'adopter des textes de loi et d'autres mesures pour combattre la violence à l'égard des femmes dans le cadre de plans destinés à prévenir une telle violence, y compris au foyer, et d'enquêter sur toutes les allégations de mauvais traitement et de sévices;
m) De revoir les modalités de protection des enfants des rues afin d'assurer, en particulier, qu'elles préservent leurs droits. Toutes les décisions touchant les enfants devraient, dans la mesure du possible, être prises en tenant dûment compte de leurs vues et de leurs préoccupations, de façon à trouver une solution optimale et pratique. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre des mesures pour prévenir la récurrence de cas tels que celui du foyer pour enfants d'Aghia Varvara. Il devrait veiller également à ce qu'une enquête judiciaire soit menée et à fournir au Comité des renseignements sur ses résultats;
n) D'adopter des mesures en vue de prévenir et d'interdire la production et l'utilisation de matériel spécifiquement conçu pour infliger des actes de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
7. Le Comité invite l'État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par type d'infraction, groupe ethnique et sexe, sur les plaintes relatives aux actes de torture et aux mauvais traitements imputés à des membres de la force publique et sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales et disciplinaires connexes. Il est demandé également à l'État partie de fournir des informations sur les mesures d'indemnisation et de réadaptation prises en faveur des victimes.
8. Le Comité encourage l'État partie à songer à ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture.
9. L'État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par la Grèce au Comité et les conclusions et recommandations de ce dernier, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.
10. Le Comité invite l'État partie à fournir, dans un délai de 12 mois, des informations sur les mesures qu'il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées aux alinéas e), h), i), j), k) et m) du paragraphe 6 ci-dessus.
11. L'État partie est prié de présenter son prochain rapport périodique, qui contiendra ses cinquième et sixième rapports, avant le 4 novembre 2009, date à laquelle son sixième rapport périodique est attendu.