University of Minnesota


Observations finales du Comité contre la Torture, Sénégal, U.N. Doc. A/51/44, paras. 102-119 (1996).


Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE



EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION



Conclusions et recommandations du Comité contre la torture



F. Sénégal


102. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Sénégal (CAT/C/17/Add.14) à ses 247e et 248e séances, le 1er mai 1996 (CAT/C/SR.247 et 248), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.



1. Introduction


103. Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique du Sénégal et du document de base (HRI/CORE/1/Add.51) et remercie la délégation sénégalaise de la présentation orale et de la franche collaboration démontrée par le dialogue engagé avec le Comité.



2. Aspects positifs


104. Le Comité note avec satisfaction la volonté résolue du Sénégal de défendre les droits de l'homme, manifestée, entre autres, par la ratification d'une série de traités internationaux concernant la protection des droits de l'homme et par la modernisation de la législation y relative, qui est actuellement en cours. Par ailleurs la franche collaboration de l'État partie avec le Comité montre son désir de remplir les obligations qu'il a souscrites en ratifiant la Convention.


105. Le Comité signale comme un aspect positif le rang que la Constitution sénégalaise octroie aux traités internationaux ratifiés par le Sénégal, en leur reconnaissant une valeur supérieure à celle de la loi nationale.


106. Le Comité considère en outre comme très constructive l'évolution récente dans le domaine des droits de l'homme au Sénégal, telle qu'elle est présentée dans le "Communiqué commun" de représentants du Gouvernement et des organisations non gouvernementales daté du 13 mars 1996, qui annonce l'instauration d'un dialogue périodique et la création d'un "Guichet des droits de l'homme".


107. Le Comité se félicite aussi du fait que la délégation sénégalaise s'est engagée, au nom des autorités de l'État partie, d'une part à faire prendre des mesures pour assurer la formation des personnes chargées des fonctions énumérées à l'article 10 de la Convention, notamment des médecins, et d'autre part à mener à son terme la procédure en cours concernant la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention.



3. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention


108. Le Comité signale l'absence sur le plan normatif de certaines réglementations qui garantiraient l'application effective de la Convention.


109. Le Comité prend acte du fait que la situation conflictuelle en Casamance entrave parfois l'application effective de la Convention.



4. Sujets de préoccupation


110. Le Comité s'inquiète des nombreux cas de torture qui ont été portés à sa connaissance par des organisations non gouvernementales, dont la fiabilité est prouvée, mais également signalés dans le rapport de l'État partie, notamment aux paragraphes 12, 37 et 103.


111. Tout en tenant compte du problème spécifique de la Casamance, qui menace l'intégrité et la sûreté de l'État, le Comité rappelle qu'une démocratie doit en tout état de cause veiller à ce que seuls des moyens légitimes soient employés pour assurer la sûreté de l'État, la paix et la stabilité.


112. Le Comité est préoccupé par le fait que l'État partie invoque dans son rapport une divergence entre la légalité internationale et la légalité nationale, afin de légaliser l'impunité d'actes de torture, impunité qui se fonde sur les lois portant amnistie.


113. Le Comité exprime des doutes quant à l'efficacité des dispositions en vigueur au Sénégal concernant le plein respect des droits fondamentaux de la personne placée en garde à vue.



5. Recommandations


114. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager, dans la réforme législative qu'il est en train d'effectuer, d'introduire explicitement dans la législation nationale les dispositions suivantes :


a) Définition de la torture, conformément à l'article premier de la Convention, et incrimination de la torture comme infraction générale, en application de l'article 4 de la Convention; cette dernière disposition rendrait entre autres possible pour l'État partie d'exercer la juridiction universelle prévue par les articles 5 et suivants de la Convention;


b) L'interdiction générale de tout acte de torture devrait insister sur le fait qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture, conformément au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention;


c) Prescription expressis verbis du fait que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture, conformément au paragraphe 3 de l'article 2 de la Convention;


d) Interdiction explicite d'obtenir des preuves par la torture, et interdiction d'invoquer toute déclaration dont il a été établi qu'elle a été obtenue de telle manière comme élément de preuve dans une procédure quelconque, conformément à l'article 15 de la Convention.


115. Le Comité recommande que tous les crimes évoqués au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention fassent systématiquement l'objet d'une enquête rigoureuse et rapide par les pouvoirs judiciaires compétents et par le Procureur.


116. Le Comité recommande que toute personne accusée d'une infraction à la loi pénale fasse l'objet d'une enquête objective et si la responsabilité est établie, qu'elle soit déférée devant la juridiction compétente le plus tôt possible.


117. Le Comité recommande que soit mis en oeuvre, sans réserve, l'article 79 de la Constitution sénégalaise, qui institue la primauté du droit international conventionnel ratifié par le Sénégal sur la loi nationale. Il estime notamment que les lois d'amnistie en vigueur au Sénégal ne permettent pas d'appliquer correctement certaines dispositions de la Convention.


118. Le Comité souhaite que les allégations présentées par les organisations non gouvernementales fassent l'objet d'une enquête et que les résultats soient transmis au Comité.


119. Le Comité serait, enfin, reconnaissant au Gouvernement sénégalais de bien vouloir verser une contribution, ne serait-ce que symbolique, au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens