Observations finales du Comité contre la Torture, Uruguay, U.N. Doc. A/52/44, paras. 81-94 (1996).
Convention Abbreviation: CAT
COMITÉ CONTRE LA TORTURE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Conclusions et recommandations du Comité contre la torture
D. Uruguay
81. Le Comité a examiné le rapport périodique de l'Uruguay (CAT/C/17/Add.16)
à ses 274e et 275e séances tenues le 19 novembre 1996 (voir CAT/C/SR.274 et
275) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes :
1. Introduction
82. Les membres du Comité se félicitent de la présentation par la délégation
uruguayenne du deuxième rapport périodique et rappellent que cet État est un
des premiers à avoir ratifié la Convention, qu'il n'a pas formulé de réserves
et qu'il a reconnu les procédures facultatives prévues aux articles 20, 21 et
22 de la Convention.
83. L'Uruguay est également partie à la Convention interaméricaine pour la prévention
et la répression de la torture.
84. Le Comité se félicite de ce que la délégation ait comporté dans ses rangs
des représentants du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire et qu'aient participé
à la préparation du rapport des institutions officielles comme la Cour suprême
de justice, le Ministère de l'éducation et de la culture et le Ministère de
l'intérieur ainsi que des organisations non gouvernementales comme Service paix
et justice et l'Institut d'études légales et sociales de l'Uruguay qui jouissent
d'un prestige légitime dans le domaine de la protection et de la promotion des
droits de l'homme. Aux yeux du Comité, cette collaboration montre bien que l'éradication
de la pratique de la torture est promue au rang de politique nationale qui doit
engager les autorités et la société tout entière.
2. Aspects positifs
85. Le rapport rend compte d'un ensemble d'initiatives qui témoignent du souci
des autorités de garantir au mieux l'harmonisation de la législation et des
procédures administratives avec les prescriptions de la Convention.
86. Parmi ces initiatives, il faut signaler les projets de loi sur les crimes
contre l'humanité, sur la création des tribunaux d'application des peines et
sur la Commission parlementaire chargée des affaires pénitentiaires.
87. Le Comité juge également positive la création de la Commission nationale
honoraire pour la réforme du Code de procédure pénale par la loi No 15.844 de
1990 et de la Commission honoraire pour l'amélioration du système pénitentiaire
par la loi No 16.707 de juillet 1995.
88. La constitution d'un groupe de travail sur le système pénitentiaire national,
composé de représentants d'organisations non gouvernementales énumérées au paragraphe
23 du deuxième rapport périodique, et qui met au point un programme systématique
de visites dans les lieux de détention mérite, de l'avis du Comité, d'être citée
en exemple. Les propositions formulées par ce groupe de travail dans une optique
pluridisciplinaire, dont rend compte le rapport, ont été, pour certaines d'entre
elles, saluées par le gouvernement et sont révélatrices du sérieux de l'engagement
de ce groupe de travail; c'est pourquoi il mérite d'être davantage soutenu par
le gouvernement et institutionnalisé.
89. En ce qui concerne l'éthique médicale, il faut souligner la création de
la Commission de l'éthique médicale et de la déontologie universitaire au sein
de la Faculté de médecine de l'Université de la République par le décret No
258/92 qui réglemente pour la première fois dans le droit interne les normes
éthiques devant régir la conduite des professionnels de la santé et l'approbation
par plébiscite par le Syndicat des médecins d'Uruguay de son code d'éthique
médicale.
3. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
90. Le Comité relève :
a) La lenteur du processus législatif d'examen et d'approbation des projets
de loi susmentionnés;
b) Le fait que la mise en oeuvre de l'accord de coopération technique conclu
entre le Centre pour les droits de l'homme et le Ministère des affaires étrangères
de l'Uruguay en 1992 a été interrompue. Les trois projets de sensibilisation
et de formation à la mise en oeuvre des instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme réalisés dans le cadre de cet accord en 1992 à l'intention
du personnel pénitentiaire, des fonctionnaires de l'appareil judiciaire et des
médecins ont été des initiatives positives et il est regrettable qu'il y ait
été mis fin.
4. Motifs de préoccupation
91. Le Comité déplore le retard pris par l'État partie pour donner effet aux
recommandations qu'il avait formulées à l'occasion de la présentation du rapport
initial de l'Uruguay. Le Comité s'inquiète particulièrement :
a) De la persistance en Uruguay de carences dans la législation qui font obstacle
à l'application intégrale des dispositions de la Convention;
b) De l'absence de toute disposition introduisant dans le droit interne une
définition du délit de torture, en des termes compatibles avec le paragraphe
1 de l'article premier de la Convention;
c) De la persistance dans le droit uruguayen de dispositions relatives à l'obéissance
à un supérieur, qui sont incompatibles avec le paragraphe 3 de l'article 2 de
la Convention.
5. Recommandations
92. Le Comité accueille avec satisfaction la série de mesures juridiques et
administratives décrites dans le rapport, qui témoignent de la volonté de l'État
partie de s'acquitter des obligations qu'il a contractées en ratifiant avec
diligence la Convention. Toutefois, il déplore l'important retard pris dans
leur mise en oeuvre effective.
93. Le Comité rappelle à l'État partie qu'il doit mener à bien les réformes
juridiques nécessaires pour rendre son droit interne conforme aux dispositions
de la Convention, en particulier en ce qui concerne la définition de la torture
en tant qu'infraction spécifique et la suppression de l'obéissance au supérieur
comme motif pouvant être invoqué pour se disculper du délit de torture.
94. De même, il prie instamment l'État partie d'améliorer les dispositions prises
en vue de prévenir l'application de la torture aux personnes privées de liberté
et de renforcer la protection pénale.