Observations finales du Comité contre la Torture, Guatemala, U.N. Doc. A/53/44, paras. 157-166 (1998).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingtième session
8 - 22 mai 1998
Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Guatemala (CAT/C/29/Add.3) à ses 324e et 325e séances tenues le 7 mai 1998 (CAT/C/SR.324 et 325) et a adopté les conclusions et recommandations ciaprès.
Le Guatemala a adhéré à la Convention le 5 janvier 1990. Il n'a pas fait les déclarations prévues dans les articles 21 et 22 de la Convention.
Le Guatemala est également partie à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.
Le rapport, qui a été présenté le 17 février 1997, porte sur la période allant du 31 juillet 1995, date du rapport initial, au 30 août 1996. Lors de l'examen du rapport, la délégation guatémaltèque a mis à jour oralement les données qu'il contenait et remis au Comité un additif contenant les informations portant sur la période comprise entre le 1er janvier 1997 et le 31 mars 1998.
Le rapport n'est pas conforme aux directives générales du Comité concernant la forme et le contenu des rapports périodiques, étant donné qu'il ne suit pas l'ordre des articles de la Convention (art. 1 à 16), ce qui a rendu difficile son examen.
Le Comité a la satisfaction de noter les aspects positifs ci-après :
a) L'Accord de paix ferme et durable, signé le 29 décembre 1996, a mis fin au conflit armé qui durait depuis longtemps;
b) L'abolition de toutes les mesures attentatoires aux droits de l'homme émanant des pouvoirs publics;
c) La volonté déclarée des autorités de l'État de réformer en profondeur l'administration de la justice et de la sécurité publique, afin de remédier aux déficiences de l'appareil judiciaire, du ministère public et de la police nationale;
d) La démobilisation des membres des comités de volontaires pour la défense civile, qui ont été accusés dans le passé des violations les plus graves des droits de l-'homme;
e) La limitation de la juridiction militaire aux délits et infractions d'ordre essentiellement militaire et transfert aux tribunaux ordinaires de la compétence pour juger les militaires ayant commis des délits ou des infractions de droit commun;
f) La démilitarisation des forces de la police et début de réorganisation de ces forces au sein d'une police nationale civile unique, processus qui a commencé avec la dissolution de la police militaire mobile, et professionnalisation de la fonction policière avec la création de l-'Académie de police, comme unique voie d'accès à la profession et seul centre habilité à assurer la formation, la promotion et la spécialisation des effectifs policiers. Le Comité note avec satisfaction que seront incluses dans la formation du personnel policier, à titre prioritaire, l'étude des droits de l'homme et l'analyse des principaux instruments internationaux y relatifs, initiative qui est conforme aux dispositions de l'article 10 de la Convention;
g) L'exécution, à l'intention des juges en exercice, de programmes intensifs de formation au droit pénal et renforcement de l'école d'études judiciaires, de façon à ce que les fonctions de juge soient assumées par les personnes les plus qualifiées, sélectionnées d'après des critères objectifs et professionnels;
h) L'épuration des effectifs de la police nationale et de la police de l'intérieur, avec la mise à pied des agents soupçonnés d'avoir participé à des violations des droits de l'homme;
i) L'interdiction du port d'armes à feu aux personnes âgées de moins de 25 ans;
j) La réduction des effectifs des forces armées.
L'application de la Convention se heurte aux obstacles ci-après :
a) La persistance de déficiences graves, d'ordre qualitatif et quantitatif, au sein du pouvoir judiciaire, du ministère public et de la police, qui sont les institutions publiques auxquelles incombe l'obligation de veiller à la sécurité des personnes et d'assurer le fonctionnement d'un État qui garantit le respect des droits de l'homme;
b) Les nombreux cas où des juges, des procureurs, des témoins, des victimes et des membres de leur famille, des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes sont l'objet de mesures d'intimidation, ce qui a pour conséquence grave d'affaiblir les organes chargés d-'enquêter sur les crimes et de juger leurs auteurs; d'où la persistance de l'impunité. En vertu de l'article 13 de la Convention, protéger les victimes et les témoins est le devoir de l'État;
c) L'entrée en fonctions retardée du Service de protection des personnes qui interviennent dans les procès et des personnes chargées de l'administration de la justice;
d) L'insuffisance des moyens alloués par l'État au Service du Procureur aux droits de l'homme, ce qui limite la capacité de ce dernier d'enquêter sur des violations des droits de l'homme imputées à des agents de l'État et de promouvoir une culture de tolérance et de respect de ces droits, dans une période de l'histoire du pays où ces fonctions sont primordiales;
e) L'enracinement profond au sein de la société guatémaltèque d'une culture de violence, qu'il n'a pas été possible d'éradiquer.
Le Comité se déclare préoccupé par ce qui suit :
a) La persistance de l'impunité dont jouissent ceux qui ont commis des crimes, en particulier des violations graves des droits de l'homme;
b) Le fait que bien que le nombre des allégations d'actes de torture ait diminué, on constate toujours une certaine paralysie du ministère public, du pouvoir judiciaire et de la police, qui sont les organes de l'État chargés d'enquêter sur ces allégations, d'identifier les auteurs des actes présumés, d'arrêter ces derniers et de les déférer devant les tribunaux;
c) L'augmentation des allégations de traitements cruels, inhumains ou dégradants attribués à des agents de l'État;
d) La prolifération des armes détenues illégalement par les particuliers, ce qui explique les niveaux élevés de violence criminelle, avec la situation grave d'insécurité qui en résulte pour les citoyens et la perte de confiance de ces derniers dans les institutions de l'état de droit;
e) La qualification insuffisante du délit de torture à l'article 201A du Code pénal, laquelle n'est pas conforme à la définition qu'en donne l'article premier de la Convention.
Le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures ci-après :
a) Redoubler d'efforts pour faire la lumière sur les violations graves qui ont eu lieu et prendre des mesures pour que cellesci ne se renouvellent pas. Les articles 11 et 12 de la Convention font obligation à l'État de procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'une plainte relative à des actes de torture est déposée;
b) Achever le processus de création d'une police nationale civile unique, avec la dissolution de la police de l'intérieur ou la démobilisation de ses membres;
c) Continuer à restreindre l'autorisation de porter des armes à feu en la réduisant au minimum strictement indispensable;
d) Assurer l'entrée en fonctions, dans les plus brefs délais, du Service de protection des personnes qui interviennent dans les procès et des personnes chargées de l'administration de la justice;
e) Allouer au Service du procureur aux droits de l'homme les ressources nécessaires pour lui permettre de remplir avec efficacité les fonctions que lui confèrent la Constitution et la loi, sur l'ensemble du territoire national;
f) Modifier l'article 201A du Code pénal de façon que la qualification du délit de torture soit conforme à celle qui figure à l'article premier de la Convention;
g) Présenter rapidement et, si possible au cours de l'année prochaine, le troisième rapport, lequel devra respecter, dans sa forme et son contenu, les normes relatives à la présentation des rapports auxquelles il a été fait référence.
Le Comité rappelle aux autorités de l'État que, lors de l'examen du rapport initial, ses représentants ont informé le Comité que le processus devant aboutir à la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention avait été entamé et que, à leur avis, rien ne s'opposait à ce que celleci se concrétise.