Conclusions et recommandations du Comité contre la Torture, Pérou, U.N. Doc. A/50/44, paras. 62-73 (1995).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
Pérou
62. Le Comité a examiné le rapport initial du Pérou (CAT/C/7/Add.16), qui était
attendu en 1989, à ses 193e et 194e séances, le 9 novembre 1994 (CAT/C/SR.193
et 194 et Add.2), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.
A. Introduction
63. Le Comité remercie de sa présence une délégation péruvienne composée de
personnalités éminentes et lui sait gré des déclarations et explications qu'elle
a fournies tant par écrit que dans son exposé oral.
B. Aspects positifs
64. Le Comité prend note de la volonté manifestée par la délégation péruvienne
de présenter tous les rapports voulus et de répondre à toutes les demandes formulées
par des organismes internationaux de défense des droits de l'homme.
65. Le Comité prend dûment acte de la campagne intensive d'information sur le
respect des droits de l'homme organisée à l'intention des forces armées et des
forces de sécurité.
66. Le Comité constate avec satisfaction que diverses dispositions ont été prises,
afin notamment de permettre aux procureurs de se rendre dans les lieux de détention
situés dans des zones soumises à l'état d'urgence, d'assouplir la procédure
appliquée en matière de terrorisme, ou encore de mettre en place de nouveaux
organes de protection des droits de l'homme.
C. Sujets de préoccupation
67. Le Comité s'inquiète vivement de l'existence d'un grand nombre de plaintes
émanant aussi bien d'organisations non gouvernementales que d'organismes ou
commissions internationaux, qui font état d'une pratique généralisée de la torture
lors des enquêtes sur des actes de terrorisme, ainsi que de l'impunité dont
jouissent les tortionnaires.
68. Le Comité fait observer que la législation tendant à réprimer le terrorisme
n'est pas conforme aux normes des pactes internationaux relatives à la garantie
d'un procès équitable et impartial, entouré des garanties minimales dont doivent
jouir les personnes jugées (à cet égard, on peut citer par exemple les juges
"sans visage", les graves limitations apportées aux droits de la défense,
l'absence de recours devant des instances judiciaires, la mise au secret pendant
de longues périodes, etc.).
69. Le Comité est également préoccupé du fait que des civils sont soumis à la
juridiction militaire et qu'en pratique, la compétence de la juridiction militaire
peut être étendue aux délits de fonction.
D. Recommandations
70. Le Comité est conscient des graves difficultés que traverse le Pérou en
raison des attaques terroristes auxquelles il est confronté et il espère que
ces difficultés pourront être surmontées dans l'avenir.
71. En dépit de la volonté manifestée par la délégation péruvienne, les mesures
juridiques et administratives adoptées pour mettre en oeuvre la Convention ne
se sont pas avérées efficaces, selon les critères du Comité, pour empêcher les
actes de torture ainsi que l'exige le paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention.
72. De même, il semble que les exigences des articles 12 et 13 de la Convention
ne soient pas respectées en ce qui concerne la nécessité de diligenter des enquêtes
promptes et impartiales sur toutes les accusations de torture.
73. Toutefois, compte tenu de l'intention manifestée par la délégation et du
fait que le Gouvernement dispose des moyens d'éliminer le fléau de la torture,
le Comité suggère notamment l'adoption des mesures suivantes :
a) Réviser la procédure relative aux crimes terroristes de manière à mettre
en place un dispositif judiciaire qui soit efficace mais préserve l'indépendance
et l'impartialité des tribunaux et les droits de la défense en supprimant les
juges dits "sans visage" ainsi que la mise au secret des détenus;
b) Réglementer le fonctionnement des tribunaux militaires de manière qu'ils
ne puissent pas juger des civils et que leur compétence soit restreinte aux
délits militaires, en adoptant à cette fin les modifications juridiques et constitutionnelles
voulues;
c) Faire en sorte que le Conseil de la magistrature et l'Ombudsman entrent en
fonctions dans les meilleurs délais;
d) Renforcer l'activité des procureurs et leur donner les moyens nécessaires
pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs fonctions;
e) Envisager la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21
et 22 de la Convention;
f) Envisager de définir la torture comme un crime distinct, passible d'une peine
proportionnelle à sa gravité;
g) Redoubler d'efforts pour éduquer les médecins, les membres des forces armées
et des forces de sécurité, et mettre en oeuvre des programmes de réadaptation
intégrale des victimes.