Observations finales du Comité contre la Torture, Pologne, U.N. Doc. A/55/44, paras. 82-95 (2000).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-quartième session
1-19 mai 2000
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE
19 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité contre la Torture
Pologne
82. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Pologne (CAT/C/44/Add.5)
à ses 412ème, 415ème et 419ème séances, tenues les 2, 3 et 5 mai 2000 (CAT/C/SR.412,
415 et 419) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :
1. Introduction
83. Le Comité note avec satisfaction que le troisième rapport périodique de
la Pologne, qui est détaillé et riche d'informations, correspond aux directives
générales pour l'établissement des rapports des États parties, en ce qui concerne
tant la forme que le fond.
84. La déclaration orale de la délégation polonaise et les explications et éclaircissements
qu'elle a donnés, de même que l'échange de vues qui a suivi, sont venus compléter
les informations fournies par écrit.
2. Aspects positifs
85. Le Comité note avec satisfaction les efforts remarquables et fructueux déployés
par l'État partie, lesquels ont abouti à de profondes transformations dans les
domaines politique, social, économique, législatif et institutionnel.
86. Le Comité note en particulier :
a) L'adoption de la nouvelle Constitution, qui est entrée en vigueur le 17 octobre
1997 et contient des éléments nouveaux pour la défense des libertés et des droits
des citoyens, prescrit le respect du droit international, a pour la Pologne
force obligatoire, et assure la prééminence des accords internationaux sur la
législation interne en cas de conflit de normes;
b) L'adoption dans la nouvelle Constitution de la règle selon laquelle nul ne
peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, qui représente une mesure importante pour ce qui est de satisfaire
aux exigences et de suivre les recommandations du Comité tendant à ce que soit
incorporée dans la législation une définition de la torture reprenant tous les
éléments de la définition donnée à l'article premier de la Convention;
c) L'abolition de la peine de mort;
d) Le fait qu'il n'est pas établi de délai de prescription pour les crimes de
guerre et les crimes contre l'humanité.
3. Principaux sujets de préoccupation
87. Le Comité constate avec préoccupation que les textes modifiant la législation
ne contiennent pas de dispositions tendant à ce que les personnes coupables
d'actes de torture fassent l'objet de poursuites et de sanctions pénales comme
stipulé aux articles premier et 4 de la Convention.
88. Le Comité est également préoccupé de ce que le nouveau Code pénal n'apporte
aucune modification de fond concernant les ordres donnés par un supérieur hiérarchique
lorsqu'ils sont invoqués pour justifier la torture. Selon la législation en
vigueur, celui qui reçoit l'ordre engage sa responsabilité pénale s'il a conscience
du caractère criminel de l'ordre donné.
89. Le nouveau Code pénal ne prévoit pas le "risque d'être soumis à la
torture" parmi les motifs de refus d'extradition ainsi que l'exige l'article
3 de la Convention.
90. Le Comité note qu'en dépit des efforts de l'État partie, certains incidents
dramatiques de comportement agressif de la part d'agents des forces de police
continuent de se produire, faisant parfois des morts.
91. Le Comité est également préoccupé par la persistance de la pratique du bizutage
(fala) dans l'armée, où les nouvelles recrues subissent voies de fait et humiliations.
4. Recommandations
92. Le Comité note que la nouvelle Constitution polonaise reconnaît que les
conventions internationales ratifiées par la Pologne font partie de l'ordre
juridique interne, mais il note par ailleurs que le système juridique polonais
ne qualifie pas le crime de torture et ne prévoit pas de peines dont il serait
passible. Le Comité recommande en conséquence que l'État partie apporte les
amendements législatifs nécessaires pour faire de la torture un crime particulier
et pour que les auteurs d'actes de torture, tels que définis dans la Convention,
puissent être poursuivis et faire l'objet de sanctions appropriées.
93. Le Comité recommande en outre de modifier le Code pénal pour faire en sorte
que nul ne puisse, en aucune circonstance, invoquer les ordres donnés par un
supérieur hiérarchique comme justification de la torture.
94. L'État partie devrait instituer un système de recours utile et sûr qui permette
aux victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants de porter plainte.
95. Des mesures d'ordre législatif et administratif devraient être prises pour
protéger quiconque contre un recours excessif à la force de la part de la police,
s'agissant notamment de la supervision de réunions publiques et contre la persistance
de mesures abusives associées à la pratique des bizutages (fala) dans l'armée.