Conclusions et recommandations du Comité contre la Torture, Israël, U.N. Doc. A/49/44, paras. 159-171 (1994).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
Israël
159. Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial d'Israël (CAT/C/16/Add.4)
à ses 183e et 184e séances, le 25 avril 1994 (CAT/C/SR.183 et 184) et a adopté
les conclusions et recommandations ci-après :
A. Introduction
160. Israël a ratifié la Convention le 3 octobre 1991 et a fait des réserves
au sujet des articles 20 et 30. Par ailleurs, il n'a pas fait les déclarations
aux termes desquelles il aurait accepté les dispositions des articles 21 et
22 de la Convention.
161. Le rapport initial a été présenté dans les délais et bien étayé par la
présentation orale à la fois précise et factuelle faite par la délégation.
B. Aspects positifs
162. Le Comité relève qu'Israël autorise la tenue de débats publics sur des
questions aussi sensibles que les mauvais traitements infligés à des détenus,
tant en Israël que dans les territoires occupés.
163. Le Comité se félicite que l'Association israélienne des médecins ait réagi
comme elle l'a fait afin d'empêcher ses adhérents d'être partie prenante aux
sévices infligés à des prisonniers en établissant un certificat de bonne santé.
164. Le Comité se félicite également que le Service général de sécurité et la
police ne soient plus chargés d'examiner les plaintes faisant état de sévices
infligés à des détenus par leurs propres agents et que cette tâche incombe à
présent à un service spécial du Ministère de la justice. Il se félicite également
qu'Israël ait engagé des poursuites contre des responsables d'interrogatoire
ayant enfreint les règles de conduite en vigueur en Israël et adressé un rappel
à l'ordre à d'autres.
C. Sujets de préoccupation
165. Il est réellement préoccupant qu'aucune mesure législative n'ait été prise
pour donner effet en Israël à la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui, de ce fait, ne fait pas
partie du droit interne israélien et ne peut être invoquée devant les tribunaux
israéliens.
166. Le Comité regrette que la définition de la torture donnée à l'article premier
de la Convention ne soit à l'évidence pas appliquée.
167. Il est extrêmement préoccupant que les dispositions de la législation israélienne
relatives aux "ordres émanant de supérieurs hiérarchiques" et à la
"nécessité" aillent manifestement à l'encontre des obligations qui
incombent à ce pays en vertu de l'article 2 de la Convention.
168. Le rapport de la Commission Landau, qui autorise le recours à des "pressions
physiques raisonnables" comme moyen d'interrogatoire licite, est totalement
inacceptable au Comité pour les raisons suivantes :
a) Les conditions propices à l'application de la torture ou de peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants se trouvent ainsi pour l'essentiel réunies;
b) Le fait de garder secrètes les normes, cruciales, d'interrogatoire à appliquer
crée une condition de plus qui favorise inévitablement les mauvais traitements,
en violation de la Convention.
169. Le Comité est extrêmement préoccupé par le nombre élevé de cas bien documentés
de mauvais traitements en prison qui semblent constituer des violations de la
Convention, y compris plusieurs cas de décès qui ont été portés à l'attention
du Comité et de l'opinion publique mondiale par des organisations non gouvernementales
aussi connues qu'Amnesty International, Al Haq (antenne locale de la Commission
internationale de juristes) et d'autres encore.
D. Recommandations
170. Le Comité recommande :
a) D'incorporer par une loi dans le droit interne israélien toutes les dispositions
de la Convention;
b) De publier intégralement les procédures d'interrogatoire afin que ne subsiste
aucune zone d'ombre et que leur conformité avec les normes de la Convention
puisse être constatée;
c) De mettre en place un programme énergique d'éducation et de rééducation des
agents du Service général de sécurité, des forces de défense israéliennes, de
la police et du personnel médical afin de leur faire prendre conscience des
obligations qui leur incombent aux termes de la Convention;
d) De mettre immédiatement fin aux pratiques actuelles d'interrogatoire qui
sont contraires aux obligations qui incombent à Israël aux termes de la Convention;
e) De permettre à toutes les victimes de ces pratiques de bénéficier de mesures
d'indemnisation et de réadaptation appropriées.
171. Enfin, le Comité forme le voeu de coopérer avec Israël et est certain que
ses recommandations seront dûment prises en considération.