Conclusions et recommandations du Comité contre la Torture, Arabie saoudite, U.N. Doc. CAT/C/CR/28/5 (2002).
Convention Abbreviation: CAT
1. Le Comité a examiné le rapport périodique initial de l'Arabie saoudite
(CAT/C/42/Add.2) à ses 516e, 519e, 521e et 524e séances, les 8, 10, 13 et
15 mai 2002 (CAT/C/SR.516, 519, 521 Add.1 et 524) et adopté les conclusions
et recommandations ci-après.
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l'Arabie saoudite,
tout en regrettant qu'il ait été soumis avec retard et donne peu d'informations
sur l'exercice pratique, en Arabie saoudite, des droits consacrés dans la
Convention. Ce rapport suit dans l'ensemble les directives du Comité. Le Comité
se félicite aussi de l'occasion qui lui a été donnée d'engager avec une délégation
nombreuse un dialogue portant sur un grand nombre de questions qui se posent
au titre de la Convention, dialogue rehaussé par un exposé oral très détaillé.
a) L'adhésion de l'État partie à la Convention contre la torture le 23 septembre 1997, ainsi que de son adhésion à plusieurs autres instruments capitaux relatifs aux droits de
l'homme et l'intention dont il a fait part de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967. Il se félicite en outre de l'affirmation de l'État partie selon laquelle le droit interne, y compris les éléments qui reposent sur la charia, est en mesure de reconnaître entièrement les droits et obligations énoncés dans la Convention;
b) Certains faits nouveaux positifs survenus au plan législatif tendant à renforcer la primauté du droit et une bonne administration de la justice, survenus depuis la rédaction du rapport, et notamment de certains aspects du Code de procédure civile, du Code de procédure pénale et du Code de conduite des avocats promulgués récemment. En particulier il note avec satisfaction que le Code de procédure pénale garantit le droit de tout accusé de faire appel aux services d'un avocat à toutes les étapes de l'instruction et du procès;
c) La déclaration de l'État partie qui assure que le droit interne prévoit qu'aucune circonstance exceptionnelle, y compris l'ordre d'un supérieur hiérarchique, ne peut être invoquée pour justifier un acte de torture; l'assurance donnée à nouveau que des aveux obtenus sous la torture ne sont pas recevables dans une action en justice et l'assurance donnée verbalement qu'un suspect peut, à tout moment de la procédure, revenir sur ses aveux. Le Comité a pris note de l'assurance donnée par l'État partie que les peines corporelles ne sont pas appliquées aux mineurs;
d) La compétence donnée au Conseil des doléances pour connaître des allégations de violations des droits de l'homme et le fait que certains services médicaux possèdent les compétences en médecine légale nécessaires pour examiner des personnes qui se disent victimes de tortures. Le Comité se félicite de la création d'une commission permanente chargée d'enquêter sur les accusations de recours à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants lors de l'arrestation, de la détention et de l'interrogatoire des suspects;
e) L'invitation adressée par l'État
partie au Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur l'indépendance
des juges et des avocats à examiner sa législation, sa politique et ses pratiques
en la matière.
a) Tout en notant que, d'après l'État partie, la charia interdit expressément la torture et les autres traitements cruels et inhumains, le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l'État partie ne contienne pas elle-même expressément cette interdiction et n'impose pas de sanctions pénales. Le Comité estime qu'il est nécessaire d'incorporer expressément dans la loi le délit de torture tel qu'il est défini à l'article premier de la Convention pour bien marquer l'importance capitale de cette interdiction;
b) La condamnation à des peines corporelles par les autorités judiciaires et administratives et l'application de ces peines, y compris en particulier la flagellation et l'amputation, ne sont pas compatibles avec la Convention;
c) Les différents régimes applicables, en droit et en pratique, aux nationaux et aux étrangers s'agissant du droit de ne pas être l'objet d'actes contraires à la Convention et de pouvoir porter plainte si besoin est. Le Comité rappelle que la Convention et les garanties dont elle est assortie sont applicables à tous les actes contraires à la Convention qui se produisent sur le territoire de l'État partie, de sorte que toutes les personnes peuvent, sur un pied d'égalité et sans discrimination, jouir des droits qui y sont consacrés;
d) Les informations faisant état de la détention provisoire prolongée de certains individus au-delà des limites fixées par la loi, qui peut parfois constituer en soi un comportement contraire à la Convention ou en augmente le risque. Le Comité se déclare d'ailleurs préoccupé par les cas où, parfois pendant de longues périodes, les autorités consulaires se voient refuser l'accès à des étrangers en détention. De plus, il s'inquiète du peu de contrôle exercé par les autorités judiciaires sur la détention avant jugement;
e) Les informations faisant état de la détention au secret, parfois pendant de longues périodes, en particulier pendant l'instruction préparatoire. Le fait de refuser aux détenus l'accès à un conseil juridique et à des soins médicaux extérieurs, ainsi qu'aux membres de leur famille, augmente la probabilité que des actes contraires à la Convention ne seront ni poursuivis ni sanctionnés comme il se doit;
f) L'obligation faite à l'article 100 du Statut de la Direction de la sûreté publique à l'officier chargé de l'interrogatoire de tenter «par les différents moyens qu'il jugera judicieux» de déterminer la cause du silence d'un suspect. Bien que l'article proscrive formellement le recours à la torture ou à la coercition, une telle obligation augmente de façon injustifiée le risque d'actes contraires à la Convention;
g) Des cas d'expulsion d'étrangers, portés à l'attention du Comité, semblent avoir été contraires aux obligations imposées par l'article 3 de la Convention;
h) La compétence de la police mutawe'en de s'attaquer notamment aux violations du code moral et de lutter contre les comportements qu'ils considèrent comme attentant aux bonnes mœurs et à la sécurité. Le Comité note avec inquiétude que les pouvoirs de ces policiers ne sont pas définis de façon précise par la loi et que leurs activités peuvent entraîner une violation de la Convention;
i) L'incapacité apparente de l'État partie d'offrir des mécanismes d'enquête efficaces sur les plaintes pour manquement à la Convention;
j) Tout en notant la mise en place
de mécanismes conçus pour assurer une indemnisation aux victimes d'actes contraires
à la Convention, le Comité relève que, dans la réalité, les intéressés obtiennent
rarement satisfaction et qu'en conséquence l'exercice des droits garantis
par la Convention s'en trouve limité.
a) D'incorporer expressément dans sa législation le délit de torture, défini dans des termes compatibles avec l'article premier de la Convention;
b) De reconsidérer l'imposition de châtiments corporels, peines qui sont contraires à la Convention;
c) De veiller à ce que sa législation soit dans la pratique appliquée à tous, sans distinction de nationalité, de sexe, d'appartenance religieuse ou autre, pour ce qui concerne les questions relevant de la Convention;
d) De veiller à ce que tous les lieux de détention ou d'incarcération répondent à des normes suffisantes pour que nul ne soit soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
e) De veiller à ce que sa législation et sa pratique reflètent les obligations imposées par l'article 3 de la Convention;
f) De veiller à ce que toutes les personnes qui ont été victimes d'une violation des droits qui leur sont reconnus par la Convention aient accès, en droit comme en pratique, aux moyens d'obtenir pleinement réparation, y compris une indemnisation, et que les personnes responsables de ces violations fassent l'objet d'une enquête rapide et impartiale avant d'être sanctionnées;
g) De veiller à ce que la police mutawe'en exerce des compétences claires et précises, dans le respect de la Convention et des autres règles applicables en matière de non-discrimination, selon des modalités régies par la loi et sujettes à l'examen des autorités judiciaires ordinaires;
h) De veiller, dans la pratique, à ce que les personnes placées en garde à vue puissent avoir rapidement accès aux experts juridiques et médicaux de leur choix, aux membres de leur famille et, dans le cas des ressortissants étrangers, au personnel consulaire;
i) De veiller à ce que la composition de l'appareil judiciaire soit entièrement conforme au Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature;
j) De veiller à ce que la formation dispensée au personnel chargé de l'application des lois comporte un enseignement et une information sur le dépistage des marques de torture physique comme ceux donnés à une partie de son personnel médical, conformément à l'article 10 de la Convention;
k) D'adopter des mesures adéquates pour permettre la création d'organisations non gouvernementales indépendantes et le développement de leurs activités dans le domaine de la défense des droits de l'homme;
l) De donner dans le prochain rapport périodique des données ventilées notamment par âge, sexe, origine ethnique, nationalité, origine géographique et autres, sur les personnes privées de liberté, qui se trouvent en prison ou ailleurs, ou qui subissent une autre forme de sanction et qui peuvent être exposées à des actes contraires à la Convention, ainsi que sur les cas éventuels où des membres de la police ou autres agents de l'État ont été poursuivis ou punis pour des actes contraires à la Convention, et sur l'issue de telles affaires;
m) D'envisager de faire la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention;
n) De diffuser largement, dans le pays, les conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues voulues.