* Adoptée par le Comité à sa cinquante-sixième session (30 septembre-18 octobre 2013).
Observations finales sur les deuxièmeet troisième rapports périodiques d’Andorre*soumis en un seul document
Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques d’Andorre soumis en un seul document (CEDAW/C/AND/2-3) à ses 1165e et 1166e réunions (voir CEDAW/C/SR.1165 et 1166), le 4 octobre 2013. La liste des points et questions du Comité figure au document portant la cote CEDAW/C/AND/Q/2-3 et les réponses du Gouvernement d’Andorre figurent au document portant la cote CEDAW/C/AND/Q/2-3/Add.1.
A.Introduction
Le Comité remercie l’État partie pour ses deuxième et troisième rapports périodiques soumis en un seul document, tout en relevant que les données ne sont pas ventilées par sexe sur la situation des femmes dans de nombreux domaines visés par la Convention. Le Comité remercie également l’État partie pour ses réponses écrites à la liste de points et questions soulevés par son groupe de travail d’avant-session. Il se félicite de la présentation orale faite par la délégation et des précisions apportées en réponse aux questions posées oralement par le Comité.
Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, dirigée par le Chef du service d’attention sociale primaire au Ministère de la santé et du bien-être social, Joan Carles Villaverde, et qui comprenait également des représentants du Ministère de la justice et de l’intérieur, du Bureau du Procureur général, du Ministère de l’éducation et de la jeunesse, de la Mission permanente d’Andorre auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève et du parlement d’Andorre. Le Comité se félicite du dialogue constructif qui s’est instauré entre la délégation et le Comité.
B.Aspects positifs
Le Comité félicite l’État partie du niveau élevé de la participation des femmes au parlement, qui a atteint la parité en 2011, et salue la création d’un caucus de femmes parlementaires.
Le Comité prend note avec satisfaction des amendements adoptés le 3 novembre 2004 à la Loi sur le mariage qualifié, qui suppriment l’obligation pour les femmes veuves et divorcées d’attendre 300 jours avant de se remarier, tel que recommandé par le Comité dans ses précédentes observations finales (A/56/38, par. 47).
Le Comité se félicite de l’adoption du Code des relations du travail (2009), qui interdit la discrimination fondée sur le sexe.
Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des traités suivants relatifs aux droits de l’homme depuis l’examen de son précédent rapport :
a)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2002);
b)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (2006);
c)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2006);
d)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2006);
e)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2006);
f)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2006);
g)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2011).
C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Parlement
Tout en réaffirmant que le Gouvernement a la responsabilité principale de la pleine mise en œuvre des obligations de l’État partie en vertu de la Convention, le Comité souligne que la Convention est contraignante pour toutes les branches du Gouvernement et invite l’État partie à encourager le Parlement, conformément à ses procédures et, le cas échéant, à prendre les mesures nécessaires s’agissant de la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la prochaine période de rapport en vertu de la Convention. Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité.
Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas accordé à la Convention et au Protocole facultatif s’y rapportant la visibilité et l’importance nécessaires, comme en témoignent l’absence d’informations sur ces instruments sur les sites Web officiels, le fait qu’ils ne figurent pas comme matières spécifiques dans les programmes de formation destinés aux juristes et l’absence de jugement faisant directement référence à la Convention. Le Comité est également préoccupé par le fait que les femmes ignorent les droits que leur reconnaît la Convention.
Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant et de veiller à ce que la Convention, le Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité, ainsi que les constatations adoptées concernant des communications individuelles, fassent partie intégrante de la formation professionnelle des juges, des procureurs, des avocats et des membres de la police. Il recommande également que l’État partie informe les femmes des droits que leur reconnaît la Convention et les informe des communications et des procédures d’enquête prévues par le Protocole facultatif.
Organisations non gouvernementales
Le Comité note avec préoccupation que les organisations féminines n’ont participé ni à l’établissement des deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie soumis en un seul document, ni à la réunion d’information publique informelle qui s’est tenue devant le Comité.
Le Comité prie instamment l’État partie de renforcer sa collaboration avec les associations de femmes et de soutenir leurs initiatives tendant à mettre en œuvre la Convention. Il invite également l’État partie à faire participer la société civile, en particulier les organisations de femmes, à l’élaboration de son prochain rapport périodique et à promouvoir leur participation aux travaux du Comité.
Statut juridique de la Convention et mécanismes de plainte en justice
Le Comité note que l’article 6 de la Constitution de l’État partie comprend une définition de la discrimination qui est conforme à l’article premier de la Convention, mais il est préoccupé par l’absence de loi générale sur l’égalité de genre qui continue à faire obstacle à l’application effective du principe de non-discrimination et d’égalité entre les femmes et les hommes. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanismes de plainte en justice permettant de protéger les femmes des formes de discrimination fondées sur le sexe et d’autres facteurs en vertu de la Convention.
Le Comité recommande que l’État partie adopte une loi générale antidiscriminatoire sur l’égalité entre les hommes et les femmes qui soit conforme aux dispositions de la Convention. Il recommande également que l’État partie veille à ce que les femmes aient effectivement accès à des recours en justice pour porter plainte pour discrimination et pour d’autres violations de leurs droits, notamment en accordant une aide juridictionnelle aux femmes n’ayant pas suffisamment de moyens et en renforçant le mandat du Médiateur afin qu’il reçoive et examine les plaintes concernant la discrimination à l’égard des femme. Il recommande à l’État partie de mener des études susceptibles d’expliquer l’accès limité qu’ont les femmes à la justice.
Mécanisme national de promotion de la condition de la femme
Le Comité note que le Ministère de la santé et du bien-être social coordonne toutes les politiques relatives à l’égalité et à la non-discrimination, mais il est préoccupé par la restructuration permanente du mécanisme national de promotion de la condition féminine et l’absence de mécanisme de coordination avec les autres organes traitant des questions intéressant les femmes, ainsi que par l’absence de stratégie nationale visant à intégrer la Convention dans l’ensemble de la législation nationale et des politiques publiques. À ce sujet, le Comité note que le Plan national d’action pour l’égalité (PANI) ne couvre pas tous les domaines visés par la Convention et que son évaluation a été retardée.
Conformément à sa Recommandation générale no 6 sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, le Comité recommande à l’État partie :
a)De doter ses institutions et organismes locaux et centraux tels que le Ministère de la santé et du bien-être social, le Conseil d’évaluation de la santé et du bien-être, ainsi que les conseils paroissiaux de ressources humaines, techniques et budgétaires suffisantes, en vue de parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes;
b)D’envisager d’adopter un plan d’action national sur l’égalité entre les hommes et les femmes, assorti d’échéances et couvrant tous les domaines visés par la Convention; et
c)De procéder à l’évaluation du Plan national d’action pour l’égalité, en coopération avec la société civile, en particulier avec les organisations de femmes, et de diffuser largement et inclure dans son prochain rapport périodique les informations sur les résultats de cette évaluation.
Mesures temporaires spéciales
Le Comité reconnaît que les mesures de sensibilisation et l’organisation de campagnes d’éducation axées sur les droits des femmes et l’égalité entre les hommes et les femmes sont des outils importants pour lutter contre les inégalités, mais il se dit préoccupé par l’absence de mesures temporaires spéciales dans l’État partie visant à instaurer une égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention.
Le Comité demande à l’État partie de familiariser tous les fonctionnaires concernés avec la notion de mesures temporaires spéciales, compte tenu du fait que ces mesures constituent des moyens appropriés pour accélérer l’instauration de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes. Il encourage l’État partie à adopter des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, dans l’interprétation qu’en donne la Recommandation générale n° 25 du Comité, dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées.
À cet effet, il recommande à l’État partie :
a)D’allouer des ressources, dans les domaines selon que de besoin, afin d’accélérer la promotion de la femme; et
b)De fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures temporaires spéciales adoptées eu égard à diverses dispositions de la Convention et sur l’impact de ces mesures.
Stéréotypes
Le Comité se dit préoccupé par la persistance de stéréotypes traditionnels et d’attitudes patriarcales concernant le rôle des femmes dans la famille et dans la société (A/56/38, par. 38-par. 39). Il note aussi avec préoccupation que ces stéréotypes empêchent les femmes de participer sur un pied d’égalité aux processus de prise de décisions et peuvent contribuer à la violence contre les femmes.
Le Comité prie instamment l’État partie :
a)D’adopter une politique globale assortie de mesures dynamiques et soutenues visant les femmes et les hommes, les filles et les garçons, afin d’éliminer les stéréotypes traditionnels et les attitudes patriarcales concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, et d’associer le système éducatif, la société civile, l’église et les médias, en particulier les outils Internet, à l’élaboration et à l’application de cette politique;
b)De mettre en place un mécanisme chargé de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de campagnes publiques et médiatiques visant à surmonter les stéréotypes sexistes, notamment au moyen d’études et d’enquêtes, de forums de discussion et de processus de consultation utilisant Internet.
Violence à l’égard des femmes
Le Comité note que l’État partie est en train d’élaborer une loi sur la violence à l’égard des femmes, mais il demeure préoccupé par :
a)L’absence d’interdiction de toutes les formes de violence contre les femmes et l’inexistence de mécanismes de recours pour les femmes victimes de violence;
b)Le faible nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations visant les auteurs de violence, malgré la forte hausse du nombre des cas de violence contre les femmes et l’existence d’un mécanisme permettant de prendre des mesures d’éloignement afin de protéger les femmes exposées à la violence;
c)Le nombre excessivement élevé de femmes migrantes qui sont victimes de violences selon les statistiques officielles; et
d)L’absence d’informations sur les fonds alloués aux foyers d’accueil pour victimes et sur les protocoles adaptés aux besoins des femmes permettant de prendre en charge les victimes et d’auditionner les témoins pendant les enquêtes sur les cas de violence visant les femmes.
Le Comité prie instamment l’État partie :
a)De faire adopter une loi générale destinée à prévenir et combattre toutes les formes de violence contre les femmes;
b)De modifier le Code pénal afin d’y faire figurer une définition selon laquelle sont érigées en infractions toutes les formes de violences contre les femmes, y compris la violence sexuelle et le harcèlement, et mettre en place des mesures visant à assurer aux victimes des voies de recours;
c)De renforcer son action visant à prévenir la violence contre les femmes, notamment en menant des campagnes de sensibilisation et d’éducation afin d’informer les femmes et les filles de leur droit d’être à l’abri de la violence, ainsi que de les informer de l’aide et des recours juridiques à la disposition des victimes;
d)De fournir une assistance adéquate aux femmes victimes de violence, y compris aux femmes migrantes, et de veiller à ce que les victimes aient l’accès voulu à des recours juridiques tels que les mesures d’éloignement ainsi qu’à des foyers d’accueil et à une aide médicale et psychosociale, en coopération avec les ONG;
e)D’allouer un financement public aux foyers d’accueil gérés par des ONG;
f)De dispenser aux membres de la police une formation à des méthodes d’enquête sur les cas de violence contre les femmes adaptées à ces dernières et de fournir aux victimes des conseils différenciés en fonction de l’âge, et tenant compte de leur situation socioéconomique; et
g)D’accélérer la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution
Le Comité note avec inquiétude les lacunes dans les informations fournies sur les cas de traite des femmes et de prostitution forcée dans l’État partie, ainsi que l’absence de mesures visant à identifier les victimes potentielles et à les informer des risques inhérents à ces pratiques d’exploitation. Il note également avec préoccupation que le Code pénal n’érige pas expressément en infractions la traite des êtres humains, en particulier celle des femmes et des filles, ni la prostitution forcée. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de mesures législatives et de politiques visant à combattre la traite des femmes et des filles, alors que l’État partie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
Le Comité demande à l’État partie :
a)De mener des enquêtes sur la traite des femmes et des filles et de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur l’ampleur de la traite des êtres humains dans l’État partie;
b)D’adopter un plan d’action national contre la traite des êtres humains, en particulier celle des femmes et des filles, assorti notamment de stratégies de prévention de la traite des êtres humains et de la prostitution forcée, de mesures visant à identifier les victimes de la traite et de mécanismes destinés à les protéger et à leur apporter une aide et une réparation appropriées;
c)De mener des campagnes de sensibilisation au sujet du caractère criminel et des risques liés à la traite des êtres humains et à la prostitution forcée des femmes et des filles;
d)De modifier le Code pénal afin d’ériger expressément en infractions la traite des êtres humains, en particulier celle des femmes et des filles, et la prostitution forcée; et
e)De renforcer les mécanismes de coopération bilatérale et régionale afin de prévenir la traite des femmes et des filles, de protéger les victimes et de poursuivre les trafiquants, dans le cadre des traités régionaux existants.
Participation à la vie publique et à la vie politique
Le Comité note que la parité a été atteinte dans l’État partie entre les hommes et les femmes au Parlement, mais relève que les femmes continuent d’être sous-représentées dans les organes législatifs au niveau local, dans les postes de responsabilité au Gouvernement et dans l’administration publique et dans l’appareil judiciaire. Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures spécifiques, notamment des mesures temporaires spéciales, visant à faire en sorte que les femmes puissent participer sur un pied d’égalité avec les hommes à la vie politique et à la vie publique.
Conformément à la Recommandation générale no 23 sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie :
a)D’adopter des mesures temporaires spéciales visant à promouvoir la participation des femmes à la vie politique et leur présence à des postes de direction, et de faire en sorte que ces mesures soient mises en œuvre rapidement;
b)De prévoir des mesures d’incitation pour que les partis politiques désignent un nombre égal de femmes et d’hommes comme candidats et de renforcer les programmes de formation et de tutorat ciblés concernant les fonctions de direction et de négociation pour les femmes candidates actuelles et potentielles;
c)De dispenser une formation aux femmes et de renforcer leurs capacités pour leur permettre d’entrer dans la fonction publique et d’intensifier les campagnes de sensibilisation à l’importance de la pleine participation des femmes à la vie politique et publique, dans des conditions d’égalité, notamment par des activités s’adressant aux dirigeants des partis politiques;
d)D’évaluer périodiquement la représentation des femmes aux postes de rang supérieur dans l’administration publique afin d’identifier les obstacles à leur participation dans des conditions d’égalité et à les supprimer; et
e)De dispenser une formation à la classe politique, aux journalistes, aux enseignants et aux fonctionnaires des organes locaux, en particulier aux hommes, afin de mieux leur faire comprendre le droit qu’ont les femmes de participer dans des conditions d’égalité à la vie politique et publique.
Éducation
Le Comité est préoccupé par :
a)L’absence de données statistiques à jour, ventilées par sexe et par âge, sur les taux de scolarisation, d’achèvement des études, de redoublement et d’abandon scolaire à tous les niveaux d’enseignement;
b)Le faible pourcentage de femmes inscrites dans les filières d’études traditionnellement dominées par les hommes telles que les mathématiques, l’informatique, les sciences naturelles et la technologie (MINT);
c)L’absence de formation concernant les droits des femmes dispensée aux enseignants et l’absence de prise en compte des droits de l’homme dans les programmes scolaires et dans les programmes universitaires pour traiter des relations hommes-femmes;
d)L’absence d’éducation à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, et d’éducation en matière de comportement sexuel responsable à l’intention des filles et des garçons, y compris des informations sur l’utilisation de la contraception; et
e)L’écart considérable qui existe entre les filles et les garçons handicapés pour l’accès à l’éducation et l’absence d’initiative visant à combattre les préjugés et les stéréotypes auxquels ils sont victimes à l’école.
Le Comité recommande à l’État partie :
a)De mettre en place un système de collecte de données statistiques, ventilées par sexe et par âge, sur l’accès des femmes et des filles à l’éducation;
b)De mettre en place une stratégie visant à accroître le nombre des femmes inscrites dans l’enseignement et la formation professionnels et des femmes inscrites dans les filières d’études traditionnellement dominées par les hommes, grâce à l’orientation professionnelle et à des mesures encourageant les filles à choisir des carrières non traditionnelles;
c)De faire en sorte que les droits des femmes figurent dans les programmes scolaires, les programmes universitaires et la formation professionnelle des enseignants de manière à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes;
d)D’intégrer dans les programmes scolaires une éducation à la santé sexuelle et reproductive et aux droits en la matière qui soit adaptée à l’âge, y compris une éducation à un comportement sexuel responsable; et
e)De veiller à ce que les filles et les garçons handicapés aient accès à l’éducation inclusive et de combattre la discrimination que subissent les écolières en raison de leur sexe et de leur handicap.
Emploi
Le Comité se dit préoccupé par :
a)Le fait qu’Andorre n’est pas un État membre de l’Organisation internationale du Travail et qu’elle n’a pas ratifié les conventions fondamentales de l’OIT garantissant des normes minimales du travail pour les femmes et les hommes;
b)L’absence de dispositions spécifiques dans la législation de l’État partie destinées à garantir l’égalité de traitement et de possibilités aux femmes et aux hommes dans l’emploi;
c)L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, notamment dans le secteur du travail domestique;
d)L’absence de loi sanctionnant expressément le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;
e)Les obstacles auxquels se heurtent les femmes handicapées pour accéder à une formation professionnelle et au marché du travail; et
f)L’absence d’informations sur la situation des travailleuses migrantes sur le lieu de travail, sur la possibilité pour elles de recevoir une protection contre les risques sur le lieu de travail, la sécurité au travail et les mécanismes susceptibles de les protéger contre des salaires inférieurs et contre les licenciements abusifs.
Le Comité recommande à l’État partie :
a)D’adhérer à l’Organisation internationale du Travail et de ratifier les conventions fondamentales de l’OIT, en particulier la Convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, la Convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et la Convention (no 156) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981;
b)D’adopter un cadre législatif et des mesures concrètes afin de reconnaître le principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale et d’adopter des politiques, notamment des mesures temporaires spéciales, assorties d’échéances et d’indicateurs afin de parvenir à une égalité véritable entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, d’éliminer la ségrégation professionnelle et de combler les écarts salariaux entre hommes et femmes;
c)D’élaborer et de mettre en œuvre des mesures visant à permettre aux femmes et aux hommes de concilier travail et vie de famille notamment en instaurant un congé parental rémunéré;
d)D’adopter des mesures afin de réglementer et de suivre la situation des femmes employées domestiques et de faire en sorte que des mécanismes de plainte et d’autres recours leur soient ouverts;
e)D’interdire le harcèlement sexuel, de former et de sensibiliser les inspecteurs du travail à l’exploitation sur le lieu de travail, et de poursuivre et sanctionner les délinquants;
f)De faire en sorte que les femmes handicapées aient accès à l’emploi en leur assurant une formation professionnelle adaptée et une information accessible concernant les possibilités d’emploi, notamment d’emploi indépendant; et
g)De veiller à ce que le Code des relations du travail (2008) s’applique aux travailleuses migrantes, notamment aux employées domestiques, et de veiller à ce qu’elles aient accès à des procédures de plainte en justice pour protéger leurs droits, conformément aux critères énoncés dans la Recommandation générale no 26 du Comité concernant les travailleuses migrantes.
Santé
Le Comité note avec préoccupation :
a)La criminalisation de l’avortement, dans les cas où la vie ou la santé de la femme enceinte sont menacées;
b)L’interprétation du droit à la vie dans la Constitution comme une limitation des droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive;
c)L’absence de mesures et de programmes spécifiques donnant accès aux méthodes modernes de contraception et à l’information sur leur utilisation, ainsi que sur la prévention des grossesses non désirées et de la mortalité maternelle;
d)L’obligation d’avoir une résidence légale effective dans l’État partie pour avoir accès aux services de santé gratuits, ce qui empêche les femmes et les filles migrantes d’avoir accès à de tels services; et
e)L’absence d’information sur les programmes adaptés aux besoins des femmes visant à prévenir le VIH/sida, en particulier ceux qui s’adressent aux groupes de femmes défavorisées et marginalisées tels que les travailleuses du sexe et les femmes migrantes.
Conformément à la Recommandation générale no 24 sur les femmes et la santé, le Comité demande à l’État partie :
a)De dépénaliser l’avortement et de permettre l’accès à l’avortement légal dans les cas de menace pour la vie ou la santé de la femme enceinte, de viol, d’inceste et de malformation fœtale;
b)De faire en sorte que les femmes aient accès à un coût abordable aux méthodes modernes de contraception, et leur dispenser une éducation sur les risques liés aux grossesses précoces et aux maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH/sida;
c)De faire en sorte que toutes les femmes et les filles migrantes aient accès à un coût abordable au système de soins de santé et d’envisager de modifier la législation restreignant l’accès aux soins de santé sur la base de la résidence légale; et
d)De concevoir et de mettre en œuvre des programmes adaptés aux femmes visant à prévenir le VIH/sida, et d’inclure dans ces stratégies les groupes de femmes défavorisées et marginalisées tels que les prostituées et les femmes migrantes.
Femmes migrantes
Le Comité réitère sa préoccupation au sujet de l’absence d’information concernant le statut et la situation des travailleuses migrantes dans l’État partie
Le Comité recommande à l’État partie :
a)De mener une étude exhaustive sur la situation des femmes migrantes, de mettre en place un système de collecte d’informations ventilées sur les femmes migrantes, et de faire figurer ces informations dans son prochain rapport périodique;
b)D’envisager d’accéder à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967;
c)D’adopter un cadre législatif traitant des droits et des besoins des travailleuses migrantes et des femmes demandeuses d’asile, y compris des mesures pour protéger toutes les femmes migrantes du refoulement; et
d)D’envisager de modifier sa législation en vue de reconnaître les droits fondamentaux des femmes migrantes.
Autonomisation économique, prestations sociales et économiques
Le Comité relève l’écart entre les femmes et les hommes en matière de propriété privée et observe que l’État partie n’a pas de stratégies visant à améliorer la situation économique des femmes entrepreneurs.
Le Comité recommande que l’État partie envisage d’appliquer des mesures temporaires spéciales à caractère économique afin de développer et de renforcer la capacité des femmes entrepreneurs, en particulier des jeunes femmes désireuses de diriger leur propre affaire.
Égalité dans le mariage et relations familiales
Le Comité est préoccupé par le fait que l’âge minimum du mariage est de 14 ans pour les filles et les garçons. Il relève la lenteur des progrès réalisés dans la mise en œuvre du cadre législatif (loi qualifiée 21/2005) qui accorde des droits économiques aux femmes engagées dans une union conjugale stable.
Le Comité recommande à l’État partie de relever l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons. Il recommande aussi à l’État partie de mettre en œuvre la loi qualifiée 21/2005 accordant des droits économiques aux femmes engagées dans une union conjugale stable, conformément à la Recommandation générale no 29 du Comité sur les conséquences économiques du mariage, les relations familiales et leur dissolution, et à l’article 16 de la Convention.
Déclaration et Programme d’action de Beijing
Le Comité demande à l’État partie d’appliquer la Déclaration et Programme d’action de Beijing dans ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.
Diffusion et mise en œuvre
Le Comité rappelle l’obligation de l’État partie d’appliquer systématiquement et en permanence les dispositions de la Convention. Il demande à l’État partie d’accorder la priorité à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande, par conséquent, que les présentes observations finales soient diffusées de façon opportune, dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques concernées à tous les niveaux, en particulier le Gouvernement, les ministères, le parlement et le pouvoir judiciaire, pour permettre leur pleine application. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, telles que les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et de femmes, les universités et les instituts de recherche et les médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées sous une forme appropriée au niveau de la communauté locale afin de permettre leur mise en œuvre. De plus, le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser la Convention, le Protocole facultatif s’y rapportant et la jurisprudence pertinente, ainsi que les recommandations générales du Comité, à tous les intervenants.
Ratification d’autres traités
Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permettrait d’améliorer la jouissance par les femmes de leurs droits de l’homme et des libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage, à cet égard, l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et son Protocole facultatif; le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; la Convention relative aux droits de l’enfant; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Suivi des observations finales
Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans les deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour appliquer les recommandations visées aux paragraphes 22 et 32 ci-dessus.
Élaboration du prochain rapport
Le Comité invite l’État partie à soumettre son quatrième rapport périodique d’ici à octobre 2017
Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées de rapport en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris les directives sur un document de base commun et les documents ciblés spécifiques (HRI/MC/2006/3 et Corr.1)