273. Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de l'Argentine (CEDAW/C/ARG/2 et Add.1 et 2 et CEDAW/C/ARG/3) à ses 355e et 356e séances, le 22 juillet 1997 (voir CEDAW/C/SR.355 et 356).
274. En présentant les rapports, la représentante de l'Argentine a indiqué que son pays avait connu une transformation profonde depuis l'entrée en fonctions du nouveau Gouvernement argentin en 1989. La responsabilité des programmes en matière de santé, d'éducation et d'aide sociale avait été transférée aux provinces en vue de renforcer le système fédéral.
275. La réforme de la Constitution nationale en 1994 avait marqué une étape importante sur la voie conduisant à l'égalité des femmes en Argentine. La plupart des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, jouissaient désormais d'un statut constitutionnel, et leurs dispositions venaient donc s'ajouter aux droits garantis par la Constitution. En outre, la nouvelle Constitution encourageait l'action positive en faveur des femmes afin que puisse s'instaurer une véritable égalité tant de droit que de fait. Elle réaffirmait aussi la nécessité de mettre en place des mesures de protection spéciales s'appliquant aux femmes durant la grossesse et la période d'allaitement.
276. La représentante a indiqué que le Conseil national de la femme avait mis en place un système rigoureux de surveillance de l'application de la loi sur les quotas, qui avait même conduit à intenter des actions en justice pour exiger que les partis politiques qui ne respecteraient pas les dispositions de cette loi soient déclarés non officiels.
277. La représentante a souligné le rang élevé qu'occupait le Conseil national de la femme, lequel se situait au niveau ministériel et faisait directement rapport au Président. Le Conseil avait récemment entrepris un processus de décentralisation visant à renforcer ses structures au niveau des provinces. Jusqu'ici, des conseils de la femme avaient été établis dans 9 des 24 provinces du pays. Le Conseil national assurait aussi une aide technique et une formation destinées à appuyer ses structures au niveau des provinces.
278. En ce qui concerne la situation des femmes sur le marché du travail, le Conseil national de la femme oeuvrait en étroite collaboration avec le Ministère du travail et de la sécurité sociale pour promouvoir les droits de la main-d'oeuvre féminine.
279. Pour assurer la diffusion d'informations sur les droits des femmes, le Conseil national de la femme avait distribué 35 000 exemplaires gratuits d'une revue bimensuelle et un CD-ROM présentant des informations sur la législation nationale et internationale concernant les femmes, y compris la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et le Programme d'action de Beijing.
280. La représentante a fait part au Comité des mesures qui avaient été prises pour prévenir la violence au sein de la famille et pour aider les victimes. Des centres spéciaux d'information et de conseil ainsi que des permanences téléphoniques avaient été mis en place. Le Conseil national de la femme, en collaboration avec le Ministère de la justice, avait proposé un programme de formation à l'intention des conseillers et autres responsables appelés à s'occuper des victimes de la violence. En collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Conseil avait lancé un programme national de formation visant à combattre la violence contre les femmes.
281. La représentante a indiqué que les femmes, à tous les niveaux d'enseignement, représentaient plus de 50 % des élèves. Le Ministère de l'éducation et de la culture avait créé une entité spécialement chargée des questions intéressant les femmes. Ses activités consistaient notamment à revoir les programmes d'enseignement, à assurer une formation au personnel enseignant dans les provinces et à organiser un concours de recherche sur les femmes dans l'enseignement.
282. La représentante a indiqué que la santé des femmes s'était améliorée au cours de la dernière décennie. L'espérance de vie des femmes dépassait de plus en plus celle des hommes, tandis que les taux de mortalité maternelle avaient diminué. Le Ministère de la santé avait lancé des programmes de formation destinés à promouvoir la santé des femmes.
283. Pour aider les femmes vivant en milieu rural, un projet prévoyant d'assurer une formation et d'accorder des facilités de crédit aux agricultrices avait été lancé en 1989.
284. Le Secrétariat aux ressources naturelles s'était engagé à intégrer la notion d'égalité des sexes dans tous ses projets et programmes, conformément aux recommandations du Programme d'action de Beijing.
285. La représentante a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour assurer la pleine application du système intégré de retraites et de pensions pour les femmes au foyer, approuvé par la loi No 24.828. De plus, des projets de loi visant à réglementer les relations entre les employés de maison et leurs employeurs et le régime de retraite applicable aux employés de maison avaient été présentés au Congrès national.
286. La représentante a conclu en déclarant que des mesures juridiques visant à assurer que les femmes perçoivent la pension alimentaire qui leur était due étaient en cours de préparation; un projet de loi prévoyant de dresser une liste nationale des personnes en défaut de paiement de pension alimentaire avait d'ores et déjà été approuvé par la Chambre des représentants, en attendant de l'être par le Sénat.
Conclusions du Comité
Introduction
287. Le Comité a pris note avec satisfaction des réponses détaillées que le Gouvernement argentin avait fournies à toutes les questions qui lui avaient été envoyées à l'avance, ainsi que de la mise à jour des informations contenues dans les deuxième et troisième rapports périodiques que la délégation avait fournie lorsqu'elle a présenté ces rapports.
288. Le Comité a noté avec une grande satisfaction que la délégation avait réaffirmé la position du Gouvernement argentin qui, dans le cadre du processus de démocratisation, s'était déclaré fermement résolu à continuer à élaborer une idéologie politique favorable à l'égalité des femmes et à assurer la pleine application de la Convention.
Aspects positifs
289. Le Comité s'est félicité de la consolidation de la démocratie en Argentine.
290. Le Comité a félicité le gouvernement d'avoir reconnu la valeur constitutionnelle de la Convention.
291. Le Comité a noté avec satisfaction que la Constitution reconnaissait le fait que le Congrès national avait pour attribution de légiférer et promouvoir des mesures positives garantissant l'égalité réelle de chances et de traitement.
292. Le Comité s'est félicité de l'augmentation du nombre de femmes députées, suite à l'application de la loi sur les quotas.
293. Le Comité a noté avec satisfaction que la Constitution reconnaissait le droit des victimes, du Médiateur et des associations de former rapidement un recours en amparo en cas d'acte ou d'omission portant atteinte aux droits inscrits dans la Constitution.
294. Le Comité a également pris note avec satisfaction de la création du Conseil fédéral de la femme et du Conseil national de la femme, tous deux chargés de promouvoir et de coordonner les politiques en faveur de la parité.
Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention
295. Le Comité s'est déclaré préoccupé par les répercussions, sur les femmes, des réformes économiques et des modifications apportées récemment à la législation du travail et aux lois relatives à la sécurité sociale.
296. Le Comité a noté avec préoccupation que les stéréotypes concernant le rôle des hommes et des femmes dans la société perduraient.
Principaux sujets de préoccupation
297. Le Comité a noté que le Code pénal devait toujours être révisé pour tenir compte de la Convention.
298. Le Comité a noté avec préoccupation que les femmes étaient toujours peu nombreuses dans les filières techniques.
299. Le Comité s'est déclaré préoccupé de ce que les rapports du Gouvernement argentin ne donnent ni chiffres, ni explication au sujet de la traite et de l'exploitation des femmes à des fins de prostitution.
300. Le Comité a noté avec préoccupation que peu de femmes faisaient partie de la direction des entreprises privées.
301. Le Comité a noté avec préoccupation que le taux de chômage des femmes était élevé : 20,3 % contre 15,7 % pour les hommes, soit une différence de près de 5 %.
302. Le Comité a noté avec préoccupation qu'il n'existait pas de texte réglementant les relations entre les employés de maison et leurs employeurs.
303. Le Comité s'est déclaré préoccupé de ce que dans les entreprises privées, le harcèlement sexuel n'était pas puni par la loi.
304. Le Comité a noté avec préoccupation qu'en dépit du niveau de développement économique et social du pays, la mortalité et la morbidité maternelles dues aux accouchements et aux avortements demeuraient élevées en Argentine.
305. Le Comité a noté avec préoccupation que dans les zones rurales, les conditions de vie des femmes étaient moins satisfaisantes que dans les zones urbaines.
Suggestions et recommandations
306. Le Comité a recommandé que le Code pénal soit révisé au plus tôt pour tenir compte des dispositions de la Convention, de ses recommandations générales et de la Convention interaméricaine sur la prévention, la punition et l'élimination de la violence contre les femmes.
307. Le Comité a suggéré que les programmes du Gouvernement en faveur de la parité soient poursuivis et renforcés et leurs résultats évalués de façon plus systématique. Il conviendrait de rendre compte des efforts menés à cet égard dans le prochain rapport périodique.
308. Le Comité a recommandé que les programmes destinés à éliminer les stéréotypes concernant le rôle des femmes et des hommes dans la société soient poursuivis et renforcés. Ils devraient notamment avoir pour but d'encourager davantage de femmes à faire des études techniques et à occuper des emplois considérés comme étant réservés aux hommes, et d'inciter les hommes à partager avec les femmes l'éducation des enfants.
309. Le Comité a recommandé que les services de garde des enfants en bas âge pour lesquels la scolarité n'est pas encore obligatoire soient multipliés et renforcés.
310. Le Comité a suggéré que les programmes de sensibilisation des forces de police, des magistrats et des professionnels de la santé au grave problème que constitue la violence contre les femmes, sous toutes ses formes, soient poursuivis et renforcés.
311. Le Comité a demandé au Gouvernement argentin d'inclure dans son prochain rapport des informations d'ordre juridique et sociologique sur l'article 6 de la Convention.
312. Le Comité a demandé au Gouvernement argentin de lui donner des précisions sur les mesures adoptées dans les secteurs public et privé pour éliminer la discrimination dans le domaine de l'accès à l'emploi et pour appliquer les Conventions Nos 100 et 156 de l'Organisation internationale du Travail (OIT) concernant respectivement l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour ce travail de valeur égale et les travailleurs qui ont des responsabilités familiales.
313. Le Comité a suggéré que les relations entre les employés de maison et leurs employeurs soient réglementées.
314. Le Comité a recommandé que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail dans le secteur privé soit puni par la loi.
315. Le Comité a suggéré que, conformément à sa recommandation générale 17 (dixième session)2 et au Programme d'action de Beijing, le Gouvernement argentin reconnaisse la valeur du travail non rémunéré et en tienne compte dans la comptabilité nationale par le biais de comptes satellites.
316. Le Comité a recommandé que des données ventilées par sexe plus complètes soient établies sur l'enseignement, l'emploi, la sécurité sociale et indique notamment le nombre d'enseignants dans les différents cycles du système d'enseignement; le nombre d'étudiants boursiers; le nombre de travailleurs à temps partiel; le nombre de titulaires de contrats à durée indéterminée et déterminée; le salaire moyen; le montant moyen de la pension de retraite.
317. Le Comité a recommandé que les programmes de promotion de l'emploi en faveur des femmes et en particulier des femmes jeunes soient intensifiés.
318. Le Comité a suggéré que davantage de mesures de tout type soient adoptées pour réduire la mortalité et la morbidité maternelles.
319. Le Comité a recommandé que les lois prévoyant des poursuites contre les femmes qui ont recours à l'avortement soient revues.
320. Le Comité a recommandé que les programmes et services destinés aux femmes rurales soient renforcés.
321. Le Comité a invité le Gouvernement argentin à donner un grand retentissement aux présentes conclusions dans tout le pays, de façon à faire connaître à la population les mesures qui ont été prises pour appliquer la Convention et celles qui restent à prendre pour assurer l'égalité des femmes dans la pratique.