University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Monaco, U.N. Doc. CAT/C/MCO/CO/4-5 (2011).


 


CAT/C/MCO/CO/4-5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

9 mai-3 juin 2011

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Monaco

1. Le Comité contre la torture a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de Monaco (CAT/C/MCO/4-5) à ses 1000e et 1003e séances (CAT/C/SR.1000 et 1003), les 20 et 23 mai 2011, et a adopté à sa 1015e séance (CAT/C/SR.1015) les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction les quatrième et cinquième rapports périodiques de Monaco et note avec appréciation que le rapport a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative d’établissement de rapports, qui consiste pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter transmise par le Comité (CAT/C/MCO/Q/4). Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté de présenter son rapport en suivant cette nouvelle procédure facultative qui facilite la coopération entre l’État partie et le Comité.

3. Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, à laquelle il exprime ses remerciements pour les réponses claires, précises et détaillées lors de ce dialogue ainsi que les réponses écrites additionnelles fournies.

B. Aspects positifs

4. Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après pendant la période considérée:

a) Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2005;

b) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2008.

5. Le Comité prend note avec satisfaction de:

a) L’entrée en vigueur de la loi n° 1343 du 26 décembre 2007, intitulée «Justice et Liberté», portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale garantissant les droits de personnes soumises à la garde à vue ou à la détention provisoire. Ladite loi établit également le régime de l’indemnisation du dommage résultant d’une détention provisoire injustifiée;

b) L’entrée en vigueur de la loi n° 1344 du 26 décembre 2007 relative au renforcement de la répression des crimes et délits contre l’enfant;

c) L’entrée en vigueur de la loi n° 1312 du 29 juin 2006 relative à l’obligation de motiver les décisions administratives, y compris les décisions de refoulement d’étrangers sous peine de nullité;

d) L’ordonnance souveraine n° 605 du 1er août 2006 portant application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que ses Protocoles additionnels.

6. Le Comité prend également note avec satisfaction de l’organisation des différentes activités de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme, notamment à l’intention des magistrats et des agents de la sûreté publique.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations Définition et pénalisation de la torture

7. Le Comité note que l’article 8 du Code de procédure pénale établissant la compétence des tribunaux sur des faits de torture commis à l’étranger fait référence à l’article premier de la Convention. Néanmoins, il demeure préoccupé par l’absence d’intégration dans le Code pénal, malgré sa récente révision, d’une définition de la torture qui soit pleinement conforme à l’article premier de la Convention. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’une disposition spécifique incriminant la torture (art. 1 et 4).

L’État partie devrait incorporer dans sa législation pénale une définition de la torture qui soit strictement conforme à celle de l’article premier de la Convention. Le Comité estime que les États parties, en établissant et en définissant l’infraction de torture conformément aux articles 1 et 4 de la Convention et en l’érigeant en une infraction distincte des autres crimes, serviront directement l’objectif fondamental de la Convention qui consiste à prévenir la torture, notamment en attirant l’attention de tous - auteurs, victimes et public – au fait que ce crime est d’une gravité particulière et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction de la torture.

Interdiction absolue de la torture

8. Tout en notant que les articles 127 à 130 du Code pénal portant sur l’abus d’autorité sanctionnent sévèrement les ordres d’autorités publiques contraires à la loi, le Comité est préoccupé du fait que les révisions récentes du Code pénal de l’État partie n’incluent pas des dispositions interdisant expressément d’invoquer des circonstances exceptionnelles ou l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique pour justifier la torture (art. 2).

L’État partie devrait adopter des dispositions spécifiques interdisant d’invoquer des circonstances exceptionnelles ou l’ordre d’un supérieur pour justifier la torture ainsi que le Comité l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales. L’État partie devrait prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis, y compris renforcer les garanties de protection en faveur d’un agent refusant d’exécuter l’ordre illégal donné par son supérieur hiérarchique.

Non-refoulement

9. Le Comité regrette que le recours contre les décisions d’expulsion ou de refoulement d’étrangers devant le Tribunal suprême ait un caractère suspensif uniquement s’il est assorti d’une requête en sursis à l’exécution. En outre, considérant le fait que le statut de réfugié à Monaco est subordonné à la reconnaissance par l’Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA), le Comité regrette l’absence de suivi par l’État partie des demandes d’asile qui sont traitées par la France et note par ailleurs la difficulté pratique pour un demandeur d’asile à Monaco d’exercer un recours contre un rejet de sa demande (art. 3).

L’État partie devrait instaurer un mécanisme de suivi des dossiers de demandeurs d’asile auprès de l'OFPRA. Il devrait également rendre automatique l’effet suspensif des recours contre les décisions d’expulsion ou de refoulement d’étrangers de manière à assurer le respect du principe de non-refoulement. Par ailleurs, bien que l’expulsion et le refoulement soient exclusivement opérés vers la France, également partie à la Convention, le Comité est particulièrement préoccupé par le manque de suivi des cas d’expulsion concernant notamment les ressortissants non européens qui pourraient être exposés à une expulsion subséquente vers un État où il pourrait avoir risque de torture ou de mauvais traitements.

Suivi des conditions de détention

10. Le Comité prend note que l’État partie a engagé avec les autorités françaises une négociation visant à déterminer par voie conventionnelle les modalités consacrant un « droit de visite » des détenus condamnés par les juridictions monégasques et placés dans les établissements pénitentiaires français. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence de suivi des cas de détenus en France et regrette que la pratique du consentement explicite des condamnés à Monaco sur leur transfèrement en France ne soit pas formellement consacrée par un texte (art. 11).

L’État partie devrait créer un organe qui dépendra directement des autorités monégasques devant faciliter le suivi du traitement et des conditions matérielles de ces prisonniers. L’Etat partie est encouragé à intégrer le consentement explicite des condamnés à leur transfèrement dans la convention avec la France.

Violence au sein de la famille

11. Le Comité prend note du dépôt en octobre 2009 du Projet de loi n° 869 relative à la lutte et à la prévention des violences particulières contre les femmes, enfants et personnes handicapées au Conseil National. Il demeure toutefois préoccupé par la lenteur du processus d’adoption de cette importante loi (art. 2, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait s’assurer que le Projet de loi n° 869 est rapidement adopté en vue de prévenir et de combattre toute forme de violence envers les femmes, les enfants et les personnes handicapées. L’État partie devrait s’assurer que les châtiments corporels des enfants soient explicitement interdits dans tous les secteurs de la vie et la violence domestique réprimée. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’organiser des formations ou des campagnes de sensibilisation visant spécifiquement à informer les victimes de violence dans la famille de leurs droits.

Réparation pour les victimes de torture

12. Malgré l’absence d’allégations d’actes de torture durant la période sous examen, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions spécifiques relatives à la réparation et à l’indemnisation des victimes de torture ou de mauvais traitements (art. 14).

Le Comité recommande à l’État partie de prévoir dans son projet de loi sur les violences particulières, des dispositions spécifiques d’indemnisation des victimes de la torture ou de mauvais traitements, en conformité avec les dispositions de l’article 14 de la Convention qui prévoit, par ailleurs, qu’en cas de mort de la victime résultant d’un acte de torture, les ayants droit de celle-ci ont droit à l’indemnisation.

Formation

13. Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les différents programmes de formation pour les magistrats et les agents de sécurité publique. Toutefois, il déplore que les formations organisées n’aient pas été complètes à la lumière de la Convention contre la torture (art. 10).

Le Comité encourage l’État partie à continuer à organiser des sessions de formation sur les droits de l’homme et recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) soit incorporé dans les programmes de formations du personnel médical et d’autres catégories professionnelles. L’État partie devrait également évaluer l’efficacité et l’incidence de ces programmes de formation.

Mesures contre le terrorisme

14. Nonobstant le fait qu’aucun cas de terrorisme n’ait été enregistré durant la période en revue, le Comité réitère les préoccupations exprimées par le comité des droits de l’homme (CCPR/C/MCO/CO/2) sur le caractère large et peu précis de la définition des actes terroristes contenue dans le Code pénal, y compris le manque de clarté de la définition du terrorisme dit « écologique » (art. 2 et 16).

L’État partie devrait adopter une définition plus précise des actes terroristes tout en veillant à ce que toutes mesures prises contre le terrorisme respectent toutes les obligations qui lui incombent en vertu du droit international, y compris l’article 2 de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

15. Tout en notant le travail accompli par la Cellule des droits de l’homme et le Médiateur ainsi que le projet de texte actuellement à l’étude visant à renforcer les missions de ce dernier, le Comité regrette la réticence manifestée par l’État partie de mettre sur pied une institution nationale des droits de l’homme (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité encourage l’État partie à mettre sur pied une institution nationale des droits de l’homme indépendante qui soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principe de Paris, annexe à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale) en lui octroyant les ressources humaines et financières lui permettant de remplir son rôle de manière efficace, y compris d’enquêter sur les allégations de torture.

16. Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

17. L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

18. Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en respectant la limite de 40 pages. Il l’invite également à mettre à jour si nécessaire son document de base du 27 mai 2008 (HRI/CORE/MCO/2008), conformément aux instructions relatives au document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6), approuvées par la réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’Etat partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

19. Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 10, et 11 du présent document.

20. Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport, qui sera son sixième rapport périodique, le 3 juin 2015 au plus tard.

 



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