Observations finales du Comité contre la Torture, Republique de Corée, U.N. Doc. A/52/44, paras. 44-69 (1996).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
B. République de Corée
44. Le Comité a examiné le rapport initial de la République de Corée (CAT/C/32/Add.1)
à ses 266ème et 267ème séances, le 13 novembre 1996 (voir CAT/C/SR.266 et 267)
et a adopté les conclusions et recommandations suivantes :
1. Introduction
45. Le Comité se félicite du rapport détaillé de la République de Corée, présenté
dans les délais et qui est dans l'ensemble conforme aux directives du Comité.
Il remercie par ailleurs l'État partie des réponses qu'il a apportées aux questions
posées.
2. Aspects positifs
46. Le Comité se félicite de l'évolution positive intervenue depuis 1993 vers
une amélioration et un renforcement du respect des droits de l'homme et l'application
des normes internationales minimales dont témoigne, entre autres choses, la
ratification par l'État partie de plusieurs instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme, sa volonté d'instaurer une société caractérisée par le
respect de la dignité humaine et d'introduire la démocratie dans ce pays.
47. Le Comité note qu'un certain nombre de lois, règlements et institutions
ont déjà été modifiés dans le sens du renforcement du respect des droits de
l'homme.
48. Il est encourageant de constater que le gouvernement civil a amnistié et
rétabli dans leurs droits un grand nombre de citoyens, contribuant ainsi à instaurer
un climat politique plus libéral.
49. Le Comité note avec satisfaction les efforts mis en oeuvre par la République
de Corée pour faciliter l'accès des personnes défavorisées à l'aide judiciaire.
50. Le Comité juge également encourageant le fait que, dans quelques cas au
moins, des agents de l'État ont été condamnés pour avoir torturé des prisonniers
et que des tribunaux ont déclaré irrecevables comme preuves des aveux obtenus
lors d'interrogatoires menés sous la contrainte.
51. Le Comité se félicite en outre de la franchise dont est empreinte le rapport,
franchise qui montre que la République de Corée a conscience des problèmes qui
restent à régler et de la nécessité d'améliorer encore des pratiques et des
institutions inadaptées et inacceptables.
52. Le Comité note avec satisfaction que la République de Corée a conclu des
traités d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Australie et le Canada
et en a signé avec les États-Unis et la France.
3. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
53. Le Comité n'ignore pas que la péninsule coréenne connaît des tensions et
des problèmes de sécurité.
54. Le Comité s'est efforcé de tenir compte de cette situation lorsqu'il a rédigé
ses conclusions et recommandations. Il faut cependant souligner qu'aucune circonstance
exceptionnelle ne saurait justifier le non-respect des dispositions de la Convention.
4. Sujets de préoccupation
55. Le Comité est préoccupé par le fait qu'il n'y a toujours pas dans la législation
pénale de la République de Corée de définition spécifique du délit de torture,
au sens de l'article premier de la Convention.
56. Le Comité constate avec une vive préoccupation que selon des informations
émanant d'organisations non gouvernementales, la "procédure de la torture"
est toujours appliquée à de nombreux suspects politiques au cours de leur interrogatoire
pour leur arracher des aveux. La privation de sommeil, qui peut dans certains
cas être une torture et qui semble être systématiquement utilisée pour obtenir
des aveux, est inacceptable.
57. Le Comité est également préoccupé par le fait que le système juridique du
pays permet de soumettre les suspects à de longues périodes d'interrogatoire
avant de les inculper.
58. Le Comité est également préoccupé par le fait que l'État partie continue
de ne pas enquêter avec diligence et impartialité sur les actes de torture et
les mauvais traitements et de ne pas poursuivre leurs auteurs. Il est inacceptable
que seules les plaintes déposées officiellement par les victimes d'actes de
torture donnent lieu à enquête.
59. Tout en tenant compte du fait que l'application de la loi sur la sécurité
nationale résulte des problèmes de sécurité que connaît la péninsule coréenne,
le Comité souligne que la République de Corée doit veiller à ce que les dispositions
de cette loi ne soient pas appliquées de manière arbitraire. Du fait de leur
imprécision, le risque d'arbitraire est grand.
60. Le rapport de la République de Corée ne fait mention que d'un seul cas où
des actes de torture ont donné lieu à réparation. Le Comité doute de l'efficacité
des procédures de réparation ou indemnisation.
61. Il est préoccupant que des suspects puissent être détenus pendant une période
pouvant aller jusqu'à 10 jours sans mandat de détention ni décision judiciaire
d'aucune sorte.
5. Recommandations
62. Il faudrait que la République de Corée promulgue une loi donnant de la torture
une définition conforme à celle que contient l'article premier de la Convention.
63. Il faudrait revoir plus avant les lois nationales à la lumière des dispositions
de la Convention et autres normes relatives à la protection des droits de l'homme
en général.
64. L'enseignement concernant l'interdiction de la torture devrait faire partie
intégrante de la formation des enquêteurs de police, des procureurs et autres
responsables de l'application des lois ainsi que du personnel médical, conformément
à l'article 10 de la Convention, en insistant tout particulièrement sur la définition
de la torture figurant à l'article premier de la Convention et sur la responsabilité
pénale des auteurs d'actes de torture.
65. Un organe gouvernemental indépendant devrait être chargé d'inspecter les
centres de détention et les lieux d'emprisonnement. Les procureurs qui font
aussi partie des responsables de l'application des lois, lesquels peuvent être
soumis à enquête pour délit de torture, ne doivent pas être les principaux responsables
de cette inspection.
66. Le Comité recommande qu'il soit dûment enquêté sur les allégations de mauvais
traitements qui ont été portées à son attention et que les résultats de ces
enquêtes lui soient communiqués.
67. La période de garde à vue maximale de 30 ou 50 jours pour procéder à l'interrogatoire
d'un suspect avant de l'inculper est excessive et devrait être abrégée.
68. Le Comité recommande que la présence du conseil soit autorisée durant les
interrogatoires, d'autant que cela contribuerait à la mise en oeuvre de l'article
15 de la Convention.
69. Le Comité espère que la République de Corée reconsidérera sa position concernant
les articles 21 et 22 de la Convention et qu'elle fera les déclarations prévues
dans ces articles.