Observations finales du Comité contre la Torture, Kirghizistan, U.N. Doc. A/55/44, paras. 70-75 (1999).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-troisième session
8-19 novembre 1999
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE
19 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité contre la Torture
Kirghizistan
70. Le Comité a examiné le rapport initial du Kirghizistan (CAT/C/42/Add.1)
à ses 403ème, 406ème et 408ème séances, les 16, 17 et 18 novembre 1999 (CAT/C/SR.403,
406 et 408) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :
1. Introduction
71. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Kirghizistan,
qui a été soumis à la date fixée et est généralement conforme à ses directives
pour l'établissement des rapports initiaux. Le Comité se félicite également
du dialogue empreint de franchise qui s'est déroulé avec les représentants hautement
qualifiés de l'État partie.
2. Aspects positifs
72. Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants :
a) La poursuite des efforts consentis pour établir un cadre juridique fondé
sur les valeurs humaines universelles en vue de sauvegarder les droits de l'homme
fondamentaux, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
b) Le moratoire à l'exécution de la peine capitale pour une période de deux
ans et l'application de cette peine à quelques crimes graves seulement;
c) La suppression du rôle de "supervision" dévolu au procureur dans
un procès pénal;
d) Les dispositions du nouveau Code de procédure pénale permettant à toute personne
détenue de pouvoir communiquer avec l'avocat de son choix dès le moment de la
détention, et faisant à l'organe chargé de l'enquête obligation d'aviser la
famille de l'arrestation dès le moment de l'arrestation;
e) La nomination d'un procureur spécial chargé d'inspecter les lieux de mise
en isolement et les centres de détention en vue de garantir qu'ils répondent
aux normes appropriées en ce qui concerne le traitement des détenus;
f) Les poursuites engagées contre plusieurs personnes qui ont agi d'une façon
qui serait considérée comme contraire aux dispositions de la Convention;
g) La création de la Commission nationale des droits de l'homme, qui a un mandat
étendu en matière d'étude et d'amélioration de la situation des droits de l'homme
au Kirghizistan, y compris le pouvoir d'enquêter sur des affaires individuelles
et un pouvoir de surveillance des conditions pénitentiaires;
h) Les initiatives de l'État partie dans le domaine de l'éducation en vue de
garantir que le personnel de justice pénale comprend comme il convient ses obligations
en matière de droits de l'homme.
3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre des dispositions de
la Convention
73. Le Comité prend note des problèmes de transition que l'État partie connaît
actuellement.
4. Sujets de préoccupation
74. Le Comité est préoccupé par les éléments suivants :
a) L'absence d'une définition de la torture telle qu'elle est donnée à l'article
premier de la Convention dans la législation pénale en vigueur dans l'État partie,
ce qui a pour conséquence que l'infraction spécifique de torture n'est pas passible
de peines appropriées, contrairement aux dispositions du paragraphe 2 de l'article
4 de la Convention;
b) Les allégations nombreuses et persistantes faisant état de torture, en violation
de l'article premier de la Convention, et d'autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (visant parfois des enfants), dont les auteurs sont
des responsables de l'application des lois, en contravention de l'article 16
de la Convention;
c) Bien que l'État partie ait réagi dans certains cas, les allégations de torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne semblent
pas faire l'objet d'enquêtes rapides, impartiales et approfondies et les responsables
ne semblent pas être poursuivis quand c'est nécessaire;
d) L'insuffisance des garanties permettant d'assurer l'indépendance du pouvoir
judiciaire, en particulier pour ce qui est de la nomination des personnels par
le Président pour un mandat renouvelable;
e) L'utilisation de lois d'amnistie qui pourraient s'appliquer au crime de torture
dans certains cas.
5. Recommandations
75. Le Comité recommande à l'État partie :
a) De modifier sa législation pénale de façon à y incorporer le crime de torture
en reprenant les termes de la définition donnée à l'article premier de la Convention,
et en assortissant ce crime d'une peine appropriée;
b) Étant donné le grand nombre de cas d'allégation de torture et de mauvais
traitements imputés aux responsables de l'application des lois, de prendre toutes
les mesures effectives nécessaires pour empêcher de tels actes de se produire;
c) Afin de garantir que les auteurs d'actes de torture et de mauvais traitements
ne bénéficient pas de l'impunité, de veiller à ce que toutes les personnes accusées
d'avoir commis de tels actes fassent l'objet d'une enquête - et, le cas échéant,
de poursuites - , et de veiller à ce que la torture soit exclue du champ d'application
des lois d'amnistie;
d) De poursuivre les réformes institutionnelles dans la police, les organes
de poursuites et l'autorité judiciaire afin d'obtenir que chaque institution
soit sensible à ses obligations au titre de la Convention; en particulier, il
devrait prendre des mesures d'urgence pour que le pouvoir judiciaire occupe
une place centrale dans le système pénal et que son indépendance soit garantie,
en particulier en ce qui concerne les nominations pour un mandat limité renouvelable,
afin de rendre le système judiciaire conforme aux Principes fondamentaux relatifs
à l'indépendance de la magistrature adoptés en 1985 et aux Principes directeurs
applicables au rôle des magistrats du parquet adoptés en 1990;
e) De prendre des mesures pour améliorer les conditions carcérales, en tenant
compte de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de 1955;
f) De faire en sorte que les lieux de mise aux arrêts et les prisons militaires
soient soumis à une supervision de façon à garantir que les détenus n'y soient
pas maltraités et qu'ils puissent, comme devrait le pouvoir tout individu, être
représentés par un conseil à leur procès;
g) D'envisager d'abolir la peine de mort;
h) D'envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la
Convention.