Observations finales du Comité contre la Torture, Mexique, U.N. Doc. A/52/44, paras. 153-170 (1997).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
H. Mexique
153. Le Comité a examiné le rapport périodique du Mexique (CAT/C/34/Add.2) à
ses 285e, 286e et 289e séances, le 30 avril et le 2 mai 1997 (voir CAT/C/SR.285,
286/Add.1 et 289) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes :
1. Introduction
154. Le Mexique a présenté ponctuellement son rapport initial puis les rapports
périodiques, conformément à l'article 19 de la Convention.
155. Le Comité sait gré au Gouvernement mexicain de la ponctualité avec laquelle
il a respecté cette obligation, facilitant ainsi le déroulement harmonieux des
travaux du Comité en application de la Convention.
156. Le troisième rapport périodique du Mexique (CAT/C/34/Add.2), examiné à
la dix-huitième session du Comité, est établi conformément aux directives générales
concernant la forme et le contenu des rapports périodiques, adoptées par le
Comité en 1991.
157. Le Mexique avait également présenté, quelques mois avant son rapport périodique,
un rapport complémentaire se rapportant au deuxième rapport périodique. Le Comité
avait demandé ce complément d'information lors de l'examen de ce rapport en
novembre 1992. Il n'a pas examiné le rapport complémentaire en raison de la
date à laquelle il a été soumis et parce que les renseignements qu'il renfermait
sont repris dans le troisième rapport périodique.
2. Aspects positifs
158. Le Comité reconnaît les efforts déployés par l'État partie en vue d'améliorer
les dispositions juridiques assurant la protection des victimes de la torture,
et plus particulièrement les nouvelles dispositions de janvier 1994 relatives
au droit d'obtenir réparation et d'être indemnisé et au droit à la réadaptation,
ainsi que celles qui visent à rendre obligatoires les recommandations de la
Commission nationale des droits de l'homme, imposant aux autorités l'obligation
d'indemniser les victimes de tortures pour le préjudice subi.
159. Le Comité reconnaît l'importance des initiatives et activités menées à
bien dans le domaine de l'éducation et de la formation en matière de droits
de l'homme, qui portent sur un grand nombre d'activités publiques où il est
courant que des violations des droits de l'homme se produisent. Le rapport témoigne
d'un effort notable engagé pour renforcer le respect des droits de l'homme,
tant chez les agents de l'État que dans la société en général.
3. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention
160. La fragilité de ce climat favorable au respect des garanties individuelles
et la conscience insuffisante qu'ont les autorités de la nécessité de réprimer
la torture sévèrement et dans le respect du droit, reconnues dans le rapport
avec une franchise dont il y a lieu de se féliciter, constituent un facteur
subjectif qui rend assurément plus difficile le respect des obligations incombant
à l'État en vertu de la Convention.
161. Les limites des pouvoirs conférés à la Commission nationale des droits
de l'homme dont les recommandations, selon les dispositions expresses de la
loi, n'ont pas force exécutoire et sont privées de tout caractère impératif
pour l'autorité ou les services publics auxquels elles s'adressent, ainsi que
le fait qu'elle n'ait pas capacité pour agir et faire avancer les enquêtes concernant
les plaintes qu'elles formulent, limitent sa capacité d'assurer la protection
et la promotion des droits de l'homme, objectif essentiel qui constitue sa raison
d'être. Le Comité estime qu'un élargissement des pouvoirs de la Commission dans
ce sens pourrait favoriser un plus grand respect des dispositions de la Convention
par l'État partie.
4. Sujets de préoccupation
162. Le Comité a reçu de nombreuses informations dignes de foi selon lesquelles,
malgré les mesures législatives et administratives prises par le Gouvernement
pendant la période couverte par le rapport en vue d'éliminer la torture, celle-ci
a continué d'être pratiquée systématiquement au Mexique, notamment par la police
judiciaire fédérale et la police judiciaire des États et, depuis quelque temps,
par des membres des forces armées, sous prétexte de lutte contre la subversion.
Le Comité constate avec préoccupation l'écart considérable entre l'importance
de l'arsenal juridique et administratif mis en place pour éliminer la torture
et les traitements cruels, inhumains et dégradants et la réalité révélée par
les informations reçues.
163. De l'avis du Comité, l'inefficacité des mesures prises pour mettre fin
à la pratique de la torture tient, entre autres facteurs, à l'impunité dont
jouissent les responsables d'actes de torture ainsi qu'au fait que les autorités
judiciaires continuent d'accepter à titre de preuve des aveux ou déclarations
obtenus par la torture, malgré les dispositions expresses qui l'interdisent.
164. En ce qui concerne l'impunité dont jouissent les responsables de tortures,
le rapport de l'État partie contient des chiffres qui montrent qu'elle existe
bien; en effet, entre juin 1990 et mai 1996, seulement deux condamnations définitives
ont été prononcées en application de la loi fédérale visant à prévenir et à
réprimer la torture et cinq condamnations ont été prononcées pour homicide causé
par la torture, chiffres qui représentent un contraste frappant avec le nombre
de plaintes pour tortures reçues par la Commission nationale des droits de l'homme
donné dans le rapport.
165. L'inobservation par les autorités chargées d'enquêter sur les infractions
de l'obligation faite aux articles 12 et 13 de la Convention de procéder immédiatement
à une enquête impartiale aboutit, dans les faits, à priver les victimes du droit
de s'adresser à la justice pour obtenir réparation pour la violation de leurs
droits.
5. Recommandations
166. Pour éliminer la pratique de la torture, le Comité estime nécessaire de
mettre en place des mécanismes effectifs de contrôle permettant de vérifier
que les agents de l'État, les organes responsables de l'administration de la
justice et de l'application de la loi, en particulier le Bureau du Procureur
général de la République et tous ses personnels, ainsi que le pouvoir judiciaire
s'acquittent dûment de leurs devoirs et observent les interdictions qui leur
sont faites, afin d'assurer le respect des nombreuses mesures législatives en
vigueur au Mexique pour éliminer la torture et imposer des sanctions pénales
et administratives aux contrevenants.
167. Le Comité estime en outre nécessaire de prendre les mesures suivantes :
a) Conférer aux commissions des droits de l'homme les pouvoirs nécessaires pour
engager une action pénale dans les cas de violations graves des droits de l'homme,
notamment dans les cas de plaintes pour torture;
b) Renforcer les programmes d'information et de formation visant plus particulièrement
les fonctionnaires chargés de l'administration de la justice et de l'application
de la loi ainsi que le personnel médical, et faire figurer dans ces programmes
un volet portant sur l'interdiction de la torture;
c) Mettre au point des mécanismes d'information sur les droits des détenus,
qui doivent être portés immédiatement et directement à la connaissance des personnes
en état d'arrestation par les agents qui procèdent à l'arrestation et qui doivent
être aussi affichés dans tous les lieux de détention, dans tous les bureaux
du ministère public et dans les tribunaux. Cette information devrait préciser,
en termes clairs et simples, les dispositions des textes applicables, en particulier
les articles 16, 19 et 20 de la Constitution, ainsi que les dispositions correspondantes
de la loi fédérale visant à prévenir et à réprimer la torture.
168. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de faire les déclarations
prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.
169. Le Comité demande à l'État partie de bien vouloir lui faire parvenir dans
les meilleurs délais, par écrit, les réponses aux questions posées par les membres
du Comité auxquelles il n'a pas été apporté de réponse lors de l'examen du rapport.
170. Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur l'opportunité de faire
figurer, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur les questions
intéressant le Comité, en les présentant à l'échelle du District fédéral et
à l'échelle des États. Le Comité souhaiterait plus particulièrement connaître
:
a) Le nombre de plaintes pour violation des droits de l'homme en général et
pour torture en particulier, avec les décisions prises à cet égard par les commissions
des droits de l'homme ou destinées aux commissions des droits de l'homme;
b) Les enquêtes préliminaires menées sur les allégations de torture, les cas
dans lesquels une action pénale a été engagée et les affaires dans lesquelles
un jugement définitif a été rendu, que le verdict ait été l'acquittement ou
la condamnation et, quand il y a eu condamnation, les peines prononcées;
c) Les cas où la responsabilité effective d'agents de l'État auxquels des actes
de torture avaient été imputés a été reconnue et les sanctions prises à leur
encontre.