Comité contre la torture Quarante-quatrième session
26 avril-14 mai 2010
Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention
VERSION AVANCÉE ET NON ÉDITÉE
Observations finales du Comité contre la torture
Suisse
1. Le Comité contre la torture a examiné le sixième rapport périodique de la Suisse (CAT/C/CHE/6) à ses 935e et 936e séances (CAT/C/SR.935 et 936), les 30 avril et 3 mai 2010, et a adopté à sa 948e séance, le 11 mai 2010 (CAT/C/SR.948), les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de la Suisse, qui suit les directives pour la présentation des rapports, ainsi que les réponses apportées à la liste des points à traiter. Il accueille la délégation de haut niveau et plurisectorielle de l’Etat partie et note avec satisfaction le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec elle, ainsi que les renseignements, les explications supplémentaires et les informations additionnelles que la délégation a fournis au le Comité.
B. Aspects positifs
3. Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments internationaux ci-après:
a) Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (24 septembre 2009) ;
b) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (19 septembre 2006) ;
c) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (26 juin 2002)
d) Protocoles nos. 1 et 2 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (01 mars 2002).
e) Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (27 octobre 2006) ;
f) Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (27 octobre 2006) ;
g) Statut de Rome de la Cour pénale internationale (12 octobre 2001) ;
h) Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (27 octobre 2007).
4. Le Comité relève avec satisfaction les efforts que l’État partie continue de déployer pour réviser la législation, les politiques et les procédures en vue de garantir une meilleure protection des droits de l’homme, en particulier du droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:
a) L’adoption du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011) qui renforce les droits de la défense, accorde des droits plus étendus aux victimes, ainsi que des mesures de protection pour les témoins;
b) La révision totale de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l’aide aux victimes d’infractions, entrée en vigueur le 1er janvier 2009 ;
c) L’entrée en vigueur le 1er janvier 2007, de la Loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs ;
d) La prorogation dans le nouveau Code pénal (art. 97) entré en vigueur le 1er janvier 2007, du délai de prescription à 25 ans de la victime en cas d’infractions graves à l’intégrité sexuelle des enfants ;
e) La procédure civile unifiée (entrée en vigueur le 1er janvier 2011) ;
f) La création d’une commission nationale de prévention de la torture, entrée en fonction le 1er janvier 2010, suite à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
C. Principaux motifs de préoccupation et recommandations
Définition de la torture
5. Tout en prenant note qu’un bon nombre d’actes, par ailleurs constitutifs de torture, sont incriminés dans le droit pénal suisse pénal suisse (arts. 111-117, 122-128, 180-185 et 189-193), le Comité est préoccupé malgré sa recommandation précédente (CAT/C/CR/34/CHE, 2005, paras. 4(b) et 5(a)), de l’absence dans la législation suisse de la définition de la torture qui couvre tous les éléments constitutifs figurant à l’article premier de la Convention (art. 1).
Le Comité réitère sa recommandation à l’État partie d’inclure dans son Code pénal une définition de la torture reprenant tous les éléments qui figurent à l’article premier de la Convention.
Garanties fondamentales
6. Tout en notant la structurale fédérale de l’Etat partie, le Comité est préoccupé du fait que le respect par l’Etat partie des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention peut entraîner un traitement différencié dans l’exécution de ces obligations par les différents cantons (art. 2).
L’Etat partie devrait prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les autorités de tous les cantons aient connaissance des droits énoncés dans le Convention et puissent en assurer l’application le plus rapidement possible, quelque soit la structure de l’Etat partie.
7. Le Comité relève avec préoccupation que l’Etat partie n’a toujours pas mis en place une institution nationale des droits de l’homme ayant une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris. Le Comité prend note de l’initiative prise par l’Etat de conduire une solution pilote sur une durée de cinq ans, consistant à créer un « Centre de compétences dans le domaine des droits de l’homme » par le biais d’appel d’offres à des universités. Le Comité estime néanmoins qu’une telle solution ne peut pas remplacer la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme (art. 2).
L’État partie devrait envisager d’établir une institution nationale des droits de l’homme avec une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, et qui pourrait jouer un rôle dans la coordination et la mise en œuvre des politiques en matière des droits de l’homme et de la mise en œuvre des recommandations, la doter de ressources financières et humaines nécessaires à son fonctionnement conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).
Violences policières
8. Le Comité se préoccupe d’informations d’allégations de violences policières ou d’usage excessif de la force ou d’autres mauvais traitements par les forces de police lors de l’interpellation de suspects à leurs domiciles, dans des postes et commissariats de police. Le Comité se préoccupe en particulier du fait que certaines de ces allégations font état d’un recours excessif à la force à l’égard des étrangers, notamment des demandeurs d’asile et des migrants, surtout d’origine africaine, et en particulier dans les cantons de Genève et de Vaud (arts. 2, 12, 13, 14 et 16).
L’État partie doit veiller à mener une enquête prompte, profonde et impartiale sur toutes les allégations de violences ou de mauvais traitements de la part des forces de police, à poursuivre les auteurs, et, si leur culpabilité est établie, à les sanctionner à la hauteur de leurs actes ; et veiller à ce que les victimes puissent être indemnisées et puissent bénéficier, s’il y a lieu, des moyens de réhabilitation et de réadaptation. L’Etat partie doit également poursuivre la formation et la sensibilisation des agents de police aux droits de l’homme et, en particulier, aux dispositions de la Convention. Il doit informer le Comité dans son prochain rapport des procédures en cours d’instruction et de leurs résultats.
Mécanismes indépendants d’enquêtes sur les violences policières
9. Le Comité prend note du fait que dans l’Etat partie, les plaintes pour violences policières, torture et mauvais traitement peuvent être déposées auprès des tribunaux ordinaires. Il est néanmoins préoccupé du fait que l’Etat partie n’a pas encore totalement mis en œuvre sa recommandation visant à instaurer dans chaque canton, des mécanismes d’enquêtes indépendants pour recevoir les plaintes contre les membres de la police pour violences ou mauvais traitements. Il rappelle que la possibilité de recours à des tribunaux ordinaires ne doit pas empêcher la mise en place de tels mécanismes (arts. 2, 12 et 16).
L’État partie doit veiller à ce qu’un mécanisme indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à des violences ou à des mauvais traitements de la part de la police et à enquêter de manière prompte, profonde et impartiale sur ces plaintes, soit créé dans chaque canton.
Non-refoulement
10. Le Comité note que selon l’article 5, para. 2 de la Loi sur l’asile de 1999, l’interdiction du refoulement ne peut être invoquée lorsqu’il y a de sérieuses raisons d’admettre que la personne qui l’invoque compromet la sécurité de la Suisse ou que, ayant été condamné par un jugement passé en force à la suite d’un crime ou d’un délit particulièrement grave, elle doit être considéré comme dangereuse pour la communauté. Le Comité note également que l’article 68, para.4 de la Loi sur les étrangers de 2005, prévoit une expulsion immédiatement exécutoire d’un étranger du territoire de l’Etat partie lorsque cet étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure. Le Comité est préoccupé du fait que l’application de l’article 68, para. 4 de la Loi sur les étrangers de 2005 peut entraîner une violation du principe de non-refoulement et n’offre pas de recours possible contre la décision. Il est également préoccupé du fait que l’article 5, para.2 de la Loi sur l’asile de 1999 va à l’encontre des obligations souscrites par l’Etat partie à l’article 3 de la Convention relatives aux principes de non-refoulement (art. 3).
L’Etat partie devrait envisager de modifier sa législation afin de permettre une évaluation du risque et prendre des mesures garantissant pour la personne expulsée en vertu de l’article 68, para. 4 de la Loi sur les étrangers de 2005 et de l’article 5, para. 2 de la Loi sur l’asile de 1999 la pleine conformité de la procédure avec l’article 3 de la Convention. Il devrait également offrir la possibilité d’un recours effectif contre la décision d’expulsion, avec un effet suspensif.
11. Le Comité note que l’initiative populaire « Pour le renvoi des étrangers criminels » en discussion au Parlement prévoit que des étrangers soient privés de leur titre de séjour et de tous les droits de séjourner en Suisse, indépendamment de leur statut, s’ils sont condamnés par un jugement entrée en force, pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction, ou s’ils ont abusivement perçu des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale. Le Comité note également que ces personnes doivent être expulsées et frappées d’une interdiction d’entrée sur le territoire allant de 5 à 15 ans, et que la marge de manœuvre des autorités doit disparaître. Le Comité note enfin que le Conseil fédéral a proposé un contre-projet et a recommandé le rejet de cette initiative, après avoir constaté sa non-conformité au droit international et à la constitution suisse. Le Comité reste néanmoins préoccupé du fait que l’application de cette initiative qui devrait être adoptée par référendum, poserait un risque sérieux de violation du principe de non-refoulement (art. 3).
L’Etat partie doit poursuivre ses efforts en vue de s’assurer que l’initiative sur « Pour le renvoi des étrangers criminels », n’enfreint pas les obligations internationales souscrites par la Suisse, notamment la Convention contre la torture, de même que l’article 25 de la constitution suisse concernant le principe de non-refoulement.
12. Le Comité prend note du fait que certaines dispositions de la Loi sur les étrangers (art. 65) régissant la procédure de refus d’entrée sur le territoire à l’aéroport prévoit qu’une décision soit rendue en 48 heures, pouvant faire l’objet d’un recours dans un délai de 48 heures dès la notification sans effet suspensif et la décision sur le recours soit rendue dans les 72 heures. Le Comité est préoccupé du fait que cette procédure accélérée et sans effet suspensif empêche un examen adéquat des motifs du recours et puisse constituer une violation au principe de non-refoulement (art.3).
L’Etat partie devrait envisager une modification de la procédure de l’article 65 de la Loi sur les étrangers afin de prolonger le délai permettant un examen substantiel des recours et l’évaluation des risques de violation du principe de non-refoulement ; et d’y prévoir un effet suspensif de ces recours.
13. Le Comité est préoccupé du fait que la Loi sur les étrangers de 2005 qui durcit les mesures de contrainte (arts. 73 à 78) liées à l’absence de l’autorisation de séjour des étrangers et étend la durée maximale de détention administrative de 12 à 24 mois, y compris pour les mineurs de 15-18 ans qui peuvent être détenus jusqu’à 12 mois, est excessive. Le Comité note que dans le cadre de la reprise par l’Etat partie de la directive sur le retour de l’Union européenne, la durée maximale de la détention administrative sera de 18 mois pour les adultes et de 9 mois pour les mineurs (art. 3).
L’État partie devrait revoir la durée maximale de la détention administrative ; y recourir dans des cas exceptionnels et en limiter la durée eu égard au principe de proportionnalité.
14. Tout en notant que les demandeurs d’asile peuvent être assistés d’un avocat dont les services sont gratuits dans le cadre de la procédure d’asile ordinaire, le Comité reste préoccupé par le fait que l’aide judiciaire gratuite peut être soumise à des restrictions lorsque les demandeurs d’asile déposent une requête dans le cadre d’un recours extraordinaire (art. 3).
L’Etat partie devrait revoir sa législation de façon à accorder gratuitement l’assistance d’un avocat aux demandeurs d’asile pendant toutes les procédures, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires.
Rapatriements et mauvais traitements
15. Tout en prenant note des mesures prises par l’Etat partie pour assurer le bon déroulement des rapatriements sous contrainte par voie aérienne, notamment la formation d’agents spéciaux, le Comité est préoccupé par la persistance d’allégations de mauvais traitements et de violences policières lors des renvois de personnes par contrainte par voie aérienne. Le Comité relève avec préoccupation que la loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (LUsC) entrée en vigueur le 1er janvier 2009 ne prévoit pas la présence d’observateurs des droits de l’homme ou de médecins indépendants lors des rapatriements forcés par voie aérienne ainsi que le Comité l’avait recommandé (CAT/C/CR/34/CHE, 2005, para. 5(b)) (arts. 2, 3 et 16).
L’État partie doit :
a) assurer la présence d’observateurs des droits de l’homme et de médecins indépendants lors des rapatriements forcés par voie aérienne.
b) prévoir une telle présence dans le projet de directives en cours d’élaboration par l’Office fédéral des migrations (ODM) concernant le recours à la contrainte par les escortes policières dans le cadre des renvois;
c) prévenir les violences policières et les mauvais traitements dont peuvent être victimes les personnes en cours de rapatriement par la contrainte, ouvrir une enquête sur les allégations, poursuivre, punir les responsables et indemniser les victimes ;
d) poursuivre la formation des agents de police et des personnes intervenants lors de ces rapatriements aux droits de l’homme et en particulier aux garanties prévues par la Convention.
16. Le Comité est très préoccupé par la mort d’un citoyen nigérian, Joseph Ndukaku Chiakwa, le 10 mars 2010 lors d’une procédure de rapatriement forcé par voie aérienne. Tout en notant qu’une enquête a été décidée par les autorités de l’Etat partie, le Comité est préoccupé par la compatibilité des mesures de contrainte édictées par l’Etat partie avec les dispositions de la Convention. Le Comité reste préoccupé par l’absence de la part de l’Etat partie d’une réponse à la demande d’indemnisation des familles des deux dernières victimes dans des affaires récentes de rapatriement forcé (arts. 2, 3 et 14).
L’Etat partie doit :
a) mener une enquête indépendante et impartiale en vue d’établir les circonstances de la mort de Joseph Ndukaku Chiakwa, déterminer les possibles responsabilités pour l’usage de la force ayant causé la mort, poursuivre et punir les responsables et offrir une indemnisation à sa famille ;
b) fournir au Comité des informations sur l’indemnisation des familles des deux dernières victimes lors des rapatriements forcés par voie aérienne ;
c) informer le Comité sur la conformité avec ses obligations internationales, et particulièrement de la Convention contre la torture, du projet de directive en cours d’élaboration par l’Office fédéral de migrations (ODM) concernant le recours à la contrainte par les escortes policières dans le cadre des renvois.
Conditions de détention
17. Le Comité prend note des informations fournies par l’Etat partie concernant les efforts qu’il entreprend et les projets visant à offrir une meilleure dignité et une meilleure sécurité aux détenus, notamment la construction en 2008 du centre de détention de la Brenaz, les projets d’agrandissement et d’extension de Champ Dollon et de la Brenaz. Cependant, le Comité relève avec préoccupation que le niveau élevé de la surpopulation carcérale à la prison de Champ Dollon et les conditions de détention dans les prisons suisses, en particulier en Suisse romande, ne sont pas adéquates ; et que la séparation entre mineurs et adultes n’est pas toujours garantie. Le Comité est enfin préoccupé par les conditions de santé et la procédure d’accès aux soins pour les détenus, notamment ceux qui présentent des pathologies psychiatriques et, en particulier, au Centre de rétention de Frambois (arts. 11 et 16).
L’État partie doit prendre des mesures immédiates pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale dans la prison de Champ Dollon et l’’amélioration des conditions de détention dans les tous les lieux de détention en Suisse. Le Comité encourage l’Etat partie à faire usage des peines alternatives et des peines non privatives de liberté et à réduire les délais de détention préventive. L’Etat partie doit également prendre des mesures visant à garantir la séparation entre mineurs et adultes et selon les régimes de détention. Il doit enfin prendre des mesures garantissant l’application de la législation et les procédures relatives à l’accès aux soins pour tous les détenus, notamment pour les détenus souffrant de problèmes psychiatriques.
18. Le Comité prend note des informations fournies par l’Etat partie concernant l’internement à vie relatives aux procédures à suivre. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait que l’article 123a de la Constitution précisé dans la loi du 1er août 2008 permet un internement à vie d’un délinquant dangereux ou sexuel jugé non amendable. Le Comité est, à ce sujet, préoccupé par les conditions de détention de tels détenus, en particulier le décès de Skander Vogt détenu dans sa cellule du quartier de sécurité renforcée des Etablissements pénitentiaires de la Plaine de l’Orbe, après avoir mis le feu à sa cellule (arts. 10, 12 et 13).
L’Etat partie devrait revoir les conditions d’application de l’article 123a de la Constitution tel que précisé dans la loi du 1er août de 2008, examiner les conditions de détention de tels détenus. L’Etat partie devrait mener une enquête prompte, indépendante, afin de dégager toutes les responsabilités dans le cas du décès de Skander Vogt, et informer le Comité des résultats de cette enquête dans son prochain rapport.
Plaintes et poursuites
19. Le Comité réitère sa préoccupation que seule une minorité de plaintes pour violences ou mauvais traitements à l’égard de la police aboutissent à des poursuites ou à des inculpations et un petit nombre encore donne lieu à des indemnisations des victimes ou de leur famille (arts. 2, 12, 13).
L’Etat partie doit de manière systématique conduire des enquêtes impartiales, approfondies et effectives sur toutes les allégations de violences par la police, poursuivre et punir les coupables à la hauteur de leurs actes. Il devrait veiller également à ce qu’une indemnisation soit fournie aux victimes ou à leurs familles. L’Etat partie devrait informer le Comité du résultat des procédures en cours.
Violence à l’égard des femmes
20. Le Comité note que le Code pénal permet de lutter contre la violence à l’égard des femmes sous les incriminations d’atteintes à l’intégrité corporelle et à la liberté (arts. 122 et suivants et art. 180) et qu’il prévoit également une poursuite d’office si l’auteur s’en prend à son conjoint ou à son partenaire. Il note également que le Code civil en son article 28b prévoit également plusieurs mesures de protection. Néanmoins, il reste préoccupé par les informations faisant état d’un nombre inacceptable d’actes de violence contre les femmes, notamment au sein de leur foyer. A ce sujet, il est préoccupé par la déclaration des autorités critiquant les interventions de la police dans des cas impliquant des personnes qui jouissent d’une protection internationale, envoyant ainsi un message contraire à la lutte contre l’impunité. Il relève aussi avec préoccupation, qu’il n’existe toujours pas une disposition spécifique dans le Code pénal visant à combattre la violence à l’égard des femmes (arts. 2 et 16).
L’Etat doit veiller à prévoir une disposition spécifique dans son Code pénal visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard des femmes. L’Etat partie doit également de développer les campagnes de sensibilisation du public au sujet de toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Il doit garantir que les victimes de violence peuvent porter plainte sans crainte de représailles, former et encourager la police à protéger les victimes de violence domestique, y compris à leurs domiciles ; et en conformité avec l’article 5 de la LAVI II. L’Etat doit ensuite fermement lutter contre l’impunité en ce qui concerne les violences domestiques, en menant des enquêtes, en poursuivant et punissant les responsables à la hauteur de leurs actes.
21. Le Comité est préoccupé du fait que les prescriptions de l’article 50 de la Loi sur les étrangers de 2005, en particulier l’obligation pour la personne concernée de prouver qu’il lui est difficile de se réinsérer dans son pays de provenance, créent, pour des femmes étrangères qui sont mariées depuis moins de trois ans avec un Suisse ou un étranger au bénéfice d’un titre de séjour d’établissement et qui sont victimes de violences, des difficultés de quitter leur conjoint et de rechercher une protection, par peur d’un non-renouvellement de leur permis de séjour (arts. 13, 14 et 16).
L’État partie devrait envisager de modifier l’article 50 de la Loi sur les étrangers afin de permettre aux femmes migrantes victimes de violences de chercher protection sans pour autant perdre leur permis de séjour en s’inspirant de l’arrêt du 4 novembre 2009 du Tribunal fédéral (ATF 136 II 1), d’après lequel « la violence conjugale ou la réintégration fortement compromise dans le pays d’origine peuvent (…) suffire isolément à admettre des raisons personnelles majeures ».
Traite des êtres humains
22. Tout en notant les mesures prises par l’Etat partie pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des fillettes, notamment à des fins d’exploitation sexuelle, le Comité est préoccupé du fait que la traite des êtres humains reste un phénomène persistant dans l’Etat partie (arts. 12, 13 et 16).
L’Etat partie doit poursuivre sa lutte contre le phénomène de traite des personnes, notamment des femmes et des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle, en adoptant une stratégie globale de lutte, en renforçant les mesures de prévention et en assurant la protection des victimes, y compris dans des cas de collaboration avec la justice. L’Etat partie doit également poursuivre et punir les responsables ; et informer le Comité sur le résultat de poursuites en cours.
Châtiments corporels
23. Tout en prenant note des informations fournies par l’Etat partie d’après lesquelles la jurisprudence du Tribunal fédéral confirme l’interdiction des châtiments corporels, y compris à des fins éducatives et, que les châtiments corporels sont couverts par l’article 126, al. 2 du Code pénal, le Comité relève avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas interdits de façon spécifique dans la législation de l’Etat partie (art. 16).
L’Etat partie devrait interdire de façon spécifique les châtiments corporels dans sa législation. En ce sens, le Comité encourage l’Etat partie à reprendre l’initiative parlementaire 06.419 Vermont-Mangold qui visait à édicter une loi qui protège les enfants des châtiments corporels et des autres atteintes à leur dignité, et abandonnée par le Parlement. Le Comité invite également l’Etat partie à mener des campagnes de sensibilisation sur les effets négatifs de la violence à l’égard des enfants, en particulier les châtiments corporels.
Disparition des mineurs non accompagnés
24. Tout en notant les informations fournies par l’Etat partie sur la procédure de protection des mineurs non accompagnés ainsi que les statistiques de mineurs prétendument disparus du territoire de l’Etat partie, le Comité est préoccupé par le phénomène de disparitions des mineurs non-accompagnés, et du risque pour ces mineurs de devenir victimes de la traite d’être humains ou d’autres formes d’exploitation (art. 16).
L’État partie doit mener une analyse approfondie sur la situation des mineurs non accompagnés et trouver des solutions adéquates de prévention contre leur disparition, améliorer leur protection, et en informer le Comité la plus rapidement possible.
25. Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, c’est-à-dire la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ; la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
26. Le Comité attire l’attention de l’Etat partie sur le fait que de nouvelles directives harmonisées pour l’établissement des rapports ont été adoptées en 2009 par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6) et l’invite à soumettre son document de base en suivant ces nouvelles directives.
26. L’État partie est encouragé à diffuser largement, en particulier dans toutes langues officielles et les cantons de l’Etat partie, le rapport qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, par le biais des sites Web officiels, des organes d’information et des organisations non gouvernementales.
27. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 8, 11, 16, 23 des présentes observations finales.
28. Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique au plus tard le 14 mai 2014.
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